Laure Miller, présidente de la commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance, revient sur la présentation du rapport parlementaire ce mardi 8 avril à l'Assemblée nationale. Avant la sortie de ce rapport, la ministre des Familles, Catherine Vautrin, a présenté des pistes pour améliorer la protection de l'enfance, mais sans s'avancer sur les moyens financiers.
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00:00Bonjour à tous, merci de nous retrouver sur BFM2 pour revenir sur la présentation ce matin du rapport de la commission d'enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance.
00:13Nous sommes avec Laure Miller, bonjour. Vous êtes présidente de cette commission d'enquête et également députée ensemble pour la République de la Marne.
00:22Merci d'être avec nous en direct sur BFM2 pour revenir sur la présentation de ce rapport ce matin à l'Assemblée. Le cri d'alarme est là ?
00:34Oui, tout à fait. Ce rapport est le fruit de nombreuses heures, de plus de 80 heures d'audition qui se sont passées entre la première mouture de la commission d'enquête avant la dissolution l'année dernière
00:45et puis la seconde mouture, donc à postérieur à la dissolution, on a auditionné plus d'une centaine de personnes qui sont soit des anciens enfants placés, soit des professionnels du secteur, soit des administrations, des départements.
00:57Et tout cela, en effet, nous permet de porter d'une même voix puisque tous les groupes politiques se sont entendus sur ce même constat qui est que c'est une politique publique,
01:05la protection de l'enfance qui est à bout de souffle dans notre pays et qu'il faut profondément la refonder.
01:09Comment l'expliquer justement ? C'est un manque de volonté publique jusqu'à présent ? Quelque chose qui a été complètement délaissé ?
01:19Alors déjà, en effet, c'est quelque chose qui est un peu dans une espèce d'angle mort, c'est bien que finalement le public, le grand public,
01:26n'a pas forcément connaissance de ce que c'est que l'aide sociale à l'enfance dans notre pays, de tous ces enfants qui sont placés et donc on ne connaît pas forcément leurs conditions,
01:35si bien que finalement quand on n'arrive pas, quand on n'a pas cette capacité à émouvoir aussi le grand public, le sujet est peu à peu finalement mis de côté.
01:43Il y a ce premier point. Il y a le second qui est en réalité, c'est une politique qui est pluridisciplinaire et que finalement tout le monde se renvoie la balle.
01:51C'est-à-dire que c'est la faute de l'autre systématiquement. Le département nous dit que c'est la faute de l'État, l'État dit que c'est la faute du département.
01:57Au sein même de l'État, finalement, c'est beaucoup de ministères qui sont concernés et aussi chacun se renvoie la balle.
02:04C'est en réalité la justice, l'éducation, c'est évidemment la santé.
02:09Tout le monde est finalement concerné et tout le monde se renvoie la balle, si bien que la politique, elle est aujourd'hui, elle ne fonctionne, elle dysfonctionne totalement dans notre pays.
02:18Et dans un contexte budgétaire, on le sait compliqué, que ce soit pour les départements ou pour l'État, vous ne craignez pas que votre rapport finisse justement au fond d'un placard ?
02:27Alors, non, je ne l'espère pas. Je pense que vraiment, encore une fois, c'est assez inédit le fait que dans une assemblée aussi morcelée que notre Assemblée nationale aujourd'hui,
02:39avec 11 groupes politiques, on ait quand même pu parler d'une seule voix, c'est-à-dire vraiment partager les 11 groupes de l'extrême droite à l'extrême gauche.
02:47On partage le même constat, ce qui est quand même révélateur de la vérité qui est derrière ce constat.
02:53Et je pense qu'évidemment, il y a un sujet de moyens, c'est une évidence, mais ça implique évidemment de repenser profondément peut-être le fonctionnement de nos politiques publiques de manière générale
03:03et pour pouvoir trouver des économies ailleurs et se permettre ensuite de pouvoir mettre le paquet, notamment sur cette politique publique.
03:10Mais je pense qu'au-delà des moyens, il y a une histoire de… si ça dysfonctionne, c'est parce que les différents acteurs de cette politique publique ne se parlent pas,
03:18ne sont jamais finalement autour d'une même table. Et donc ça, pour le coup, je pense que c'est quelque chose qui est en notre pouvoir,
03:24qu'il faut qu'on puisse mener, porter tous ensemble. Et puis je crois qu'il y a une idée aussi, comme vous le disiez d'ailleurs dans votre première question,
03:31de manque de planification. C'est-à-dire, en effet, vous avez raison, aujourd'hui, et si on regarde ce qui s'est fait les 15 dernières années notamment,
03:38et bien finalement, c'est une politique publique qui a tout à coup, par à coup, en fait, des moments où elle est mise en lumière
03:46parce qu'il y a une femme, un homme politique, qu'il soit ministre, parlementaire, qui va décider de prendre à bras le corps ce sujet
03:53et qui va réussir soit à le porter à travers une proposition de loi, soit à travers un projet de loi, c'était le cas d'Adrien Taquet.
04:00Mais finalement, on ne peut pas se satisfaire d'avoir une politique qui n'est ni stabilisée, ni confortée,
04:05notamment dans ses moyens sur le long terme, et qui finalement est, je vous dis, au coup par coup,
04:12parce qu'il y a un homme ou une femme qui va se lever et qui va dire que c'est important la politique de l'aide sociale à l'enfance dans notre pays.
04:17On ne peut pas se satisfaire de ça. Donc il faudrait qu'on trouve un mécanisme, une forme de planification.
04:22Vous savez, on a réussi, ça n'a rien à voir, mais on a réussi à le faire sur l'écologie, avec la planification écologique,
04:26le fait de se dire qu'on va agir progressivement pour transformer une politique publique dans notre pays.
04:32Là encore, il y a des points communs, parce que l'écologie, c'est finalement très transversal.
04:36La politique d'aide sociale à l'enfance, elle est extrêmement transversale, et il faut qu'on puisse planifier les choses.
04:41On a parlé beaucoup dans le rapport, et ce matin encore, lors de la conférence de presse, des taux d'encadrement, par exemple,
04:47ou de changer les structures pour avoir des structures peut-être plus petites, qui sont plus adaptées aux besoins des enfants.
04:53Tout ça, ça ne peut pas se faire du jour au lendemain. En revanche, il faut qu'on puisse le planifier pour qu'on puisse se fixer des objectifs
04:59dans un an, dans cinq ans, dans dix ans, et que ça, ça soit suivi.
05:03On souffre beaucoup du fait de ne pas suivre, de ne pas évaluer les politiques publiques dans notre pays.
05:07Il faut qu'on puisse le faire sur celle-ci.
05:09Malgré tout, sur la question du budget, vous avez demandé, notamment dans ce rapport,
05:14un nouveau fonds de financement de la protection de l'enfance.
05:17Et Catherine Vautrin, la ministre notamment des Familles,
05:20elle n'a pas du tout évoqué la question des moyens financiers.
05:24Ça ne vous inquiète pas sur le manque d'ambition, peut-être, du gouvernement Bérou ?
05:28Alors déjà, moi, je me satisfais quand même qu'on ait une ministre qui maîtrise le sujet,
05:34qui s'en empare naturellement.
05:36C'est-à-dire, elle était venue lors de notre commission d'enquête,
05:39elle a été auditionnée la dernière et elle est arrivée avec un plan d'action
05:42qui était déjà extrêmement concret, extrêmement précis et ambitieux,
05:46et qui était, comme je vous le dis, une espèce de planification,
05:48c'est-à-dire les décrets qu'elle s'est engagée à prendre.
05:51Elle nous a donné un timing pour la prise de ces décrets.
05:54Elle nous a expliqué tout le processus d'action qui est derrière son plan qu'elle nous a présenté.
06:00Elle a réitéré les choses hier dans la presse écrite.
06:03Et donc, moi, je me satisfais qu'on ait un membre du gouvernement aujourd'hui
06:07qui s'empare de ce sujet, qui soit convaincu qu'il faut faire quelque chose.
06:10Après, en effet, évidemment, la question des moyens, elle se pose.
06:14On a de toute façon une loi de finances qu'il faut qu'on puisse anticiper davantage cette année
06:18que ça n'a été le cas l'année dernière.
06:20Et encore une fois, le fait qu'il y ait eu cette mobilisation autour de la commission d'enquête
06:24fait qu'on sera de nombreux parlementaires, de tous les groupes confondus,
06:27à vouloir mettre la pression, mettre le paquet sur cette politique publique
06:31lorsque le projet de loi de finances et de financement de la sécurité sociale va arriver.
06:35Et donc, je pense que la donne ne sera pas la même cette année pour 2026
06:39que l'année dernière, où peut-être tous les députés n'étaient pas aussi sensibilisés au sujet.
06:43Une dernière question, Laure Miller, sur cette proposition de créer une commission de réparation
06:49pour les enfants placés, qui a donc été évoquée ce matin.
06:53Quel en serait l'intérêt ?
06:56Alors, ça, c'est une proposition, en effet, qui est une proposition de la rapporteure.
07:00Moi, j'ai été présidente, donc je ne suis pas rédacteur de ce rapport parlementaire.
07:06Évidemment, j'ai voté en faveur du rapport, comme tous mes collègues présents de la commission d'enquête,
07:10dans son intégralité, parce que la direction nous semble la bonne.
07:14Sur cette commission de réparation, je pense qu'on n'est pas tous peut-être unanimes là-dessus.
07:18Je pense que la rapporteure, elle s'est appuyée sur des exemples qui existent à l'étranger,
07:23qui me semblent quand même intéressants à examiner, à étudier.
07:27Je pense qu'il faut avant tout se tourner vers l'avenir,
07:29mais je pense qu'il est aussi fondamental de pouvoir reconnaître les dysfonctionnements.
07:33Et cette reconnaissance peut passer par une commission, finalement, de réparation.
07:37Je pense que c'est quelque chose qui est plutôt sain de mettre en place.
07:40Avoir et discuter ensuite, sans doute, des contours du fonctionnement que pourra avoir cette commission.
07:46Mais encore, ça n'est pas du cerveau d'une personne.
07:51Cette idée, elle est arrivée sur la table parce que d'autres pays le font et que ça fonctionne.
07:56Donc, à regarder comment ils ont fait fonctionner cette commission de réparation.
08:00Et ce que nous, quelle peut être la philosophie en France ?
08:03Vous êtes plutôt favorable, tout de même, donc.
08:06Oui, je pense que c'est une question aussi de dignité.
08:09Et puis, c'est plutôt sain, en effet, de se poser cette question et sans doute d'y réfléchir.
08:14Merci beaucoup, Laure Miller.
08:17Je rappelle que vous étiez donc président de cette commission d'enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance,
08:25dont le rapport final a donc été présenté ce matin.
08:29Et vous êtes également député EPR de la Marne.
08:32Merci beaucoup d'avoir été en direct avec nous sur BFM2.
08:36Restez bien avec nous.
08:37Un nouveau direct à suivre dans quelques instants.
08:38Merci.