Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • hier
La commission d'enquête parlementaire sur l'Aide sociale à l'enfance rend ses conclusions mardi 8 avril, après des mois de travaux sur un système en crise, miné par les drames et l'inaction des pouvoirs publics. Écoutez l'analyse de Claude Ardid, journaliste et auteur de "La Fabrique du malheur" (L'Observatoire).
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 07 avril 2025.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:03Bonsoir Claude Ardide, vous êtes journaliste et vous publiez La Fabrique du Malheur.
00:07Votre livre paraît mercredi aux éditions de l'Observatoire.
00:10C'est une enquête sur l'Aide Sociale à l'Enfance qu'on a longtemps appelée la DAS.
00:14Rappelez-nous ce qu'est exactement l'Aide Sociale à l'Enfance, à qui s'adresse-t-elle et pour quoi faire ?
00:18Alors, elle dépend d'abord avant tout des conseils départementaux, ce sont eux qui gèrent.
00:24Chaque Aide Sociale à l'Enfance fonctionne de manière indépendante en fonction des budgets
00:29qui sont alloués par les conseils départementaux.
00:32Trois exemples. Dans le Nord, c'est une catastrophe.
00:35Dans les Bouches-du-Rhône, c'est une autre catastrophe parce que les budgets sont ridicules par rapport aux besoins
00:41et notamment face à la maltraitance dont souffrent les enfants.
00:44Un autre exemple, c'est le Puy-de-Dôme qui est l'élève modèle de la France
00:50parce que le président du conseil départemental est un ancien de l'Aide Sociale à l'Enfance.
00:55Donc, conseil départemental, structure de l'Aide Sociale à l'Enfance
00:59avec des milliers de personnes qui travaillent à travers chaque département
01:03et qui bossent avec des éducateurs, avec des puricultrices, des référents, des psys, des psychiatres, etc.
01:09qui eux-mêmes font appel à des structures associatives pour répondre à la demande qui est de plus en plus incroyable
01:16d'accueil d'enfants, soit dans des foyers, soit dans des familles d'accueil.
01:20Quels sont les résultats de votre enquête ? Qu'avez-vous découvert sur l'Aide Sociale à l'Enfance
01:25qui, je le rappelle, est chargée de la protection de près de 400 000 mineurs de moins de 15 ans ?
01:32Alors, il y a deux solutions. Soit sous langue de bois, soit je dis la vérité.
01:36Je découvre l'horreur. Parce que je suis parti du principe qu'il fallait que je travaille sur des cas très précis.
01:42Et donc, je me suis intéressé notamment aux jeunes filles qui se suicidaient dans des hébergements sociaux
01:47qui dépendent de l'Aide Sociale à l'Enfance.
01:49Donc, j'ai suivi le cas de Lily à Aubière. C'est un petit village à côté de Clermont-Ferrand
01:54qui s'est suicidée dans sa salle de bain en se pendant dans la douche.
02:00Dans les locaux de l'Aide Sociale à l'Enfance ?
02:03Oui, dans un hébergement social, puisque cette gamine avait été placée dans un hôtel
02:07alors que la loi attaquée de 2022 devait interdire le fait de placer des gamines dans des hôtels.
02:14A quinze jours près, comme la loi a mis du temps avant d'être appliquée,
02:18enfin le décret, cette gamine s'est suicidée dans cet hôtel où elle n'aurait jamais dû se trouver.
02:22J'ai suivi le cas de Kimberley à Marseille pour essayer de comprendre.
02:25J'ai essayé de retrouver son père, mais son père, quinze jours avant que je le voie, s'est suicidé de chagrin
02:30parce que sa fille s'était jetée d'un pont de quinze mètres.
02:33Donc, j'ai travaillé avec son avocat qui m'a dit que l'ASE a complètement foiré le dossier de la petite Kimberley.
02:40J'ai suivi le dossier à Toulon, à la Seine-sur-Mer, du petit Malakai qui est mort il y a trois ans.
02:45Petit Malakai, sept ans, suivi par l'aide sociale dans l'enfance depuis quatre ans,
02:49martyrisé, torturé par le compagnon de sa mère.
02:52Les juges sont passés au travers de l'affaire.
02:55Les éducateurs n'ont pas suivi le dossier comme il fallait.
02:58Résultat, en 2022, le gamin est assassiné par son père d'une façon mais qui est ultra violente
03:04sous les yeux de sa maman, qui était considérée comme complice, etc.
03:08Donc, j'ai voulu suivre des affaires très précises pour essayer de comprendre.
03:11Et j'ai compris, parce que j'ai rencontré des hébergeurs sociaux, des éducatrices, des psychologues,
03:17des référents, des coordonnatrices, et j'ai surtout rencontré aussi des assistantes sociales
03:23et des péricultrices qui s'occupent des bébés.
03:25Et là, je vous jure que j'ai découvert l'horreur. L'horreur.
03:28C'est-à-dire ? Soyons précis.
03:30Alors, quand le titre du bouquin peut prêter à confusion, c'est pas l'ASE qui est la fabrique du malheur.
03:36La fabrique du malheur, c'est le système en général.
03:38C'est les conseils départementaux qui, en fonction de leur goût politique,
03:42peuvent dire que moi je fais plutôt de la culture, du sport, je fais du tourisme
03:46plutôt que de m'occuper de la maltraitance des enfants.
03:48– Elles touchent de l'argent ces familles qui reçoivent des enfants.
03:50– Bien sûr. Au minimum, un enfant par jour coûte, entre guillemets, 150 euros.
03:57C'est-à-dire que s'il y a deux enfants qui sont hébergés par une famille d'accueil,
04:00c'est 300 euros par jour.
04:03Le seul problème, et là j'en parle à travers le procès de Châteauroux,
04:08il y a 4-5 chapitres qui sont consacrés à Châteauroux,
04:10c'est que les familles d'accueil à Châteauroux,
04:12qui ont été choisies par l'ASE du Nord,
04:15qui n'avaient pas donné d'agrément à ces familles-là,
04:18qui n'avaient pas de formation,
04:20ces familles-là ont touché de l'argent pendant 5 ans
04:23pour des dizaines de gamins, environ 630 000 euros d'argent public,
04:27pour des résultats absolument désastreux,
04:29puisqu'au procès de Châteauroux, qui pour moi est le comble du scandale de l'ASE,
04:35qui pour moi ont totalement dysfonctionné à tous les niveaux.
04:39Le conseil départemental du Nord a défailli,
04:42l'ASE s'est comporté de façon un peu dégueulasse,
04:46les familles d'accueil n'avaient pas d'agrément,
04:48et dans certaines familles d'accueil, il y avait deux agressions sexuelles.
04:52Je rappelle quand même quelques chiffres,
04:549 milliards d'euros c'est le budget de l'ASE,
04:56400 000 mineurs de moins de 15 ans pris en charge,
04:58et il manquerait 70 000 postes de travailleurs sociaux dans notre pays, on est bien d'accord ?
05:02Alors, j'ai fait des interviews dans ce livre de péricultrices,
05:06il manque de péricultrices, on manque de psychiatres.
05:10Je veux vous apprendre quelque chose aujourd'hui,
05:12parce que franchement, j'ai la colère après ça.
05:15Mes amis psychiatres, psychologues, qui font des expertises médico-légales,
05:20soit des agresseurs, soit des mises en cause, ou des enfants,
05:23notamment à Marseille, mais c'est partout en France.
05:26Ces psys, aujourd'hui, qui font des expertises,
05:29ne sont pas payés depuis 11 mois.
05:31Mais ils sont obligés d'exercer leur métier,
05:34parce que si les dossiers ne sont pas constitués,
05:37ils n'arrivent pas sur le bureau des juges, ou du parquet mineur.
05:41Au départ, quand je fais le livre, je me dis,
05:43le système s'effrite. Non, il ne s'effrite pas, il s'effondre.
05:46Et demain, on attend le rapport de la commission parlementaire,
05:50qui, à mon avis, va taper fort,
05:52parce qu'ils ont beaucoup travaillé sur Châteauroux, comme moi.
05:55Mais ce n'est pas quelques mesurettes qu'ils pourront prendre.
05:58C'est une révolution totale pour sauver la zone.
06:01Sinon, on n'y arrivera pas.
06:02Mais est-ce que c'est possible, selon vous,
06:04parce que vous, vous faites une enquête coup de poing,
06:06est-ce que vous pensez que les politiques peuvent prendre conscience
06:08de la catastrophe qui se joue ?
06:11Je vais dire non.
06:13Non, parce que, si vous voulez, vous me connaissez,
06:16vous me connaissez depuis longtemps.
06:17Je ne lâche jamais rien. Jamais.
06:19Je vais toujours jusqu'au bout de mes enquêtes.
06:20Pour la première fois, j'ai eu affaire à la plus grande omerta
06:23à laquelle j'ai été confronté dans ma carrière.
06:25C'est-à-dire que, chaque fois que j'ai voulu rencontrer des présidents
06:27de conseils départementaux, ou leurs adjoints, etc.,
06:30on m'a refermé la porte. On m'a foutu dehors.
06:32Les politiques n'ont pas pris conscience de ça.
06:35Mais ce sont des enfants qu'on a abandonnés,
06:36et du coup, on ne veut même plus entendre parler d'eux ?
06:38C'est ce que vous découvrez ?
06:39Mais je vais plus loin que ça, parce qu'on a discuté
06:40avec plein de copains journalistes qui travaillent sur les problématiques
06:42de prévention et de protection de l'enfance.
06:45On s'est dit à un moment donné,
06:46mais ça me fait mal de dire ça,
06:47parce que ça peut être considéré comme un argument qui est populiste.
06:50Mais comme ce sont des gens qui sont plutôt des humanistes,
06:52des progressistes, des gens à risque d'enquête, etc.,
06:54qu'est-ce qu'ils disent ?
06:55Les enfants ne votent pas.
06:56Donc, ils n'intéressent personne.
06:58Donc, le sujet, c'est qu'il faut tout reprendre à zéro.
07:02Contrôler toutes les aides sociales à l'enfance
07:05de chacun des départements.
07:06Il faut complètement revaloriser ces fonctions.
07:09Engager des éducateurs, des psys.
07:11Moi, je vais vous dire un truc.
07:12Il n'y a pas de ministère de l'enfance.
07:14Il y a un haut commissariat, un bidule de plus,
07:17qu'on a confié à une ancienne secrétaire d'État de l'enfance,
07:20qui était déjà secrétaire d'État de l'enfance,
07:22sous Emmanuel Macron, il y a trois ans.
07:24Pourquoi on recule ?
07:25Pourquoi toutes les missions,
07:27tous les rapports que j'ai vus depuis 15 ans,
07:28me disent la même chose ?
07:29Et on revient systématiquement en arrière en me disant,
07:32ne vous inquiétez pas, on va régler le problème.
07:33Merci, Claude Hardy.
07:34C'est moi qui vous remercie.
07:35La fabrique du malheur paraît mercredi aux éditions de l'Observatoire.
07:38Merci.
07:39Et depuis ce matin, les bourses mondiales sont donc en chute libre.
07:42En cause, les droits de douane que Donald Trump a décidé d'imposer
07:45à ses partenaires commerciaux.
07:46Quelles conséquences sur notre économie
07:48doit-on vraiment négocier ?
07:50Ou montrer les muscles ?
07:51Risque-t-on un vrai krach mondial ?
07:52Ce sera notre débat dans « On refait le monde ».
07:54Rendez-vous dans 15 minutes.

Recommandations