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00:007h, 9h, Europe 1 Matin.
00:02Il est 7h11 sur Europe 1. Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le directeur général de Rex & Code, Denis Ferrand.
00:08Bonjour Denis Ferrand.
00:10Bonjour.
00:10Bienvenue sur Europe 1. Quelle journée encore hier avec le matin, l'entrée en vigueur des droits de douane réciproques de Donald Trump, c'est-à-dire pays par pays.
00:19A la mi-journée, cette volte-face, la suspension pour trois mois de ses tarifs personnalisés.
00:24sauf pour la Chine qui, elle, a droit à une enchère supplémentaire à 125% pour ses produits entrant aux Etats-Unis.
00:32Denis Ferrand, comment vous interprétez ce revirement de Donald Trump ? Est-ce qu'il sait vraiment ce qu'il fait ?
00:37Cette versatilité, en tout cas, n'est quand même vraiment pas une très bonne nouvelle.
00:43Une économie, ça ne se pilote pas comme à la Gaudille.
00:46C'est quelque chose qui a besoin d'un cap pour installer une confiance.
00:49Et si on devait résumer de manière très lapidaire avec la métaphore footballistique qui s'impose aujourd'hui, c'est économie 1, Trump 0.
00:58C'est un peu le résultat que l'on peut voir parce que c'est vraiment par la pression des marchés financiers, en particulier les marchés de taux,
01:07que Trump a cédé parce qu'il y a eu depuis deux, trois jours une envolée très importante des taux d'intérêt sur la dette américaine
01:15qui venait menacer le coût du financement de l'État américain.
01:20Oui, voilà, c'est ça. Ce que vous appelez le marché de taux, c'est les obligations, notamment les obligations d'État.
01:24Et alors, on sait que la dette américaine à 10 ans, les fameux « treasuries », on ne va pas faire trop technique, mais quand même,
01:30c'est la valeur refuge ultime. C'est le truc qu'on achète toujours quand ça tangue.
01:35Or là, on voit qu'il y a une demande qui baisse sur cette dette américaine.
01:39Est-ce que ça signifie, Donny Ferrand, qu'il y a une crise de confiance des investisseurs du monde entier sur la dette américaine ?
01:46Ou bien, est-ce qu'on peut y voir un effet de la riposte chinoise qui détient beaucoup de cette dette américaine ?
01:52Oui, alors, il faut faire attention parce que les Chinois ont déjà, depuis de nombreuses années, allégé leur position directe sur les titres américains.
02:02C'est-à-dire qu'ils en ont possédé jusqu'à près de 1200 milliards de dollars.
02:05Alors, ça, c'était au début des années 2010. Là, ils étaient revenus plutôt aux environs de 700 milliards de dollars en détention directe.
02:11C'est l'Europe. C'est déjà un mouvement.
02:13Oui, c'est l'Europe qui détient le plus de dette américaine aujourd'hui.
02:16En fait, les Chinois ont été remplacés par les Européens.
02:19Et cela donne d'ailleurs une arme très importante entre les mains des Européens pour faire pression sur les Américains.
02:25L'année dernière, les Européens ont acheté un quart de la dette additionnelle qui a été émise par les Américains.
02:31Donc, nous sommes les principaux financeurs désormais des États-Unis.
02:34Mais alors, on voit que Donald Trump, il veut se concentrer sur son duel avec la Chine.
02:39On n'est pas loin d'ailleurs avec ses tarifs à plus de 100%, à une sorte d'embargo réciproque.
02:43Mais ça veut dire quoi, selon vous, Denis Ferrand ?
02:45Le découplage de ces économies chinoises et américaines dont on parle depuis des années, ça y est, on y est ?
02:50Là, c'est en train d'être enclenché ?
02:52Oui, c'est un peu l'avantage de la décision d'hier.
02:55C'est qu'en fait, on a désormais, les cartes sont claires, la confrontation, la guerre commerciale est une confrontation directe entre ces deux puissances, la vérité impériale, entre les États-Unis et la Chine.
03:07Donc, la Chine d'ailleurs, de manière très intéressante, ils ont beaucoup évoqué l'idée qu'ils s'étaient dérisqués, entre guillemets.
03:13Se dérisquer, qu'est-ce que c'est ?
03:15C'est se révéler de moins en moins dépendant de l'économie américaine.
03:18C'est passé par la vente de titres du Trésor américain, que l'on a vu dernièrement et depuis déjà de nombreuses années.
03:25Ça passe aussi par l'exposition directe de la Chine au marché américain, au marché de biens, aux ventes de produits sur le marché américain,
03:34qui est d'un poids de plus en plus faible.
03:36C'était les communications qui allaient en ce sens de la part du Premier ministre chinois récemment.
03:40Alors, pour justifier les droits de douane, et notamment le fait de les rendre extrêmement élevés vis-à-vis de la Chine,
03:48le secrétaire américain au Trésor, Scott Besant, a dit une chose intéressante.
03:51Il dit, Wall Street a profité durant des années, c'est au tour de l'économie réelle.
03:57C'est le temps de Main Street.
03:59Main Street, c'est la rue principale des petites bourgades américaines.
04:02Est-ce que vous ne croyez pas malgré tout que ce plan, en tout cas cet objectif, il est atteignable avec la politique actuelle des Etats-Unis ?
04:11C'est vrai que cette dichotomie Main Street, Wall Street, est quelque chose qui, en fait, irrigue la politique américaine depuis quelques années.
04:21Il faut bien voir que, d'une certaine manière, la politique de droit de douane de Trump, c'est un peu l'acmé d'un mouvement qui a été enclenché dès 2009 par Obama,
04:30qui avait fait les premiers relèvements de droit de douane, et qui a été poursuivi sous différentes formes.
04:34Notamment, au moment de Biden, c'était le plan IRA qui visait à donner des subventions à toute entreprise qui s'installait aux Etats-Unis.
04:41Donc, il y a vraiment cette volonté de retrouver de la capacité à produire aux Etats-Unis.
04:45C'est ça qui est le sous-jacent américain, qui est très important.
04:48Retrouver de la capacité à produire, retrouver de la prééminence industrielle qui a été perdue en faveur de la Chine.
04:55C'est ça ce qui est vraiment le sous-jacent fondamental.
04:58Maintenant, attention, Main Street, ce sont des gens qui produisent, ce sont aussi des gens qui détiennent des fonds dans les retraites.
05:05Et quand Main Street va voir la valeur des actions détenues dans ses plans d'épargne retraite, la valeur des obligations détenues chuter,
05:12à ce moment-là, Main Street risque de ne pas être tout à fait heureuse.
05:16Ça va sûrement durer cette situation de droit de douane lancée par Donald Trump.
05:20Quelle économie, d'après vous, de différence, ça nous dessine ?
05:23Et on peut même parler jusqu'à l'économie française si on voit comme cela des barrières douanières s'ériger un petit peu partout sur la planète.
05:30Comment vous regardez les choses ?
05:33Oui, c'est bien malin qu'il saurait dire quelle sera la carte du commerce mondial, des échanges mondiaux dans les prochaines années.
05:41Ça nous dessine probablement une formation de trois blocs assez cohérents.
05:46Un bloc américain où vous aurez une intégration de plus en plus forte qui se fera entre les économies à l'intérieur de ce bloc.
05:53Un bloc asiatique également, où la Chine essaye d'organiser une production.
06:00Vous avez vu que dernièrement, Chine, Japon, Corée ont parlé ensemble pour établir une zone de libre-échange.
06:06C'est intéressant cette tectonique des plaques qui est en train de se mettre en place, mais on ne sait pas jusqu'où elle ira.
06:11Et puis, est-ce qu'on saura constituer un bloc européen ?
06:14Ça, c'est quand même tout l'enjeu qui nous concerne.
06:17Merci beaucoup, Denis Ferrand, d'avoir été avec nous ce matin sur Europe 1.
06:20Je rappelle, vous êtes le directeur général de Rex & Code et donc spécialiste de la conjoncture et des prévisions.
06:25Merci d'être venu avec chez nous ce matin.
06:27Bonne journée.
06:27Merci.

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