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00:00Quand on comprend ce que les gens projettent sur nous en fonction de qui on est et rien d'autre et pas de ce qu'on fait.
00:06C'est une chose qui m'a mise très en colère pendant quelques années.
00:09Je me sens vraiment plus tranquille avec moi-même.
00:14Du coup, avec le regard que je porte sur moi, ça a aussi évidemment changé la manière que j'ai de voir ma place au sein de la société,
00:22en tant que femme, en tant qu'artiste, en tant que personne publique ou en tant que citoyenne.
00:27Dans « Reine-mère » de Manel Labidi, Camilia Giordana joue Amel, une femme avec beaucoup de tempérament,
00:32et mère de Mouna, une pré-ado qui se met à avoir des visions de Charles Martel.
00:36Et c'est en 732 que Charles Martel arrêta les Arabes.
00:40J'ai pas compris.
00:42Qui t'a poursuivi ?
00:42Mouna a cru qu'elle était poursuivie par Charles Martel.
00:45Tu dois pas aller souvent en cours de peste, toi.
00:47T'es partie avant moi, je suis arrivé avant toi.
00:49C'est celui qui arrêta les Arabes en 732.
00:52Les ? Pardon ?
00:54Les Arabes.
00:57C'est un film qui a pour centre beaucoup de sujets sociaux, en fait.
01:02Évidemment, il y a le racisme ordinaire qui est en toile de fond.
01:06On parle de déclassement social, on parle de la question de la classe sociale au sein du couple,
01:10mais aussi au sein de la société.
01:12On parle d'éducation, on parle de logement.
01:15Le tout avec une espèce de fantaisie très singulière qui, moi, me fait énormément rire.
01:23L'intelligence de Manel Labidi, tout simplement.
01:25Ce souvenir que partagent tous les Nord-Africains français.
01:30Cette simple phrase, parce qu'il n'y a rien de plus à l'école, en primaire, quand on nous dit
01:36« En 732, Charles Martel arrêta les Arabes à Poitiers ».
01:39C'est comme presque chez le psy, quoi.
01:41Quand on vous ressort une scène et vous vous dites
01:44« Mais j'ai toujours cru que c'était anodin, mais en fait c'était traumatisant ».
01:46Alors, on n'est pas sur un traumatisme non plus de ce cours d'histoire,
01:49mais en revanche, ça contribue à l'un des points de départ de la haine de soi,
01:55de la détestation de soi.
01:56Moi, en plus, j'ai grandi dans un milieu de classe moyenne
02:00où j'étais la seule Nord-Africaine de ma classe.
02:03Il y a cette honte où on se dit « On a fait quelque chose de mal.
02:08Il a fallu nous repousser, il a fallu qu'on nous rejette ».
02:11Manel Labidi, la réalisatrice, elle a rencontré des spécialistes de Charles Martel
02:15parce qu'il y a très peu de documents qui existent.
02:17Tous lui ont dit, assez désabusés,
02:19qu'il y a une espèce de propagande fomentée comme ça,
02:21de fantasmes qui existent autour de la figure de ce personnage,
02:26que les identitaires nationalistes se sont attribués.
02:30On se retrouve aujourd'hui avec des groupuscules qui s'appellent les Brigades Martel et autres.
02:33Il n'y a jamais eu d'invasion barbare.
02:36On nous parle de millions de Sarrazin qui n'ont jamais existé.
02:39Vraiment, il y a une espèce de fantasme fou.
02:42Et du coup, Manel s'est dit « Mais attends, si il revenait lui aujourd'hui,
02:45il serait en pleine crise identitaire aussi ».
02:47Je pense que la question de mon identité,
02:49c'était une chose que j'ai longtemps vécue comme un fardeau.
02:53Je subissais une chose qui m'impactait
02:57parce qu'elle était tributaire de la manière dont les gens me voyaient
03:01et elle était tributaire de ce que les gens profitaient sur moi.
03:03Aujourd'hui, ce que je me dis, c'est plutôt
03:05« Non, j'ai la chance d'avoir une culture, des cultures très belles, très riches ».
03:12Et la question, c'est plutôt « Comment est-ce que j'embrasse tout ça ?
03:16Comment je me nourris de tout ça ?
03:18Et qu'est-ce que j'en fais ?
03:19Et du coup, de quelle manière est-ce que moi,
03:20je choisis de me présenter au monde en embrassant cette richesse-là ? »

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