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L'avenir toujours très incertain pour Marine Le Pen et pour son parti du Rassemblement national : "elle peut rêver d'Elysée mais la réalité est plus étroite que ça", tempère le politologue alsacien Philippe Breton.

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00:00Jusqu'à 9h, ici Matin.
00:02Et place maintenant à l'invité de la rédaction à 7h et bientôt 45 minutes sur Ici Alsace.
00:07Avec cette question que l'on vous pose ce matin après la condamnation de Marine Le Pen,
00:12le Rassemblement national peut-il encore espérer gagner la présidentielle ?
00:16Vous nous appelez déjà présent 0388 25 15 15, c'est un peu les montagnes russes en ce moment
00:22pour la chef de file du RN Marine Le Pen, hors jeu ce matin.
00:26Mais pour combien de temps la justice annonce qu'un procès en appel
00:29pourrait se tenir à l'été 2026 après sa condamnation à 4 ans de prison, 100 000 euros d'amende
00:35et 5 ans d'inéligibilité avec application immédiate ?
00:39Bonjour Philippe Breton.
00:40Bonjour.
00:41Vous êtes politologue, vous suivez particulièrement l'extrême droite à l'Observatoire de la vie politique en Alsace.
00:46Elle peut encore rêver d'Élysée Marine Le Pen ?
00:48Elle peut rêver mais la réalité est plus étroite que cela.
00:52Je crois que ce sera très très difficile compte tenu de ce que nous savons des procédures judiciaires
00:58qui ne risquent pas de changer d'ici là.
01:00Ce sera très difficile pour elle de se présenter à la présidence de la République.
01:03Ça vous n'y croyez pas trop le tribunal de Paris qui dit envisageable,
01:07ce sont les mots du tribunal de Paris, procès en appel envisageable à l'été 2026.
01:12Donc avant la prochaine élection présidentielle, vous pensez que ça ne va pas toger d'ici là ?
01:18Bien sûr mais que va faire l'appel ?
01:20Elle confirmera en grande partie les peines comme c'est toujours le cas,
01:24notamment sans doute l'inéligibilité puisque l'inéligibilité est liée d'une certaine façon à la peine.
01:30Donc le trou de souris est extrêmement étroit et je crois que ce sera très très difficile.
01:36Est-ce que Marine Le Pen est une justiciable comme les autres ?
01:39Parce que la justice dit justement là, même si c'est rejugé en 2026,
01:44ce sera un délai très court en fait pour organiser une procédure d'appel
01:47par rapport à d'autres affaires que l'on peut voir en France.
01:50Elle bénéficie déjà d'un certain bon sens de la justice.
01:55Écoutez, il y a déjà plusieurs candidats à la présidence de la République,
01:58on en compte au moins trois qui ont eu des difficultés avec la justice,
02:02dont deux qui ont été empêchés de se présenter et éventuellement de devenir président.
02:06Donc de ce point de vue là, il n'y a pas d'exceptionnalité de son statut.
02:10Maintenant les avis divergent quant à la nature des peines,
02:14quant à la justesse de la loi qui a permis de la condamner.
02:17Là il y a évidemment une interrogation et un débat politique.
02:20Marine Le Pen annonce vouloir saisir le Conseil constitutionnel
02:23et la Cour européenne des droits de l'homme.
02:25Est-ce que ça, ça peut changer quelque chose ?
02:27C'est un paradoxe qu'un parti qui n'a jamais été très européen
02:29fasse appel à la Cour européenne des droits de l'homme.
02:31Mais après tout, c'est effectivement une possibilité.
02:34Non, ça ne risque pas de changer, ça peut changer sur le plan politique
02:38pour continuer cette idée qu'on est victime d'un système judiciaire.
02:42Mais sur le fond de la peine elle-même, ça ne risque pas de changer grand chose.
02:46Après la condamnation de Marine Le Pen,
02:48le Rassemblement national peut-il espérer gagner la présidentielle ?
02:51Venez réagir avec nous.
02:520388 25 15 15, c'est la question du jour.
02:54Bonjour Christiane.
02:56Oui, bonjour.
02:58Fidèle éditrice, qu'est-ce que vous en pensez ce matin
03:01de cette condamnation de Marine Le Pen ?
03:04Finalement, bonne chose ou mauvaise chose pour le Rassemblement national ?
03:08Écoutez, moi je crois que c'est une très bonne chose pour le Rassemblement national
03:12parce qu'elle va passer pour une victime.
03:15Et je pense que cette fois-ci, c'est une vraie combattante.
03:21D'ailleurs, je la trouve un petit peu fatiguée.
03:23Moi, ce que je ferai à sa place, je la laisserai à la place aux jeunes.
03:27Il y a Bardella, il y a Marion, et elle, elle serait bien d'aller s'occuper de ses chats.
03:33Mais je pense que cette fois-ci, heureusement ou malheureusement,
03:36le Front national va passer compte tenu de l'insécurité qui est montante.
03:41Tous les jours, il y a des coups de couteau.
03:43La drogue, on n'arrive plus à rien maîtriser du tout.
03:47Les gens sont de plus en plus pauvres.
03:49Et tout ça, ça va être bon pour le Front national.
03:52Moi, ce n'est pas du tout mon truc, le Front national.
03:57Mais je pense que cette fois-ci, ils vont passer.
04:00Merci Christiane.
04:01Ça peut paradoxalement être une bonne chose pour le partir,
04:04Rassemblement national, si Marine Le Pen est écartée par la justice pour 2027 ?
04:08Oui, il faut effectivement distinguer le destin personnel de Marine Le Pen
04:11et, je dirais, la force politique que représente le Rassemblement national,
04:14qui n'est pas sans représentant, puisque Jordan Bardella, effectivement,
04:17est tout à fait le président du RN,
04:20le président du Rassemblement national, et tout à fait en avant.
04:23Je dirais, pour être un peu brutal, que si on avait voulu faire,
04:27donner encore quelques points au Rassemblement national,
04:30on aurait fait comme ça.
04:31C'est-à-dire une manière de le présenter comme une victime d'un système judiciaire.
04:35Je ne me prononce pas sur le fond.
04:36Mais cette victimisation, évidemment,
04:38elle ne peut faire que gagner quelques points à Rassemblement national.
04:41On le voit bien aujourd'hui dans les réactions.
04:43Les réactions qu'on a pu récolter aussi avec nos reportages ici à Alsace,
04:46notamment dans l'un des fiefs du RN en Alsace, à Vissembourg.
04:50Moi, je vous dirais que c'est comme ça qu'un dictateur
04:53se débarrasse d'un adversaire, avec les juges à ses bottes.
04:57C'est du calculer pour qu'elle ne puisse pas se présenter, c'est tout.
05:00Vous pensez que c'est un complot contre elle ou pas ?
05:02Moi, je dirais oui.
05:03Des habitants de Vissembourg croisés par Chloé Geffroy.
05:06Un complot, certains n'hésitent pas à le dire.
05:09En tout cas, l'idée se propage peu à peu. C'est dangereux, ça.
05:12Oui, il y a grosso modo trois positions.
05:14Il y a ceux qui pensent que c'est un complot, qu'elle est innocente.
05:17Il y a ceux qui disent, notamment à gauche ou à l'extrême gauche,
05:20qu'elle a commis une faute, donc la justice est passée, c'est normal.
05:23Mais il y a aussi ceux au milieu qui pensent que,
05:26bien sûr, ils ont commis une faute,
05:27mais que peut-être la peine est un petit peu trop lourde,
05:29un petit peu trop exagérée.
05:31Donc, il y a trois positions.
05:32Et je crois que la position intermédiaire,
05:34aujourd'hui, beaucoup de gens la partagent.
05:36Oui, il y a eu une faute,
05:37mais la peine est peut-être un petit peu trop forte.
05:40Beaucoup disent, les juges,
05:41on n'en fait qu'appliquer la loi qui s'est elle-même durcie
05:44par le choix des parlementaires ces dernières années.
05:47On voit le Rassemblement national
05:50et les proches du Parti d'extrême droite
05:52qui tirent à boulet rouge, franchement, sur les magistrats.
05:56Aujourd'hui, on n'a pas fait qu'appliquer la loi ?
05:58Vous aussi, vous trouvez que la peine est un peu lourde ?
05:59Non, la loi ne s'applique pas automatiquement.
06:01Les juges avaient une latitude pour l'appliquer,
06:03même si la loi prévoit un cadre.
06:05Et à l'intérieur de cette latitude que les magistrats ont,
06:09ont eu dans le délibéré,
06:11ils ont choisi la peine la plus dure.
06:14Ils ont choisi l'option la plus dure.
06:15Donc, il restera toujours un petit soupçon
06:17qu'une part de subjectivité a pu intervenir dans le jugement du juge.
06:21Mais tout juge, à l'intérieur du cadre de la loi,
06:23a une part de subjectivité.
06:24C'est un peu l'arroseur arrosé, non ?
06:26Philippe Breton, Marine Le Pen,
06:27elle-même plaidait pour instaurer une inéligibilité à vie,
06:31à vie, pour les responsables politiques
06:33condamnés pour détournement de fonds publics.
06:35Oui, c'est un paradoxe.
06:36Marine Le Pen est victime de la loi
06:38qu'elle a elle-même votée et contribuée à faire passer,
06:41bien évidemment.
06:43Mais on peut comprendre, cette loi est nécessaire.
06:45Il faut bien évidemment que le politique soit sous contrôle.
06:48La question, et je pense que ça se reposera
06:51dans les mois qui vont venir,
06:53la question est peut-être de recalibrer la loi
06:55pour éviter des interprétations
06:57qui pourraient être trop radicales ou trop molles
07:00par rapport aux juges.
07:01Qu'est-ce qu'on pourrait faire comme recalibrage ?
07:03Je crois que c'est l'échelle des peines qui est en cause ici.
07:06Beaucoup de personnes, y compris dans les milieux judiciaires,
07:09trouvent que deux en ferme et l'inéligibilité immédiate
07:13est peut-être disproportionnée par rapport aux reproches effectifs
07:16qu'on a pu faire à Marine Le Pen,
07:18d'avoir utilisé des fonds,
07:19non pas pour un détournement personnel,
07:21mais pour une réattribution, en quelque sorte,
07:23de ses fonds pour son parti.
07:25C'est là-dessus qu'elle juge aussi,
07:27qu'elle joue pour sa défense.
07:29Marine Le Pen, elle dit effectivement
07:30cet argent n'était pas pour moi.
07:31Ça aussi, ça change quelque chose dans cette affaire.
07:33C'est important qu'elle mette en avant
07:36le fait qu'il n'y a pas d'enrichissement personnel,
07:38qu'il n'y a pas un centime qui a été dans la poche de quelqu'un.
07:41Il y a 4 millions d'euros qui ont été au profit de son parti politique.
07:45Mais il n'y a pas d'enrichissement personnel,
07:46alors que dans des cas précédents,
07:48comme dans le cas de M. Fillon par exemple,
07:49on peut soupçonner qu'il y ait eu de l'enrichissement personnel
07:51puisque ça a servi à payer des membres de sa famille.
07:54Donc d'une certaine façon, il y a une probité qui est mise en avant,
07:56mais il y a une règle que toutes les législations européennes
08:00mettent en place actuellement.
08:01On ne peut pas utiliser les fonds attribués par un parlement
08:05pour faire fonctionner un parti politique.
08:07Ça, la loi est très claire là-dessus.
08:08Vu le contexte international actuel,
08:10la chef de file du RN a reçu de nombreux messages de soutien,
08:13en France bien sûr, mais depuis l'étranger aussi,
08:15de la part de Donald Trump, de Viktor Orban, le Hongrois.
08:18Ça, ça peut jouer là aussi dans les prochains mois,
08:20les prochaines années pour Marine Le Pen ?
08:22Le RN a été dans une position extrêmement délicate
08:27au moment de l'élection de Donald Trump,
08:29puisque d'une certaine façon,
08:31ils avaient soutenu cette politique conservatrice,
08:33ils en ont vu les excès, ils ont cherché à se démarquer.
08:36On l'a vu, il y a eu un flottement,
08:38puis une tentative de se démarquer de ces amis-là,
08:42ces amis qu'on cherche à tenir un petit peu à distance.
08:45Là, évidemment, ce soutien renforce ce paradoxe
08:49et on verra dans les jours qui suivent
08:50comment les cadres du RN se positionnent
08:53par rapport à ces soutiens qui, pour eux, sont très embarrassants.

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