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00:00Ce matin, nous recevons le directeur général du groupe Lawak, sous-traitant aéronautique,
00:04qui emploie 1800 personnes, président aussi de Pays Basque Industrie.
00:07Ça, ça regroupe à peu près 68 entreprises, 6000 salariés environ.
00:11Évidemment, avec lui, nous allons revenir sur les décisions et les revirements de Donald Trump sur les droits de douane.
00:16Yves Tussauds, c'est Mickaël Chariton qui est votre invité.
00:18Mickaël Chariton, bonjour.
00:19Bonjour.
00:19Merci d'avoir accepté l'invitation.
00:21On a coutume de dire que les chefs d'entreprise n'aiment pas l'incertitude.
00:24Vous êtes servi en ce moment ?
00:26Oui, on est servi, effectivement, parce qu'après l'annonce des droits de douane de 20%,
00:29de Donald Trump, on a eu un revirement de situation.
00:32Et les droits de douane passent du coup à 10%.
00:35Donc, il y en a beaucoup qui pensent que les droits de douane sont suspendus pendant une période de 3 mois,
00:39mais ils restent bien à 10%.
00:39Oui, il les a baissés à 10%.
00:41On est sur une pause annoncée de 90 jours.
00:44Les droits de douane pour les Chinois passent à 145%.
00:47Donald Trump est soit un génie, soit quelqu'un de dangereux.
00:52C'est la question qu'on se pose.
00:53Très clairement, soit il a anticipé tout ça, c'est-à-dire qu'il a tapé fort, comme on dit,
00:57pour ensuite rentrer dans une période de négociation.
00:59Et ça a vraiment réussi.
01:00Ou soit il est totalement imprévisible et il fait des choses et il agit au jour le jour.
01:05Donc, c'est difficile de juger, effectivement, cet homme-là.
01:07Alors, comment est-ce que vous faites pour l'instant ?
01:10Vous vous êtes mis en position d'attente.
01:11Les chefs d'entreprise sont dans l'attente et on te bloque leurs investissements, bloquent les projets ?
01:17Oui, c'est très compliqué.
01:19Alors, effectivement, bloquer les investissements, oui.
01:22Bloquer les ventes, on ne peut pas.
01:24Nous, au niveau du groupe Lawa, il y a 15% de notre activité aujourd'hui qui est exportée aux Etats-Unis.
01:29Soit de manière directe, puisqu'on a un client américain qui s'appelle Spirit, soit de manière indirecte.
01:33Puisqu'on vend des pièces, comme vous le savez, à Dassault Aviation, à Airbus, qui exportent ensuite aux Etats-Unis.
01:39Donc, forcément, les droits de donne vont rentrer en application au moins pour 10% de ces ventes-là.
01:43Il faut rappeler que les droits de donne sont payés par l'acquéreur.
01:46Donc, c'est en l'occurrence les compagnies aériennes américaines ou les privés qui achètent des avions d'affaires qui vont payer ces droits de donne.
01:53Et vous avez deux usines à proximité des Etats-Unis, une qui est au Mexique, l'autre au Canada.
01:57L'activité de ces usines peut être impactée d'une façon ou d'une autre aussi ?
02:01Oui, tout à fait.
02:01L'activité de ces usines peut être impactée de deux manières.
02:03Donc, déjà au niveau vente, puisqu'on vend beaucoup à un avionneur qui s'appelle Bombardier, qui vend beaucoup d'avions d'affaires aux Etats-Unis.
02:09Donc là, les Etats-Unis vont payer 10% de droits de donne.
02:11Et ensuite, au niveau achat, on achète aussi de la matière première aux Etats-Unis, qu'on importe au Canada.
02:18Aujourd'hui, il y a des droits de donne spécifiques aussi.
02:20Les matières premières sont imposées à hauteur de 20-25%.
02:22Vous payez dans les deux sens, enfin ?
02:24On paye dans les deux sens, malheureusement.
02:25Donald Trump veut ramener les entreprises sur son territoire.
02:30Vous n'avez pas eu envie ou l'idée de vous installer directement aux Etats-Unis, plutôt qu'au Mexique ou au Canada ?
02:36Oui, tout à fait. C'est un projet, effectivement.
02:38Alors, on avait le projet d'acheter une entreprise aux Etats-Unis avant le Covid.
02:41Et puis, le Covid est arrivé, donc ça a un petit peu tout gelé.
02:44Mais on a effectivement l'intention de le faire, d'autant plus avec l'instauration de ces droits de donne.
02:50Ici Pays Basque. Il est 8h19. Notre invité ce matin, Michael Chariton, directeur général du groupe Lawak,
02:55et président de Pays Basque Industrie.
02:57Alors, l'industrie au Pays Basque, environ 11 000 emplois.
02:59Vous êtes également le président de Pays Basque Industrie, Lucas le disait, 68 industriels,
03:04quelques 5 900 salariés.
03:07Quand vous discutez entre chefs d'entreprise de cette situation,
03:10est-ce que vous vous dites, peut-être on en arrivera à des licenciements ?
03:14Parce que le secteur de l'automobile est particulièrement inquiet.
03:18Le ministre de l'Industrie, Marc Ferrati, alors c'était avant le revirement de Donald Trump,
03:22mercredi sur France Info, parlait de son inquiétude pour certains secteurs d'activité.
03:26Vous êtes pile dedans.
03:27Oui, tout à fait. On est pile dedans.
03:30Comme je le disais tout à l'heure, on est dans l'incertitude aujourd'hui.
03:32Donc c'est assez compliqué, effectivement, de savoir si on va licencier ou ça.
03:35Dans l'industrie, on est dans un temps long.
03:38C'est ça qu'il faut comprendre.
03:39Donc on ne prend pas des décisions avec un horizon de temps de 2-3 mois,
03:42mais plutôt 2-3 ans.
03:44Donc il est trop tôt pour aujourd'hui dire qu'il y aura des licenciements.
03:46C'est un risque, effectivement, avéré.
03:48Mais je pense que c'est un peu trop tôt pour le dire.
03:50Si les droits de douane reviennent à 25%,
03:52le risque de ralentissement de l'activité est certain ?
03:56Ah oui, il est réel.
03:57Donc on est tous en attente de voir ce que vont donner ces négociations de 90 jours.
04:02Mais effectivement, s'ils reviennent à un niveau de 20 ou 25%,
04:04il y a un vrai risque.
04:05Parce qu'aujourd'hui, ça veut dire que les Américains paient 25%
04:10les produits qui viennent hors Etats-Unis de plus cher.
04:14Et c'est quand même très significatif.
04:15Donc là, la stratégie de Donald Trump qui vise à faire en sorte de redévelopper l'industrie
04:20aux Etats-Unis va fonctionner, effectivement, si les droits de douane sont confirmés.
04:24Si on passe à 25% de droits de douane, qui absorbe le supplément, entre guillemets ?
04:30Alors, c'est une négociation.
04:31Très clairement, il y a une compagnie américaine qui s'appelle Data Airlines,
04:35qui a clairement dit à Airbus qu'elle ne paierait pas ses droits de douane.
04:39Ça veut dire quoi ?
04:39Ça veut dire que dans ces conditions-là,
04:41Delta a acheté des avions à Airbus.
04:43Elle dit, moi, je ne paie pas les droits de douane.
04:44Donc, ça veut dire que c'est bien Airbus qui va les financer.
04:46Oui, voilà, qui va les financer.
04:48Sachant qu'entre 10 et 20%, c'est à peu près la marge que dégage Airbus aujourd'hui.
04:51Donc, comment on fait ? C'est une vraie question.
04:52Mais il peut y avoir un accord entre partenaires.
04:55Une entreprise américaine pourrait accepter de prendre en charge la moitié des droits de douane.
04:59Je crois que c'est déjà envisagé dans d'autres secteurs d'activité.
05:02Bien sûr, mais ça veut dire de l'inflation.
05:04Parce que très clairement, aujourd'hui, si Delta Airlines ou une autre compagnie américaine
05:07accepte de prendre en charge les droits de douane,
05:09elle devra les répercuter sur les billets d'avion.
05:11Donc, ça veut dire de l'inflation.
05:12Et ça, c'est vrai à peu près pour tous les autres secteurs d'activité.
05:15Emmanuel Macron a parlé d'une pause fragile.
05:19Est-ce que vous espérez quelque chose du gouvernement en termes de soutien ?
05:24Alors oui, c'est déjà le cas, je ne sais pas si vous avez suivi, en Espagne et au Portugal.
05:28Le Portugal, je crois, a libéré 10 milliards et l'Espagne 20 milliards
05:31pour aider les entreprises qui exportent.
05:34Et donc, nous, on espère effectivement que l'État français va aider les entreprises qui exportent.
05:38On attend ça avec impatience.
05:38L'État français a 10 ou 20 milliards comme ça sous la main ?
05:41Parce que le ministre de l'économie, c'était sur TF1, avant hier soir, je crois,
05:46a dit « pas de quoi qu'il en coûte, il n'y a plus d'euros. »
05:50Bien sûr. Alors, effectivement, je vais citer l'Espagne et le Portugal qui ont une balance des comptes équilibrées, je dirais,
05:56ce qui n'est pas le cas de la France. On n'a pas beaucoup de marge de manœuvre en France.
05:59Donc, ça va être compliqué, effectivement, pour l'État français d'aider les entreprises exportatrices.
06:03Je pense qu'il faudrait que ça se joue également au niveau de l'Union européenne.
06:05L'Union européenne a vraiment un rôle à jouer.
06:07Quel rôle est-ce que vous attendez de l'Europe ?
06:09C'est à l'Europe de taper du poing sur la table, de se faire respecter et de venir en support ?
06:15Bien sûr. Je pense que, comme on dit, Donald Trump, ce qu'il comprend, c'est le rapport de force.
06:20Et aujourd'hui, je trouve qu'en Europe, on est très timouré.
06:22C'est-à-dire que, là, vous avez vu, on n'a pas tout à fait répondu encore aux droits de donne qui ont été instaurés.
06:27Là, on met les choses en pause également.
06:29Et je pense qu'on devrait taper beaucoup plus fort, parce que c'est comme ça qu'il fonctionne, Donald Trump.
06:33Et effectivement, j'attends de l'Europe une réponse ferme aux droits de douane imposés par les États-Unis.
06:39Mais est-ce que l'Europe est unie, même en matière d'industrie, en matière de choix industriels, en matière de priorité dans ces achats ?
06:48Ce n'est pas forcément le cas. Les intérêts sont divergents en France.
06:50Les intérêts sont divergents. En France, on va plutôt parler d'aéronautique.
06:54En Allemagne, on va parler d'automobiles.
06:56Donc, les secteurs d'activité qui exportent ne sont pas tout à fait les mêmes.
06:59Donc, les intérêts ne sont pas forcément convergents, effectivement.
07:01Merci, Michael Chariton, d'avoir accepté notre invitation.
07:04Et bonne journée à vous.
07:05Avec plaisir.