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Cliniques, laboratoires, centres dentaires ou d'ophtalmologie... Dans nos centres villes, l'offre de soin change de visage. Six grands groupes privés concentrent aujourd'hui les deux tiers des laboratoires de biologie médicale. 15 à 20% des cabinets d'imagerie seraient dans les mains d'acteurs financiers. Dans un rapport remis en septembre 2024, le Sénat s'inquiète de cette "OPA sur la santé." La place croissante des acteurs financiers dans l'offre de soin menace-t-elle la santé des patients ? Les médecins risquent-ils de perdre leur indépendance ? Comment limiter les dérives ? Nous poserons ces questions à nos invités Eve Rescanières, secrétaire générale de la CFDT santé-sociaux, Eric Chenut, président de la Mutualité Française, Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'Hospitalisation Privée et Bernard Jomier, sénateur de Paris.

La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.
L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP-Assemblée nationale, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.
Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !

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Transcription
00:00SOUS-TITRAGE RECALCULÉ
00:02Générique
00:04...
00:26Bonjour à tous et bienvenue dans Cet État de Santé.
00:30On a tous à l'esprit l'affaire scandaleuse
00:33des maisons de retraite hors PA
00:35dont les gestionnaires ont fait dominer
00:39leur intérêt financier sur l'intérêt des pensionnaires.
00:43La question qu'on se pose aujourd'hui est la suivante.
00:45Doit-on craindre la même dérive
00:48dans le secteur général de la santé ?
00:51Il y a déjà des acteurs privés très nombreux
00:53qui complètent l'offre publique, fort heureusement,
00:56dans le domaine de la santé,
00:57mais il y a privé et privé.
00:58Il y a celle qui a une logique financière
01:01qui supplante tout et qui peut menacer naturellement
01:05la qualité des soins.
01:06On va en parler ensemble, édition spéciale aujourd'hui
01:09sur LCP d'État de Santé.
01:11Je vous présente nos invités.
01:12Bonjour, Éverest Cagnard. Vous êtes infirmière,
01:14secrétaire générale de la CFDT Santé-Sociaux
01:18et vous avez dénoncé la spéculation immobilière
01:20du groupe Ramsey Santé dans un rapport publié il y a peu.
01:23J'ajoute que vous avez connu vous en tant que praticienne,
01:27vous êtes infirmière,
01:28vous avez connu le changement vraiment très concret
01:32lorsqu'une maison, effectivement,
01:34est récupérée par un groupe financier.
01:36Bonjour, Éric Chenu. Merci d'être avec nous.
01:38Président de la mutualité française,
01:40qui représente, on le sait, 500 mutuels,
01:42un réseau de 2 900 établissements privés non lucratifs,
01:46hôpitaux, centres dentaires, centres de soins primaires.
01:50On en parle avec vous.
01:51Craignez-vous une forme de prédation, de dérive ?
01:55Vous nous le direz. Bernard Jomier,
01:56vous êtes médecin généraliste, sénateur de Paris.
01:59Vous êtes médecin, vous exercez toujours.
02:01Vous le disiez tout à l'heure, vous avez toujours une consultation.
02:04Vous n'avez pas perdu la main, si je puis dire.
02:07Membre de Place publique, en termes partisans,
02:10et vous êtes surtout co-rapporteur
02:12de la mission d'information du Sénat
02:14sur la financiarisation de l'offre de soins,
02:17risques d'OPA sur la santé.
02:20Je crois que c'était le titre.
02:21C'est un rapport qui fait réagir.
02:23La Cour des comptes s'en est saisie,
02:25l'IGAS aussi va l'étudier.
02:26Vous avez ouvert une porte.
02:28Une porte d'inquiétude.
02:29On verra si ça va vite pour vous et jusqu'où ça doit aller.
02:32Merci à vous, Lamine Garbi, d'être là.
02:34C'est important que vous soyez là.
02:36Il ne faut pas faire d'entre-soi.
02:38Vous représentez le secteur privé,
02:40président de la Fédération de l'Hospitalisation privée,
02:42qui rassemble plus de 1 000 cliniques et hôpitaux privés.
02:45Vous gérez vous-même un groupe de 14 établissements de soins
02:49implantés en Occitanie.
02:50Des soins de quelle nature ?
02:52Toute la filière de soins, des urgences,
02:54de la médecine, de la chirurgie, de la rédaptation,
02:57même de la psychiatrie, ça peut servir.
03:00Les risques de la financiarisation, ça vous parle ?
03:02Financiarisation ? Je parlais de financement.
03:05On va voir ça.
03:06Le financement, il est énorme.
03:09Il va de pair, évidemment,
03:11avec la demande de soins qui ne fait qu'augmenter
03:14et qui suscite des convoitises,
03:17et notamment celle qui nous intéresse aujourd'hui,
03:19c'est les groupes financiers qui sont de plus en plus nombreux.
03:24On peut dire ça comme ça, Véronique Jomier ?
03:26C'est un secteur... Il y a un podium, là,
03:29sur les investissements des fonds financiers.
03:31Il y a l'industrie, les biens et les services de consommation.
03:35La santé arrive troisième.
03:36Quand vous avez l'industrie et les biens de service,
03:39ça fait beaucoup, la consommation.
03:41Mais quand même, ça veut dire que ce domaine de la santé
03:44suscite de plus en plus d'intérêts,
03:46de la part de capitaux qui en espèrent
03:48un résultat intéressant.
03:50Oui, parce que c'est un secteur en croissance.
03:52La demande de santé croît parce que la population grandit,
03:56parce qu'on vieillit,
03:57parce qu'en vieillissant, on a de plus en plus affaire
04:01à des problèmes de santé, des maladies chroniques.
04:04Et la deuxième grande raison, c'est que dans ce secteur qui croît,
04:08il y a un payeur, l'assurance maladie, qui est très stable.
04:11On l'a vu pendant la crise Covid, avec le quoi qu'il en coûte,
04:14il paye de toute façon.
04:16Et donc, c'est très attractif, évidemment,
04:18pour des gens qui veulent prendre des parts dans ce système.
04:21Parce qu'évidemment, la question qui nous intéresse à plusieurs titres,
04:26d'abord, il y a l'intérêt des patients,
04:28et puis il y a cet argent public, notre sécurité sociale,
04:31qui finance une partie des intérêts privés
04:34au dépend de la qualité et de l'offre de soins.
04:37C'est ça, l'enjeu ? On peut le résumer comme ça ?
04:39L'enjeu, c'est de savoir...
04:41On parle beaucoup du déficit de la sécurité sociale,
04:43du fait qu'on met de plus en plus dans la santé,
04:45le budget santé du pays,
04:47c'était à peu près 230 milliards il y a cinq ans,
04:51et maintenant, c'est 265 milliards.
04:53Donc, vous voyez, ça augmente très vite.
04:55Et donc, il faut prendre garde à ce que cet argent...
04:58C'est les prélèvements des Français, c'est les cotisations sociales,
05:01c'est la CSG.
05:02Il faut prendre garde à ce qu'ils ne sortent pas du système de santé
05:05pour aller rémunérer simplement des actionnaires.
05:09Éverest Cagnères, soyons descriptifs.
05:13C'est important de voir les conséquences.
05:15Alors, vous, vous avez travaillé dans un établissement privé,
05:18et puis, il y a eu un changement d'investisseur.
05:21Et vous avez vu, à ce moment-là, la différence, c'est-à-dire ?
05:24Alors, la différence, elle s'exerce à plein de niveaux.
05:28Elle s'exerce surtout sur la masse salariale.
05:32Donc, on va chercher à économiser, à rentabiliser le plus possible.
05:37Elle s'exerce aussi sur les conditions de travail,
05:40parce que, du coup, on va intensifier le travail
05:42pour rendre encore plus rentables les activités que l'on fait.
05:45Donc, on va chercher tous les moyens de rentabiliser.
05:49Et la problématique, c'est qu'à force de rentabiliser,
05:53alors, ça a commencé doucement,
05:55et puis, maintenant, on en arrive à déshumaniser les soins.
05:58Mais vous, c'est ce que vous avez vécu ?
06:00Oui, oui.
06:01On va parler de vous. Déjà, il y a une dizaine d'années, c'était le cas.
06:04Oui, début des années 90.
06:08Dans la fin des années 90, on a assisté à ça.
06:11Besoin d'investir dans des systèmes,
06:16dans des activités de santé.
06:18Donc, besoin d'investisseurs.
06:20On fait rentrer les investisseurs,
06:21qui, donc, du coup, ne vont plus regarder l'activité,
06:25mais regarder juste sa rentabilité.
06:27Je sors un port. Il y a privé et privé, Éric Fenu.
06:30On ne va pas diaboliser le privé.
06:31Ici, ce n'est pas notre intention.
06:34Mais il y a un risque de faire entrer des acteurs.
06:39Je parlais d'Orpea tout à l'heure. C'est exactement ça.
06:43Qui ne pensent qu'à la rentabilité.
06:45La rentabilité, pardon, ce n'est pas un gros mot.
06:48Qui ne pensent qu'à augmenter leurs dividendes.
06:50En fait, il y a toujours eu des établissements privés
06:53dans notre pays qui se sont développés.
06:55Des chirurgiens, des anesthésistes souhaitaient innover,
06:59investir sur des plateaux techniques importants.
07:03Ils l'ont fait et ont travaillé, y compris nous,
07:05Mutualité, en bonne intelligence avec eux,
07:07puisqu'on passait des conventionnements tarifaires
07:10et les choses se faisaient bien.
07:12Sauf que, petit à petit, tout ça a évolué,
07:14parce que ces cliniques ont été revendues à des groupes
07:18et ces groupes les ont revendues,
07:20et aujourd'hui, avec des fonds de pension étrangers,
07:22qui ont une autre logique,
07:24parce qu'eux, ils doivent avoir de la rentabilité financière.
07:28Ils vont chercher le débit d'art à plus de 10 %,
07:31donc là, on a changé de logique.
07:33C'est-à-dire qu'on avait avant des médecins,
07:38des établissements qui gagnaient de l'argent en soignant,
07:41et aujourd'hui, on a des groupes qui soignent pour gagner de l'argent.
07:44C'est pas la même éthique, c'est pas la même philosophie,
07:46et c'est là où on a une question à se poser.
07:50Et moi, je rejoins le sénateur Jaunier, tout à l'heure,
07:54qui rappelle combien on dépense pour notre système de santé.
07:57260 milliards pour l'assurance maladie,
07:59315 milliards en tout, si on prend l'année 2024,
08:03avec les remboursements des complémentaires,
08:05le reste à charge des ménages,
08:06ça va continuer d'évoluer et de manière très dynamique
08:10du fait du vieillissement de la population,
08:11du fait des investissements qu'il faut faire.
08:13Et la question qu'il faut se poser,
08:15c'est que si des groupes ont eu de la place pour se développer,
08:19c'est aussi parce qu'il y a eu un manque d'investissement public
08:23sur un certain nombre de secteurs,
08:25en soins de premier recours, sur les crèches,
08:27en hospitalisation, etc.,
08:30et qu'à un moment donné, la nature a horreur du vide,
08:33et des acteurs sont arrivés, ont commencé à s'installer
08:36et à désorganiser, déstructurer le système.
08:39Ils compensent des manques d'investissement.
08:42Et c'est vrai, c'est d'autant plus vrai
08:45dans des secteurs où les investissements
08:47sont par nature très lourds,
08:49parce qu'il y a des besoins d'équipements technologiques
08:53évidemment très importants.
08:54M. Garbi, on va faire un focus, comme on dit, pardon,
08:57ce n'est pas un très joli mot, sur la biologie médicale.
09:01Voilà un secteur, je ne sais pas si dans votre groupe,
09:02vous avez beaucoup investi,
09:04mais voilà un secteur qui se financiarise de plus en plus.
09:09Écoutez cette infographie qui nous rappelle
09:12l'importance de ce phénomène en peu de temps.
09:20Au début des années 2010,
09:22la France comptait plus de 4000 sociétés de biologie médicale
09:26et autant de sites où vous pouviez faire vos analyses.
09:29Aujourd'hui, le nombre de sites n'a pas changé,
09:32mais le nombre de sociétés, lui, a été divisé par 10.
09:36Le secteur s'est concentré et financiarisé à vitesse grand V.
09:41Les regroupements ont commencé dans les années 90,
09:44encouragés par les pouvoirs publics pour faire des économies.
09:48En 2001, la loi Murcef a ouvert les portes
09:51des laboratoires aux groupes financiers.
09:53En utilisant des sociétés détenues à l'étranger,
09:56ils ont pu racheter des parts aux biologistes médicaux
09:58et devenir majoritaires.
10:01Dans les années 2010, tout s'accélère.
10:04Les tarifs de la profession baissent,
10:06les normes de qualité se renforcent,
10:08poussant les biologistes indépendants à se regrouper ou à vendre.
10:13Et ce sont les géants de la finance qui rachètent leurs laboratoires
10:16à des prix dépassant parfois 400 % du chiffre d'affaires.
10:21Aujourd'hui, 6 grands groupes concentrent
10:23plus des 2 tiers des sites de biologie médicale.
10:26La majorité des laboratoires sont de simples centres de prélèvement,
10:30les examens sont désormais réalisés sur des plateaux techniques,
10:34parfois très éloignés.
10:36Ce qui inquiète bien sûr de nombreux patients.
10:38Plus d'un Français sur trois a déjà reçu ses résultats d'analyse
10:42plus tard que prévu.
10:44Et près d'un sur deux a rencontré des difficultés
10:46pour échanger sur les examens,
10:48faute d'interlocuteurs disponibles dans les labos.
10:51...
10:53...
10:57Alors, avant d'entendre les craintes d'un radiologue,
11:00très, très concrète, vous allez voir, c'est assez édifiant.
11:04Monsieur Garbi, d'abord, pour investir
11:07dans un groupe de biologie,
11:11dans un centre de biologie médicale,
11:13il y a des règles ?
11:15N'importe qui peut mettre l'argent qu'il veut
11:18pour entrer dans le capital où il y a des garde-fous.
11:22Oui, ça a été expliqué, mais d'abord,
11:24je ne me reconnais pas dans tout ce qui a été dit.
11:27Je ne dois pas être un bon président de fédération
11:30parce que la moitié de mes cliniques,
11:32ma branche, ma fédération, sont en déficit.
11:34Je ne dois pas être un bon gestionnaire.
11:36Si c'était si bien, si la financiarisation,
11:38le financement était si important, on serait tous opulents,
11:41on dégagerait des bénéfices records.
11:43Ma branche, 50 % des cliniques sont en déficit,
11:45c'est plus de 800 millions d'euros de déficit cumulé.
11:48Il faut démystifier ce que l'on peut représenter.
11:51Ca, c'est le premier point.
11:53On l'a dit, on ne diabolise pas ici le secteur privé.
11:55On l'a dit, donc, ça...
11:57On n'est pas dans la caricature.
11:59Je ne serais pas le bon président.
12:01Mais il y a un problème,
12:02et il a été soulevé par le rapport de M. Jomier.
12:04Sur la biologie, ça a été dit dans votre reportage,
12:07augmentation d'énormes qualités,
12:10et puis, je dirais, le morcellement de l'activité
12:12a fait qu'ils ont dû se regrouper.
12:14On a oublié que la biologie, pendant la crise Covid,
12:17a testé 2-3 millions de tests Covid par jour.
12:19Quand il a fallu faire appel au laboratoire,
12:22ils ont répondu présent.
12:23C'est facile de jeter l'opprobre sur une profession,
12:26mais quand même, on a oublié tout ce qu'ils ont fait
12:29pour la collectivité.
12:30Pour PA, il faut arrêter d'en parler.
12:32Il y a eu des dérives, c'est corrigé.
12:34Ca a pris du temps, c'est corrigé.
12:36Et toute dérive, aujourd'hui, a eu, je dirais, la réponse.
12:39Donc, voilà, moi, je suis...
12:41Est-ce qu'il y a des dérives ?
12:42Certainement.
12:44Est-ce qu'il y a des risques de dérive ?
12:45C'est humain.
12:47Mais c'est humain.
12:48Ca dépend. On va en parler, mais c'est très intéressant.
12:51M. Jaumet, vous vouliez dire quelque chose ?
12:53C'est-à-dire que notre rapport, il dit pas
12:56qu'il faut exclure le privé.
12:57Vous l'avez rappelé, notre système de santé
13:00fonctionne sur deux jambes, le public et le privé.
13:03Mais le privé, en France, c'est traditionnellement
13:06ce qu'on peut appeler un capitalisme professionnel.
13:08Le professionnel de santé possède son outil de travail.
13:11Le chirurgien avec sa clinique,
13:13le médecin généraliste, son cabinet, etc.
13:15Et là, il y a un autre acteur qui s'invite autour de la table.
13:18C'est un capitalisme qui n'est pas professionnel,
13:21mais qui est financiarisé.
13:23Et ce capitalisme financiarisé, d'ailleurs,
13:25il veut tuer le capitalisme professionnel.
13:28Il veut prendre ses parts de marché,
13:30avec un risque qui a été rappelé par Éric Chenu,
13:33c'est qu'à un moment, la logique de gain,
13:35qui est là, de toute façon, c'est normal,
13:38un professionnel de santé doit gagner sa vie,
13:40mais la logique de soin doit passer avant.
13:42Et là, il y a le risque que la logique de gain s'impose.
13:45C'est une transition formidable.
13:47On écoute ce radiologue, si vous voulez bien,
13:50qui nous dit, face à la caméra de Marianne Cazor,
13:52comment il voit les choses, comment il les vit.
13:55Musique douce
13:57...
13:58Le bébé crie.
13:59Ah oui, ça y est, ça commence à râler.
14:01Maman avait raison.
14:03Donc là, on est à 2,7 en dynamique,
14:06donc c'est complètement normal.
14:08Parfait.
14:09Moi, je fais de la pédiatrie.
14:11Ca prend du temps.
14:12Il faut expliquer aux enfants, aux parents,
14:15il faut déshabiller l'enfant, jouer avec lui.
14:18On prend forcément un peu plus de temps.
14:20Et tout ça, pour un médecin, c'est normal.
14:22C'est dans notre serment d'hypocrate,
14:24la prise en charge de nos patients.
14:26Pour un financier, c'est une perte de temps, d'argent.
14:30Ce sont des spécialités qui sont forcément menacées.
14:33...
14:36Je ne suis pas biologiste médical,
14:38mais certains collègues nous expliquent
14:40que parfois, on va aller à l'économie,
14:43on va prendre la machine moins performante mais moins chère,
14:47ou on va arrêter de faire certains prélèvements
14:50qui prennent du temps et qui sont pourtant nécessaires.
14:53On a peur de ça, car c'est transposable à la radiologie.
14:57...
15:00Là, on a un message d'un confrère
15:02qui effectue un remplacement dans un groupe financiarisé.
15:05C'est un planning extrêmement chargé,
15:07qui ne ressemble pas du tout au planning qu'on a ici.
15:10Une échographie toutes les 5 ou les 10 minutes
15:12et plein de radios, bienvenue dans le monde des pros de la radio.
15:15On a un autre message d'un confrère
15:17qui nous parle d'une structure qui s'est vendue
15:19dans le sud-ouest de la France,
15:21et qui nous explique qu'au bout de 6 mois,
15:22réunion avec les mecs qui tapent sur un associé
15:25qui faisait moins de chiffres que les autres,
15:26parce qu'il faisait de l'interventionnel.
15:28Le message, c'était, on s'en fout, tu arrêtes,
15:30il faut rapporter plus.
15:31...
15:33Moi, je fais des IRM, ce qu'on appelle des IRM corps entiers.
15:36C'est pour dépister des maladies rares chez des enfants.
15:39Le jour où c'est définancier,
15:40vous pouvez être sûr que je suis convoqué le lendemain
15:42en me disant, t'es gentil, mais à la place d'une IRM corps entier
15:45qui va faire gagner 69 euros,
15:46on va mettre 5 genoux et ça va faire gagner 5 fois 69.
15:51Et ça, moi, si je me suis installé en tant que radiologue indépendant,
15:53c'est pour choisir mon activité.
15:55Bien sûr, dans le cadre, on a une obligation de rentabilité.
15:58Toujours est-il que notre but final,
16:01c'est la prise en charge du patient.
16:03Et moi, je me suis installé pour ça,
16:04pour prendre en charge les patients comme je le voulais,
16:07du mieux que je pouvais.
16:08Si la radiologie était complètement financiarisée,
16:11moi, je retournerais à l'hôpital public sans aucune hésitation.
16:19Alors franchement, 5 genoux au lieu d'un corps entier,
16:22comme on dit, on n'était pas prêts.
16:23Là, on est dans la caricature,
16:27une échographie toutes les 5 minutes.
16:29Quiconque a déjà eu droit à une échographie
16:32se dit que ça n'est pas possible.
16:35Si c'est possible, ça existe dans certains endroits.
16:39C'est pas partout, mais ça existe.
16:42Moi, je pense qu'on ne peut pas traiter ces choses-là,
16:45on ne peut pas traiter ces questions-là sérieusement
16:48si on reste dans l'émotionnel.
16:50Et il faut être très factuel et très pragmatique.
16:56Et pour sortir de ces dérives,
16:59il faut pouvoir avoir des règles et regarder si elles sont respectées.
17:03Et c'est bien ça, l'enjeu des travaux que l'on mène,
17:06que ce soit ceux de M. Jaumier ou ceux de la CFDT.
17:10Parce qu'à un moment,
17:13on est confrontés à ce genre de choses
17:17et personne ne nie, en fait,
17:19la part de la santé privée dans notre système de santé.
17:24Personne ne nie sa nécessaire existence.
17:30C'est pas ça que personne ne le nie.
17:32Par contre, il y a des choses qui se passent
17:36avec l'argent des contribuables,
17:37avec l'argent de la solidarité nationale,
17:40qui, aujourd'hui, ne sont pas tolérables.
17:42Alors, un corps entier, c'est moins bien que cinq genoux.
17:45Tout ce qui est excessif n'a pas de sens.
17:46Ce praticien est libéral.
17:48Personne ne peut le contraindre
17:50à ne pas exercer son art dans de bonnes conditions.
17:53Ça n'existe pas, c'est de la caricature.
17:55Vous pensez qu'il n'y a pas de pression qui s'exerce
17:58sur les professionnels quand on leur dit...
18:00Un médecin libéral, aujourd'hui, responsable de son patient,
18:03va accepter de faire l'acte en cinq minutes
18:05s'il lui faut dix minutes ou un quart d'heure.
18:07C'est excessif.
18:08Vous pensez que c'est mépriser ou sous-estimer
18:11le rapport aux soins des soignants ?
18:14Bien sûr. Le médecin, il est responsable.
18:17Il est responsable de son patient,
18:18devant l'ordre des médecins et devant son art.
18:21Je peux pas entendre, moi,
18:23qu'un médecin dise...
18:24Il peut perdre son boulot.
18:25Pas du tout.
18:26Un médecin, aujourd'hui...
18:28Non, ils sont libéraux, aujourd'hui.
18:30Ils sont libéraux, mais ils ont des contrats
18:33qui les lient avec la société dans laquelle ils exercent.
18:37S'ils ne remplissent pas leur créneau opératoire,
18:40s'ils ne font pas assez de chiffres,
18:42ils seront mis à l'amende.
18:44Et on rediscutera...
18:45Monsieur Chenu, j'ai la dernière de bloc.
18:47Mais il faut... Il y a 15 ans.
18:49Pourquoi ça changerait aujourd'hui ?
18:52Alors, monsieur Chenu.
18:53Aujourd'hui, il y a quand même des jeunes radiologues
18:56qui se sont regroupés au sein de Corail,
18:58qui est une organisation professionnelle de radiologues,
19:01parce qu'ils sont inquiets de ces évolutions
19:03et inquiets aussi de l'arrivée
19:07et de l'impact de l'intelligence artificielle
19:09et de la puissance que ça peut avoir
19:11dans ces organisations plus industrielles,
19:15d'une certaine façon, de la lecture de l'imagerie.
19:17Donc il y a quand même une réalité professionnelle
19:21par rapport à ça.
19:22L'Académie de médecine, actuellement,
19:25est aussi sur ces sujets-là.
19:26Ce qui montre quand même qu'il y a une préoccupation,
19:29une inquiétude de la part des professionnels
19:31sur le champ de la radiologie,
19:33éclairée de ce qui s'est passé dans la biologie.
19:35La question... Je rejoins l'ami de Garby.
19:38Évidemment, heureusement qu'on a eu l'efficacité
19:42des biologistes pendant toute la période de Covid.
19:46Mais ils ont été aussi très bien rémunérés pour cela.
19:48Donc j'estime que tout le monde a fait sa part des efforts.
19:52Mais pardon, monsieur Chenu.
19:54Qu'est-ce qu'il faut craindre, dans le fond ?
19:56On a vu les cadences infernales.
19:58Est-ce qu'il peut y avoir des mauvaises radios ?
20:01Quelque chose qui m'a interpellée, c'est, par exemple,
20:03les investisseurs achèteraient des équipements
20:06de moins bonne qualité parce qu'ils coûtent moins cher.
20:09Si ça est vrai, c'est une vraie problématique.
20:12Si les biologistes ré-étalonnent moins les machines,
20:15c'est un vrai problème.
20:16C'est ce que j'entends de la part de personnel, etc.
20:20Et je pense que c'est un vrai sujet.
20:23Mais c'est aussi une inefficience grandissante.
20:26Aujourd'hui, la direction statistique
20:28des ministères de la Santé estime que l'inefficience
20:31dans nos systèmes de santé coûte 50 milliards chaque année.
20:34Ca veut dire qu'il est moins performant.
20:36C'est des actes redondants,
20:38qui ne sont pas faits au bon moment, etc.
20:40Et une désorganisation, ça pose ce problème-là.
20:43Et il y a une autre problématique,
20:45qui est pointée notamment en radiologie.
20:47Je ne sais pas si c'est vrai ou pas,
20:49mais ça fait partie des éléments qui nous remontent.
20:52Il y a certains actes qui sont moins rémunérateurs.
20:55Il est plus difficile d'avoir des rendez-vous.
20:57Il y a un certain nombre de témoignages...
20:59En radiologie, en particulier.
21:01Là, par exemple, le corps entier, c'est moins rémunérateur...
21:05Donc, si ces éléments-là sont avérés,
21:08c'est un souci, une perte de chance pour les assurés sociaux,
21:13mais c'est aussi de l'inefficience pour le système de santé.
21:16C'est des gens qui sont pris en charge plus tardivement
21:18avec tous les risques que ça peut poser.
21:20C'est pas qu'en radiologie, d'ailleurs.
21:23Là, c'est pas la responsabilité des acteurs financiers.
21:26C'est que l'assurance-maladie,
21:27les conventions fixent les prix des actes.
21:30Et il y a des niches de rentabilité.
21:32Et donc, tous les médecins savent ça.
21:34On fait des actes qui rapportent pas grand-chose
21:37et d'autres qui rapportent de l'argent.
21:39Et on a une éthique professionnelle qui fait qu'on agence tout ça.
21:43C'est ce que je disais, c'est la logique du soin,
21:45puis, après, la logique du gain.
21:47Et là, ce qui se passe, c'est que des acteurs financiers,
21:51parce que ça, c'est une dérive,
21:52ont leur taux de rentabilité en ligne de mire.
21:56Et donc, effectivement, ça existe, les pressions.
21:59On l'a entendu, quand on a fait le rapport,
22:01on l'a entendu des organisations de radiologues.
22:04Cette question de ne pas faire tel type d'acte
22:06qui est trop peu rentable,
22:08et plutôt celui qui est très rentable.
22:10Mais là, il y a une responsabilité, et on le met dans notre rapport.
22:14On dit qu'il faut revoir les niches, réduire, éliminer
22:17ces niches de rentabilité.
22:19Regardez les revenus...
22:20Parce qu'on n'est pas...
22:21Pour ceux qui maîtrisent moins que vous,
22:24c'est-à-dire qu'il faut revoir les tarifications,
22:26il faut que tout ait le même tarif ?
22:29Les médecins qui font des spécialités techniques
22:32ont des revenus très élevés.
22:34Vous êtes radiologue, cardiologue, vous faites plein d'équipements.
22:37Qui gagne le moins ?
22:38Le psychiatre, qui fait de la santé mentale,
22:41le pédiatre, qui s'occupe de la santé de l'enfant,
22:44et le généraliste.
22:45Trois disciplines cliniques.
22:46Notre système de soins surpaye les actes techniques.
22:50C'est une logique qui dure depuis des dizaines d'années.
22:54Bien avant la financiarisation.
22:55Il y a une noblesse.
22:56La financiarisation n'est qu'un acteur qui est arrivé pour...
23:01Parce que c'est normal, les acteurs financiers,
23:03on n'attend pas d'autre chose qu'ils fassent de la financiarisation.
23:08C'est leur raison d'être. C'est une société financière.
23:11Elle vient pas parce que le climat est beau en France
23:13ou qu'on y mange bien.
23:15Elle vient parce qu'il y a un système de santé
23:17qui produit de la valeur ajoutée.
23:19Et elle vient pour en prendre une part.
23:21Donc, elle va chercher les endroits qui sont les plus rentables.
23:24Et si la rentabilité baisse, elle s'en ira.
23:27Voilà, c'est ça, la réalité.
23:29Donc, un des leviers, c'est de revoir, effectivement,
23:33cette différence entre les niches
23:35et les actes les plus répandus.
23:37M. Garbier.
23:38Oui, bien sûr, mais si le radiologue n'est pas satisfait
23:41de son fonctionnement, il est libéral.
23:43Il peut rester indépendant.
23:44Voilà, l'hospitation privée,
23:46il y a deux modes de fonctionnement.
23:47Il y a les groupes, les majors, et puis, il y a les indépendants.
23:50Nous, on a une dualité.
23:52Il n'y a pas que des fonds financiers
23:53dans les cliniques et dans la radiologie.
23:55La question, c'est s'il faut des gardes fous,
23:58des moyens de limiter les dégâts que peuvent faire
24:03des acteurs financiers qui investissent.
24:05Est-ce qu'il le faut ?
24:06Il faut des gardes fous, bien sûr.
24:08Il faut des gardes fous juridiques, économiques.
24:10Mais la dérive, elle est marginale.
24:13Elle est marginale.
24:14Il faut arrêter de dire qu'on est mal soigné en France,
24:17qu'on n'a pas accès à la meilleure qualité.
24:19Et c'est normal que lorsqu'il y a deux appareils,
24:21on cherche à avoir le prix le plus intéressant
24:25et le plus économique en fonctionnement.
24:27Elle est marginale, mais comme les acteurs financiers
24:29sont de plus en plus nombreux, il faut prévenir avant de guérir.
24:33Ils ont investi la biologie et la radiologie,
24:35mais pas dans les cliniques.
24:36Ils ne sont pas de plus en plus nombreux.
24:39Ils investissent en concentration, dans la biologie.
24:41Nous, c'est plutôt l'inverse de ce qui se passe dans les cliniques.
24:44On est sur la définanciarisation
24:46parce que les acteurs économiques se désinvestissent.
24:49Ca va être une catastrophe
24:50parce qu'il y aura un maillage du territoire
24:53qui ne sera plus opéré.
24:54Madame Rescanier.
24:55Il y a un autre danger, c'est des situations de monopole.
24:58Sur la biologie médicale, par exemple,
25:01aujourd'hui, si les laboratoires d'analyse médicale
25:04décident de fermer 15 jours entre Noël et Jour de l'An,
25:07vous ne pouvez pas avoir de prise de sang en France.
25:10Et ça, c'est une pression...
25:11Mais même l'hôpital public...
25:13Laissez terminer, s'il vous plaît.
25:15On va aller jusqu'au bout.
25:16Vous laissez terminer, madame Rescanier.
25:19Et ça, c'est...
25:22Il s'organise aussi pour faire pression
25:24sur les pouvoirs publics
25:25et pour pouvoir avoir plus de financements aussi.
25:29Et ça, c'est un vrai danger
25:31quand on a des situations de monopole,
25:33d'un groupe de cliniques privées
25:35qui veut obtenir une autorisation
25:37pour de l'hospitalisation à domicile,
25:39qui a un monopole sur un territoire
25:41et qui dit que si on ne donne pas l'autorisation
25:43pour l'hospitalisation à domicile,
25:45j'arrête mon activité de chirurgie.
25:50Ça, ce sont des choses qui sont dangereuses.
25:53Dangereuses pour le système français,
25:55parce qu'aujourd'hui, en fait,
25:57ils pourraient défaire ce qu'ils ont fait.
26:00Leur maillage territorial, ils pourraient le défaire.
26:02On a bien compris, il n'y a pas tout à fait d'accord
26:05sur ce plateau, sur le constat,
26:07puisque vous dites que c'est marginal
26:09et que vous vous dites, attention, on est face à une vraie menace,
26:13mais ce qui nous intéresse, que ce soit marginal ou pas,
26:16c'est de savoir comment on fait.
26:18Vous aviez commencé à dire, Laniche,
26:20essayer de limiter les dégâts en harmonisant,
26:23je ne sais pas si on peut dire ça.
26:25En fait, nous, ce qu'on dit, c'est très simple,
26:27c'est est-ce qu'il faut laisser la financiarisation
26:30se développer dans le secteur ambulatoire ?
26:32Est-ce qu'on a un intérêt collectif ?
26:34Et nous, notre réponse, je rappelle que le rapport du Sénat,
26:38c'est majorité et opposition du Sénat ensemble.
26:40Et nous disons, non, il n'y a pas d'intérêt collectif,
26:43donc il faut arrêter ce phénomène.
26:45Il y a un ensemble de leviers, on fait 18 recommandations,
26:49je ne vais pas tout expliquer, mais il faut qu'on...
26:51On peut freiner, mais on a face à nous des acteurs...
26:54Vous rappeliez la loi, tout à l'heure,
26:57la loi Murcef.
26:58Le législateur, en fait, dans la loi, de façon générale,
27:01il a dit, bon, dans une société privée d'exercices médicaux,
27:0475 % des parts, ça doit être les professionnels de santé.
27:07Le législateur a indiqué la volonté qui garde la maîtrise...
27:11C'est toujours la même loi ?
27:12C'est pas la même. En fait, il y a eu plusieurs législations.
27:16Est-ce qu'il y a toujours 75 % des acteurs de santé
27:18qui doivent être présents dans les capitaux ?
27:21Oui, mais les acteurs financiers sont malins,
27:23ils sont bien plus agiles que la puissance publique.
27:26Ils ont détourné, c'est-à-dire qu'ils ont créé
27:29des actions de préférence, ils ont fait une dissociation
27:32entre les droits en capital et les droits sociaux.
27:35Et parfois, avec 1 % du capital,
27:37ils prennent la majorité des droits de vote.
27:39Donc, ils ont dévoyé ce parcours-là.
27:41Ils ont dévoyé ce que voulait le législateur.
27:44Est-ce qu'on peut le rétablir ?
27:46On peut ! C'est que si on ne le rétablit pas...
27:48Vous savez, on a cherché, dans notre rapport,
27:51à essayer de dire combien d'argent sortait du système de santé
27:55pour rémunérer des actionnaires,
27:57soit sous forme de dividendes, soit sous forme de plus-value.
28:01Combien la financiarisation détournait, en gros,
28:04des cotisations des Français, des cotisations sociales,
28:07pour les sortir du système de santé et rémunérer des actionnaires.
28:11On l'a écrit dans notre rapport, on ne peut pas déterminer ce chiffre.
28:14Pourquoi ? Parce qu'il y a une opacité totale
28:17des montages financiers. Il y a une absence de transparence.
28:20C'est peut-être marginal, peut-être que l'Amérique a raison.
28:24Il n'y a pas de distribution de dividendes.
28:26Il y a de la plus-value.
28:27Vous parlez de distribution de dividendes.
28:30Je reste. La transparence, sur quoi ?
28:32Il faut de la transparence.
28:34Qu'est-ce que ça changera ?
28:35Sur les comptes consolidés, il faut de la transparence.
28:38Sur qui possèdent les structures ?
28:40Prenez le groupe Elsan.
28:42Et où va l'argent ?
28:43C'est un groupe, ce n'est pas un secret.
28:45Il publie l'organigramme des sociétés.
28:48Mais vous ne comprenez rien.
28:50Personne ne comprend rien.
28:52Vous êtes d'accord, monsieur Garbi ?
28:54Je ne peux pas m'en laisser dire ça.
28:56Vos comptes sont déposés aux grèves des tribunaux de commerce.
28:59Le public, non.
29:00Depuis juin, les vôtres.
29:02Depuis toujours.
29:03C'est la loi.
29:04Si vous ne déposez pas vos comptes...
29:06Certains préfèrent payer l'amende.
29:08Pas du tout. C'est une obligation.
29:11Bien sûr que si.
29:12On ne va pas parler des cas particuliers
29:14ou de la dérive de 1 % dans tous les secteurs.
29:17Je parle de la immense majorité.
29:19On dépose nos comptes. Le public ne le fait pas.
29:21Le public ne dépose aucun compte.
29:24C'est 120 milliards.
29:25On ne va pas faire le match public-privé.
29:27C'est pas notre sujet.
29:29Mais le privé dépose ses comptes.
29:32Et lire un bilan, ce n'est pas très compliqué.
29:34M. Chenier.
29:35Je pense qu'il y a une vraie différence,
29:38on l'a vu sur le médico-social au moment de l'affaire Orpea,
29:41au moment des ogres, sur les crèches, etc.,
29:45c'est qu'il y a un écart entre l'exploitation,
29:49c'est-à-dire l'activité sanitaire,
29:51médico-sociale, de soins, etc.,
29:54et la réalité de rentabilité
29:58d'une activité économique dans sa globalité.
30:01Il y a des foncières qui portent les murs,
30:03qui ont des niveaux de rentabilité,
30:05des structures de services qui vont prendre le bionettoyage, etc.
30:09C'est là où il y a une problématique,
30:11dans ce que disait le sénateur Jomier,
30:13c'est-à-dire que si on prend la globalité,
30:16on voit qu'il y a du partage de la valeur à différents endroits
30:20qui, à un moment donné,
30:22distrait des moyens sur l'activité principale.
30:26Et c'est là où il y a un enjeu,
30:29il y a un besoin de clarification, de suivi important.
30:34C'est ça qu'il faut mettre en avant,
30:37parce que ça peut se faire au détriment de la qualité des prises en charge.
30:40C'est exactement ça qui nous préoccupe aussi, évidemment.
30:43Alors, on va pousser le curseur très loin,
30:46dans... Vous allez dire que c'est encore plus marginal.
30:50Mais quand même, ça a frappé les esprits,
30:52le scandale d'Antexia,
30:54quand on a vu que des 3 000 patients mutilés,
31:00avec des dettes considérables,
31:02qui ont subi des soins dont ils n'avaient pas besoin,
31:06dans une stricte logique de gain de profit.
31:10Alors là, on est dans le cynisme le plus épouvantable.
31:14Cette affaire a plusieurs années, déjà.
31:16Il n'y a toujours pas de procès.
31:18Les patients ont voulu rester anonymes,
31:20mais ils ont accepté que des membres d'une association de défense
31:24lisent leurs témoignages devant les caméras de Marianne Cazot.
31:27Regardez.
31:37Je suis Abdel Awacharyal,
31:38je suis le fondateur du collectif contre d'Antexia
31:41et le vice-président de l'association La Dents Bleues.
31:44Je suis, comme les plus de 3 000 autres victimes,
31:47ni mieux lotis, ni moins bien lotis que les autres.
31:50Ces victimes ont accepté qu'on lise leurs témoignages.
31:52Elles sont peut-être encore sans dents,
31:54mais elles ne sont pas sans voix.
32:00On a fait comprendre à mon mari qu'il lui restait 15 dents,
32:03mais que, de toute façon, toutes ses autres dents allaient tomber.
32:08Donc, il fallait partir sur une solution complète.
32:10Je leur ai dit,
32:11« Bah non, moi, je suis venu pour une dent. »
32:14Et ils m'ont dit, « Il peut y avoir des risques d'infection.
32:17Vous avez des dents condamnées à long terme. »
32:19Un argumentaire tellement bien rodé que j'ai fini par accepter.
32:23Mon père, c'était un ancien.
32:25Pour lui, la parole médicale, on l'écoute, on fait confiance.
32:30Une fois terminé, le dentiste m'a dit,
32:33« Vous pouvez aller vous nettoyer le visage. »
32:35Je traverse la salle d'attente, je me rends aux toilettes,
32:38et là, le choc.
32:40J'étais horrifié. J'avais tout le visage ensanglanté.
32:45On lui a arraché toutes ses dents.
32:47Pendant des mois et des mois, il s'est nourri à la purée
32:50et aux madeleines trempées dans du thé.
32:52L'extraction, c'est un traumatisme.
32:55C'est l'amputation.
32:56Vous êtes là, sans dents.
32:58Mon père a fait une grave dépression.
33:01Il me disait que la douleur lui tapait sur les nerfs.
33:04Et il se sentait trahi aussi.
33:07J'ai toujours pas refait ma vie.
33:08Pour vous dire, je n'ai pas eu de relation depuis cette dette-là.
33:12Je me suis sentie moche, laide, vieille après ça.
33:16Je ne sors plus et je me cache.
33:18Je suis au chômage et les soins dentaires sont de plus en plus chers.
33:22Je ne peux plus payer les frais pour réparer les dommages.
33:25J'ai été privée de vie pendant dix ans.
33:28Je veux retrouver mon sourire et obtenir réparation.
33:32L'affaire d'Antexia, c'est l'histoire d'un repris de justice,
33:36Pascal Stéchène,
33:38qui décide de fonder une chaîne de centres dentaires associatives
33:42grâce à un assouplissement législatif.
33:44Il accumule beaucoup de profits sur le dos de la patientelle.
33:48Et en 2016, on a une énorme arnaque qui s'effondre
33:52et qui laisse à peu près 3 000 victimes sans dents
33:56et sans soins dentaires.
33:58Et qui laisse à peu près 3 000 victimes sans dents et sans argent.
34:02Et on a une instruction
34:05qui a été dirigentée par le ministère de la Justice
34:08et qui devrait aboutir, on l'espère, à un procès.
34:11Mais à ce jour, il n'y a pas de procès.
34:20Voilà, Dantexia, c'était une chaîne de soins dentaires low cost.
34:26Vous disiez tout à l'heure, Mme Rescanier,
34:28il ne faut pas rester dans l'émotion.
34:30C'est compliqué quand on entend les témoignages.
34:33Mais oui, il faut essayer d'en tirer les leçons.
34:35La santé, c'est pas un produit comme les autres.
34:40On n'est pas client, on est malade.
34:43On est patient.
34:44Et cette déshumanisation...
34:49Du coup, on arrive de façon vulnérable
34:51devant un professionnel de santé.
34:53Qui, en plus, incarne toujours une forme de savoir.
34:56On ne s'oppose pas aux médecins.
34:58La parole du médecin, on ne la conteste pas,
35:02il sait, lui.
35:03Et heureusement.
35:04Et là, on est typiquement dans un système
35:07où on a utilisé ça,
35:09cette vulnérabilité,
35:12pour faire des profits.
35:14C'était un repris de justice.
35:15Celui qui a lancé cette chaîne épouvantable,
35:19c'était un comment est-ce possible ?
35:21C'est la question qui nous frappe.
35:23D'avoir le droit, d'avoir l'agrément,
35:25l'autorisation, quand on a déjà...
35:27Il n'y a pas d'agrément.
35:29Il n'y avait pas.
35:30Il n'y avait pas, à l'époque.
35:32Il y a un avant et un après.
35:33Si vous voulez, ça ne peut pas se passer
35:35dans les cliniques et les hôpitaux.
35:37On est soumis à des autorisations.
35:39Tous les cinq ans, on doit revoir l'autorisation,
35:42demander le renouvellement.
35:44Ca ne pourrait plus se produire aujourd'hui ?
35:47Le directeur de l'ARS...
35:48M. Chenu ?
35:49Moi, je ne suis pas convaincu
35:53que l'agrément peut éviter un certain nombre de choses.
35:56Pour autant, malheureusement,
35:58après, là, on est aussi sur des pratiques.
36:00Il y a le fond d'atteint,
36:02mais il y a le problématique de l'exercice.
36:04S'il n'y a pas de contrôle...
36:06Je me suis fait stroquer par un dentiste.
36:08S'il n'y a pas de contrôle,
36:09malheureusement, des choses peuvent arriver.
36:12Ca suppose quoi ?
36:14Ca suppose que l'assurance maladie,
36:17ça suppose que les associations de patients
36:20doivent avoir la possibilité
36:23d'impulser davantage de contrôle.
36:25Si on ne fait pas ça, on aura une problématique.
36:28Je voudrais juste rappeler qu'il y a un élément
36:32dans la relation soignant-soigné qui est essentielle.
36:35Vous avez dit, le médecin, le chirurgien-dentiste,
36:38c'est un sachant.
36:39Il faut tout faire pour que cette relation
36:42reste une relation de confiance.
36:43Quand l'assuré social, le patient, la personne malade
36:47vient voir le médecin-chirurgien-dentiste,
36:49qu'elle soit en confiance.
36:51Il faut tout faire.
36:52C'est là où le contrôle est essentiel
36:54de la part de la puissance publique.
36:56L'Etat, l'ARS, peu importe, l'assurance maladie,
36:59doivent être extrêmement exigeants.
37:02Là, il faut reconnaître que, pendant plusieurs années,
37:06la puissance publique s'est départie de ces moyens de contrôle.
37:09Il faut absolument que les contrôles aient lieu régulièrement.
37:13C'est l'intérêt de tous les acteurs publics comme privés,
37:16lucratifs ou non lucratifs.
37:18Vous avez raison, mais avant le contrôle,
37:20une question un peu basique, monsieur Jaumier,
37:23mais quel conseil vous donnez, vous êtes médecin,
37:26sénateur, mais médecin, à un patient qui a un petit doute,
37:29qui se demande s'il est bien soigné ?
37:32C'est exactement la question à laquelle je voulais arriver.
37:36C'est-à-dire qu'il y a des ordres professionnels.
37:39Il n'y a pas que l'assurance maladie,
37:41que les procédures d'agrément.
37:43Dans ces affaires, les ordres professionnels
37:46sont soit inactifs, soit, il faut le reconnaître,
37:49dépourvus d'outils suffisants
37:51pour exercer une mission, y compris de sanctions.
37:55Les dentistes qui ont traité des dents,
37:59remplacé des dents, enlevé des dents,
38:02alors que ça n'était pas nécessaire, doivent être radiés.
38:05Ils doivent être radiés.
38:06Ils sont protégés ?
38:08Éventuellement.
38:09C'est compliqué.
38:10On va dire qu'il y a une insuffisante mobilisation,
38:13mais je note que dans les travaux
38:15qu'on a menés sur la financiarisation,
38:17les ordres professionnels nous ont demandé de nouveaux outils
38:20pour pouvoir être plus actifs.
38:22Je reconnais que, par exemple, en termes d'imagerie,
38:25l'Ordre des médecins a radié.
38:28C'était devant le Conseil d'Etat,
38:30un cabinet d'imagerie dans le Rhône.
38:32Le cabinet a fait appel devant le Conseil d'Etat.
38:35Le Conseil d'Etat a cassé la décision de l'Ordre des médecins
38:39sur une question de forme.
38:40L'Ordre a repris la même décision de radiation.
38:43Vous savez, pour analyser ce qui se passe,
38:45parce que Dantexia, c'est une fraude massive,
38:48donc on ne peut pas dire...
38:50C'est un exemple, quand même.
38:51On ne peut pas faire un procès de la financiarisation
38:54si on voulait en faire un.
38:56Sur le cas de Dantexia,
38:57Lamine Garbi a eu raison de rappeler que ce n'est pas ça,
39:00la législation.
39:01Mais, très clairement, on a des outils professionnels
39:04de contrôle qui sont insuffisants.
39:06Il y avait un défaut d'agrément.
39:08Il n'y avait pas besoin d'être agréé.
39:10On demande que sur les centres de soins,
39:12même avec des médecins généralistes,
39:14des infirmières, des kinés, il faut qu'il y ait un agrément.
39:18Et on a besoin absolument, absolument,
39:21que ce contrôle s'exerce en ayant des données.
39:24Les données, c'est essentiel.
39:26Et nous manquons de capacité.
39:28Les ordres professionnels manquent de capacité.
39:31La réponse, elle est très variée.
39:34Mais je veux juste terminer là-dessus.
39:36S'il y a une volonté politique,
39:38on peut arrêter ce phénomène de financiarisation incontrôlée
39:43et lui poser des cadres qui font que c'est bien
39:45la logique de soins qui est en première.
39:47Mais il faut une volonté politique.
39:49On va y revenir, c'est important.
39:51Ce sera la conclusion de l'émission, évidemment.
39:54On l'espère.
39:55Mais toujours dans cette logique de contrôle,
39:59Mariane Cazor est allée rencontrer
40:01une dentiste-conseil
40:03qui est précisément chargée de repérer
40:06d'éventuelles fraudes de l'assurance maladie,
40:09donc à l'argent de la Sécu.
40:11En ce qui concerne les soins dentaires,
40:14écoutez-la.
40:27Les centres de santé dentaire
40:29sont là pour favoriser l'accès aux soins buccodentaires
40:32des patients, généralement dans les déserts médicaux.
40:35On s'aperçoit malheureusement que l'objectif de certains centres
40:39c'est de maximiser leurs profits en un minimum de temps.
40:42Après l'épidémie de Covid-19,
40:44on a constaté une dérive plus importante.
40:53Donc là, on voit quelques petites lésions carieuses,
40:55mais tout à fait superficielles.
40:57Celle-ci avait également une petite carie,
41:00mais qui ne nécessitait absolument pas de dévitaliser la dent.
41:03Et surtout par la suite de la couronnée.
41:06Donc l'ensemble de ces couronnes a été facturé 2520 euros,
41:10alors que de simples petites restaurations coronaires
41:14auraient suffi sur les quatre dents antérieures,
41:17ainsi que sur celles-ci,
41:18cette dent étant encore une fois parfaitement saine.
41:21Sur ce deuxième exemple,
41:23là, il n'y a même pas un détartrage qui a été réalisé,
41:27alors que des couronnes ont été posées ici, ici.
41:31Mais comment voulez-vous passer à côté de ce dépôt de tartes ?
41:36Ce n'est pas possible.
41:38Cela porte préjudice à la santé buccodentaire de ces patients,
41:40puisqu'ils auront très certainement,
41:42surtout dans ce cas-là, des problèmes parodentaux,
41:45c'est-à-dire des problèmes de mobilité,
41:47de déchaussement dentaire,
41:48qui pourra aboutir à la perte de ces dents.
41:56Là, il y a deux problématiques qui se percutent,
41:59on le voit bien, c'est les déserts médicaux,
42:01et le coût des soins dentaires.
42:03Tout le monde sait que pour avoir une couronne
42:06et avoir certains soins, c'est très, très cher.
42:09Et on a, là, la percussion entre deux contraintes,
42:13et ça aboutit à des abus.
42:16Est-ce que je peux résumer comme ça ?
42:18Oui, et puis on est sur des situations de monopole,
42:21vous n'avez pas d'autre choix.
42:22Voilà, c'est le centre dentaire,
42:24vous n'avez que cet endroit où aller aussi,
42:28et c'est aussi ça qui est problématique.
42:30Le risque, c'est que des groupes financiers
42:33qui voient effectivement le besoin territorial
42:36de l'offre de soins s'implantent là
42:38et qu'il n'y ait pas d'autre alternative.
42:40Ça renvoie à une problématique
42:41d'aménagement du territoire de santé.
42:43C'est-à-dire que...
42:45Et ça, c'est une mission de l'État.
42:47Comment on organise l'accès aux soins,
42:50que ce soit des soins de ville,
42:51ou des établissements, etc.,
42:54ou de la carte médico-sociale ?
42:55Donc il y a un vrai enjeu de cartographie
42:59des besoins en fonction
43:01de l'approche populationnelle par territoire.
43:04Donc ça, c'est une question clé qui est devant nous,
43:06parce qu'il y a eu un énorme mouvement de population
43:10à l'intérieur du pays.
43:11Et compte tenu des besoins en termes de vieillissement
43:15qui sont devant nous, si on n'anticipe pas ça,
43:17on aura de plus en plus de difficultés.
43:20Et puis, il y a une question,
43:22c'est comment on outille aussi les assurés sociaux,
43:25les patients, pour qu'ils sachent
43:27où aller demander un second avis,
43:30où aller taper à la porte
43:32pour justement questionner auprès d'un médecin,
43:35d'un conseil, d'un chirurgien dentiste ?
43:38Il y a systématiquement un second avis
43:40quand on propose d'enlever des dents en scène ?
43:42Quand un patient a un doute,
43:44a une interrogation,
43:46et on l'a vu tout à l'heure dans votre reportage,
43:48c'est amener les gens,
43:50quand ils ont ce type de doute, etc.,
43:52à pouvoir aller systématiquement,
43:55c'est-à-dire où aller taper à la porte,
43:57auprès de qui demander conseil ?
44:00C'est de l'information, et il faut que ça existe,
44:02la capacité d'avoir le second avis.
44:06Les contrôles, ça se renforce,
44:08parce qu'on a un chiffre, là,
44:11entre 2022 et 2023,
44:13le nombre de fraudes en volume d'argent
44:17qui ont été détectées est passé de 7 millions
44:20à 58 millions entre 2022 et 2023,
44:24sauf erreur.
44:25C'est sans doute qu'on n'a plus cherché.
44:27Quand on cherche, on trouve.
44:29C'est sûr.
44:30Elisabeth, si vous me permettez,
44:32sur les fraudes, je vais faire très rapide.
44:35La fraude est estimée par le Haut conseil
44:38au financement de la protection sociale
44:40à 5 % de ce qui est versé.
44:42C'est une goutte.
44:43C'est-à-dire 13 milliards.
44:45Aujourd'hui, on récupère, sur la totalité de la fraude,
44:48un peu moins de 500 millions.
44:50Donc oui, on fait mieux, et tant mieux,
44:52et il faut qu'on fasse davantage.
44:54C'est pour ça que je regrette la décision
44:57du Conseil constitutionnel, qui va nous empêcher
44:59d'avancer plus vite sur ce sujet-là,
45:02par le partage d'informations entre les complémentaires santé
45:05et l'assurance maladie.
45:07Il faut absolument qu'on change d'échelle.
45:09Bernard Jomier parlait tout à l'heure
45:12de l'enjeu du partage des données
45:14pour que les ordres professionnels
45:16puissent mieux travailler, y compris en termes de fraude.
45:19Il faut qu'on ait du partage de données.
45:21C'est l'intérêt de tous.
45:23Pour l'instant, ça n'avance pas, vous le regrettez.
45:26M. Garmier ?
45:27Il ne faut pas jeter l'opprobre à toute la profession.
45:30Il y a un million de consultations par jour en médecine de ville.
45:34Vous, qui êtes un acteur,
45:36c'est important,
45:37qu'est-ce que vous dites pour ne pas être gagné
45:39par le risque ?
45:41Il faut que les ordres, le sénateur l'a très bien dit,
45:44puissent agir rapidement avant de radier un praticien,
45:47ce qui est extrêmement lourd.
45:49Il faut que les ordres puissent le suspendre une semaine,
45:52un mois, deux mois.
45:53Il faut faire de la pédagogie.
45:55Là, tu es pris en fraude, tu es suspendu un mois.
45:58Et qu'il n'y ait pas des recours qui durent des années,
46:01que l'on puisse agir très rapidement.
46:03Pour ces personnes déviantes, c'est moins d'un pour cent.
46:06Oui, il faut les cibler.
46:08C'est une fois que la fraude existe.
46:10Pour prévenir la fraude et la dérive...
46:12Il faut des contrôles basés sur les témoignages des patients.
46:15Des contrôles ou des règles plus strictes ?
46:17Oui, avant de faire des règles,
46:19il faut déjà écouter les patients, les usagers,
46:22qu'ils puissent, de manière très rapide,
46:24saisir les instances, soit l'ARS, soit les ordres,
46:27de manière vraiment étayée,
46:29et que l'ordre puisse agir, et que ça ne prenne pas des années,
46:32et qu'il y ait la pédagogie.
46:34Il faut les sanctionner,
46:35comme les établissements de santé, qui ne sont pas certifiés.
46:39Il faut les accompagner, et qu'ils arrêtent de prendre en charge
46:42nos usagers s'ils ne sont pas certifiés.
46:44Nous avons une certification tous les quatre ans.
46:47Il faut que l'ensemble de la chaîne de soins le soit.
46:50Je crois que la lutte contre la fraude, ça fait assez consensus.
46:53La fraude, c'est une dérive que personne ne doit accepter,
46:56c'est de l'argent qui est volé.
46:58Il y a un phénomène de plus grande ampleur et qui est plus compliqué,
47:01c'est la pertinence des soins, ce que vous appeliez l'efficience.
47:06C'est-à-dire, est-ce qu'on est dans une situation
47:09financière difficile en France,
47:11avec des finances sociales qui sont en très mauvais état ?
47:14Est-ce qu'on peut se payer le luxe de multiplier des actes
47:17qui ne sont pas exactement fondés comme inutiles,
47:20comme le Direction U, en termes médicaux ?
47:23Or, l'irruption d'acteurs financiers, encore une fois,
47:28fait peser un risque, l'assurance maladie le démontre bien,
47:30sur la pertinence des soins.
47:33Il va y avoir la tentation de multiplier des actes
47:36qui ne sont pas forcément nécessaires.
47:38Ça n'apporte pas forcément atteinte à la santé de la personne,
47:41ou quoi que ce soit, mais ça fait de l'argent
47:43gaspillé.
47:44La question, elle se pose à nous, collectivement,
47:47dans notre pays, acteurs publics comme acteurs privés.
47:50L'hôpital peut être concerné par cette question aussi,
47:53je le dis.
47:54C'est comment on fait pour utiliser au mieux notre argent ?
47:58Or, si on laisse la financiarisation
48:01se développer dans le secteur ambulatoire,
48:03il va y avoir des dérives.
48:05Dantexéas, c'est la dérive victime, c'est la fraude totale,
48:08c'est le gain, le gain, le gain,
48:09et le soin, il est passé par-dessus bord.
48:12Mais si on ne fait pas attention...
48:14Vous nous avez rassuré en disant que ça ne pourrait plus être possible.
48:18Ça ne peut pas dans le secteur dentaire.
48:20Les dentistes, c'est très important,
48:22la réaction des professions de santé,
48:24les organisations de dentistes ont pris des mesures.
48:27Ils ont signé récemment une convention
48:29qui bloque, je ne vais pas entrer dans les détails,
48:32la création de nouveaux sièges dentaires
48:34dans des structures où il y a des acteurs financiarisés.
48:38Il y a une vraie réaction, vous savez,
48:40des professions de santé collectivement.
48:42On l'a entendu, les jeunes, Eric Chenut citait les jeunes radiologues,
48:46ils sont très conscients de la question,
48:48mais il faut leur donner des outils.
48:50Pour éviter, pardon, je reviens sur ce que vous disiez,
48:53pour éviter les actes inutiles, la non-efficience,
48:56on parlait, effectivement, monsieur Chenut,
48:59on ne peut pas contrôler chaque prescription,
49:01on ne peut pas contrôler...
49:03On pourrait faciliter le travail des médecins,
49:08parce que ce n'est pas toujours facile de prescrire,
49:12de connaître, par exemple, ce que sont les préconisations,
49:15les recommandations de la Haute Autorité de Santé.
49:18Faisons en sorte que dans les logiciels
49:20qui sont produits par les éditeurs auprès des médecins,
49:23dans le cabinet, quand on a posé un diagnostic
49:26sur une pathologie, automatiquement,
49:29on ait la préconisation de la Haute Autorité de Santé qui tombe.
49:32Et puis, après, on a toujours la possibilité d'en déroger,
49:36parce qu'il y a une situation particulière.
49:38Vous pensez que c'est par méconnaissance
49:40ou cette façon de rappeler à l'ordre les médecins
49:43ferait une forme de pression sur leur logique financière ?
49:47Aujourd'hui, là, je ne pense pas que ce soit une question
49:50financière ou quoi que ce soit.
49:52C'est une question de maîtrise de l'information.
49:54La masse d'informations est considérable.
49:57Le professionnel, il ne peut pas en permanence
50:01être à jour sur tout.
50:02Donc, il faut aussi qu'on leur facilite la vie,
50:05qu'on leur mette à disposition des outils
50:07qui leur permettent de gagner en efficience.
50:10C'est leur intérêt, c'est l'intérêt du patient,
50:12c'est l'intérêt du financement et de la soutenabilité
50:15du système de santé.
50:17Je pense que ça, c'est le sujet...
50:18Ce serait utile ?
50:20Oui. Je prends un autre exemple.
50:22Un élément dans la désintermédiation
50:24des prises de rendez-vous,
50:26qui est souvent passé sous les radars.
50:28Vous voulez dire docteux libres ?
50:30Par exemple. C'est-à-dire qu'à un moment donné,
50:32on prend un rendez-vous,
50:34mais on va prendre un rendez-vous,
50:36souvent, le médecin, pour rendre service à son patient,
50:38il va prendre un rendez-vous auprès d'un cabinet de radiologie.
50:42Il prend un rendez-vous pour un scanner,
50:44pour un IRM, sauf que quand on arrive,
50:46le radiologue s'aperçoit que ce n'est pas le bon examen.
50:49On va faire le premier examen
50:51et on va reconvoquer la personne.
50:53Le radiologue, lui, on ne lui a pas demandé
50:55de faire l'examen qui correspond à la prescription du patient.
50:59Le fait de la prise de rendez-vous,
51:01telle qu'elle est faite aujourd'hui,
51:03on vient pour un premier examen,
51:05ce n'est pas le bon, parce qu'il y a eu une erreur de prescription.
51:08C'est une erreur de prescription.
51:10Le médecin prescrit un IRM ou un scanner,
51:12il pense qu'il le faut.
51:13Si le médecin se trompe, ça peut arriver,
51:16mais on ne va pas non plus...
51:17La mine, ça pèse lourd, aujourd'hui.
51:21Vous dites qu'il y a trop d'erreurs de prescription ?
51:24Oui.
51:25Il y a trop de soins techniques.
51:28Quand vous arrivez aux urgences...
51:30Trop d'erreurs ?
51:31Quand vous arrivez aux urgences, que ce soit dans le public,
51:34vous allez avoir un protocole de prise en charge,
51:36peu importe avec quoi vous arrivez, comme symptôme.
51:39Le protocole, avant de voir un médecin,
51:41vous allez avoir une prise de sang, une radio, voilà.
51:44Mais...
51:45C'est inutile ?
51:46Oui, c'est vrai.
51:48On peut se poser la question, peut-être que c'est au médecin
51:51de dire, vu la symptomatologie du patient que j'accueille,
51:56ça, c'est inutile.
51:57Ça, ça parle à tout le monde.
51:58Tous ceux qui sont allés à l'hôpital
52:01savent qu'effectivement, on est sur des rails
52:03et on a les prises de sang, etc.
52:05Il faut responsabiliser les usagers.
52:07Il y a un dossier médical partagé.
52:09On envoie...
52:10Les usagers, quand ils arrivent aux urgences...
52:12Déjà qu'il ouvre ses droits,
52:14et on pourrait regarder ce qui s'est passé la veille.
52:17Sauf que les patients n'ouvrent pas ses droits.
52:19Il faut les éduquer, parce que je vais contenir tous les torts,
52:23mais les usagers doivent se prendre en main.
52:25S'ils ouvraient leurs droits, on aurait...
52:27Quand on est en état de faiblesse et de vulnérabilité,
52:30c'est pas au patient de dire,
52:33vous devriez faire ça, j'ai fait ça, voilà.
52:36C'est pas au patient de faire ça.
52:39C'est le médecin qui est là,
52:41c'est les professionnels de santé
52:43qui doivent susciter des questions,
52:45qui doivent susciter des réponses par leurs questions.
52:48On peut responsabiliser les patients.
52:50Ça, ça prend du temps, c'est de la clinique,
52:52et c'est du temps qui est pas monnayable.
52:56Vous vouliez parler à Lamine.
52:58Je suis vraiment d'accord sur la responsabilisation des patients,
53:01parce qu'elle est importante.
53:03On est des assurés sociaux, des patients,
53:05mais aussi des citoyens et des contribuables.
53:07Comme l'a rappelé tout à l'heure le sénateur Jaumier,
53:10c'est nous qui finançons par nos cotisations sociales,
53:13fiscales, le système de santé.
53:15Il y a un vrai enjeu de responsabilisation
53:17individuelle, collective.
53:19Pour autant, aujourd'hui, la réalité des pratiques...
53:22On va voir un médecin généraliste
53:24qui fait des investigations,
53:26il demande des analyses de biologie.
53:28On va voir un spécialiste, il redemande des analyses de biologie.
53:32On est hospitalisés, dans le public comme dans le privé.
53:35On refait systématiquement toutes les analyses de biologie.
53:39Alors que les données de biologie
53:43sont dans mon espace de santé,
53:44sont accessibles,
53:46que le patient donne l'accès ou pas.
53:48Pour conclure, monsieur Jaumier,
53:50de tout ce qu'on a dit, on a dit beaucoup de choses.
53:53Je ne sais pas si on peut rassembler tout le monde,
53:55mais je crois que si,
53:56parce que toutes les personnes qui sont ici
53:58sont attachées à notre système de soins.
54:01Je crois que la ressource est rare
54:02et qu'il faut que les Français continuent à avoir confiance
54:06en un système de santé qui, globalement, est fort.
54:09Et pour ça, ils doivent avoir la conviction,
54:12et nous, on a le devoir d'y veiller,
54:14à ce que les actes qui sont effectués
54:16le sont pour la santé de la personne qui vient consulter.
54:20Et donc, il n'y a pas une autre logique purement financière
54:24qui vient interférer et qui ferait
54:26qu'on ferait des examens inutiles,
54:28qu'on donnerait des traitements inutiles,
54:30qu'on ferait des actes qui ne sont pas nécessaires
54:33et qui coûtent cher à la collectivité.
54:35C'est la responsabilité du politique
54:37face à ce phénomène de financiarisation.
54:39Nous, les législateurs, on a fait un rapport.
54:41La Cour des comptes s'est saisie de cette question.
54:44Les inspections générales, Affaires sociales et finances
54:47sont en train de travailler sur cette question.
54:50Il faut que les ministères, le gouvernement,
54:52prennent les dispositions pour que ce phénomène
54:55de financiarisation ne vienne pas détruire
54:57notre système de soins.
54:58Message envoyé.
54:59Merci beaucoup d'avoir été des acteurs passionnants
55:03dans cette émission d'État de santé
55:05concernant la financiarisation de la santé.
55:08Merci, madame Rescagnière, Eve Rescagnière,
55:10Éric Chenu, Lamine Garbi et Bernard Jomier.
55:13Merci de nous avoir suivis.
55:15A très vite sur la chaîne parlementaire.

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