Avec Jean-François Chermann, Professeur en neurologie et spécialiste des commotions dans le sport
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00:00On en parle avec notre invité Jean-François Sherman, bonjour !
00:04Bonjour !
00:05Vous êtes le bienvenu évidemment sur Sud Radio, vous êtes chez vous sur Sud Radio, la radio du rugby.
00:10Vous êtes professeur en neurologie, spécialiste des commotions dans le sport.
00:15Un témoignage qui a stupéfait la France entière hier.
00:18L'ancien international Sébastien Chabal qui annonce qu'il ne se souvient plus des matchs qu'il a joués.
00:23Est-ce que d'abord pour le neurologue que vous êtes, c'est quelque chose de surprenant ou pas ?
00:28Écoutez, moi je pense, je ne peux pas vraiment vous reparler du cas de Sébastien Chabal que je ne connais pas.
00:34Je préfère vous expliquer un petit peu ce que c'est que...
00:36C'est justement le sens de ma question, voilà.
00:39Mais voilà, moi j'ai soigné plus de 4000 commotionnés du sport, dont une grande partie sont des rugbymen.
00:46Et donc je suis souvent confronté à des troubles de la mémoire sur le terrain, si vous voulez,
00:52qui ressemblent à une amnésie, j'avais appelé ça le centre de l'automate,
00:56parce que quand ils sont touchés par la commotion, ils peuvent avoir des difficultés pour se mobiliser,
01:03pour se rappeler des choses qui se sont passées récemment,
01:06et même carrément avoir oublié plusieurs semaines, voire plusieurs mois de leur vie.
01:10Cette période-là, elle va durer pendant peut-être 30 minutes,
01:13et après, ou 30 minutes, ils vont récupérer la mémoire ancienne.
01:16Mais par contre, ils vont oublier complètement les 20-30 minutes
01:19pendant lesquelles ils ont joué au rugby, ça ne se rappelle pas du tout de ce qui s'est passé pendant ce match-là.
01:22Donc ça, c'est quelque chose d'assez classique.
01:25Et après, ce qu'on connaît, si vous voulez, c'est qu'il peut y avoir des joueurs
01:29qui, à la fin de leur carrière, voire même vers la plus tard, je ne sais pas,
01:33un disquard dans le prévaré, dans leur carrière,
01:36ils peuvent avoir des troubles qui apparaissent,
01:38et notamment des troubles d'attention, concentration,
01:41des difficultés à stocker les nouvelles informations,
01:44oublier plus souvent les clés que d'habitude,
01:46enfin, être obligé de noter beaucoup plus souvent les choses que les autres,
01:50et ce qu'ils faisaient avant.
01:51Donc, il peut y avoir des troubles d'attention, concentration.
01:53Et ensuite, la question qu'on se pose, c'est qu'il pourrait y avoir une entité nouvelle
01:57qu'on appelle l'encéphalopathie post-traumatique,
02:01qui est une pathologie qui est identifiée comme la démence du boxeur dans les années 30.
02:08Et c'est une pathologie qui pourrait être liée soit aux commotions répétées,
02:12soit aux sub-commotions.
02:14Les sub-commotions, c'est des impacts un peu plus légers,
02:16comme des têtes au football, comme des plaquages répétés au rugby,
02:19sans qu'il y ait forcément une véritable commotion.
02:22Mais imaginez que vous faites 5 000 têtes en football,
02:24ou vous faites 10 000 plaquages dans une carrière,
02:28il y a des impacts à la tête, direct ou indirect,
02:31qui peuvent un jour, peut-être,
02:32je dis bien peut-être ce qu'on n'a jamais montré,
02:35on n'en est pas certain,
02:36mais ça pourrait en tout cas être responsable
02:39des problématiques qui peuvent être engendrées,
02:43à noter, notamment,
02:44les troubles d'attention-concentration,
02:46les troubles de l'humeur,
02:47les maux de tête,
02:48au bout d'un certain temps.
02:50Est-ce que ça veut dire qu'aujourd'hui,
02:51on manque encore de recul,
02:52parce qu'il n'y a pas assez d'études sur la vie après le sport,
02:56chez les sportifs de haut niveau ?
02:58Alors, on manque d'études, surtout pour le rugby,
03:00parce que le rugby, c'était un sport qui était professionnel,
03:01comme vous le savez, à partir de 1987.
03:03Donc, on a très peu de documents sur avant,
03:06et il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites depuis 2005,
03:08je peux vous dire, d'une façon assez extraordinaire.
03:10Je pense à Alexis Savigny, avec qui j'ai commencé à travailler au Stade Français,
03:14on a commencé à mettre un protocole qui s'est avéré devenir le HIA3,
03:17qui était, en fait, finalement, généralisé à toute la France,
03:20maintenant, tous les clubs du top 14.
03:22Le fameux protocole commotion.
03:24Vous allez nous le détailler, d'ailleurs, dans un instant,
03:26parce que c'est important.
03:28Il s'est multiplié dans le rugby, il est fondamental.
03:31Un mot pour dire, malgré tout, on pense au rugby,
03:33parce que c'est un sport de contact, par définition,
03:35qu'on est habitué, d'ailleurs, avec un plaisir,
03:37un sadique a un gros tampon, le public adore ça, d'ailleurs.
03:41On s'en félicite quand on le voit, sauf que ça peut être dangereux.
03:44Mais ça concerne aussi d'autres sports.
03:45Je prends l'inquiétude, par exemple,
03:47de tous ceux qui aiment le gardien titulaire de l'équipe de France de football,
03:50Mike Ménian.
03:51Il est sorti sur Sivière hier, au terme d'un match en Italie.
03:55On craint un traumatisme crânien.
03:57Ça peut avoir des conséquences très graves.
03:58Alors, c'est évident qu'il faut toujours être bien attentif
04:05au traumatisme crânien qui survient sur le terrain.
04:08L'une des choses qui est très importante, c'est que le joueur ne va jamais sortir.
04:12La plupart du temps, sauf s'il y a une perte de connaissances,
04:13c'est beaucoup plus simple.
04:14Mais la plupart du temps, le joueur ne veut pas sortir,
04:16soit parce qu'il est motivé, parce qu'il veut rester sur le terrain,
04:19soit parce qu'il a peut-être des perturbations frontales
04:21qui font qu'il n'analyse pas très bien ce qui se passe.
04:23Et en fait, même si on devait parler du protocole de Chien après,
04:26le truc qui est hyper important, c'est que moi,
04:29je me rappelle avoir entendu les médecins du top 14
04:30à un moment donné, qui n'en pouvaient plus, si vous voulez,
04:32de la prise en charge des commotions,
04:34parce que c'était très complexe.
04:35Complexe vis-à-vis du joueur, complexe vis-à-vis des entraîneurs,
04:38complexe parce que quand un très très grand joueur
04:39a une commotion sur un match qui est très important,
04:41c'est compliqué de le faire ressortir,
04:42surtout si le joueur ne veut pas sortir.
04:44Donc maintenant, avec le médecin,
04:45on avait voté avec le médecin du top 14
04:47le poste d'un médecin vidéo,
04:51c'est un truc hallucinant.
04:52Quand on a voté ça, je m'en rappelais toujours,
04:53on s'est dit, mais ce n'est pas possible,
04:54on ne va pas être accepté.
04:55En fait, maintenant, il n'y a plus de débat.
04:58On a l'habitude maintenant d'entendre l'arbitre
05:00avec son oreillette qui demande au numéro 12
05:03de sortir parce que le médecin a dit
05:05qu'il fallait qu'il l'évalue.
05:06Et il sort, il fait la gueule, mais il sort.
05:08C'est ça qui est extraordinaire.
05:09Et donc, il n'a pas le choix.
05:11Et ça, c'est le progrès auquel on a assisté,
05:13notamment au top 14.
05:14Le médecin est plus puissant que l'arbitre aujourd'hui,
05:15concrètement.
05:16C'est exactement ce qui se passe.
05:18Parlez de ce protocole que vous avez mis au point
05:20et qui s'est généralisé à toute la France,
05:22à tous les terrains.
05:24J'ai une suspicion de commotion chez un joueur.
05:28Qu'est-ce qui se passe ?
05:30Alors voilà, justement, il y a trois choses
05:32qui vont se passer.
05:32Donc, on a mis en place, comme je vous le disais,
05:34je préfère dire tout simplement
05:36qu'il n'y avait pratiquement rien en 2005.
05:38Avant de parler de ça, c'est très important.
05:39Moi, quand je suis arrivé sur le rugby,
05:41c'est l'histoire de l'affaire de Minissi
05:42avec Alexis Sévigny.
05:43En fait, on me demande de voir si tel joueur,
05:46si Christophe de Minissi pouvait jouer le match
05:48quinze jours après la grosse commotion,
05:49la commission spectaculaire qu'il avait fait contre l'Italie.
05:53Et à l'époque, la règle, c'était très simple.
05:55C'est trois semaines après une commotion,
05:57sauf si un neurologue donne son accord pour qu'il joue avant.
06:00Nous, le match, il devait, alors, quinze jours après,
06:02au Parc des Princes, premier match délocalisé.
06:04Donc, c'était vraiment une pression énorme.
06:06Les affiches dans la rue, c'était
06:07Wilkinson contre de Minissi.
06:10Et en fait, au bout du compte,
06:11ni l'un ni l'autre n'a joué.
06:12C'était un peu la petite anecdote.
06:15Et toujours est-il qu'il y avait une pression
06:16qui était quand même énorme
06:18pour que, justement, de Minissi puisse jouer.
06:20Même si moi, je n'ai pas reçu de pression particulière
06:22de la part de l'entraîneur ou quoi que c'est ça.
06:23On ne la prend pas à la légère, la décision.
06:25Mais bon, c'était intéressant.
06:26Donc, il y avait ce truc-là qui est arrivé
06:27et on s'est dit, ce n'est pas possible.
06:29Ça ne peut pas être juré comme ça.
06:30Il faut qu'on mette en place quelque chose.
06:31Donc, on a mis en place le HIA 3
06:33et les anglo-saxons, eux,
06:34ont mis en place le HIA 1 et HIA 2.
06:36Alors, ça veut dire quoi ?
06:37Ça veut dire que quand vous suspectez une commotion,
06:42il y a un process qui rentre en jeu
06:43qui s'appelle le Head Injury Assessment.
06:45Alors, d'abord, le Head Injury Assessment 1,
06:48c'est que vous avez des critères immédiats
06:50évidents de commotion,
06:51à savoir, il y a une part de connaissance.
06:53Il y a quelqu'un qui se lève et qui titube,
06:56par exemple, ou il y a quelqu'un
06:57qui a vraiment des troubles de la mémoire
06:58de manière évidente, on lui pose des questions
06:59et je ne sais pas où il y a.
07:00Il n'y a même pas besoin de faire le protocole.
07:02Il sort du terrain, il ne reviendra pas.
07:05Celui chez qui on a vu un énorme tampon,
07:07comme vous dites là.
07:08Et on se dit, oh là là, celui-là,
07:09il a l'air d'être bizarre.
07:09Après, on n'est pas sûr qu'il soit normal.
07:11On le sort et là, on va l'évaluer.
07:12Et là, on va lui passer des tests
07:14qui sont des tests de mémoire,
07:17des tests d'équilibre
07:17et on va l'évaluer sur tous les symptômes.
07:19On a à peu près une vingtaine de symptômes.
07:22Est-ce que tu as mal à la tête ?
07:23Est-ce que tu te sens fatigué ?
07:24Est-ce que tu as envie de vomir ?
07:26Est-ce que tu te sens triste ?
07:27Est-ce que tu as envie de pleurer ?
07:28Est-ce que ceci et cela ?
07:29Et en fonction de toute l'évaluation
07:31qui dure quand même au moins 12 minutes.
07:33Vous savez, c'est intéressant
07:34parce qu'on stigmatise beaucoup le rugby.
07:39Dans le handball,
07:40il faut savoir que le médecin rentre sur l'air de jeu
07:43et il pose trois questions.
07:46Ça va, tu te sens bien ?
07:47Tu sais où t'es ?
07:48Ouais, bon, ok, c'est bon.
07:49Moi, je trouve que c'est un truc hallucinant.
07:51Ce n'est pas possible qu'en trois questions,
07:53on puisse évaluer le joueur correctement.
07:55Donc, en d'autres termes, aujourd'hui,
07:56le rugby est en avance sur les autres.
07:58Lui qui est parti plus tard
07:59parce qu'il était professionnel plus tard.
08:01J'ai une dernière question
08:02qui parlera à beaucoup d'amoureux du rugby
08:05qui ne se contentent pas
08:06d'écouter le sud-radio rugby
08:08mais qui regardent les matchs aussi.
08:09Pourquoi certains joueurs
08:10comme Louis Bielbiaré ont des casques
08:13et d'autres non, par exemple,
08:14comme Damien Penault ?
08:15Est-ce que pour vous,
08:16il faudrait qu'ils en portent tous un
08:18comme Louis Bielbiaré ?
08:19Non, pas du tout
08:20parce qu'en fait, on se rend compte
08:21que le casque n'a pas d'intérêt
08:22pour les commotions.
08:23Regardez, en football américain,
08:24c'est un espace qui a plus de commotions
08:25dans tous un casque,
08:26donc ça n'a pas d'intérêt.
08:26Maintenant, ce qui est très important,
08:27le message qu'il faut arriver
08:28à passer à mon avis aujourd'hui,
08:30c'est vous êtes parent,
08:32vous avez un enfant qui joue au rugby
08:33et vous le laissez au rugby.
08:34C'est un sport extraordinaire.
08:35Ma fille joue au rugby,
08:36je peux vous dire.
08:37Et donc, à rien au monde,
08:37je l'enleverai au rugby
08:38parce qu'elle adore ça.
08:39Par contre, si un joueur
08:40ou une joueuse fait une commotion,
08:42il faut l'enlever de l'air de jeu.
08:43C'est fondamental.
08:44Et la dernière chose que je veux dire,
08:45c'est qu'il faut se préoccuper
08:46des amateurs et des jeunes
08:47et notamment ce qui se passe.
08:49La grande, grande invention
08:50qu'a eu lieu au rugby aussi,
08:51c'est le carton bleu.
08:53Qui distribue le carton bleu ?
08:55C'est l'arbitre.
08:56Et on doit pouvoir faire ça
08:57dans tous les sports.
08:58Je pense au handball,
08:59je pense au football, au basket.
09:00Quand un arbitre suspect
09:01une commotion,
09:03il pose un carton bleu.
09:04Ça veut dire que le joueur
09:05sort immédiatement
09:06et ne pourra revenir
09:07pratiquer le rugby
09:09qu'après plus de trois semaines
09:11si c'est un moins de 19 ans
09:12et pas plus de 12 jours
09:14si c'est un plus de 19 ans
09:15mais dans le meilleur des cas.
09:16Ça, c'est une règle
09:17qui me paraît très importante.
09:19Et comme ça, on peut sauver
09:20parfois même des vies d'ailleurs.
09:21C'est pour ça que c'était important
09:22d'en parler.
09:23Merci beaucoup.
09:24C'était passionnant
09:24Jean-François Sherman.
09:26Je rappelle que vous êtes
09:28professeur en neurologie
09:29et spécialiste des commotions
09:30dans le sport.
09:30On en reparlera évidemment
09:31sur Sud Radio,
09:33la radio du rugby.