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Xerfi Canal a reçu Laurent Bibard, professeur, responsable de la filière management et philosophie à l’ESSEC Business School, pour parler d'un management sain.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Laurent Bibard, professeur de philosophie, management et philosophie, vous êtes responsable
00:14de la filière management et philosophie de l'ESSEC Business School, auteur dans un ouvrage
00:19coordonné par François Demare et Jean-Paul Dumont consacré à Georges Bataille. Un regard
00:24critique sur la gestion avec l'œil de Georges Bataille d'un chapitre où vous analysez
00:29la relation entre Bataille et Kojève. Et je vais citer une petite phrase, plutôt exactement
00:36le début. « La question devient sur ce plan de savoir en quoi l'ensemble que devait
00:42constituer l'essai d'économie générale, comprenant la part maudite et l'histoire de l'érotisme,
00:48peut être utile à un management sain, c'est-à-dire le moins servile possible.
00:54La question de l'excès, la question des limites, Laurent Bibard, éclairez-nous, c'est
01:02quoi un management sain ? » Je trouve capital que vous soulignez la gestion la moins servile
01:08possible. On peut observer à notre époque que de plus en plus de cadres, de membres
01:13d'organisations disent « je n'ose pas parler dans mon entreprise ». C'est une catastrophe.
01:18La réduction au silence et la réduction à l'aspect vulnérable de l'enfance. L'enfance,
01:24c'est la merveille d'un regard vierge sur le monde. Bataille. Mais l'enfance, c'est
01:29aussi « infants » en latin « je n'ai pas la parole, je n'ose pas prendre la parole,
01:33je me tais et donc je me soumets ». Ça, c'est catastrophique. Et nous sommes à un moment
01:37de tyrannie relative un peu partout. Et donc l'enjeu, c'est de se demander « mais comment on
01:43fait surgir l'exigence et la conscience de soi, en quelque sorte, en bon anglais avec
01:49Carl Weick, la pleine conscience, mindfulness ? Comment on fait pour être dans cet état
01:55qui ferait de nous de véritables bons managers avertis, alertes, conscients de ce qu'ils
02:01font et non pas des managers endormis et asservis et s'asservissants ? Passons par un détour
02:10très extrême à proportion de la pensée de Bataille. Pour Bataille, l'exultation
02:15souveraine de l'être humain, c'est d'être conscient de soi en étant en train de mourir.
02:24Bataille dit que l'acmé de la sagesse, c'est la conscience de soi pendant qu'on meurt.
02:29Il a publié dans les larmes d'Eros les photos d'un révolté politique dont je n'ai plus
02:37le nom chinois, qui est en train d'être dépecé vivant et maintenu vivant grâce à
02:43toutes sortes d'artifices, dont de l'opium, par ses bourreaux. Et donc, il est conscient
02:48qu'il est en train de mourir et d'être dépecé. Pour Bataille, c'est l'exultation
02:52de la jouissance et de la terreur en même temps. Eros et Thanatos. Alors, ce n'est pas
02:58vers cet excès, évidemment, qu'il faut aller pour un management souverain et lucide
03:02ouvert et conscient de soi. Mais comment on peut utiliser Bataille dans cette perspective ?
03:06C'est que ce que Bataille cherche, c'est une véritable présence. La présence absolue
03:12qu'il voit dans la reconnaissance de la mort comme étant, comme dit Hegel, ce qu'il y a
03:17de plus terrifiant. Mais de tenir le coup dans cette conscience de la mort. Et je crois
03:25qu'on peut, de façon pondérée cette fois-ci, traduire cette tension de la conscience de soi
03:31qu'est la conscience de la finitude, en totale ouverture au monde. C'est, au fond,
03:36une espèce de forme de présence vers quoi veut aller Bataille. Et quand il écrit,
03:42pas seulement ses essais, donc le traité d'économie générale qui n'a pas été
03:45complété, mais également ses ouvrages, non pas sur l'histoire de l'érotisme,
03:50mais ses ouvrages érotiques, quand il écrit et qu'il se jette dans le geste
03:56de l'œuvre d'art littéraire, il offre la possibilité de partager ce sentiment de présence
04:03totale au réel. Eh bien, dans le management, à l'heure actuelle, on est plutôt souvent
04:10dans une absence, je ne dirais pas totale, mais assez profonde par rapport au réel.
04:16Malheureusement, le réel nous rattrape. Et ô combien actuellement, ça peut s'exprimer
04:22en disant que même le monde économique est confronté à des conditions géopolitiques
04:27d'impossibilité potentielle ? Alors, il est temps que nous nous réveillions.
04:31Et Bataille peut nous servir beaucoup dans cette perspective.
04:35Je vous écoute. Et en vous écoutant, je ne peux m'empêcher, paix à son âme,
04:40de penser à David Lynch. Je trouve qu'il y aurait beaucoup à creuser.
04:45Voilà, parce que Muller Land Drive, la clé des songes, la question du rêve,
04:49la question de la mindfulness. J'adore les Britanniques. Je prends l'expression
04:55anglaise, mais je crains d'être d'accord avec vous.
04:58Merci beaucoup. I'm afraid you're right.
05:00Merci beaucoup, Laurent Bibard. Un regard critique sur la gestion avec l'œil
05:05de Georges Bataille. On a besoin de renouveler nos cadres de pensée.
05:08On a besoin de renouveler nos grands auteurs. Bataille, absent de la littérature
05:12de gestion, c'est une aberration. Voilà. Merci à vous.
05:16Merci.
05:16Sous-titrage Société Radio-Canada

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