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François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, était l'invité du Face à Face ce jeudi 20 mars sur BFMTV et RMC. Il évoque les consultations sur les retraites, le déficit public, les pertes de la Banque de France ou encore l'effort de défense. 

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Transcription
00:00Et bonjour François Villeroy de Gallo, vous êtes le gouverneur de la Banque de France, au fond c'est la tour de contrôle de l'économie française,
00:08perspectives de croissance à la baisse,
00:09contexte international menaçant, est-ce qu'on a les moyens de redresser notre économie et de muscler notre défense ?
00:16Voilà l'une des questions que je voudrais vous poser ce matin.
00:17Mais avant de parler de la France, je voudrais quand même qu'on parle de vous, enfin de vous, c'est-à-dire de la Banque de France,
00:22parce que la Banque de France a publié mercredi une perte nette record pour l'année 2024,
00:287,7 milliards d'euros. Je vous avoue que ce n'est pas très rassurant quand son banquier ne va pas très bien.
00:34Ça ne doit pas inquiéter, c'était prévu
00:38à Pauline de Maillard, ça se passe d'ailleurs pour toutes les grandes banques centrales dans le monde,
00:43et c'est lié à notre lutte contre l'inflation,
00:45qui a été efficace. Dans un paysage économique qui est difficile à l'échelle internationale, vous en avez parlé,
00:52il y a un élément de confiance,
00:55c'est que nous avons ramené l'inflation à 2%.
00:59Alors pour cela, nous avons dû faire un certain nombre d'opérations de politique monétaire, je ne rentre pas dans les détails,
01:04qui ont entraîné des pertes, mais que nous pouvons parfaitement absorber dans une situation financière très solide de la Banque de France.
01:12Il n'y aura pas d'appel aux contribuables, il n'y aura pas de recapitalisation,
01:15et par ailleurs, j'ai dit clairement hier que ces pertes seraient très diminuées dès cette année.
01:21Je vous repose la question, vous dites qu'il n'y aura pas d'appel aux contribuables, ces 7,7 milliards, est-ce qu'ils s'ajoutent au
01:29déficit de l'État ? Est-ce qu'ils sont sur une sorte d'autre ligne à côté ?
01:33Non, parce que nous les prenons dans le bilan de la Banque de France,
01:39et c'est d'ailleurs beaucoup moins que si je prends la Bundesbank allemande, qui est à 19 milliards de pertes,
01:45ou probablement la Banque centrale américaine,
01:48qui sera à plus de 60 milliards. Donc c'est normal, parce que c'est le cycle de la politique monétaire,
01:55c'est l'objectif de la Banque centrale, ça n'est pas de faire des profits, ni encore moins de faire des pertes,
02:01c'est de ramener l'inflation à 2 %, objectif atteint, ce qui est une bonne nouvelle.
02:06Objectif atteint, prévision de croissance en revanche à la baisse,
02:11vous tabliez initialement sur une croissance française à 0,9 %,
02:15vous l'avez revu à la baisse, à 0,7 %, on va essayer de voir quelles sont les conséquences,
02:20mais d'abord dans un contexte où aujourd'hui même il y a à nouveau à Bercy une grande réunion sur la question du financement
02:28de notre industrie de défense et de l'effort de défense demandé,
02:32cette réunion sur ce qu'on peut appeler l'économie de guerre ou l'effort de guerre, est-ce qu'on aura les moyens
02:38de mener ce réarmement, et que faudra-t-il sacrifier ?
02:43D'abord un tout petit mot sur la croissance, vous avez dit tout à l'heure que j'étais optimiste.
02:48Vous restez quelqu'un je crois dans le caractère optimiste, je ne sais pas si vous le restez dans le contexte actuel.
02:53Si vous me permettez, je me méfie de ce mot, je suis déterminé,
02:58parce que nous sommes dans un environnement international, à cause des politiques de monsieur Trump, on va en reparler,
03:03qui est un environnement négatif pour la croissance, d'abord aux Etats-Unis,
03:07mais c'est vrai par contre-coup en Europe, d'où notre révision à la baisse.
03:11Alors sur la question de la défense que vous posez,
03:14d'abord je crois qu'il faut un effort de défense, ce n'est pas à moi de décider sa taille,
03:19mais il est légitime pour que l'Europe retrouve la maîtrise de son destin militaire,
03:25mais aussi économique, on en parlera.
03:28Et malheureusement le retournement américain pousse à une souveraineté militaire européenne.
03:35Maintenant la question qu'on voit ces jours-ci, et ça sera la réunion d'aujourd'hui,
03:40c'est une première question,
03:42elle est peut-être un peu plus facile que celle qui se posera à la fin.
03:46Qu'est-ce que je veux dire par là ?
03:47La première question c'est, qui va prêter au début aux industries de défense ?
03:52Alors on trouvera l'épargne qui peut s'investir,
03:56c'est encore mieux d'ailleurs si ça se passe sous forme de fonds propres,
03:59il y a de capitaux renforcés des entreprises de défense,
04:02je crois que c'est l'objet de la réunion d'aujourd'hui.
04:04Mais la question plus difficile qui viendra ensuite, c'est qui va payer à la fin ?
04:10Et là la réponse est malheureusement claire,
04:12c'est forcément de la dépense publique,
04:15il n'y a que l'État qui puisse acheter le matériel militaire,
04:18ou payer la solde des militaires, etc.
04:21Donc ça pose de façon encore plus aiguë
04:24la question de la reprise de contrôle de nos finances publiques et de nos déficits.
04:28Et qui est d'ailleurs ce que vous disiez depuis bien longtemps,
04:31et bien avant le contexte international immédiat,
04:34Alors j'étais d'ailleurs pas le seul à le dire,
04:36Pierre Moscovici, Premier Président de la Cour des Comptes,
04:38et pas mal d'observateurs,
04:39nous en avons le devoir, nous en avons aussi les moyens,
04:42on va y revenir, mais il faut que nous en ayons la volonté.
04:45On peut y arriver mais avec exigence,
04:46et ce que je comprends bien en vous écoutant,
04:48et en analysant et en ayant préparé cette interview,
04:51et en analysant aussi les rapports que vous remettez régulièrement,
04:54c'est qu'au fond vous dites, l'un ne va pas sans l'autre,
04:57c'est-à-dire nous ne pourrons pas défendre si on ne fait pas les réformes nécessaires,
05:02et la réduction des dépenses,
05:05au fond, la situation internationale ne rend que plus urgente ce que vous dites depuis longtemps.
05:11Mais vous avez parlé à l'instant de la question des fonds propres,
05:13Bercy annonce ce matin par la voix de son ministre de l'économie,
05:17la création d'une sorte de fonds propres justement,
05:20qui seraient dédiés au financement de ces entreprises de défense,
05:24auxquelles tous les Français pourraient participer en mettant à partir de 500 euros.
05:29C'est un véritable appel aux Français pour qu'ils mobilisent leur épargne ?
05:34– Oui, on va voir les détails aujourd'hui puisque cette réunion a lieu à Bercy,
05:38je souligne, c'est la première question, c'est qui va financer au début ?
05:42– Mais ça veut dire que c'est vous et moi,
05:43ça veut dire que c'est tous ceux qui nous écoutent potentiellement, c'est les Français.
05:45– C'est ceux qui le voudront, personne ne sera obligé de le faire,
05:49participer à cet effort civique peut avoir un vrai sens
05:53pour retrouver la maîtrise de notre destin.
05:56Mais qu'on n'oublie pas la deuxième question qui est, qui va payer à la fin ?
05:59Et ça c'est l'État, c'est la dépense publique.
06:02Alors pour revenir sur cette exigence dont vous parliez,
06:06au fond, si je regarde l'économie mondiale et européenne aujourd'hui,
06:10nous avons quelqu'un qui marque des buts contre son camp, c'est M. Trump.
06:14On va y venir, ses politiques sont mauvaises pour tout le monde,
06:17mais d'abord pour les États-Unis.
06:20Mais nous, il faut en face de ce joueur qui joue contre son propre camp,
06:25il faut qu'on monte notre propre niveau de jeu, ça ne va pas se faire tout seul.
06:30Si nous jouons bien, on va y revenir, ça peut être le moment de l'Europe,
06:35et ça peut être l'occasion pour notre pays de retrouver la maîtrise de son destin,
06:40on a parlé du destin militaire, mais aussi du destin économique.
06:43Ça commence effectivement par régler ce problème de finances publiques,
06:46et pour ça il faut à la fois arrêter la croissance de nos dépenses publiques,
06:51en volume, c'est-à-dire à frais d'éducation,
06:53on va y revenir, je crois que c'est possible, mais il faut qu'on fasse des choix,
06:59donc arrêter la croissance des dépenses publiques,
07:02et de l'autre côté, augmenter la croissance de l'économie.
07:05Vous voyez, il y a un stop sur la croissance des dépenses publiques,
07:09et il y a un accélérateur.
07:11Alors, arrêter la croissance des dépenses publiques, ça veut dire quoi ?
07:14Ce n'est pas l'austérité, on ne les fait pas reculer,
07:16mais on constate que nous avons déjà les dépenses publiques,
07:19non seulement les plus élevées d'Europe, à Pauline de Malherme,
07:22mais les plus élevées du monde, des grands pays avancés,
07:24et beaucoup de nos voisins européens ont le même modèle de société que nous,
07:27j'y crois, le modèle social européen, mais nettement moins cher.
07:32Alors, quand on regarde ces dépenses publiques, il y a trois acteurs,
07:39il y a l'État, on parle beaucoup du budget de l'État,
07:41celui-là a commencé à faire reculer ses dépenses publiques en volume,
07:45et puis il y a deux autres acteurs, c'est les dépenses sociales,
07:48et puis les dépenses locales.
07:50Elles représentent, en fait, la majorité de ces dépenses publiques,
07:53elles représentent plus de 60%.
07:54Donc on ne peut pas faire porter l'effort sur le seul État,
07:57si on a un effort juste et partagé,
08:00nous pouvons arriver à stabiliser ces dépenses publiques,
08:03arrêter leur croissance.
08:04– Quand vous dites juste et partagé, ça veut dire qu'à vos yeux,
08:08lorsque l'équation commence à se poser entre des canons et des pensions,
08:14c'est-à-dire est-ce qu'on peut dans ce contexte-là,
08:17au fond c'est la lecture que fait François Bayrou,
08:18quand il dit que le contexte intersocial ne nous permet plus
08:21d'envisager un retour à la retraite à 62 ans ?
08:25C'est aussi ce que dit d'ailleurs le président du COR,
08:27le Conseil d'orientation des retraites,
08:29qui dit que ce débat est même presque dérisoire désormais
08:31au regard de la menace internationale.
08:34Est-ce qu'en effet vous estimez que le poids des dépenses sociales,
08:39dont les dépenses de retraite qui sont la majeure partie
08:42de ces dépenses sociales, doit être réduit ?
08:45– Alors ça ce n'est pas à la Banque de France de faire ce choix,
08:47nous nous éclairons le débat économique.
08:52D'abord je dirais sur la défense,
08:54il ne peut pas y avoir de nouveau quoi qu'il en coûte,
08:56il y a un effort légitime, mais il doit être mesuré,
08:58il doit être financé et sur l'ensemble,
09:02je vais simplement dire une évidence à Pauline de Malherbe,
09:05nous ne pouvons plus tout nous payer comme avant.
09:08La France va devoir faire des choix,
09:10ça c'est l'objet de notre débat démocratique,
09:14au Parlement, avec le gouvernement,
09:16mais disons-le avec lucidité,
09:18c'était vrai avant même l'effort de défense, pourquoi ?
09:23Parce que nous devons enfin stabiliser notre dette publique,
09:26nous sommes un des rares pays dont la dette publique continue à augmenter,
09:30ça veut dire que nous transférons aux générations futures
09:32un sac à dos qui est de plus en plus lourd quand il entre dans la vie.
09:35Les générations futures ce n'est pas une abstraction,
09:37c'est nos enfants ou nos petits-enfants pour le grand-père que je suis.
09:41Donc il faut être très attentif à ça,
09:43si on veut stabiliser la dépense publique,
09:46il y a une espèce d'équivalence dans notre économie,
09:49stabiliser la dépense publique,
09:50ça veut dire réduire le déficit à 3% en 2029, d'ici 4 ans,
09:55et ça veut dire, tout ça est équivalent,
09:57stabiliser les dépenses publiques en volume après inflation.
10:00Donc c'est exigeant mais c'est possible,
10:03d'ailleurs dans notre histoire, par exemple entre 2014 et 2018,
10:08je trouve que c'était sous deux quinquennats différents,
10:10nous nous sommes approchés de cette stabilité,
10:12mais parce qu'il y a eu un effort de tous,
10:14Etat, plus social, plus local.
10:17François Villeroy de Gallo, je rappelle pour ceux qui nous écoutent
10:19que vous êtes le gouverneur de la Banque de France,
10:21je parlais de cette perspective de croissance que vous avez revue à la baisse,
10:24de 0,9 à 0,7.
10:25Si je vous entends, ce que je comprends,
10:27c'est que c'est moins dû, pour une fois j'allais dire,
10:30à nos propres possibilités ou impossibilités,
10:34qu'à un contexte international qui a changé,
10:36et notamment à l'incertitude que représente un Donald Trump.
10:40Sauf que le gouvernement, il a construit son budget
10:46avec une perspective de croissance qui était celle de 0,9.
10:49Puisque ça change entre temps,
10:51est-ce que ça ne va pas entraîner à nouveau mécaniquement
10:54un problème, un problème tout simplement de trésorerie ?
10:57Non, je ne crois pas,
10:59parce qu'une révision de 0,9 à 0,7 c'est relativement limité,
11:03il y aura peut-être quelques bonnes nouvelles dans l'autre sens,
11:05je comprends que peut-être le déficit 2024
11:07sera un peu moins fort que prévu.
11:09Il faut tenir le déficit à 5,4%,
11:13et pour ça il faut faire preuve de ténacité,
11:16je crois que le ministre Éric Lombard a manifesté cette ténacité.
11:19Ce n'est pas gagné, mais ce n'est pas du tout...
11:21Mais c'est encore possible, pour vous c'est encore possible.
11:23Le vrai sujet, il est celui que vous disiez au début,
11:26c'est qu'il y a des politiques américaines
11:30qui marquent un retournement
11:32et qui sont extrêmement négatives pour la croissance partout,
11:35à commencer par celle des États-Unis.
11:38Vous savez, je crois que ça vaut le coup de y rester une minute,
11:40d'habitude...
11:41Prenez le temps, c'est très important de comprendre,
11:43on parle beaucoup du chaos diplomatique,
11:45parlons aussi du chaos économique.
11:46Exactement, oui, vous avez parlé d'incertitude,
11:48c'est plus que ça, c'est de l'imprévisibilité
11:50et même de l'irrationalité.
11:52Mais d'habitude l'économie et le commerce
11:54c'est un jeu gagnant-gagnant.
11:56On échange des produits, des idées, des talents,
12:00des innovations, et on s'enrichit ensemble.
12:03Le protectionniste de M. Trump,
12:05parce que c'est ça le cœur de sa politique,
12:07ça fait exactement le contraire.
12:09Ça transforme un jeu gagnant-gagnant
12:11en un jeu perdant-perdant, où tout le monde perd.
12:14À commencer par les États-Unis,
12:16il y a quelque chose qui est très frappant,
12:18c'est qu'hier soir, la banque centrale américaine,
12:20la Fédérale Réserve, se réunissait
12:22et a publié ses nouvelles prévisions.
12:24Ils ont abaissé la prévision de croissance aux États-Unis,
12:28nettement plus que nous n'avons abaissé
12:30la prévision pour la France, nous c'était 0,2,
12:32c'était 0,4, et ils ont augmenté l'inflation.
12:35Donc vous voyez, les politiques Trump,
12:37c'est plus d'incertitude,
12:39mais c'est moins de croissance et c'est plus d'inflation.
12:41Mais alors pourquoi ?
12:42Alors ça, je ne sais pas expliquer
12:44la rationalité des politiques de M. Trump.
12:47Ne me demandez pas l'impossible, je crois...
12:49Il doit bien y avoir un intérêt.
12:51Je crois, hélas, qu'il y a pas mal d'idéologies,
12:54il y a une forme de nationalisme,
12:58en disant, voilà, on va protéger l'Amérique du reste du monde.
13:03Et puis je crois qu'il y a une vision fausse de l'économie.
13:05Vous savez, d'une certaine façon,
13:07M. Trump, il voit un peu l'économie mondiale
13:09comme un plateau de monopolie,
13:10c'est-à-dire d'où sa fixation sur les déficits commerciaux.
13:14Ce que gagnerait l'un, c'est forcément ce que perd l'autre.
13:17Et donc, il faut absolument réduire les déficits commerciaux.
13:20Je crois que c'est une mauvaise politique.
13:22Face à ça, nous, nous devons avoir une bonne politique.
13:24Nous devons monter notre niveau de jeu.
13:27Ça peut être le moment de l'Europe.
13:29Ça veut dire quoi, ça ?
13:30Monter notre niveau de jeu ?
13:32Monter notre niveau de jeu,
13:33si je pousse l'image du foot et d'une équipe de jeux cliqués.
13:37Ça me va très bien.
13:38Et je pense que nos auditeurs d'RMC en sont ravis.
13:40Oui, moi j'aime beaucoup le football.
13:42D'abord, ça commence par jouer plus collectif,
13:45de savoir se réunir et dépasser les izanis gauloises
13:49dont nous donnons entre nous des exemples très remarquables depuis un an.
13:53Je sens votre ironie.
13:54Ensuite, avoir la bonne stratégie.
13:56Et puis enfin, être capable de l'appliquer avec ténacité
13:59pendant toute la durée du match.
14:00Mais si j'insiste un peu sur la bonne stratégie,
14:03j'ai dit arrêter la croissance des dépenses publiques.
14:07L'effort juste est partagé.
14:09État plus social, plus local, sur plusieurs années.
14:12Et puis augmenter la croissance de l'économie.
14:15Et nous avons un certain nombre de leviers qui dépendent de nous.
14:17Ça, il faut qu'on se rassemble en France et en Europe pour les activer.
14:20Quel est d'abord l'objectif de croissance
14:22qui vous paraîtrait réalisable ?
14:25À combien est-ce que vous considérez
14:28qu'on serait dans un bon chemin possible
14:33dans les mois ou les années qui viennent ?
14:34Alors, je vais raisonner sur les années qui viennent,
14:36parce qu'on ne peut pas changer ça d'un claquement de doigt.
14:38Et un match, ça se gagne dans la durée.
14:41J'ai parlé de ténacité.
14:42Mais on est aujourd'hui autour de 1% de croissance,
14:45à peu près ce que les économistes appellent la croissance potentielle,
14:48c'est-à-dire la vitesse de croissance de l'économie.
14:50La France est un tout petit peu au-dessus.
14:52L'Europe, en moyenne, est à 1.
14:54Je crois que nous pouvons porter ce 1% d'ici quelques années
14:57à 1,5% de croissance potentielle.
14:59Vous espérez 1,5% de croissance ?
15:02Pour ça, quand je parle de monter notre niveau de jeu,
15:04il faut activer un certain nombre d'accélérateurs.
15:07Il y en a qui dépendent de nous.
15:09C'est notre travail.
15:10Et puis il y en a qui dépendent de l'Europe.
15:12C'est muscler l'économie européenne.
15:16Vous savez, l'économie européenne,
15:17elle pèse autant sur le papier que l'économie américaine.
15:19On n'a pas de complexe à avoir.
15:21Quels sont les outils que nous, on a d'abord ?
15:23Alors, sur le travailler plus et travailler mieux,
15:26nous avons fait des très grands progrès sur l'emploi,
15:29en France, depuis...
15:31Ça commence à nouveau, quand même, l'emploi, non ?
15:33Appelez-le de manière...
15:34Finalement, vous êtes optimiste ?
15:36Non, non, non, je suis déterminé.
15:38Et comme la Banque de France est indépendante,
15:40il faut voir aussi nos succès.
15:42Ça, au passage, d'ailleurs, on a dit un peu de mal
15:45de certaines dérives américaines,
15:46mais s'il y a une vertu américaine
15:48qu'il faudrait que nous gardions,
15:49c'est la confiance en nous-mêmes, une forme de fierté.
15:52Vous savez, et c'est vrai,
15:53les Américains parlent spontanément de leur succès,
15:55nous, Européens et Français,
15:56on parle spontanément de nos échecs.
15:58Un succès français, c'est que depuis 10 ans,
16:00notre économie a créé plus de 2 millions d'emplois,
16:03et depuis 5 ans, depuis le Covid,
16:04plus de 1 million d'emplois.
16:06Alors, le taux de chômage remonte un peu,
16:08entre 7,5 et 8,
16:09mais dans le précédent ralentissement économique,
16:11il y a 10 ans, justement, on était au-delà de 10 %.
16:14Il faut continuer ces progrès,
16:16travailler plus collectivement,
16:18c'est la question des jeunes,
16:19et notamment des non qualifiés,
16:20développer l'apprentissage, réformer l'école,
16:23et puis, le travail des seniors,
16:25nous sommes assez en retard.
16:27Et puis, essayer de travailler mieux,
16:28c'est-à-dire augmenter
16:29ce que les économistes appellent la productivité,
16:31par heure de travail, on produit plus,
16:33ça, j'espère que l'intelligence artificielle va nous aider.
16:35Ça, c'est des leviers qui sont dans nos mains,
16:38les mains des entreprises, les mains des salariés,
16:40et je crois que le dialogue social
16:41est très bienvenu là-dessus.
16:42Qui, vous l'avez vu, sur le fameux conclave,
16:45est quand même un peu fragilisé,
16:47alors c'est pas sur ces questions de compétitivité,
16:48mais sur les questions aussi de travailler plus longtemps.
16:51Oui, alors, en France, le dialogue social
16:54fonctionne quand même plutôt mieux
16:55que le dialogue politique.
16:56Quand je parlais de nous rassembler,
16:58donc je crois que c'est bien d'essayer
17:00par le dialogue social,
17:02mais ça ne peut pas creuser davantage
17:04le déficit des retraites,
17:05parce qu'on accroîtrait encore notre problème
17:07de dettes et de charges transférées.
17:09Alors, est-ce que ça veut dire qu'il faut augmenter les impôts ?
17:11Est-ce qu'il faut jouer sur les impôts ?
17:12Non, je crois qu'il y a...
17:14Moi, je veux pas préjuger du résultat du conclave,
17:16il y a diverses choses qui sont sur la table.
17:18Mais en tout cas, la question des impôts
17:19doit pouvoir exister comme outil.
17:21On a l'impression que ça a été exclu de la table
17:22dès le départ par le gouvernement.
17:24Souvenez-vous du débat de l'automne dernier ?
17:28Oui, vous faisiez partie de ceux qui disaient
17:29qu'il faut peut-être augmenter les impôts.
17:30D'ailleurs, il y en a eu.
17:31J'ai parlé de hausse d'impôt ciblée
17:33sur les grandes entreprises
17:34ou sur ceux qui avaient les plus gros...
17:36Ça vous avait été un peu reproché,
17:37on va me le dire.
17:38Mais c'est pas une question d'être reproché.
17:40Moi, je suis pas là pour éviter les critiques
17:42ni d'ailleurs pour les chercher.
17:44C'est simplement de trouver un équilibre.
17:46J'avais dit à l'époque
17:47qu'il fallait que l'essentiel de l'effort public
17:50porte sur les dépenses.
17:51Pourquoi ? Parce que nous avons
17:52beaucoup plus de dépenses que les autres.
17:54Donc je crois qu'aujourd'hui,
17:55l'essentiel doit porter sur les dépenses.
17:57Il y a divers curseurs
17:58qui sont dans le dialogue du conclave.
18:00Mais on ne peut pas
18:01augmenter le déficit des retraites.
18:03Au contraire, il faut le diminuer.
18:04Je vous rappelle, c'est 15 milliards en 2030.
18:06Donc c'est ça qu'il faudrait arriver à diminuer
18:08et même à faire disparaître.
18:10Et on ne peut pas non plus
18:11diminuer la quantité de travail de l'économie
18:13parce que là, on est sûrs
18:14de perdre le match économique.
18:15Quand je parlais d'augmenter
18:18notre niveau de jeu, c'est ça.
18:19Alors ça, c'est ce qui dépend de nous.
18:21Travailler plus, c'est mieux.
18:22Ce qui dépend de l'Europe...
18:23C'est ce que j'allais vous demander.
18:24Ce qui dépend de l'Europe,
18:25c'est réveiller l'Europe
18:27en faire enfin une puissance économique autonome.
18:30Qu'est-ce qui se passe,
18:31madame ?
18:32Le rapport Draghi l'a très bien dit,
18:34l'ancien premier ministre italien.
18:36C'est qu'en masse,
18:38je regarde la taille de l'économie américaine
18:40et la taille de l'économie européenne,
18:42c'est équivalent.
18:43Simplement, l'économie américaine
18:44va beaucoup plus vite
18:45et elle est beaucoup plus attra...
18:47jusqu'à monsieur Trump, en tout cas.
18:48Et elle est beaucoup plus attractive
18:50parce que c'est un marché intégré.
18:52Et donc, moi, je résume
18:54ce qu'il faut faire,
18:55ce qu'a proposé la Commission,
18:56d'ailleurs, dans ce qu'on appelle
18:57la boussole de compétitivité,
18:59à trois I, trois impératifs.
19:02Il faut intégrer plus le marché unique
19:04en supprimant les obstacles internes.
19:06Il faut investir mieux
19:08dans les technologies d'avenir.
19:09Nous avons beaucoup d'épargne pour ça.
19:11Utilisons l'épargne européenne
19:12pour l'avenir européen.
19:15Et enfin, il faut, troisième I,
19:17innover plus vite.
19:19Ça, ça veut dire supprimer
19:20ou alléger un certain nombre de réglementations.
19:22Il y a trop de bureaucratie.
19:23Tout ça est sur le papier.
19:25Mettons-nous d'accord
19:26et surtout, appliquons-le.
19:28Si on fait ce que je disais
19:30sur travailler plus et mieux collectivement,
19:33ça, ça dépend de la France,
19:34et muscler l'Europe,
19:37intégrer mieux l'Europe,
19:38on peut passer à 1,5% de croissance.
19:40On peut le faire et ce ne sera alors pas
19:42juste de l'optimisme,
19:43ce sera du réalisme.
19:44C'est ce que j'appelais la détermination.
19:46Et la détermination.
19:46Et si...
19:48Je vais insister sur ce « si »
19:50à Pauline de Malherbe.
19:50C'est peut-être mon message central ce matin.
19:52Si nous le voulons,
19:54mais il faut de la volonté,
19:56à ce moment-là, la très mauvaise nouvelle
19:58que sont les politiques de M. Trump
20:00peut devenir une bonne nouvelle pour l'Europe.
20:03Ça peut, ça doit être l'heure de l'Europe.
20:06Merci François Villeroy de Gallo
20:08d'être venu répondre à mes questions ce matin,
20:10gouverneur de la Banque de France.
20:11Il est 8h52 sur RMC et BFM TV.

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