Interview ou reportage d'une émission cinéma produite par CANAL+ autour d'un film disponible sur CANAL+ ou sortant en salles, un événement ou une actualité du 7ème Art
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00:00Dans « Je le jure », vous incarnez Julia qui vient d'être tirée au sort en tant que jurée
00:04dans le cadre d'un procès en appel d'un jeune pyromane accusé d'homicide involontaire.
00:08Comment est-ce que vous avez réagi déjà en tant que comédienne
00:10et en tant que citoyenne lorsque vous avez reçu le scénario ?
00:13J'ai appris beaucoup d'abord parce qu'on nous a invitées à assister à pas mal de procès,
00:19avec Marina Foys notamment, pour essayer de comprendre un peu l'ambiance.
00:23J'ai compris que quand on était comme ça, invitées à devenir jurées, c'était une obligation.
00:29On ne peut pas le décliner.
00:30On a une semaine en immersion totale avec d'autres jurés qui sont de milieux complètement différents.
00:37C'est en ça que le film est intéressant,
00:39c'est que c'est un prétexte à un mélange de plein de milieux sociaux qui n'auraient pas dû se rencontrer.
00:43J'ai beaucoup aimé le fait que ce soit du point de vue des jurés ce procès,
00:47la façon dont c'est filmé.
00:49J'ai aussi beaucoup apprécié le fait de tourner avec des non-professionnels,
00:52ce qu'il faut rappeler que dans le film, les deux héros sont des comédiens qui n'avaient jamais joué,
00:56qui sont formidables, notamment Julien Ernwein qui joue Fabio.
01:01Voilà, Fabio qui vient d'un milieu très pauvre et qui a du mal à prendre la parole
01:05et à s'exprimer face à ce qu'il doit juger.
01:07On a très peu de temps pour se faire un avis sur ce pyromane et il est question vraiment de la peine.
01:15Qu'est-ce que c'est que de juger quelqu'un en si peu de temps ?
01:18Oui, c'est ça, parce que le film pose vraiment cette question.
01:20Qu'est-ce que l'on ressent lorsque l'on doit décider du sort de la vie de quelqu'un ?
01:25C'est vrai que l'enjeu du film, ce sont ces personnes qui n'ont rien demandé
01:30et qui se retrouvent quand même avec une lourde responsabilité entre leurs mains.
01:34Exactement, et quand on écoute les podcasts de ceux qui ont été jurés d'assises,
01:41ils disent tous que c'est une expérience extrêmement marquante.
01:44C'est cruel aussi parce que parfois, ce qu'on a décidé n'a pas lieu.
01:51Il y a des gens notamment dans le film qui donnent de très lourdes peines,
01:54qui sont très catégoriques et mon personnage, il est beaucoup plus dans l'idée
02:02que ce pyromane est malade psychologiquement et qu'il faudrait plutôt le soigner psychologiquement
02:07plutôt que de le mettre en prison.
02:10Qu'est-ce que vous voulez ? Réinsertion ou répression ?
02:14L'ordre ou la justice ? Qu'est-ce qui vous intéresse ?
02:17Non mais franchement, vous croyez vraiment qu'il peut s'insérer, se réinsérer ?
02:22Vous croyez vraiment ? S'il sort d'un dix ans, qu'il recommence, qu'il tue quelqu'un ?
02:25Moi je ne m'en remettrai pas, je vous le dis franchement.
02:27Oui mais il sortira de toute façon, un jour ou l'autre.
02:30Et si c'est dans 20 ans, il sera deux fois plus dangereux qu'aujourd'hui.
02:33Donc je ne vois vraiment pas ce que la société a gagné dans cette histoire.
02:37Moi déjà, 12 ans, je trouvais ça énorme.
02:39Essayons de ne pas nous référer au jugement de première instance
02:42si on considérait cette affaire comme si elle n'avait jamais été jugée.
02:46Chaque année, c'est à peu près 20 000 citoyens qui sont appelés à être jurés d'assises.
02:50Si vous êtes posé la question, si jamais on vous appelait, comment est-ce que vous réagiriez ?
02:54Je serais d'abord obligée d'accepter et je serais ravie de vivre cette expérience, honnêtement.
03:01On avait l'impression un peu d'en être vraiment dans le processus du tournage
03:07parce qu'on était souvent filmés à notre insu, avec plusieurs caméras.
03:13Il y avait pas mal de moments volés et c'était beaucoup d'improvisation, donc très naturel.
03:18Mais c'est un théâtre aussi, le procès, qui est très hiérarchisé.
03:25Les tenues, les robes de magistrats en imposent beaucoup.
03:30C'est comme un film dans le film, c'est comme une pièce de théâtre à l'intérieur du film.
03:34Et c'est vrai que c'est toujours passionnant, les films de procès.
03:36Alors là, vous disiez il y a quelques instants, c'est vraiment par le regard de ces jurés.
03:40Je pense à des films récents comme Juré numéro 2 ou 12 hommes en colère.
03:44Oui, c'est beaucoup plus récent.
03:45Mais est-ce que vous les avez revus pour préparer le film ?
03:48Non, j'ai beaucoup parlé avec les avocats qui étaient présents sur le tournage.
03:53Et puis, j'ai été marquée aussi par l'ambiance des procès auxquels j'ai pu assister.
03:58D'abord, tout le monde peut assister à ces procès, c'est ouvert.
04:01Et puis, ce qui m'a marquée, c'est le ton aussi des avocats de la défense,
04:08qui est un ton d'acteur, de comédien.
04:11On compare souvent d'ailleurs ces deux métiers.
04:13Vous auriez pu être avocate ?
04:15C'est drôle parce que je viens de jouer dans une comédie avec Marielle Robin,
04:18dans un film qui s'appelle Magistrate de Pierre Mazengarde,
04:20qui va être à la Dupontelle, très punk, très enlevée.
04:24Et là, je joue une magistrate, donc j'ai des plaidoiries.
04:28Et ça m'a beaucoup amusée.
04:30Et elle, contrairement aux autres jurés, puisque c'est un peu confrontation de personnes
04:34qui viennent tous d'univers différents, qui sont tous très différents,
04:37elle n'a aucun mal à s'exprimer.
04:38Non, mais elle est médecine, elle fait partie de la bourgeoisie,
04:42elle est très sûre d'elle, elle a une autorité naturelle avec ce métier de médecin.
04:46Et elle ne voit absolument pas qu'elle plaît à Julien Hervagne,
04:52dans le film, qui démarre le film dans une histoire d'amour
04:56avec une femme beaucoup plus âgée que lui.
04:58C'est un très beau couple d'ailleurs, ils sont très touchants.
05:00Et il va être troublé par moi, mais je vais le renvoyer dans les cordes
05:04parce que, socialement, c'est impossible.
05:06C'est assez cruel, en fait, sur le déterminisme social
05:10et ces confrontations de classe, c'est très intéressant dans le film.
05:13Alors, raconte, comment ça se passe ?
05:15C'est intéressant.
05:17Tu ne crois pas que c'est un peu du bluff, tout ça ?
05:19Comment ça ?
05:20L'accusé, il a un avocat commis d'office, non ?
05:22Oui.
05:24D'office coupable.
05:26Il ne pouvait jamais le faire sortir, il est niqué.
05:28Le mec, il a cramé des immeubles et toi, tu veux le faire sortir ?
05:31Je n'ai pas dit ça, moi. Juste le juger comme une personne normale.
05:34De toute façon, on sait très bien comment ça se passe.
05:36Si tu as les moyens de te payer une star du barreau, tu sors.
05:38Si tu es pauvre, tu restes au trou.
05:40C'est très théâtral, un procès.
05:42Et en même temps, une cour d'assises aussi.
05:44Tout est très codifié.
05:46Le décor, les costumes.
05:48Est-ce que ce côté aussi théâtral,
05:50c'est quelque chose qui porte pendant ton âge ?
05:52Ça m'a beaucoup rappelé mon premier film,
05:54La fille de Monaco, parce que ça se passait aussi
05:56autour d'un procès, à Monaco.
05:58Ça porte énormément, oui. La robe
06:00porte. Moi, là, je suis jurée,
06:02mais on y croit, quoi.
06:04Parce que chacun a son rôle et on joue tous ensemble.
06:06Et ça concerne
06:08énormément de personnes.
06:10Tous les jours, on avait les mêmes figurants
06:12qui étaient les spectateurs
06:14du procès.
06:16Ça a été une expérience très marquante.
06:18Vous avez dit, Louise, j'ai encore besoin de dessiner
06:20pour comprendre.
06:22On sait que vous êtes une grande passionnée d'art plastique.
06:24Le dessin a toujours une grande importance.
06:26Vous dessinez pendant les tournages, comment ça se passe ?
06:28Quelle place il a, vraiment ?
06:30C'est drôle, parce que dans le film, j'ai dessiné
06:32la mère de l'accusé.
06:34J'avais un plan sur mon dessin et je ne le savais pas.
06:36Ça m'a marquée de le voir dans le film.
06:38C'est génial.
06:40Il y avait beaucoup de temps d'écoute
06:42en tant que jurée.
06:44Peu de texte.
06:46J'ai beaucoup dessiné.
06:48Ces fameux croquis d'audience,
06:50quel regard vous portez sur ces dessins qui sont
06:52très importants ? Parce qu'il y a des procès aussi.
06:54On ressent vraiment l'intensité
06:56et l'émotion d'un procès
06:58à travers les croquis d'audience.
07:00Et encore plus parce qu'il n'y a pas de caméra ou de photo.
07:02C'est la seule trace
07:04de ce qui s'est passé pour le public.
07:06Qu'est-ce qu'il vous a appris, ce film,
07:08sur vous-même ?
07:10Il m'a appris à me faire confiance,
07:12notamment lors d'un long monologue que j'avais
07:14dans un bar où je me suis autorisée
07:16à réécrire un peu du texte
07:18pour me l'approprier.
07:20Ça m'a beaucoup aidée
07:22de me permettre ça pour le jeu.
07:24Il faut que j'arrive, en grandissant,
07:26film après film,
07:28à oser réadapter les textes.
07:30Quand j'ai commencé, j'étais très scolaire.
07:32J'étais au mot près.
07:34Pour moi, c'était très sacré, un texte.
07:36On m'imposait ça comme une sorte de grande littérature.
07:38Alors qu'en fait, c'est une matière.
07:40Il ne faut pas avoir peur de surprendre
07:42son metteur en scène et de se réapproprier
07:44les choses pour aller au bout
07:46de l'émotion
07:48qu'on peut apporter.
07:50Vous avez incarné une professeure dans un métier sérieux,
07:52médecin dans Hippocrate, évidemment.
07:54Aujourd'hui, il y a une jurée d'assises.
07:56Ce sont des rôles qui vous plongent au cœur d'institutions
07:58essentielles comme l'éducation,
08:00la santé, la justice.
08:02Qu'est-ce qui vous attire dans ces univers ?
08:04Ce sont les rôles qu'on me propose.
08:06J'avais des parts en prof.
08:08J'étais censée être prof,
08:10donc j'ai joué pas mal de profs, finalement.
08:12C'est une forme d'engageant aussi.
08:14Oui, puis il y a Hippocrate aussi,
08:16donc c'est le service public.
08:18C'est une responsabilité aussi
08:20pour la profession qu'on représente.
08:22C'est une aide aussi parce que
08:24quand on joue un médecin comme ça,
08:26on vous place tout de suite en médecin.
08:28On n'a rien à expliquer.
08:30C'est comme un laisser-passer,
08:32une autorisation qui libère
08:34beaucoup pour le jeu, parce que ça,
08:36on n'a pas à le prendre en charge.
08:38Même chose, en tant que professeur,
08:40quand j'ai joué des profs,
08:42la classe apporte beaucoup.
08:44C'est très théâtral aussi, un peu comme un procès.
08:46En parlant d'hommage, je voulais qu'on dise
08:48un mot sur Karim Leclou qui est votre partenaire
08:50dans Hippocrate, qui vient d'avoir le César
08:52pour le roman de Jim.
08:54C'est un très beau film.
08:56Ça fait longtemps qu'il aurait du en avoir un.
08:58C'est un très grand acteur.
09:00J'ai été particulièrement touchée parce que
09:02j'ai tourné quasiment un an et demi,
09:04jour pour jour, entre la saison 1,
09:062 et 3 d'Hippocrate.
09:08Il est mon interlocuteur principal
09:10dans la série.
09:12On a presque une sorte d'histoire
09:14d'amour sous-jacente.
09:16On a eu tellement de plaisir à jouer ensemble
09:18que ça m'a fait très plaisir pour lui.
09:20C'était très mérité.
09:22Karim est venu au César avec Laetitia Doge,
09:24sa partenaire dans le film, qui nous disait
09:26à quel point c'est un partenaire formidable.
09:28Il ne le dit pas parce qu'il est
09:30très pudique.
09:32Il est très concerné,
09:34bienveillant et extrêmement
09:36travailleur.
09:38Il a des fulgurances
09:40plein d'intuitions
09:42qui sont très justes pour ses personnages.
09:44Il apporte beaucoup
09:46en plus de l'écriture.
09:48Son discours a beaucoup fait parler.
09:50Qu'est-ce que ça vous a évoqué ?
09:52Je l'ai pris pour moi.
09:56J'ai été très touchée par ça.
09:58Ça fait écho à son personnage
10:00dans le film.
10:02J'ai été très touchée aussi qu'il sorte...
10:04Je pensais qu'il avait écrit un texte,
10:06mais quand il a sorti le mot
10:08de sa femme et de son fils,
10:10j'ai trouvé ça vraiment très charmant.
10:12Est-ce qu'on peut appliquer la gentillesse
10:14au monde du cinéma ?
10:16Est-ce que ce mot s'applique bien ?
10:18Je crois que pour être un bon acteur,
10:20il faut être gentil.