🗣️Catherine : "Le journal intime est un refuge après les agressions sexuelles que j'ai subies."

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Transcript

00:00Je crois Catherine que vous avez votre journal intime.

00:04Oui, bonjour Brigitte, bonjour Yves-Alexandre.

00:09Oui, alors moi le journal intime, tout d'abord quelque chose que je n'ai pas dit à Zach,

00:13moi j'ai été élevée dans la culture du secret, dans ma famille, c'était comme ça.

00:18C'est-à-dire que, notamment par ma grand-mère paternelle qui me disait

00:22Catherine je vais te dire quelque chose, mais surtout tu ne le répètes pas,

00:25tu ne le dis pas à ton père, tu ne le dis pas.

00:26Donc c'était toujours comme ça.

00:28Et ça s'est perpétré avec moi et chez mes parents.

00:34Et moi, alors ce journal intime effectivement c'était mon rendez-vous avec moi-même

00:43suite à des agressions sexuelles dont j'ai fait, malheureusement dont j'ai été victime à l'adolescence.

00:53Donc c'était mon refuge en fait, ce journal intime.

00:57Et ensuite, j'ai cultivé en fait ça, cette espèce de secret.

01:09Parce que d'abord j'ai épousé un militaire, avec qui j'ai vécu un militaire de carrière.

01:13Et donc quand on parle de l'armée, on parle de la grande muette.

01:20Donc c'est là aussi, il y avait une forme de...

01:22Oui, oui, oui, oui, je trouve que votre façon de comprendre les choses est assez intéressante, Yves-Alexandre Thalmane.

01:32C'est le cas.

01:32Alors bon, j'ai été mariée 27 ans, je suis divorcée depuis 10 ans.

01:39Mais avec donc mon ex-mari, on a cultivé alors très inconsciemment aussi cette culture du secret.

01:48Lui, de par sa fonction, puisqu'il était absent, il était souvent en opération militaire à l'étranger 4 à 6 mois par an, c'est-à-dire seul.

01:58Il partait 4 à 6 mois par an.

01:59Donc moi seule à la maison avec les enfants, voilà.

02:03C'était un contrat tacite entre nous en fait, voilà.

02:06Moi j'assurais la base arrière et lui il était sur le front.

02:08Bien sûr.

02:10Mais vous n'aviez pas à savoir ce qu'il faisait sur le front ?

02:14Exactement, exactement.

02:16Je n'ai jamais demandé parce que de toute façon ça a été très vite énoncé par lui.

02:22Voilà.

02:23Donc au début ça m'avait choquée dans le sens où...

02:28Parce que moi je venais d'un milieu, j'étais étudiante quand je l'ai rencontrée, donc j'étais un petit peu...

02:33J'étais ouverte sur pas mal de choses.

02:35Et donc j'ai appris, bien à mes dépens aussi, à rentrer dans un certain moule et à n'en pas sortir, voilà.

02:46Et donc à ne pas parler de certaines choses.

02:49Et à ne pas aller au-devant de ses infos, surtout.

02:52Ne pas aller au-devant de l'info.

02:53Donc tout ça, ça s'est enchaîné au fil des années.

02:56Mais aujourd'hui, je suis mon amoureux actuel.

03:04La rencontre que j'ai faite avec cet homme, par contre...

03:09Pour moi, c'est terminé la culture du soukommet.

03:12Ça s'est terminé un petit peu avant.

03:13Parce que je n'ai pas non plus...

03:17J'ai dévoilé, si vous voulez, les...

03:19J'ai protégé ma famille, mes parents, de ce que m'avait fait subir cet homme qui était un ami de la famille.

03:23Et je ne l'ai fait qu'à...

03:25J'avais 40 ans passés.

03:27Donc si vous voulez, j'ai...

03:28Voilà.

03:29Je n'ai pas parlé.

03:32Mais j'ai libéré la parole parce que c'était...

03:36Ça devenait...

03:37Comment dire ?

03:38C'est plus qu'une urgence.

03:39Il fallait que je me sauve à tout point de vue dans ma vie.

03:42Et c'est à partir de là que moi, j'ai pu évoluer dans ma vie parce que j'ai entrepris un travail thérapeutique, psychothérapique.

03:50Et ça, c'était après mon mariage.

03:52Donc mon mari ne l'a pas su.

03:53Mon ex-mari ne l'a pas su.

03:54Voilà.

03:55Et à partir de là...

03:57Alors là, il y a plein de...

03:58Tout c'est...

04:01Vous voyez, c'est comme un petit cube.

04:02C'est comme les puzzles.

04:03Comme un puzzle.

04:04Et tout s'est raccordé.

04:07Oui, mais je crois...

04:08Catherine, j'aime bien votre témoignage.

04:10Parce qu'on voit bien, vous êtes éduquée à garder le secret par votre grand-mère.

04:15Vous le gardez volontiers.

04:16Votre journal intime, vous ne l'avez certainement pas donné à lire à qui que ce soit.

04:21Parce qu'un journal intime, en principe, ça ne se donne pas à lire.

04:25Et en même temps, à un moment donné, vous réalisez que dire, mettre des mots sur nos mots,

04:32ça fait du bien.

04:33Mais parce qu'à ce moment-là, vous étiez peut-être suffisamment construite pour pouvoir commencer à vous révéler,

04:41à vous dévoiler, pour reprendre votre expression, Yves-Alexandre Thalmane.

04:44On a l'impression que c'est plus facile, quand on commence à être un peu en paix avec soi, de se dévoiler, non ?

04:52Oui, et ce qui me frappe aussi dans ce témoignage, c'est le mot de « culture du secret ».

04:59Et quand on réfléchit à cette culture du secret, et même, ça a été dit par l'auditrice,

05:06la grand-maman qui lui confiait une information en lui disant « mais tu ne vas pas le dire plus loin ».

05:13C'est ce qu'on appelle aussi des secrets de polychinelle, quelque part.

05:16Donc, là, on est face à un secret, quand même, qui va perturber la communication.

05:22Vous savez, c'est comme les mines au sens antipersonnel du terme, donc tragique.

05:26C'est qu'on mine le terrain de la communication, puisqu'il y a des informations qu'on ne peut pas dire.

05:32On est tenu au secret.

05:34Donc, ce n'est pas, comment dire ça, laisser certaines choses de notre intimité pour nous,

05:42de nous à nous, mais c'est une sorte à l'aide de complot,

05:48où certaines personnes disposent de l'information, mais empêchent que l'information soit divulguée.

05:55Et notamment dans les agressions sexuelles, c'est typique de ceci.

05:58Si tu parles, alors, voilà les conséquences qui vont s'abattre sur toi.

06:02Et puis, on voit bien, quand vous ne parlez pas de cette agression que vous avez subie d'un ami, de la famille,

06:11c'est pour protéger votre famille, au fond.

06:14C'est ça, c'est tout à fait ça.

06:15C'est pour les protéger.

06:17Et jusqu'au jour où j'ai libéré la parole, parce que je suis tombée malade, en fait.

06:25Donc, c'est la maladie qui a fait que, là, j'ai réagi, parce que je dis là, maintenant, stop.

06:33Parce que c'est toi qui est en train de t'auto-détruire.

06:37Vous gardiez le poison en vous.

06:40C'est ça.

06:40Et donc, le poison, il m'a bien...

06:42Exactement.

06:43Il m'a bien la peine.

06:45Mais encore une fois, dans ce genre de choses, bien sûr qu'il faut parler.

06:49Je crois qu'enfin, enfin, la société le découvre.

06:56Mais combien de siècles on a tu, justement, les abus et les agressions sexuelles ?

07:04Tout à fait.

07:06Et c'est vrai qu'aujourd'hui, avec mon amoureux, on s'est parlé assez vite.

07:13Enfin, on s'est dévoilé assez vite.

07:15Mais pas parce que, bon, on a 60 ans tous les deux.

07:18Donc, je veux dire, on n'est pas des petits jeunes.

07:22Des perdres de l'année.

07:24Mais en même temps, vous l'appelez votre amoureux.

07:27Et ça, c'est très mignon.

07:28Ah oui, c'est mon amoureux.

07:29C'est comme ça qu'on dit quand on a une jeune fille, Catherine.

07:32Ah oui.

07:34Mais parce que c'est l'amour de...

07:37C'est le véritable amour que je rencontre aujourd'hui.

07:40Voilà.

07:41Parce que vous êtes prête, et puis voilà.

07:43Voilà, tout simplement.

07:44Et avec lui, et donc, on a...

07:47Très vite, parce qu'on a...

07:48Une certaine...

07:49Enfin non, on a une connexion d'âme.

07:51Ça s'est révélé très vite.

07:53Et donc, on s'est raconté nos blessures personnelles.

07:57Mais pas pour entrer dans les détails.

07:59C'est pas pour...

08:00C'est juste pour comprendre qui on était.

08:06Oui, et puis pour être en connexion aussi.

08:10Et pour être...

08:10C'est ça, tout à fait.

08:13Et voilà.

08:14Donc après, nous, on est...

08:17Bon, c'est vrai qu'on est dans la communication,

08:18mais je vous ai déjà eu, Brigitte,

08:20je vous ai raconté cette histoire

08:22où on n'a pas besoin de beaucoup se parler

08:25parce qu'on est dans cette connexion-là,

08:27assez émotionnelle et de la sensibilité,

08:31voilà, de nos sens.

08:32Mais en même temps, pour moi,

08:35je pense qu'il n'est pas nécessaire

08:36de tout se dire

08:38puisque vous parliez de la communication

08:41parce qu'à partir du moment

08:44où ça n'ajoute rien

08:46ou si ça devait venir blesser l'autre

08:51ou parce que ça n'a aucune importance,

08:54en fait, dans ce qu'on va dire

08:55ou ça ne va rien ajouter

08:58à la relation que l'on construit ensemble.

09:00Donc voilà, pas forcément tout se dire.

09:04Il ne faut pas tout se dire.

09:07Par contre, quand on est dans l'écoute,

09:08plutôt attentive et bienveillante, ça oui.

09:11Parce que moi, c'est comme ça qu'on fonctionne.

09:14Et voilà, après, il faut...

09:18Après, ce n'est pas nécessaire

09:19parce que moi, je trouve que sinon,

09:20on va noyer la relation de...

09:23De bavardage.

09:24De bavardage qui n'ont...

09:26Voilà, franchement,

09:27qui n'ont pas de raison d'être, quoi.

09:30Je crois que vous êtes assez d'accord avec ça,

09:32Alexandre Talman.

09:35Oui, et ça fait écho.

09:38Alors, c'est une petite histoire

09:40qu'on attribue, me semble-t-il,

09:41à Socrate ou n'importe quel sage

09:43pourrait faire l'affaire

09:44avec ce conseil de faire passer

09:47ce que l'on va dire dans les trois tamis,

09:50les trois filtres.

09:51Donc, est-ce que c'est vrai ?

09:53Alors, ça peut être vrai,

09:54mais est-ce que c'est utile

09:55que l'autre le sache ?

09:57Et ça peut être vrai et utile,

09:59mais est-ce que c'est bon

10:00qu'il le sache ?

10:01Est-ce que ça lui fait du bien ?

10:02Donc, c'est vrai que ces trois critères,

10:04la véracité, l'utilité et la bonté,

10:07peuvent aussi nous aider

10:08à mettre des filtres

10:10sur ce qu'on va dire

10:11et ce qu'on va garder pour soi.

10:12Absolument.

10:13C'est tout à fait une belle petite morale

10:16pour conclure ce témoignage, Catherine.

10:18Merci beaucoup.

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