• avant-hier
Mardi 1 avril 2025, retrouvez Léopold Vassy (Juriste en droit du marché de l'art) et Marine Le Bihan (Avocate, Barreau de Paris) dans ART & MARCHÉ, une émission présentée par Sibylle Aoudjhane.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Générique
00:08Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché,
00:10votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13Le Royaume-Uni tente de contrebalancer les effets du Brexit sur le marché de l'art
00:18en repensant le régime de la Temporary Admission des œuvres d'art.
00:21Pour en parler, nous recevons en début d'émission Léopold Vassy,
00:24qui est juriste en droit du marché de l'art.
00:26Et nous poursuivons dans l'univers du droit avec Maître Marine Lebillan, avocate,
00:30qui nous éclairera sur les recours possibles
00:33si une œuvre achetée ne correspond pas à la description de vente.
00:36Bienvenue à toutes et à tous, qui nous rejoignez tout de suite, c'est Art et Marché.
00:40Générique
00:44Le Royaume-Uni a revu sa fiscalité concernant l'importation d'œuvres d'art.
00:49Le dispositif s'appelle Temporary Admission.
00:51Et nous en parlons tout de suite avec Léopold Vassy,
00:53qui est juriste spécialisé en droit du marché de l'art.
00:55Merci beaucoup d'être avec nous.
00:56Bonjour Sybille.
00:57Donc avant de parler de sa révision,
00:59est-ce que vous pouvez nous raconter, nous expliquer rapidement
01:01ce que c'est que ce dispositif Temporary Admission ?
01:05Absolument.
01:06Alors de manière très simple, c'est un régime douanier
01:09qui permet d'importer une marchandise de manière temporaire,
01:12en exemption des taxes et des droits de douane.
01:15Ce qui est donc plutôt intéressant.
01:17Le terme de temporaire induit que l'importation
01:20devra être suivie d'une exportation dans un délai de deux ans,
01:24c'est-à-dire être revendue à l'étranger.
01:27Et donc, si vous voulez, c'est un mécanisme qui est assez général.
01:32Donc il n'est pas circonscrit aux œuvres d'art,
01:34aux antiquités, aux objets de collection.
01:38C'est un mécanisme qui existe aussi en France.
01:40Et ce qu'il faut savoir, si on veut se concentrer véritablement
01:43sur le marché de l'art britannique,
01:47c'est qu'une importation de manière générale,
01:49lorsqu'elle n'est pas nécessairement temporaire,
01:52elle est déjà exemptée des droits de douane.
01:55En revanche, l'importation sera soumise à une TVA à l'importation
02:00qui est de 5% outre-Manche et de 5,5% du côté de l'hexagone.
02:06Et c'est donc là tout l'intérêt de la Temporary Admission,
02:09c'est qu'elle va permettre de s'affranchir de cette TVA,
02:12à condition que l'œuvre soit revendue dans un délai de deux ans à l'étranger.
02:16Et donc là, il y a un changement à ce niveau-là,
02:20au niveau de ces deux ans, c'est là où intervient l'actualité
02:23et dont on parle aujourd'hui, c'est ce changement au niveau du temps
02:27qui est alloué à l'importation.
02:29Absolument.
02:29Par l'exonération de TVA au niveau de l'importation.
02:31Absolument.
02:32En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que le recours à ce mécanisme
02:35est assez marginal au Royaume-Uni.
02:37C'est un peu là où le bas blesse,
02:40c'est-à-dire que son application est conditionnée à la mise en œuvre
02:44de tout un tas de formalités administratives
02:46qui sont chronophages et qui sont lourdes et complexes.
02:50Et donc finalement, cette chape bureaucratique
02:54en fait l'apanage des grandes structures.
02:56Elle ne bénéficie qu'aux plus grandes maisons de vente internationales.
03:00Elle ne bénéficie qu'aux galeries d'art mastodontes.
03:03Et donc le 12 mars, le secrétaire de l'échiquier au Trésor du Royaume-Uni,
03:08qui est James Murray, a annoncé une refonte de ce régime douanier.
03:13L'idée est de rendre plus attractif en fait ce mécanisme.
03:17C'est une refonte qui devra intervenir à priori cet été
03:22et qui comporte deux évolutions.
03:24La première, c'est l'allègement de toutes ces formalités administratives.
03:28Le but étant de le rendre plus accessible,
03:31donc faire bénéficier au plus grand nombre.
03:33Et puis, comme vous l'avez très bien dit,
03:35il y a aussi cette idée d'allonger le délai pour pouvoir revendre l'œuvre d'art.
03:39Donc jusqu'à présent, le délai était de deux ans.
03:42Il va désormais être multiplié par deux et donc passer de deux ans à quatre ans.
03:47Est-ce que c'est une réponse aux conséquences du Brexit sur le marché de l'art
03:53ou de toute façon ça aurait été quelque chose de mis en place
03:57indépendamment peut-être des conséquences du Brexit ?
04:01Alors absolument, c'est une réponse tout à fait.
04:03Il faut savoir déjà que l'allongement de ce délai
04:06permet de réduire un petit peu la pression liée à l'urgence de vendre,
04:10ce qui est particulièrement bienvenu dans un contexte économique économique.
04:14Maintenant, le Brexit, comme vous le savez,
04:16a eu des conséquences délétères sur le marché de l'art
04:18et sur le commerce transfrontalier.
04:21Et donc oui, il y a cette idée d'apporter une réponse.
04:24Alors du côté des acteurs du marché de l'art,
04:26on plaide pour une réponse plus significative.
04:30L'idée serait de retourner à la réglementation de 1985
04:33où il n'y avait tout simplement pas de TVA, l'importation,
04:36ce qui permet de s'inscrire dans le sillon des deux plus grandes places du marché de l'art,
04:40que sont Hong Kong et New York.
04:43Mais il faut quand même reconnaître que c'est un entre deux qui est intéressant.
04:48Puisqu'en effet, le niveau d'importation de 2015 à 2022 a été divisé par deux.
04:54On est passé d'un niveau annuel de 6 milliards d'euros à 3 milliards d'euros.
04:58L'année qui a suivi de 2022 à 2023, ce niveau a été contracté de 16%
05:03tant à l'importation qu'à l'exportation.
05:06Et donc ça va permettre de redynamiser un petit peu le marché de l'art.
05:10Et puis il y a d'autres éléments qui vont permettre de booster un petit peu les importations.
05:17Donc comme je vous l'ai dit, ce mécanisme,
05:19il y a aussi la TVA qui est légèrement plus faible qu'en France
05:23puisqu'elle est à 5% côté outre-manche.
05:26Et puis Londres exprime aussi le souhait de faciliter d'une manière générale les importations,
05:32d'alléger toutes ces formalités administratives.
05:36Et ce qui est assez intéressant, c'est que dans le même temps, l'Union européenne, elle va les resserrer.
05:40En fait, le 25 juin va rentrer les dernières dispositions d'un règlement européen
05:46qui va venir subordonner l'importation d'une large typologie de biens extra-européens
05:54à des formalités administratives qui sont parfois très lourdes.
05:59Et donc si vous voulez, la finalité du texte qui est tout à fait louable,
06:02qui est même nécessaire puisqu'elle s'inscrit dans cette idée de protection du patrimoine,
06:07de lutte contre le trafic de biens culturels, de lutte contre le financement du terrorisme.
06:11Et Paris, au même titre que l'Union européenne, a tout intérêt à s'ériger
06:15comme une place de marché parfaitement saine.
06:18En revanche, ce dessin se fera peut-être au prix d'une entrave de la fluidité des transactions.
06:26Donc en fait, on a deux places concurrentes avec deux perspectives opposées
06:30et l'on pourrait bénéficier en fait de cette délocalisation du marché
06:33pour s'ériger comme la porte d'entrée privilégiée des importations à l'échelle européenne.
06:38On va suivre ça avec beaucoup d'intérêt.
06:40Merci beaucoup Léopold, je rappelle que vous êtes juriste spécialisé dans les questions du marché de l'art.
06:45Et tout de suite, on passe à l'interview de la semaine.
06:51On reste sur des questions juridiques avec Maître Marine Lebillan, qui est avocate.
06:55Merci beaucoup d'être avec nous.
06:57Merci à vous, Sybille.
06:58Alors, on va voir avec vous comment on fait dans le cas où on achète une œuvre
07:01qui ne correspond pas à la description d'achat, à la provenance,
07:04enfin, s'il y a une erreur autour de cette œuvre d'art.
07:07Il y a pas mal d'éléments à prendre en compte.
07:10Est-ce que vous pouvez rapidement nous brosser quels sont les recours possibles
07:14si on se rend compte d'une erreur liée à son achat ?
07:18Oui, bien sûr.
07:19Le collectionneur qui achète une œuvre d'art peut effectivement agir en cas de vise du consentement.
07:24Il peut agir en annulation de la vente.
07:26Alors, vous avez évoqué l'erreur, il existe d'autres vises du consentement, telles que le dol.
07:30Alors, il faut distinguer selon que l'achat intervient en maison de vente
07:33ou en galerie, chez un antiquaire, en tout cas de gré à gré.
07:36N'importe quel marchand.
07:38Voilà, tout à fait, n'importe quel marchand. On va utiliser le mot marchand.
07:40Alors, si le collectionneur achète en maison de vente,
07:44le commissaire priseur n'est pas le vendeur.
07:47C'est le nom de la maison de vente qui apparaît sur la facture, sur le bordereau d'acquisition,
07:51mais le commissaire priseur n'est pas le vendeur.
07:52C'est un intermédiaire.
07:53Exactement, c'est un intermédiaire de vente.
07:55La vente est juridiquement conclue entre un vendeur et un adjudicataire,
07:58le vendeur étant un vendeur tiers que l'adjudicataire ignore.
08:02Donc, si l'acheteur souhaite faire annuler la vente,
08:05il doit dans un premier temps demander au commissaire priseur de lui communiquer les coordonnées du vendeur
08:09et dans un second temps écrire au vendeur pour solliciter l'annulation de la vente.
08:13Le commissaire priseur n'a pas le pouvoir d'annuler lui-même la vente,
08:17même s'il partage les arguments de l'acquéreur.
08:20D'accord.
08:20Alors qu'en matière de vente de gré à gré chez un marchand,
08:23le marchand, dans la majorité des cas, il est propriétaire vendeur.
08:26Donc, il est tenu des obligations du vendeur.
08:29Et si le collectionneur acheteur souhaite faire annuler la vente,
08:32il doit s'adresser directement au marchand chez qui il a acheté l'oeuvre
08:35et réclamer le remboursement du prix.
08:38Est-ce que c'est facile de contacter le vendeur s'il y a donc ce commissaire priseur ?
08:45Est-ce que c'est au commissaire priseur de contacter le vendeur
08:48et de faire tout le travail avec le vendeur et après de se retourner vers l'acheteur ?
08:52Comment ça se passe ? Parce que c'est vrai que ça peut passer par plein de...
08:55Alors effectivement, le commissaire priseur doit communiquer le nom du vendeur.
08:58S'il refuse de communiquer le nom du vendeur, c'est lui qui sera tenu des obligations du vendeur.
09:03Mais dans la majorité des cas, le commissaire priseur va communiquer le nom du vendeur
09:06et communiquer ses coordonnées.
09:08Sauf qu'évidemment, le vendeur peut être à l'étranger,
09:12peut être insolvable, introuvable parce qu'il peut y avoir un certain délai
09:15qui s'est écoulé entre la vente et la découverte de l'erreur.
09:19Donc on peut tout à fait, en tant que collectionneur acheteur,
09:22se retrouver face à un vendeur insolvable ou introuvable.
09:25Alors que lorsqu'on achète en galerie, il est vrai qu'en général,
09:28la galerie est en France, elle a pignon sur rue, elle est assurée
09:33et avec moins de risques d'insolvabilité ou de vendeurs inlocalisables.
09:38Vous avez prononcé le terme délai justement, ça c'est un élément important.
09:43Est-ce qu'il y a une prescription ? Est-ce qu'on doit être rapide ?
09:47Effectivement, en matière d'annulation de la vente, il y a un délai
09:50qui est un délai de droit commun de l'article 2224 du Code civil
09:53qui est un délai de 5 ans.
09:55Mais ce qui est important, c'est non pas tant la durée de ce délai
09:58que le point de départ de ce délai.
10:01En matière d'annulation de la vente, le point de départ de ce délai de 5 ans
10:05court à compter du jour où le collectionneur acheteur a connu les faits
10:11ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en annulation.
10:15C'est-à-dire, très simplement, le jour où il a découvert l'erreur.
10:19Pas simplement le jour où il a eu des soupçons,
10:21mais vraiment le jour où il a découvert l'erreur.
10:23À ce moment-là, il a 5 ans pour agir contre le vendeur,
10:26donc contre le marchand ou bien contre le vendeur en maison de vente.
10:30Et ce délai de 5 ans est lui-même enfermé dans un autre délai
10:35qu'on appelle un délai butoir qui est un délai de 20 ans
10:39de l'article 2232 du Code civil.
10:41Et ce délai court, lui, à compter de la vente.
10:43Donc pour résumer, le collectionneur dispose d'un délai de 5 ans
10:46à compter du jour où il a découvert l'erreur
10:49et ce dans la limite de 20 ans à compter de la vente.
10:53Je précise que ce délai butoir de 20 ans,
10:56par opposition au délai glissant de 5 ans,
10:58ce délai butoir de 5 ans, c'est la doctrine majoritaire qui l'analyse ainsi.
11:05Mais il faut savoir que la Cour d'appel de Versailles dans un arrêt de 2023,
11:08du 9 mai 2023, a refusé d'appliquer ce délai butoir.
11:11C'est-à-dire que la Cour d'appel de Versailles a considéré que seul le délai de 5 ans
11:14à compter de la découverte s'appliquait.
11:16Ce qui laisse apercevoir des perspectives d'imprescriptibilité totalement hors du commun.
11:23Mais ça, ça s'applique pour les maisons de vente ?
11:25Alors ça, c'est en matière d'annulation de la vente, quelle que soit la vente.
11:29Tout à fait.
11:29Donc que ce soit en maison de vente ou en galerie, c'est les mêmes délais ?
11:34Exactement. Alors vous avez d'autres délais qui s'appliquent mais avec d'autres recours
11:37puisqu'on peut aussi agir en responsabilité contre le commissaire priseur.
11:41Alors non pas pour lui réclamer le remboursement du prix,
11:43puisque seul le vendeur est tenu du remboursement du prix.
11:46D'accord, parce qu'annulation, ça veut dire on est remboursé.
11:49On est remboursé du prix.
11:51Pour les frais de vente et pour obtenir le remboursement des frais de vente,
11:53si le collectionneur acheteur estime que le commissaire priseur a commis une faute
11:58dans l'accomplissement de sa mission,
12:00le collectionneur peut agir en responsabilité contre le commissaire priseur
12:03et lui réclamer à titre de dommage à intérêt le montant des frais de vente.
12:08Et cette responsabilité-là, elle est enfermée également dans un délai de prescription.
12:12On est sur la même durée de 5 ans, pas de difficulté là-dessus.
12:16En revanche, ce délai de 5 ans court à compter de la vente
12:19et non pas à compter de la découverte de la faute commise par le commissaire priseur.
12:22Ce qui nous fait dire qu'en matière de recours divers,
12:27on est sur un délai de 5 ans à compter de la découverte ou de l'erreur ou de la faute,
12:33mais que les commissaires priseurs et les experts qui les assistent à l'occasion des ventes
12:37bénéficient d'une prescription beaucoup plus brève qui est de 5 ans à compter de la vente elle-même.
12:41Oui, parce que j'allais dire, les experts qui accompagnent très régulièrement les commissaires
12:45sont aussi intégrés dans cette prescription.
12:48Ils sont soumis aux mêmes règles en matière de responsabilité,
12:51puisqu'ils ont une responsabilité solidaire avec les commissaires priseurs.
12:54Ils sont soumis, l'action en responsabilité des commissaires priseurs
12:58et l'action en responsabilité des experts de vente
13:01sont soumises au même délai de prescription de 5 ans à compter de la vente.
13:04Merci beaucoup, Maître Lebihan, je vous rappelle que vous êtes avocate
13:09et merci beaucoup de nous avoir donné tous ces éléments de réponse sur un oeuvre non conforme
13:15et les droits et les recours qui sont possibles si on découvre un problème autour de cette oeuvre.
13:21Merci à vous toutes et tous de nous avoir suivi, c'était Arrêt Marché.

Recommandations