Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • avant-hier
Protection de l’océan : un enjeu central pour 2025. À l’approche de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice, Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan, publie « Aujourd’hui l’océan » (Seuil), pour alerter sur l’urgence de la préservation de la biodiversité marine face au dérèglement climatique et à l’exploitation des fonds marins.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00La conférence des Nations Unies sur l'océan se tient à Nice, c'est au mois de juin prochain, on en parle avec Romain Troublet.
00:12Bonjour Romain Troublet, directeur général de la fondation Tara Océan et vous publiez ce livre
00:17« Aujourd'hui l'océan parcourt d'un engagement » aux éditions Stock, on en parlera aussi pendant cet entretien.
00:24C'est la troisième conférence des Nations Unies sur l'océan, on pourrait dire seulement la troisième d'une certaine façon.
00:31C'est seulement la troisième et encore la première était en Katimini à New York en 2017, la deuxième était le lendemain du Covid,
00:37donc en fait tout le monde était content de se retrouver mais il n'y avait aucun plan, aucune stratégie.
00:40C'est la première qui est un peu préparée par un État, par deux États, le Costa Rica en l'occurrence et la France
00:45et on espère qu'on va avancer sur plusieurs sujets d'ailleurs lors de cette conférence.
00:50Alors on peut peut-être démarrer par le constat qui est évident pour vous, je pense pour une bonne partie de nos téléspectateurs et téléspectatrices,
00:56mais pourquoi la défense de l'océan elle est à ce point cruciale, centrale même dans les enjeux de réchauffement climatique ?
01:05L'océan c'est 70% de la planète, donc c'est une zone immense à la surface du globe.
01:10C'est aussi un écosystème qui nous fait vivre beaucoup d'entre nous, les protéines, les poissons, la pêche évidemment.
01:15Mais aussi c'est un formidable poumon la planète, il stocke du carbone, il produit de l'oxygène, il a stocké beaucoup de chaleur.
01:23S'il n'y avait pas d'océan il ferait 34 degrés de moyenne sur la planète au lieu de 15 aujourd'hui, on ne serait plus là.
01:28Donc en fait l'océan c'est un peu notre vardeau de sauvetage, il faut le préserver.
01:35Et dans ce rôle de poumon ou de puits de carbone, il souffre en ce moment ?
01:39C'est-à-dire qu'il a plus de mal à cause du réchauffement ?
01:41Oui, oui, la température de l'eau est le principal perturbateur de l'écosystème marin.
01:47Et plus le moins on contrôle cette température, plus on a un bon match de cet écosystème, son efficacité à faire ce qu'il fait, et son efficacité à nous protéger finalement.
01:55Donc l'enjeu, et l'enjeu de ces conférences de l'ONU sur les océans, c'est que la question de l'océan elle est forcément globale.
02:01Il n'y a qu'un seul océan pour l'adresser.
02:04Oui, j'allais vous poser la question parce qu'on dit souvent les océans, mais en fait c'est un écosystème gigantesque.
02:10Oui, pour un poisson il n'y a pas de limite, il n'y a pas de frontière, donc il peut aller du pôle nord au plus sur l'Antarctique, il n'y a pas de problème.
02:15Et donc pour le poisson, pour le préserver, il faut le faire ensemble.
02:20Et l'ONU est là pour ça, avec ses défauts et puis ses avantages.
02:24On est tous là autour de la table et en même temps on n'est pas tous d'accord.
02:25Qu'est-ce que vous attendez de cette conférence ? Des engagements, des engagements contraignants ?
02:31Et le mot contraignant évidemment prend toute son importance.
02:34Alors c'est une conférence, c'est un processus de négociation de l'ONU qui n'est pas contraignant.
02:37Donc en fait c'est que du bon vouloir des états.
02:41Et qu'est-ce qu'on attend de cette conférence ?
02:42Aujourd'hui l'ONU, l'enjeu de l'océan il est fragmenté, il est fragmenté à peu près de 18 agences
02:46qui traitent du transport maritime, de la pêche, de différents usages de l'océan finalement.
02:53Et il y a très peu de vision globale.
02:55Et cette conférence des États-Unis sur l'océan à Nice, elle a pour ambition d'essayer de mettre tous ces enjeux
03:01de façon globale en même temps, pas facile à faire.
03:07Mais moi ce que j'ai dit en Nice c'est qu'il y a des consortiums, il y a des coalitions de pays
03:11qui s'engagent sur un sujet majeur pour par exemple le transport maritime,
03:15la décarbonation du transport maritime comme on le fait demain.
03:17et que ces gros deux pays, au sein de l'agence en question, à l'ONU,
03:21portent une ambition bien plus élevée que celle qui est aujourd'hui en place.
03:25Et évidemment pour d'autres ambitions, pour le plastique par exemple,
03:27ce traité de plastique international qui a pour ambition de limiter la pollution plastique mondiale,
03:33notamment de l'océan, celui-là emmène aussi une coalition de pays qui sont d'accord
03:37pour être beaucoup plus ambitieux sur la réduction de la pollution plastique mondiale.
03:41Sur la méthode, je trouve ça intéressant parce que ce n'est pas le grand accord signé par 190 pays.
03:49On va être déçus.
03:50Oui, voilà.
03:51En revanche, avoir thématique par thématique peut-être quoi, des pays un peu qui s'engagent
03:57et qui donc vont peut-être donner envie aux autres d'y aller aussi, c'est ça l'idée ?
04:00Vous savez à l'ONU quand vous avez, il y a 195 pays qui négocient,
04:05il suffit qu'il y en ait 15, 20, 30 qui portent une ambition un peu forte
04:09pour que l'ONU adresse le sujet, en parle et cette ambition soit discutée au niveau international.
04:15Donc ça commence par ça.
04:16Ça commence par un groupe de pays, des champions, des champions si on peut dire,
04:19qui portent une ambition et qui veulent essayer de convaincre leurs voisins de les suivre.
04:25Alors il y a plein de thématiques, vous en avez évoqué quelques-unes.
04:28Par exemple, les aires marines protégées, on peut rappeler ce que c'est.
04:31Pierre, il y a une polémique, est-ce qu'elles sont vraiment protégées ?
04:33Qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ?
04:34Alors la plus forte des thématiques, c'est la ratification de cet accord de l'ONU sur la haute mer.
04:40C'est une protection de la haute mer demain, c'est le plus gros objectif.
04:45Alors on en repart juste après, vous nous parlez des aires marines tout de suite.
04:48Et les aires marines protégées, aujourd'hui on a décidé tous ensemble,
04:51il y a deux ans et demi en Colombie, de protéger 30% de la biodiversité mondiale.
04:5930% des espaces mondiaux, à terre, en mer.
05:0430% c'est beaucoup.
05:05Et donc protéger de quoi ? Protéger comment ?
05:07C'est toute la question aujourd'hui.
05:08Il y a dans le monde entier des aires marines protégées qui sont très efficaces,
05:12qui marchent très bien.
05:13Il y en a qui sont, qu'on gère même en France, dans les Kerguelen,
05:17dans l'océan Indien, vous savez, on pêche là-bas et on pêche très très bien.
05:20Il y a les gynes qui est un pression qui vaut très cher, et ça marche très très bien.
05:24Et il y a d'autres endroits dans le monde où l'aire marines protégées,
05:27dedans ou dehors, il n'y a aucune différence.
05:28On ne voit pas la différence.
05:29Non, de traitement.
05:30Et donc comment améliorer cette protection ?
05:32C'est l'enjeu aussi des discussions qui ont lieu à Nice.
05:36Mais par exemple, dans une aire marine protégée,
05:39on est censé ne pas pêcher au chalut de grands fonds, celui qui détruit le...
05:44Dans une aire marine protégée, on n'est censé ne pas détruire l'écosystème
05:47ou détruire les habitats.
05:48On est censé pouvoir laisser l'écosystème se régénérer
05:51pour qu'autour de cette aire marine protégée,
05:54la pêche puisse continuer et les pêcheurs puissent en vivre,
05:57et puis nous tous, nous tous et tous.
05:58Y compris les filières qui sont derrière la pêche,
06:01qu'à terre, il y en a beaucoup, et notamment en Bretagne.
06:03Donc c'est ça le sujet des armes marines protégées.
06:06Alors, on parle beaucoup du chalut,
06:07parce que le chalut, effectivement, dans notre imaginaire cognitif,
06:09il détruit tous les fonds.
06:11Bon, ben, le chalut, il ne s'agit pas d'arrêter le chalut de façon binaire, en fait.
06:18Il y a un autre endroit où le chalut, il faut l'arrêter.
06:22Donc c'est un peu dans cette nuance qui est aujourd'hui très compliquée,
06:25la nuance est quand même un défi aujourd'hui dans notre société,
06:28et savoir un peu prendre la réalité en compte,
06:30évidemment, améliorer bien fortement ce qu'on fait en France, notamment,
06:33protéger véritablement des zones protégées,
06:38pour que celles-ci permettent à l'écosystème de se régénérer.
06:41Moi, j'ai tendance à dire, je pense que si on arrêtait la pêche du janvier à mars,
06:46au moment où tous les poissons se reproduisent,
06:49et ben le pêcheur se reposerait,
06:51il pourrait réparer ses bateaux,
06:52et l'écosystème pourrait se régénérer.
06:54Je pense que c'est un des...
06:55Si on devait prendre une décision majeure, aujourd'hui, sur la pêche en France,
06:58c'est d'arrêter la pêche entre janvier et mars,
07:01et de laisser l'écosystème se reproduire.
07:05Avec un plan de soutien des pêcheurs qui vont perdre 2 ou 3 mois de chiffre d'affaires.
07:09Avec un plan de soutien, aujourd'hui,
07:10on leur demande d'arrêter la pêche de Gascogne pendant quelques semaines,
07:15sauf que pendant ces semaines-là,
07:15ils n'ont pas le droit de travailler sur leur bateau, c'est interdit.
07:18Ils doivent attendre au port, et attendre que ça passe.
07:21Donc, je pense qu'on peut être plus malin là-dessus.
07:23Bon. Alors, cet enjeu de la haute mer, de quoi il s'agit ?
07:27L'enjeu de la haute mer, aujourd'hui,
07:28j'ai dit, trois quarts du globe, c'est de l'océan,
07:32et en fait, quand on regarde sur cette planète,
07:36la moitié de la planète, c'est de la zone de haute mer.
07:39C'est-à-dire qu'on n'est pas en France, on n'est pas en Amérique,
07:41on n'est chez personne, en fait, on est chez tout le monde.
07:43C'est une zone de commune, en fait, de gestion.
07:48Et donc, on peut faire n'importe quoi ?
07:50Oui, en tout cas, on ne peut pas faire n'importe quoi dans les fonds marins,
07:52jusqu'à peu de temps encore.
07:54Depuis que Trump a commencé à dire qu'il allait faire n'importe quoi au fonds,
07:57dans les fonds marins, avant ça, il y avait une convention,
08:00qui est toujours en place, qui va se battre pour défendre son mandat.
08:03Et puis, en cette haute mer, la colonne d'eau entre le fonds et la surface,
08:09il n'y avait rien de décidé, jusqu'à ce traité,
08:12qui a été signé il y a un an et demi, maintenant.
08:15Et 60 États doivent le ratifier, je crois qu'on est en tour de 20 ou 30 aujourd'hui,
08:19pour qu'il rentre en vigueur.
08:20Et cette zone de haute mer, elle est importante,
08:21parce que c'est là que se font beaucoup des échanges avec l'atmosphère,
08:25c'est là que se font beaucoup de captage du carbone,
08:27c'est 30% de la...
08:29pardon, c'est 50% de la planète dont on parle, là.
08:33Et comme on protège ça, comme on garantit que cet espace
08:36va continuer à faire ce qu'il fait, et le faire bien pour nous tous et toutes,
08:39c'est un peu l'enjeu de ce traité.
08:40Et là aussi, il peut y avoir un groupe de pays champions ou pionniers, en quelque sorte ?
08:47Oui, oui, là, il y a beaucoup de pays, la France...
08:48Parce que c'est compliqué, parce qu'on est dans une zone
08:50où le droit de chaque pays ne s'applique pas, donc...
08:54Oui, mais il y a un traité qui est là pour essayer d'expliquer
08:57qu'on doit faire des études d'impact avant de faire des activités en haute mer.
09:01C'est un peu basique, quand même.
09:03Il y a un enjeu de partage des bénéfices, aussi, des ressources génétiques.
09:08Vous savez, c'est des organismes marins que Tara connaît très bien.
09:11Ce sont des gènes, des molécules qui sont peut-être actifs
09:14pour la pharmacopée ou pour l'industrie.
09:18Et bien, cette ressource-là, qui est en haute mer,
09:20elle doit être partagée avec les pays qui n'ont pas les moyens d'y aller.
09:23Nous, en France, on peut y aller.
09:24Une vingtaine de pays dans le monde peuvent aller
09:26et prélever ces ressources, et étudier ces ressources,
09:30et en tirer des bénéfices.
09:31Mais les autres pays n'ont pas les moyens.
09:33Et donc, comment partagent ces bénéfices ?
09:34C'est tout le sujet de ce traité, aussi.
09:36Vous parliez des déclarations de Donald Trump,
09:39pressantes, effectivement, sur l'hypothèse
09:41d'une exploitation des ressources minières de ces fonds marins.
09:44C'est quand même technologiquement et financièrement très, très compliqué.
09:49Donc, est-ce qu'on ne surévalue pas le risque, quand même ?
09:53Moi, c'est de la provocation classique.
09:58Ces minerais en haute mer, au fond de la mer,
10:01à 3 000, 4 000 mètres de profondeur,
10:02si on commence à les prélever avec des machines qui excavent,
10:05on va détruire l'écosystème autour.
10:07Et cet écosystème-là, on ne connaît pas très bien.
10:08Il y a beaucoup de gènes, justement,
10:10j'en parlais à l'instant,
10:11et des molécules qui sont potentiellement intéressantes
10:13pour nous toutes et tous.
10:16Mais par contre, ces minerais, c'est à nous de choisir, aussi.
10:19C'est minerais, comment on autorise ces minerais
10:20à être débarqués dans les ports
10:22pour être transférés vers les supply chains ?
10:27Est-ce que ces minerais, on accepte qu'ils viennent
10:28dans nos produits qu'on achète ?
10:31En fait, à la fin, c'est quand même une question de société.
10:33Qu'est-ce qu'on veut pour demain ?
10:35Moi, je pense que ce n'est pas du tout rentable
10:37qu'ils vont mettre des capex là-dedans
10:40et ils vont tout perdre.
10:42Mais il y a une entreprise dans le monde,
10:45une entreprise, un fou furieux, en fait,
10:47qui décide d'aller exploiter ces trucs-là.
10:52Vous publiez ce livre, aujourd'hui,
10:54L'océan, parcours d'un engagement chez Stock.
10:56La mer, évidemment, c'est le fil rouge de votre vie.
11:01C'est quoi le premier souvenir océanique ?
11:04Le premier souvenir océanique, c'est sur les pontons,
11:07avec mon père qui a fait les Jeux olympiques,
11:11qui a couru pour la France plusieurs fois.
11:13Et c'est ça, mes premiers souvenirs.
11:15Ou alors, à Antibes, à la plage de la Garoupe,
11:18où je suis né, Antibes, en fait.
11:20Et c'est là que ça a commencé.
11:22Mais ce bouquin, il est plus sur l'engagement
11:25et sur le dire qu'on peut s'engager tout âge, en fait.
11:27Moi, je me suis engagé pour la mer.
11:29J'y suis arrivé dans la mer par l'aventure, par le sport.
11:32J'ai fait deux fois la cause de l'Amérique,
11:34j'étais à peut-être de haut niveau et tout.
11:35C'était l'aventure, quoi.
11:37Et puis...
11:37Il n'y avait pas encore la notion d'engagement
11:39ou alors c'était en fond d'écran, quoi.
11:40Oui.
11:41Et puis, c'est à 31 ans,
11:43quand je suis devenu père de mes enfants,
11:45que j'ai commencé à réaliser que...
11:46En fait, ils vont vivre jusqu'en 2100.
11:502100, c'est tout notre horizon climatique.
11:53On parle tout le temps.
11:54Et ça, c'est ça qui m'a fait que je me suis engagé
11:56pour la mer, pour le protéger à fond.
11:58C'est arrivé à 31 ans.
11:59Donc, on n'en est pas engagé pour la mer
12:02ou pour beaucoup de choses.
12:02On le devient.
12:03Et je pense qu'il faut être ouvert à ça.
12:05Est-ce que vous êtes optimiste,
12:07malgré le backlash, le retour en arrière,
12:10ce climat un peu général devant contraire ?
12:12C'est sûr que depuis 2015,
12:13l'accord de Paris,
12:14on recule sur beaucoup de choses.
12:16On est allé peut-être un peu trop vite.
12:17C'est donc que les gens réagissent.
12:19La société réagit à cette vitesse-là.
12:22Je suis optimiste parce que...
12:24Déjà, je suis optimiste de...
12:28Je suis construit comme ça.
12:29Je suis ouvert à moitié plein.
12:31Parfois, ça joue des tours.
12:32Mais en tout cas, sur cet océan,
12:35je pense qu'il n'y a qu'à voir comment réagir
12:37ou lâcher la pression sur un morceau d'océan,
12:40une zone d'océan.
12:41En l'espace de un an, deux ans, trois ans,
12:44l'écosystème se régénère
12:46et repart, et redémarre en fait.
12:48Donc, vous lâchez la pêche sur les poissons.
12:51En très peu de temps,
12:52vous allez retrouver à nouveau
12:53les récits des vieux pêchards
12:54que j'ai rencontrés à Etel sur Tara
12:56il y a quelques jours
12:56qui te disent que
13:00dans le temps, on pêchait des morues,
13:02comme ça,
13:03des trucs énormes.
13:04Il n'y a plus aujourd'hui.
13:05Donc, c'est possible de revenir en arrière.
13:07Il n'y a pas de problème.
13:08Soyons optimistes.
13:09On est bien d'accord.
13:09Merci, Romain Troublé, votre livre.
13:11Aujourd'hui, l'océan parcourt d'un engagement
13:13et donc publié chez Stock.
13:16On passe tout de suite à notre rubrique Startup.
13:19Merci, Romain Troublé.

Recommandations