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Dans « le grand témoin » Télématin reçoit l'historienne Claudine Monteil. 

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Transcription
00:00Nous sommes aujourd'hui le 29 avril 2025 et il y a 80 ans, jour pour jour, les femmes votaient pour la première fois en France, une page d'histoire qu'on ouvre avec notre grand témoin ce matin.
00:10Bonjour Claudine Montaille.
00:11Bonjour Flavie Flavon.
00:12Bonjour.
00:12Merci d'être avec nous, ça nous fait super plaisir de vous recevoir. Vous êtes belle, je vous le dis parce que je le pense depuis tout à l'heure, depuis que je vous regarde.
00:18Vous êtes historienne, vous êtes engagée depuis toujours justement pour les droits des femmes et on vous doit beaucoup.
00:23Vous étiez proche de Simone de Beauvoir, Simone de Beauvoir qui s'était battue pour le droit de vote des femmes.
00:29Qu'est-ce qu'elles ont ressenti, les Françaises, lorsqu'elles se sont rendues aux urnes pour la première fois ? C'était le 29 avril 1945.
00:37Eh bien le 29 avril 1945, les femmes se sont senties enfin citoyennes à part entière.
00:45Ça a été un moment d'émotion extraordinaire et on doit ce vote à de milliers de femmes.
00:54D'abord, les femmes résistantes de la Deuxième Guerre mondiale qui se sont engagées les premières lorsque la France a été occupée.
01:03Elles ont été, il ne faut pas l'oublier, entre 9 000 et 10 000 résistantes françaises envoyées dans les camps de concentration, envoyées dans les camps, emprisonnées.
01:13Nombreuses ont été torturées et nombre d'entre elles ne sont pas rentrées des camps.
01:18Donc ça, c'est la première chose. La deuxième, c'est que nous devons cette victoire également aux suffragettes.
01:25Exactement. Alors qui étaient les suffragettes pour les plus jeunes qui nous écoutent ?
01:27Alors les suffragettes, ce sont des femmes qui ont commencé à se battre à partir de 1848, c'est-à-dire sur 100 ans, pour que nous puissions avoir le droit de vote.
01:37Mais auparavant, je ne voudrais pas oublier Olympe de Gouges, qui en 1791, en réaction à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
01:46a écrit la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, dans laquelle elle dit à l'article 10, la femme a le droit de monter sur l'échafaud,
01:57elle doit avoir le droit de monter à la tribune. Elle a été très seule, elle n'était quand même pas entourée et elle l'a payée de sa vie.
02:05Elle l'a payée de sa vie en 1793, elle a été guillotinée.
02:08Mais je voudrais revenir aux suffragettes et rappeler que quand même, il y a eu cinq générations de femmes, par milliers d'entre elles,
02:17qui ont fait des actions pour que nous ayons le droit de vote.
02:21Et à partir du moment de la Deuxième Guerre mondiale, les hommes n'ont plus le choix.
02:27Ils sont obligés de reconnaître que les femmes ont eu le même courage pour précisément, et qui ont lutté discrètement,
02:34puisqu'elles sont vraiment plusieurs dizaines de milliers à avoir été résistantes.
02:38Et lorsque le général de Gaulle a donné le droit de vote aux femmes en 1944,
02:44eh bien, il ne faut pas l'oublier, en 1945, c'est un moment extraordinaire.
02:49Mais c'est un moment extraordinaire qui se situe alors que la Deuxième Guerre mondiale n'est pas achevée.
02:54Je sais.
02:55C'est-à-dire que le 8 mai 1945 n'a pas encore eu lieu, puisqu'elle vote le 29 avril.
03:00Claudine, on vous écoute tous religieusement et on se dit qu'est-ce qu'on aurait aimé avoir une prof d'histoire comme Claudine Monteil.
03:06Oui, c'est fou parce que je me mets à la place des petites jeunes qui prennent peut-être leur petit-déj en regardant Télématin,
03:12et pour qui le droit de vote est complètement acquis.
03:15Oui, mesdemoiselles, en fait, avant 1944, les femmes n'avaient pas le droit de voter.
03:21Vous, quand vous étiez plus jeune, quand vous avez eu 20 ans, est-ce que vous aviez ce sentiment,
03:27cette légèreté que peuvent avoir les jeunes d'aujourd'hui, en se disant, bah oui, le droit de vote, finalement, c'est normal,
03:31et maintenant, c'est pour nous ?
03:32Il faut que je vous avoue quand même, d'abord, que la majorité, quand j'ai eu 21 ans, c'était en 71,
03:39donc, c'était il y a longtemps, mais la majorité était à 21 ans, pas à 18.
03:44Donc, déjà, moi, j'ai commencé à voter alors que j'étais déjà engagée dans le mouvement de libération des femmes,
03:51et qu'en réalité, nous, notre première action, ça a été de faire le manifeste des 343.
03:56Voilà, pour l'IBG.
03:58Pour le droit à l'avortement.
03:59Mais ce que je voudrais dire, c'est que nous nous sommes entièrement inspirés de Simone de Beauvoir.
04:04D'abord, nous étions les filles de Simone de Beauvoir, puisqu'elle a quand même écrit le deuxième sexe,
04:09juste après la libération et le premier vote des femmes.
04:12Mais, en même temps, nous étions les filles de Simone de Beauvoir et les petites filles des suffragettes.
04:17Car nous nous sommes inspirés des suffragettes.
04:19Mais Simone de Beauvoir, qui vous avait dit un jour, certes, Claudine, nous avons gagné, mais temporairement.
04:25Il suffira d'une crise politique, économique et religieuse pour que le droit des femmes, nos droits, soient remis en question.
04:31Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante.
04:34Il faut l'être encore vigilante sur ce droit qui nous serait évident.
04:37Il faut être vigilante en permanence.
04:39Les droits des femmes ne sont jamais acquis.
04:41Je voudrais donner un exemple flagrant.
04:44Celui de l'Afghanistan.
04:45Bien sûr.
04:46Le roi d'Afghanistan, en 1919, qui était un roi francophile, moderne,
04:53qui aimait la France, qui parlait français comme vous et moi,
04:57le roi d'Afghanistan a donné le droit de vote aux Afghans en 1919.
05:03Regardez ce que les Afghans sont devenus aujourd'hui.
05:06C'est-à-dire que les Afghans ont eu le droit de vote 25 ans avant les Françaises.
05:11C'est quand même, quand on y pense, les droits des femmes ne sont jamais définitivement acquis.
05:16Et quand Simone de Beauvoir m'a dit cela, c'est parce que nous luttions depuis 4 ans.
05:19Nous faisions des actions pour changer la condition des femmes en France.
05:24Et j'étais persuadée, par ma jeunesse, que nous avions définitivement gagné.
05:30Eh bien non.
05:31Et je dirais à tous les jeunes d'aujourd'hui, n'oubliez jamais cette phrase que m'a dite Simone de Beauvoir,
05:37parce que les droits peuvent être grignotés lentement mais sûrement.
05:41Vous nous avez parlé d'Olympe de Gouges il y a un instant.
05:43Vous vous demandez sa panthéonisation aujourd'hui.
05:47Alors je me trouve dans la situation extraordinaire où quand je parle avec la jeune génération
05:52et que je leur dis que nous sommes nombreuses des historiennes à demander que Olympe de Gouges repose au panthéon,
06:01la jeune génération me dit « mais elle n'y est pas déjà ».
06:04C'est-à-dire que pour la jeune génération, c'est une évidence.
06:07Je voudrais rappeler que Olympe de Gouges a eu un courage extraordinaire, qu'elle nous a inspirés, qu'elle nous inspire encore
06:15et qu'elle a lutté également contre l'esclavage, très courageusement, dans les années 1790.
06:21Ce n'était pas rien.
06:22Et que véritablement, il n'y a que 7 ou 8 femmes au panthéon, 7 femmes au panthéon, dont une qui est simplement titre d'épouse,
06:30et qu'il y a plus de 70 hommes au panthéon.
06:34C'est-à-dire qu'il y a 9% de femmes, 91% d'hommes au panthéon,
06:40et que vraiment, c'est une personnalité inspirante pour toutes les générations,
06:45et que sa place serait au panthéon et que j'espère le voir un jour.
06:50Eh bien, merci infiniment, en tout cas, de nous avoir éclairés de la sorte ce matin.
06:56Je voudrais conseiller, vous en avez écrit des ouvrages,
06:57mais la réédition en poche de ces deux-là, en tout cas,
07:00Les Sœurs Beauvoir et Marie Curie et ses filles, c'est publié chez Harper's Colline.
07:06Merci beaucoup d'avoir été notre invitée ce matin.
07:09Merci, Julien.
07:09Avec plaisir, vraiment, de vous recevoir et de vous entendre.

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