Perrine, Charles et leurs filles sont confinés dans leur ferme biologique et expérimentale du Bec-Hellouin. Selon eux, le modèle d'agriculture qu'ils défendent est capable d'affronter les crises.
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00:00Bonjour, bienvenue à la ferme du Békeloin, notre petite ferme bio de Normandie.
00:07Alors tu vois là je fais une boîte de carottes, quelques paniers de légumes de saison dans le village que je peux livrer à vélo donc c'est hyper facile.
00:16On est en train de planter les pommes de terre, là c'est une délicieuse variété qui s'appelle la rate.
00:20On en fait plus que prévu parce qu'on se dit qu'il y aura peut-être des pénuries alimentaires, on n'en sait rien mais on préfère anticiper.
00:28Pendant ce temps-là, Charles Perrine et leur fils sont confinés dans leur ferme biologique et expérimentale au Békeloin.
00:39Ici, depuis 2004, ces paysans défendent une agriculture basée sur des méthodes ancestrales combinées à des techniques plus modernes comme la permaculture.
00:48En ce moment, notre ferme produit magnifiquement et sans pétrole, sans intrants, etc.
00:57C'est vraiment cette agriculture bio-aspirée, cette éco-culture est vraiment un modèle d'agriculture résiliente.
01:04Et si on veut sécuriser l'alimentation de l'humanité demain, il faut absolument changer de modèle agricole.
01:13Ils font donc ici ce qu'ils appellent de l'agriculture résiliente, une agriculture capable, selon eux, d'affronter différentes crises telles que le changement climatique, les pénuries d'eau, de pétrole ou d'électricité.
01:26On a planté, je ne sais pas, mais peut-être 5000 arbres fruitiers au total sur l'ensemble de la ferme.
01:33Après, c'est une histoire de patience. Il faut 7, 8, 10 ans pour qu'un arbre fruitier soit vraiment en production.
01:39Donc la résilience, pour qu'un lieu devienne résilient, ça ne se fait pas en claquant des doigts.
01:45Je crois qu'il faut 10, 15, 20 ans de travail intense, d'investissement pour qu'une ferme conquiert une véritable résilience.
01:57Et si on voulait rendre notre société tout entière résiliente, c'est l'effort d'une génération.
02:02Il y a une dimension poétique et esthétique dans cette éco-culture. Mais ce n'est pas qu'un projet babacool, pas du tout.
02:13C'est un projet qui est ultra efficace en termes de productivité.
02:16Et la bonne nouvelle derrière tout ça, c'est qu'on arrive à augmenter très rapidement la fertilité des sols,
02:21tout en produisant bien plus que les formes de maraîchage qui font appel à des engins motorisés.
02:26Parce que le fait de faire tout à la main permet de prouver vraiment beaucoup.
02:29Tiens, voilà un petit exemple. On a des pois à rame qui grimpent, donc qui vont atteindre 2 mètres de haut.
02:38On a des pommes de terre qui vont nous faire des petites pommes de terre primeurs.
02:42Et puis on a des petites salades mignonnes et même des fleurs qui repoussent de l'année dernière,
02:47parce qu'il y a pas mal de fleurs dans la serre pour attirer la biodiversité.
02:52On n'allait pas croire que notre démarche, c'est un retour au passé.
02:56C'est pas la ferme de grand-papa, même si ça a un peu la poésie des charmes de mon enfance.
03:02En fait, ce qu'on fait, c'est une démarche qui est très ouverte.
03:05On s'inspire beaucoup de l'agriculture pré-industrielle.
03:08Parce que la société rurale d'autrefois était beaucoup plus résiliente qu'on l'est aujourd'hui.
03:14Notre société mondialisée dépend tellement de flux constants d'énergie, de matière, de vivres, etc., de pièces détachées.
03:22Cette crise du coronavirus le montre bien.
03:25Donc, on n'est plus du tout résilient.
03:27Autrefois, on faisait un peu tout, partout, localement.
03:31Donc, on cherche les solutions utilisées dans l'agriculture pré-industrielle.
03:36Et on cherche aussi des solutions dans notre époque contemporaine.
03:40Et tout ça pour imaginer le monde d'après, le monde de demain, une agriculture post-pétrole.
03:46Et donc, on puise un peu le meilleur des traditions et le meilleur de la modernité.
03:55Le modèle que nous, on porte, il s'inspire de la nature.
03:58Et on voit bien que dans les écosystèmes naturels, plus le milieu est diversifié, plus il est résilient.
04:06Ce paysage résilient, ce paysage comestible, comme on dit en permaculture, on l'a vraiment construit de toutes pièces.
04:14C'était juste un pré ici, avec du très mauvais sol, un sol caillouteux et impropre au maraîchage.
04:22Le maraîchage a besoin d'une terre très riche.
04:24Et cette terre, on l'a vraiment créée.
04:26On voit là les buttes, toutes ces profondeurs de sol.
04:30C'est le résultat d'apports de matières organiques, de paillages, de composts répétés pendant 10, 12, 15 ans.
04:38On est en train d'installer une structure en oistier pour pouvoir palisser les pois et les haricots à rame.
04:45C'est-à-dire les faire grimper sur des filets.
04:47Parce que ce sont des plantes qui montent à à peu près 2 mètres.
04:50Donc on fait une structure comme ça.
04:52On a été couper des perches de noisetiers dans nos bois hier.
04:55Et on essaye de faire tout avec les ressources biologiques.
04:58C'est-à-dire les ressources vivantes de notre petit coin.
05:02Et donc on a en abondance du sol autour de nous, du sol osier, de l'osier.
05:09Et puis ces perches de noisetiers qui sont bien droites.
05:12Alors c'est un peu de boulot, mais ça reste en place plusieurs années.
05:16C'est joli.
05:17Et ça fait un jardin qui est à la fois naturel et fonctionnel.
05:21Cette question de la résilience, on y travaille intensément depuis des années.
05:25Et on est très loin d'arriver à un niveau satisfaisant.
05:28Et l'année dernière, quand les armes mouraient à cause de cette canicule extrême au mois de juillet,
05:33j'ai vraiment compris qu'on ne peut pas être résilient tout seul.
05:36Il faudrait que ça devienne des territoires résilients.
05:39Si la ferme est vraiment un peu plus autonome et résiliente que son environnement,
05:45on tiendra quelques jours de plus ou quelques semaines de plus.
05:48Mais après, on sera laminé comme les autres en cas de crise.
05:51Donc c'est ensemble qu'on doit penser la résilience.
05:54C'est en communauté, c'est une réflexion par territoire, par biorégion,
05:59c'est à l'échelle d'un continent même.
06:02Sans ça, on n'y arrivera pas.