"C’était notre première venue en France et les blancs étaient là, à nous prendre en photo de gauche à droite."
En 1994 près de Nantes, 25 hommes, femmes et enfants sont amenés de Côte d'Ivoire pour vivre et se représenter au sein d'un zoo. Edith Lago était danseuse au Safari Parc. Elle témoigne dans le documentaire "Le village de Bamboula".
Le village de Bamboula, réalisé par Yoann de Montgrand et François Tchernia, sera diffusé sur France 2 le 18 janvier à 23.55 et disponible en replay sur France.tv
En 1994 près de Nantes, 25 hommes, femmes et enfants sont amenés de Côte d'Ivoire pour vivre et se représenter au sein d'un zoo. Edith Lago était danseuse au Safari Parc. Elle témoigne dans le documentaire "Le village de Bamboula".
Le village de Bamboula, réalisé par Yoann de Montgrand et François Tchernia, sera diffusé sur France 2 le 18 janvier à 23.55 et disponible en replay sur France.tv
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00:00Avec les africains, tout se fait en musique, artisanat, danse et séduction.
00:06Vous avez vu la petite fille qui est au milieu, c'est moi.
00:10Il fallait toujours danser sans nus.
00:12On n'habitait pas en ville, on habitait où les animaux habitaient.
00:16Et on était logés là-bas, on faisait tout là-bas.
00:20Donc du coup, c'était notre première fois de venir en France.
00:24Et les blancs, ils étaient là, qui nous prenaient les photos de gauche à droite.
00:29Nous on pensait qu'on faisait un bon boulot, donc on était là.
00:32Mais quand tu n'es pas content, il est obligé de te dire, il faut sourire, parce qu'il est devant toi.
01:00C'est une journée de rêve pour le visiteur, à la découverte d'une faune sauvage.
01:05Et c'est vrai que dans notre monde de morosité ou de stress,
01:08nos concitoyens ont besoin de journées de rêve.
01:14Au safari africain, j'étais une petite fille,
01:19qui on avait pris en Côte d'Ivoire pour venir danser.
01:22Depuis toute petite, j'étais une danseuse.
01:25Et en Côte d'Ivoire, j'ai dansé, il y a une danse qu'on appelle la danse un gouron,
01:30qu'on danse au sein nu.
01:32Et comme j'avais une belle poitrine, et je le dansais bien,
01:36et c'est comme ça qu'on m'a pris pour venir danser.
01:38Et j'avais 14 ans, entre 13 ans et 14 ans.
01:41Moi, mes parents sont paysans, donc du coup, quand on entend le nom France,
01:45tout de suite, tu sais que c'est la France.
01:48Et c'est comme ça qu'on m'a pris pour venir danser.
01:51Donc du coup, quand on entend le nom France,
01:54tout de suite, tu ne cherches pas à comprendre où tu vas habiter, où tu vas dormir.
02:06On n'avait pas un défenseur pour nous défendre.
02:09Quand on arrivait, il a dit, voilà, vous dansez six fois par jour.
02:14On se lève le matin.
02:16De toute façon, c'est moi qui suis la servante de la maison.
02:20Je fais le ménage, je fais à manger.
02:24Et on se lave, on s'en va.
02:27On a deux pas où on danse, où il y a le podium.
02:32Chaque 30 minutes, on doit danser.
02:36J'avais dit, chaque 30 minutes, on doit faire le spectacle.
02:39Le soir, on rentre à la maison.
02:41On se lave vite fait, on mange vite fait.
02:44On nous met dans le car pour aller faire les autres spectacles dehors.
02:48Le personnel, que ce soit les artisans comme le groupe Le Diolème,
02:52sont sous l'autorité totale de l'OITH.
02:55La convention est très très claire pour ça.
02:57Même, ils ont prévu le rapatriement s'il se passait quelque chose.
03:00Donc, ils sont sous la législation ivoirienne.
03:11Ce n'est pas le droit français.
03:13Ce n'est pas le montant des salaires français.
03:15Ce n'est pas la protection sociale française qui vont s'appliquer.
03:19C'est la loi ivoirienne.
03:21On l'appelle et on lui dit, il y a un petit problème.
03:24On voudrait en discuter avec vous.
03:26Et il nous dit, venez me voir, je vais vous expliquer.
03:28Tout est en règle.
03:29J'ai toutes les autorisations.
03:31La préfecture, je suis avec eux sans arrêt, au téléphone.
03:35On fait tout bien.
03:37Et puis d'ailleurs, il y a un petit problème.
03:39Parce que vous savez, la préfecture, ils ont peur.
03:41Est-ce qu'il va y avoir de l'immigration clandestine avec votre affaire et tout ?
03:44Alors moi, je leur ai dit, il n'y a aucun problème.
03:46Je vais vous arranger ça.
03:48J'ai pris les passeports de tout le monde.
03:50Je les ai mis dans mon coffre.
04:04On était venus pour sept mois.
04:06Et je pense qu'on a fait un mois ou deux mois.
04:10Et ils ont trouvé que non, on était vraiment mineurs.
04:13Et il fallait nous retourner en Côte d'Ivoire.
04:15Si on nous en avait dans le groupe, on a handicapé le groupe.
04:19Donc il fallait trouver une solution pour nous mettre à l'école.
04:23Donc on partait à l'école le matin.
04:25Et on partait le matin.
04:27Et à midi et demi, on descendait, on mangeait vite, vite.
04:31Parce qu'il fallait faire le spectacle à 13h30 jusqu'à 18h30.
04:35C'est un zoo.
04:37Quand on dit un zoo, il y avait tous les animaux là-bas.
04:41Et c'était là-bas qu'on a logé.
04:43Il y a le parc et au milieu, il y avait une ancienne ferme.
04:45Donc ils vivaient à l'intérieur du parc.
04:48Quand je venais les chercher ou je les ramenais,
04:50il fallait ouvrir la grille.
04:52C'était un peu enfermé, c'était un peu en cage.
04:54Puis des fois, même à la rigolade, ils disaient
04:56je retourne dans ma prison ou je retourne avec les bêtes.
04:58Quand je vois ça, j'ai vraiment l'impression
05:00de voir les derniers animaux du parc.
05:02C'est mal présenté.
05:04Sinon ici, ils ne nous ont pas donné de sous.
05:07Rien du tout.
05:09Rien du tout.
05:11Et il y en a d'autres qui n'ont pas eu le paye.
05:14C'était comme le temps de nos grands-parents,
05:17de la manière dont les Blancs partaient en Afrique
05:20pour prendre leur noix, pour venir travailler.
05:23Travailler forcé.
05:25C'était un truc comme ça qu'on nous avait fait.
05:27En 94, il n'y avait pas de réseaux sociaux.
05:30Il n'y avait pas d'Internet.
05:33Nous-mêmes, on ne savait même pas manipuler Internet.
05:37Donc, il fallait maintenant qu'on puisse se réaliser
05:40pour dire waouh, c'était ça qu'on nous avait fait.
05:46Qu'est-ce que vous voulez qu'on dise ?
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