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Maire démissionnaire de Pibrac (Haute-Garonne), Camille Pouponneau, a publié "Maires, le grand gâchis", dans lequel elle aborde le mal-être des édiles.

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Transcription
00:00Vous avez été maire de Pibrac en Haute-Garonne, élu en mars 2020, et vous avez démissionné le 18 octobre dernier, deux ans avant la fin de votre mandat.
00:06Vous avez dit stop, comme près de 2400 maires depuis les dernières municipales, et si on dit maire courage, c'est parce que vous avez quand même le courage de raconter ce qui vous est arrivé,
00:15ce qui vous a poussé à bout dans un livre qui vient de paraître chez Robert Laffont, Maire, le grand gâchis. Qu'est-ce qui a fini par vous faire craquer au bout de quatre ans ?
00:23Vos spectateurs le savent parce que votre chaîne est allumée dans tous les cafés de France, et dans le café de France, le matin, il y a le maire qui passe, ils sont en face de la mairie,
00:35ils le voient et ils savent combien il travaille énormément, combien il est présent, et combien ils peuvent le solliciter sur toutes les questions relatives à la politique,
00:43et du coup, au bout d'un moment, si vous voulez, vous arrivez dans une situation où on vous sollicite pour à peu près tout, alors que vos marges de manœuvre sont très très faibles
00:51parce que vous êtes très dépendant du regroupement de communes et vous êtes surtout très dépendant de l'État. Voilà, parce qu'on oublie, mais aujourd'hui, il y a quand même énormément de normes qui viennent d'en haut, depuis Paris,
01:01et il y a même un rapport sénatorial qui explique qu'en quatre ans, les normes votées depuis Paris, imposées aux collectivités, c'est 4 milliards d'euros qu'on leur demande, dans des politiques, on leur demande de mettre en place.
01:12Donc vous n'aviez plus de vie, on vous sollicitait sur tout et n'importe quoi, et quand je dis n'importe quoi, c'est parfois vraiment n'importe quoi ?
01:19Alors moi, je ne pense pas que ce soit n'importe quoi, parce que c'est des choses très sérieuses. On me sollicitait pour avoir une place pour faire une IRM, on me sollicitait parce qu'il n'y avait pas de professeur devant les enfants,
01:31on me sollicitait parce qu'on avait peur pour sa sécurité. Le problème, c'est que ce n'est pas de la compétence du maire, et finalement, c'est le manque de service public qui fait qu'on est extrêmement sollicité.
01:41Vous racontez même dans le livre le cas d'un habitant de Pibra qui vient vous voir en boîte de nuit. Vous êtes dans une soirée avec des amis et il vient vous voir à 4h du matin.
01:49En fait, ce que vous racontez dans le livre, c'est ça, c'est la sollicitation permanente alors que vous n'avez pas de moyens pour répondre à toutes ces demandes, et vous dites « j'aurais pu y laisser ma peau ».
01:58Oui, parce qu'en fait, quand vous sortez votre poubelle, quand vous allez au supermarché, quand vous faites du sport, vos habitants, ils vous voient, vous êtes dans la proximité, donc ils vous sollicitent énormément.
02:10Et c'est vrai que si vous n'arrivez pas à préserver un cadre de vie perso où vous êtes loin de votre commune, vous êtes tout le temps en alerte.
02:18Et puis moi, je pourrais vous parler de la nuit. La nuit, il faut savoir que je me réveillais 3, 4, 5 fois pour regarder mon téléphone parce que régulièrement, malheureusement, j'étais appelée parce qu'il y avait un décès dramatique.
02:26Il fallait aller annoncer ce décès à la famille, et donc vous êtes en hyper-vigilance constante.
02:32On dit souvent que les maires sont à portée de gifle parce que c'est le premier contrat qu'il y a des politiques pour porter d'engueulade de la part de leurs citoyens.
02:38Est-ce que vous avez senti une agressivité, comme un certain nombre d'élus l'ont ressenti depuis quelques années, contre vous, et parfois pour des choses dont vous n'êtes pas responsable ?
02:46Alors, ce que je sais maintenant avec du recul, il y avait une agressivité qui est certaine, une agressivité qu'on sent monter, une polarisation aussi de l'état d'esprit des gens.
02:56On est pour, on est contre, on est avec, on est contre. Mais par contre, ce que j'ai compris maintenant avec du recul, c'était que cette agressivité n'était pas forcément dirigée réellement contre moi, mais elle est un ras-le-bol plus global du système.
03:08Jamais vous n'auriez imaginé ça ? Cette sortie, cette démission, vous la vivez comme un échec personnel ?
03:15C'est encore difficile, oui. Cette question-là, parce que quand vous vous engagez en politique, vous avez un pacte moral avec vos habitants, vous prenez un engagement, vous vous engagez auprès d'eux avec un délai, il y a une fin.
03:29Et je ne suis pas allée au bout, et ça, ça reste encore compliqué pour moi. Mais par contre, je suis très fière d'avoir préservé ma santé.
03:34Et que vous disent les habitants depuis Braque, depuis l'annonce de votre démission ?
03:38Il faut s'imaginer qu'ils me voyaient tous les jours, et du jour au lendemain, je suis partie. En plus, j'ai déménagé parce que c'était un petit peu compliqué de rester dans l'endroit.
03:47C'est compliqué quand même d'aller affronter le regard des gens que vous avez servis et à qui vous avez promis d'aller jusqu'au bout, ça reste compliqué.

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