Les corsaires reviennent à la mode. Je ne parle pas des pantalons courts pour l’été mais des collègues de Surcouf ou Jean Bart. En février, Tim Burchett, sénateur républicain du Tennessee, a déposé un projet de loi afin d’autoriser le Président Trump à avoir recours à des corsaires pour éradiquer les cartels de la drogue mexicains. Le texte lui permettait d’émettre des « lettres de marque et de représailles » contre eux, c’est-à-dire de sous-traiter à des personnes privées ou des entreprises de services de sécurité et de défense, la capture, l’élimination ou la saisie des biens des barons de la drogue à l’étranger. [...]
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00:00Les corsaires reviennent à la mode.
00:10Je ne parle pas des pantalons courts pour l'été,
00:13mais des collègues de Surcouf ou de Jambard.
00:16En février, Tim Burchett, sénateur républicain du Tennessee,
00:20a déposé un projet de loi afin d'autoriser le président Trump
00:24à avoir recours à des corsaires pour éradiquer les cartels de la drogue mexicain.
00:28Le texte lui permettait d'émettre ce qu'on appelle des lettres de marque et de représailles contre eux,
00:35c'est-à-dire de sous-traiter à des personnes privées ou des entreprises de services de sécurité et de défense
00:40la capture, l'élimination ou la saisie des biens des barons de la drogue à l'étranger.
00:47Après les attentats du 11 septembre 2001, l'administration Bush avait déjà voulu faire voter une loi
00:52pour autoriser le département d'État à octroyer, sans attendre l'aval du Congrès,
00:56des lettres de marque pour faire la chasse aux terroristes.
01:00En 2008, le Congrès avait aussi voulu mandater une société privée
01:04pour s'attaquer aux pirates somaliens au large de la côte est de l'Afrique.
01:10Mais ces textes légaux aux États-Unis n'ont jamais été votés.
01:14Il faut bien comprendre la différence entre les corsaires et les pirates.
01:18Les corsaires sont mandatés par un pouvoir politique,
01:20grâce à cette fameuse lettre de marque et de représailles,
01:24alors que les pirates agissent en dehors de tout cadre légal et peuvent finir pendus.
01:30En temps de guerre, les corsaires qui pillaient les navires partageaient le butin avec l'État.
01:34C'est pourquoi certains d'entre eux sont devenus de véritables héros nationaux.
01:38Quand on entend les déclarations de Donald Trump, on peut se demander
01:41si le XXIe siècle n'est pas de toute façon en passe de remettre ses agissements à la mode.
01:48Sa volonté de s'emparer du Groenland, son avidité pour les richesses du sous-sol ukrainien,
01:52ses taxes douanières confiscatoires.
01:55C'est en tout cas le parallèle qu'ose Jean-Marc Vittori dans une analyse publiée dans Les Echos
01:59qui précise que s'il n'est pas question ici de mettre la main sur des navires
02:03pour vendre leurs cargaisons, du moins pour le moment,
02:06on revient bien au temps de la rapine occasionnelle.
02:10On pourrait aussi citer les milliardaires du numérique qui pillent allègrement nos données
02:14ou Musk qui fait main basse sur l'espace avec ses satellites.
02:19Comme au temps des corsaires, on mêle intérêt public et intérêt privé, politique et économie.
02:25Cette logique de prédation révèle une vision du monde économique,
02:29ce que l'historien Arnaud Horin appelle le capitalisme de la finitude.
02:34Dans le monde des corsaires du XVIIIe siècle, les ressources étaient disponibles en quantité limitée.
02:40Ce que l'un gagnait, l'autre le perdait.
02:43Donald Trump et ses conseillers sont persuadés que les États-Unis ont beaucoup donné au reste du monde
02:47et qu'ils doivent maintenant récupérer leur dû.
02:50C'est un retour en arrière majeur, car depuis deux siècles,
02:53notre représentation du monde était bien différente.
02:56Le monde était infini et les échanges entre pays étaient un jeu gagnant-gagnant.
03:00Mais l'idée de la planète qui s'épuise a balayé cette idée.
03:05On se bat désormais pour des ressources limitées, d'où le retour des prédateurs.