Ce documentaire en 4 épisodes retrace le parcours de 5 Résistantes, engagées avant les hommes dans le combat contre le nazisme. A voir sur la plateforme France.tv
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00:00Votre invitée média Céline Baidarkour met en lumière pour France Télévisions le destin de cinq résistantes.
00:05Ces femmes longtemps ont oublié de l'histoire alors qu'elles ont joué un rôle essentiel pour la libération de la France pendant la seconde guerre mondiale.
00:11Bonjour Philippe Collin. Bonjour Céline.
00:13C'est au départ un podcast pour France Inter que vous avez adapté en livre aux éditions Albain Michel et donc en série documentaire pour France Télé.
00:20Il y a quatre épisodes qui se dévorent d'une traite. Sait-on combien de femmes se sont engagées dans la résistance ?
00:25Alors le chiffre il est très dur à estimer. En fait ce qu'on peut dire c'est qu'il y a à peu près 15% des résistants français qui étaient des femmes.
00:31Voilà ce qu'on peut dire à peu près. C'est quand même plusieurs milliers de personnes.
00:34Votre film montre que contrairement à ce qu'a retenu l'histoire, la résistance des femmes commence avant celle des hommes.
00:40C'est un constat qui vous a surpris quand vous avez démarré votre travail ?
00:42Oui absolument. J'ignorais complètement ce qu'on appelle la précocité dans la proto-résistance.
00:46Ça veut dire qu'en effet les femmes s'engagent avant les hommes pour des raisons diverses et variées.
00:49Et ce qui est intéressant c'est qu'à la racine de chaque grand mouvement de résistance, le mouvement combat par exemple,
00:55le mouvement du musée de l'homme ou Libération Sud, il y a des femmes.
00:59C'est-à-dire que vous prenez ces grands mouvements qu'on connaît tous, la création de ces mouvements, ce sont à chaque fois des femmes résistantes.
01:05Mais comment on l'explique ça ?
01:06On l'explique pour deux raisons. La première c'est qu'elles sont moins intégrées.
01:10Elles ont une culture politique spécifique on va dire. Elles ne sont pas intégrées à la société civile.
01:13Elles n'ont pas le droit de vote. Elles n'ont pas le droit de participer à des syndicats.
01:16Elles ont le droit d'un enfant.
01:17Exactement. Elles sont mineures on va dire.
01:19Mais du coup ça les rend un peu libres.
01:21C'est-à-dire que les hommes sont intégrés dans des schémas de société.
01:24Genre ils ont un patron les hommes par exemple.
01:26Donc ils redoutent de s'engager parce que que va penser mon patron etc.
01:29Les femmes ont cette liberté là.
01:31Elles ne se disent pas que va penser mon mari ?
01:33Alors si. Ça c'est la deuxième chose qui est importante.
01:35C'est qu'en fait il faut savoir qu'une femme qui rentre en résistance elle fait une double transgression.
01:39Première transgression l'ordre de Vichy.
01:40On n'a pas le droit d'être résistant donc là on se met en danger.
01:43Ça c'est pour tous les résistants. Hommes ou femmes.
01:45Et quand une femme décide de faire ce choix là elle va doubler aussi la transgression de l'ordre patriarcal.
01:51Que pense mon frère ? Que pense mon mari ? Que pense mon oncle ?
01:54Ça c'est très important parce que ça ajoute une dimension de bravoure chez l'engagement résistant chez la femme.
01:59Mais c'est un moyen de s'émanciper aussi, de se soustraire à la domination des hommes ?
02:03Oui oui sans doute. Même si je vous rassure entre guillemets, quand les organigrammes se mettent en place dans la résistance,
02:09les femmes disparaissent très vite. Les hommes reprennent le pouvoir très vite au sein des organigrammes de la résistance.
02:14Alors pour illustrer la résistance au féminin vous avez choisi cinq femmes.
02:17Deux qui sont restées célèbres. Geneviève de Gaulle-Antonioz et Lucie Aubrac.
02:21Et puis trois moins connues. René Daveli, Mila Racine et Simone Mathieu.
02:24Alors Simone Mathieu, le nom parle à certains, dont moi, puisqu'il y a un cours qui porte son nom à Roland-Garros.
02:30C'est une des plus grandes championnes de tennis. Mais on ne sait pas forcément qu'elle a fait partie de la résistance.
02:34Ce qui est intéressant Philippe Collin, c'est qu'elles viennent toutes de milieux sociaux très différents.
02:39C'était le choix. En fait je voulais qu'on prenne cinq personnes très différentes.
02:42C'est-à-dire à la fois sociales certes, mais aussi géographiques.
02:45Il y a des étrangères, il y a des françaises, il y a des catholiques, des juifs, des athées.
02:49Il y a des socialistes, il y a des conservatrices.
02:50Je voulais montrer ce panel de grandes différences, très très grandes différences.
02:55Mais elles se retrouvent toutes au nom d'un combat pour des valeurs partagées.
03:00La République française, liberté, égalité, fraternité.
03:02Donc on peut être très différents, mais se réunir pour un combat commun qui est encore notre héritage finalement aujourd'hui.
03:08Et ce ne sont pas des femmes qui ont fini par entrer dans la résistance.
03:11Leur engagement a été immédiat, comme l'expliquait Geneviève de Gaulle-Antonioz.
03:14Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander, il est prêt à rechercher avec moi, entre soldats, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un cerne aux hostilités.
03:28C'est une sorte de mouvement très simple, de coup de foudre.
03:33Le refus d'accepter l'asservissement de notre pays.
03:36J'ai entendu le discours du maréchal Pétain qui demandait l'armistice.
03:40J'étais auprès de mon père et ça m'a paru tellement intolérable.
03:48Moi, je date mon engagement dans la résistance de ce moment-là.
03:52C'est le refus.
03:54Il y a eu la même révolte pour les autres après ce discours de Pétain ?
03:57Oui, je donne une petite précision qui est importante.
04:00Le discours de Pétain, c'est le 17 juin.
04:02Donc la nièce du général de Gaulle entre en résistance avant l'appel du 18 juin.
04:06C'est quand même assez intéressant et elle va arracher un petit fagnon sur un pont à Rennes.
04:11Un petit fagnon qui a une croix gammée.
04:13C'est son premier geste le 17 juin.
04:14Mais ce n'est pas grand-chose, c'est énorme en fait.
04:16Tout d'un coup, elle prend un risque d'arracher ce petit fagnon sur le pont de la Villaine à Rennes.
04:20Donc ce refus, il date du discours de Pétain.
04:23Mais pour certaines, c'était bien avant.
04:25Et je pense à Simone Mathieu.
04:27Elle a arrêté sa carrière dès le début de la guerre.
04:30Vous savez, elle joue à Flushing Meadow.
04:32Et si elle gagne un match supplémentaire, elle devient numéro un mondial.
04:35Gros enjeux.
04:35C'est énorme.
04:36La guerre éclate.
04:38Elle quitte New York pour prendre un bateau.
04:40Elle ne fait pas son match.
04:41Je vous parle de ça, on est en septembre 1939.
04:43Donc c'est l'automne, c'est Flushing Meadow.
04:45Elle prend le bateau pour rentrer en Angleterre.
04:47Et elle va rentrer tout de suite dans la guerre dès l'automne 1939.
04:50Ce qui est insensé.
04:51On a l'image de la femme à vélo qui se met des colis, des missives.
04:57Mais elles ont joué un rôle bien plus important que celui-là.
04:59Oui, le mot est vraiment crucial.
05:00Parce que vous savez, on a souvent tendance à séparer le civil du militaire.
05:03Le militaire, c'est l'homme en arme, dans le maquis, la mitraillette à la main, etc.
05:07C'est vraiment le militaire.
05:08Et on dit, il y a le civil, les femmes ont fait la messagère, etc.
05:11Alors d'une part, c'est beaucoup plus complexe que ça.
05:13Parce que les femmes ont joué un rôle crucial dans l'organisation des maquis.
05:17Pourquoi ? Parce qu'elles ont soigné, elles ont alimenté, elles ont en effet informé.
05:21Et les maquis, sans les femmes, ne peuvent pas exister.
05:23Sans le civil, pas de militaire, donc pas de résistance.
05:27C'est aussi simple que ça.
05:28Sans les femmes, il n'y a pas de maquis.
05:29Donc c'est très important.
05:30D'ailleurs, tous les leaders des grands maquis vous disaient,
05:33enfin vous disaient dans des notes et dans des témoignages après-guerre,
05:36que c'était les sœurs des maquis.
05:37Elles sont vraiment fondamentales.
05:38On ne le sait pas assez.
05:39Et pourquoi sont-elles presque effacées de l'histoire ?
05:41À quelques exceptions près.
05:43Alors, il y a deux raisons principales qui sont vraiment intéressantes.
05:45D'abord, il y a ce qu'on appelle le backlash aujourd'hui, le retour de bâton.
05:47Ça veut dire que les hommes ont vécu une sorte de période très compliquée pour leur virilité
05:51pendant quatre ans sous la domination nazie, occupation allemande.
05:54Donc, retour de bâton, on revient à la libération, on reprend le pouvoir,
05:58on ramène les femmes à la maison.
06:00Un truc assez classique.
06:02La deuxième chose encore plus intéressante, c'est que les femmes ont moins demandé de récompenses que les hommes.
06:06C'est-à-dire qu'elles ont moins demandé de médailles que les hommes.
06:09Les hommes, la médaille, c'est important.
06:11Les femmes, elles se sont dit, moi j'ai résisté, je sais ce que j'ai fait,
06:14j'ai pas besoin, ou alors peut-être que c'est pire que ça, peut-être que c'est intégré,
06:18je n'ose pas demander.
06:19Mais en tout cas, quand on voit les statistiques,
06:22il y a beaucoup de femmes qui auraient pu avoir la carte de grands résistants
06:25ou la médaille et qui n'ont pas fait la demande.
06:27Donc, vous voyez, tout d'un coup...
06:28Il y a moins de femmes qui ont des récompenses, qui ont eu des distinctions que des hommes.
06:32Alors qu'elles méritaient autant.
06:33Et donc, en fait, quand on voit les stats, on se dit,
06:35ok, en fait, elles ont moins demandé ou elles ont peut-être moins voulu une médaille.
06:39Donc, c'est vraiment intéressant à observer.
06:41Mais elles ont obtenu le droit de vote et ça, c'était peut-être une récompense.
06:44Une sorte de vote-récompense, même si le combat précédait la deuxième guerre mondiale.
06:47Mais c'est vrai qu'avec leur engagement massif, la récompense, c'est 44, c'est le droit de vote.
06:51Et c'était évidemment insuffisant.
06:53Exactement, exactement.
06:54Merci beaucoup, Philippe Collin.
06:54C'est moi qui vous remercie, Céline. Merci beaucoup.
06:56Face à l'histoire, les résistantes, les quatre épisodes de la série de Philippe Collin
06:59sont à découvrir sur la plateforme France.tv.
07:03Merci à tous les deux.
07:03Merci.