Quel est le point commun entre Le Roi Lion, Emilia Perez et Astérix ? C'est une entreprise dont vous avez sûrement entendu le nom : Technicolor. Elle est française depuis les années 2000. Elle a révolutionné le cinéma. Et depuis 30 ans, elle en a vu de toutes les couleurs. Bienvenue dans notre nouveau « Business drama »
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00:00Quel est le point commun entre Le Roi Lion, Emilia Perez et Asterix ?
00:03C'est une entreprise dont vous avez sûrement entendu le nom, Technicolor.
00:07Elle est française depuis les années 2000, elle a révolutionné le cinéma,
00:11et depuis 30 ans, elle en a vu de toutes les couleurs.
00:13C'est une sorte de malédiction qui perdure.
00:16Elle a connu restructuration sur restructuration sur restructuration,
00:20et à force de vivre au bord du précipice en faisant tous les métiers,
00:23Technicolor a fini par tomber.
00:25Un énorme, énorme gâchis.
00:28En mars 2025, c'est le clap de fin.
00:33Pour comprendre la chute de Technicolor, il faut revenir à ses débuts,
00:36il y a plus de 100 ans.
00:39Technicolor, c'est carrément eux qui ont amené la couleur au cinéma.
00:43L'entreprise Technicolor est née il y a bien longtemps, en 1917,
00:48à un moment où, bien évidemment, la couleur au cinéma n'existait pas réellement.
00:52Céline Ruiveau est chercheuse en cinéma des premiers temps.
00:55Technicolor a réussi à pénétrer très bien au marché,
00:58créer à la fois un nouveau procédé, mais on sut aussi présenter un nouveau business plan,
01:04un nouveau modèle économique dans l'industrie hollywoodienne du cinéma.
01:08Le procédé inventé par Technicolor va s'imposer dans les studios et les cinémas.
01:12Le système Technicolor, c'était une grosse caméra très lourde,
01:16à la fois en termes de développement, de tirage,
01:19on avait vraiment quelque chose qui était coûteux, pas pratique, assez long.
01:24Après quelques années d'apogée, Technicolor se fait doubler par Kodak.
01:28Le procédé disparaît.
01:30Mais l'entreprise reste un pilier du traitement des films et va continuer d'innover.
01:34Technicolor est devenu le leader dans les systèmes de cinéma Super 8
01:37et a pionnié la duplication de videotapes.
01:41En 2000, la société, qui fabrique maintenant aussi des DVD,
01:44génère un beau chiffre d'affaires de 1,6 milliard de dollars.
01:47Sa maison mère, un groupe de communication britannique,
01:50a des difficultés financières et veut vendre sa filiale.
01:55C'est un grand groupe français qui va remporter la mise, Thomson.
01:59Thomson, technique française de renommée mondiale.
02:02A l'origine, Thomson, c'est un gigantesque conglomérat,
02:05né des ambitions industrielles de la France gaulliste.
02:07Il emploie plus de 100 000 personnes pour produire de l'électroménager,
02:11des télés, des téléphones, de l'informatique ou encore de l'électronique militaire.
02:15Nationalisé en 1982, quand il était déjà au bord de la faillite,
02:19il est scindé en deux avec d'un côté la branche qui fabrique des télévisions et des magnétoscopes,
02:24Thomson Multimédia, et de l'autre, Thomson CSF, le futur Thales.
02:28Le problème, c'est que Thomson Multimédia, la branche qui va racheter Technicolor, est très endettée.
02:34Thomson Multimédia, je le répète, ça vaut un franc symbolique après la recapitalisation
02:39parce que dans l'État actuel des choses, ça ne vaut rien, ça vaut des dettes.
02:43Finalement renfloué par l'État puis peu à peu privatisé,
02:46Thomson va se payer Technicolor au prix fort, un peu plus de 2 milliards de dollars.
02:51Cet achat, il peut se le permettre grâce à son entrée en bourse en 1999 qui lui a rapporté beaucoup d'argent.
02:57Sauf que 10 ans plus tard, Thomson croule toujours sous les dettes, près de 3 milliards d'euros en 2009.
03:05L'entreprise est au bord du gouffre.
03:07Procédure de sauvegarde, restructuration de la dette,
03:10elle échappe à la faillite et pour son nouveau départ, change de nom.
03:13Pour faire oublier son passé, Thomson va prendre le nom de la filiale qu'il a acheté 10 ans auparavant.
03:18Ce nom, c'est Technicolor.
03:20Il marque aussi son recentrage sur les services aux professionnels.
03:23Et ça marche, Technicolor, ex-Thomson donc, va enfin renouer avec la croissance en 2010.
03:29Bon, on s'y perd toujours un peu dans leurs multiples activités.
03:32Post-production, mais aussi fabrication de DVD, de décodeurs, de box internet,
03:36et puis des licences de brevets dont il tire une bonne partie de son chiffre d'affaires,
03:40de 3,6 milliards d'euros en 2013.
03:43Sauf qu'en même temps, le fardeau de la dette qui pèse sur Technicolor, il est toujours là,
03:47les problèmes continuent, c'est une sorte de malédiction qui perdure.
03:50Et qui va continuer à peser sur le groupe.
03:53Alors, que fait Technicolor ?
03:55Pour la énième fois, l'entreprise se restructure.
03:58Elle va notamment fermer son dernier site industriel européen en 2012,
04:02l'usine Danger, 350 employés.
04:04Il y en a du boulot, ils vont le faire au Vietnam, ils ont fait une usine toute neuve là-bas.
04:08A côté de ça, l'entreprise amorce un tournant pour suivre les nouvelles habitudes de consommation.
04:13À l'époque, les dirigeants de Technicolor, ils ont la bonne intuition.
04:16Ils décident de recentrer leur entreprise sur les médias,
04:18et les activités de production d'effets visuels.
04:21L'essor de Netflix n'en est qu'à ses débuts,
04:23il va simplifier les années suivantes,
04:25ce qui va porter les résultats commerciaux de Technicolor.
04:28Concrètement, il rachète Mikros, un fleuron de l'animation française.
04:31Et puis, 2000, un gros studio anglais de production de pubs.
04:35Des sociétés qui rejoignent dans le groupe la filiale MPC,
04:38spécialiste des effets spéciaux, avec des équipes à Los Angeles et en Inde.
04:41Mais aussi la branche jeux vidéo.
04:44Ce n'est pas tout, parallèlement, la société rachète aussi
04:46la division objets connectés du géant américain Cisco,
04:49pour 550 millions d'euros.
04:51Des acquisitions à gogo, et encore des emprunts.
04:54Alors qu'il se traîne toujours une sacrée dette,
04:56et qu'une partie de ses brevets, sa vache à lait,
04:58vont tomber dans le domaine public.
05:02Et puis, à partir de 2020, une série d'obstacles
05:04viennent se mettre en travers de sa route.
05:06D'abord, la crise du Covid, évidemment,
05:08qui frappe la branche entertainment de la société.
05:10Mais pas comme vous l'imaginez.
05:13Ça a plutôt dopé le secteur.
05:15Stéphane Lebar, c'est délégué général d'une organisation professionnelle.
05:18Quand les gens se sont retrouvés enfermés chez eux,
05:20il y a eu une grosse consommation sur les plateformes,
05:23avec des investissements massifs dans les programmes,
05:26une augmentation massive de la production.
05:29Et donc, ça a entraîné, effectivement,
05:31des difficultés de recrutement
05:33pour tous les studios à l'échelle mondiale.
05:35Et donc, bien évidemment,
05:37ça s'est traduit aussi
05:39par des coûts de production
05:42La majorité des employés de Technicolor
05:44sont à l'étranger, en Inde notamment.
05:46Des équipes qui sont un peu éparpillées
05:48sur trois continents,
05:50aux Etats-Unis,
05:52au Canada,
05:54mais aussi plusieurs milliers de personnes en Inde
05:56et puis en Europe.
05:58Cette chaîne de production sera plus difficile
06:00à faire tourner en période de Covid.
06:02En plus, le marché des DVD est en perdition.
06:04L'entreprise, qui est aussi à la peine
06:06avec ses box internet,
06:08paye ses erreurs stratégiques.
06:10Le marché à 1,6 milliard d'euros en 2020
06:12plombe toujours le groupe.
06:14Énième plan de sauvetage,
06:16la BPI, actionnaire historique avec la Caisse des dépôts,
06:18remet la main à la poche,
06:20montant à 10% du capital.
06:22Celui-là, c'est notre dernière chance.
06:24Qui dit plan de sauvetage,
06:26dit restructuration.
06:28Oui, encore. Avec cette fois,
06:30des licenciements massifs dans le monde entier.
06:32En 2022, les activités de production audiovisuelle
06:34avaient été séparées du reste.
06:36Mais cette réorganisation ne va pas suffire.
06:38Cette opération qui a lieu
06:40en septembre 2022 ne résout pas
06:42les problèmes de dette de Technicolor.
06:44Le fardeau est trop lourd.
06:46Les taux d'intérêt, d'ailleurs, avaient
06:48déjà commencé à monter après le début de la guerre en Ukraine.
06:50Et ce n'est pas fini.
06:52Ces plateformes américaines qui avaient porté
06:54la croissance du marché
06:56ont brutalement
06:58changé de stratégie.
07:00Pour bien prendre conscience de l'importance
07:02de ce ralentissement,
07:04les séries d'animations commandées sur le marché
07:06nord-américain ont baissé
07:08de 70%.
07:10Côté chiffre d'affaires, c'est la dégringolade.
07:12L'entreprise suffoque, étouffée par sa dette
07:14et les créanciers prennent le pouvoir.
07:16Technicolor tente un ultime plan
07:18de sauvetage au printemps 2023.
07:20Seulement voilà, quelques mois après,
07:22la grève des scénaristes
07:24d'Hollywood va
07:26complètement mettre à l'arrêt Technicolor
07:28ou une grande partie de sa machine
07:30aux Etats-Unis.
07:32Et ça aura un impact très fort sur ses niveaux
07:34d'activité. Technicolor
07:36emploie alors encore environ 5000 personnes
07:38dans le monde. Placée en redressement
07:40judiciaire, l'entreprise est finalement vendue
07:42à la découpe en mars 2025.
07:44Au total, en France, seulement la moitié
07:46des 500 emplois devraient être conservés.
07:48Une immense déception pour les salariés que nous
07:50avons contactés, comme Julien qui a souhaité
07:52témoigner anonymement.
07:54C'est un énorme, énorme gâchis.
07:56On a surtout l'impression d'avoir fait partie d'une gigantesque
07:58fuite en avant. Le Covid a bon dos.
08:00On n'était pas à l'épicerie du coin,
08:02on était quand même le plus grand studio indépendant
08:04au monde. Maintenant, c'est un peu le piège de Technicolor.
08:06Tout le monde vient se servir.
08:08Ces marques, qui avaient une renommée internationale,
08:10elles vont disparaître à jamais.
08:12Aux Etats-Unis, des anciens employés se sont associés
08:14pour créer une nouvelle structure
08:16et faire perdurer l'héritage de Technicolor.
08:20Si vous aimez nos business drama et les vidéos
08:22en couleurs, il y en a plein sur notre chaîne,
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