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Jean-Michel Aphatie, journaliste au cœur d'une polémique après des propos comparant les massacres lors de la guerre d'Algérie à ceux d'Ouradour-sur-Glane, est l'invité de Face à Duhamel ce mercredi 19 mars. 

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00:00Jean-Michel Apathy qui est avec nous ce soir, Alain Duhamel, on a rappelé les faits et je le mets des guillemets.
00:06Alain, est-ce qu'effectivement la France a commis des centaines d'horreurs d'ours sur glane en Algérie et a inspiré les nazis ?
00:13Alors, inspirer les nazis, non. Et la référence à l'horreur d'ours sur glane, je pense que ça n'est pas le meilleur de ce qu'avait dit Jean-Michel.
00:24En revanche, sur ce qui est le fond de ce qu'il a dit, c'est-à-dire est-ce que la France, en colonisant l'Algérie, l'a fait avec des moyens d'extrême violence,
00:35d'extrême violence et de façon répétée à différents moments ? Ben oui, c'est vrai, ce n'est pas agréable à dire, mais c'est vrai.
00:43Alors, cela dit, je ne veux pas relativiser, mais tous les empires coloniaux, à toutes les époques, depuis que les empires existent, sous l'antiquité et jusqu'à aujourd'hui,
00:57ont tous inévitablement utilisé la violence. Deuxième chose, la violence française, disons pour simplifier, a été très dure, mais la violence a été aussi partagée.
01:11Il y a eu une contre-violence, il y a eu des violences en face, ben oui, mais qui ont existé aussi. Et puis, ce qu'on ne voit pas, je trouve, c'est dans le débat.
01:20Alors là, Jean-Michel n'y est vraiment pour rien, mais ce qu'on ne voit pas, c'est dans le débat, c'est que les générations d'aujourd'hui, on n'y est pour rien.
01:28Les colonisateurs, ce n'est pas nous, c'est fini, c'est une autre époque, c'est une autre société, c'est une autre France et ce sont d'autres Français.
01:37Et moi, ce que je ne voudrais pas dans cette histoire, parce qu'on a vu à quel point tout ça reste extraordinairement réactif, y compris chez ceux qui ne savaient pas du tout que ça avait pu exister
01:46et qui savaient à peine comment les choses s'étaient passées pendant deux siècles. Moi, ce que je ne voudrais pas, c'est que tout ça soit au détriment à la fois des Algériens,
02:00des Pieds-Noirs et aujourd'hui, surtout, de tous ceux qui vivent en France, il y a des Pieds-Noirs, il y a des Harkis et il y a entre 2 et 3 millions de Franco-Algériens.
02:15Et je pense qu'il faut faire attention, surtout dans la phase actuelle, c'est-à-dire dans la phase de grande polémique entre la France et l'Algérie, que ce ne soient pas eux les victimes de fait de tout ça.
02:27– Jean-Michel. – Bon, par où commencer ?
02:35– La comparaison avec Horadour-sur-Glane et le nazisme.
02:38– J'ai d'abord vu Horadour-sur-Glane il y a bien longtemps de ça, j'ai été voir ce qu'était Horadour, j'étais dans la région, j'ai été voir et j'ai été ému par ce que j'ai vu.
02:49Puis j'ai lu, après, j'ai lu ce qu'a été la conquête de l'Algérie et c'est là, dans ma tête, je ne pensais pas le dire ce matin du 25 février sur RTL,
02:57mais c'est là, dans ma tête, que je me suis dit, nous avons fait là ce que les soldats allemands ont fait à Horadour.
03:04L'Algérie, c'est une colonisation particulière, c'est une colonisation de peuplement, c'est-à-dire que quand on investit le sol algérien,
03:13on a le projet de chasser ceux qui s'y trouvent pour que des colons venus de France, d'Espagne et d'Italie prennent leur place.
03:22Et il y a de multiples témoignages, pour ne prendre que cela, des militaires de l'époque, des officiers supérieurs qui, dans leurs journaux, écrivent
03:31« Nous tirons sur tout le monde, les femmes, les enfants, les hommes, et ceux qui en réchappent, en quelque sorte, nous les prenons et nous les amenons ailleurs ».
03:41Nous avons dévasté, après la prise d'Algérie, à partir de 1840, les forces françaises ont dévasté le sol algérien, au point que,
03:53au milieu de cette décennie-là, en 1945, il y a eu une campagne de presse européenne qui s'étonne de la violence de l'armée française.
04:02– Anglais par le général Bugeaud, il faut rappeler qui était à sa tête.
04:05– Insistons sur 1845, c'est toute la décennie 40. Mais après aussi, un village de la Gouate, c'est 1852, une révolte de Kabyle,
04:20on l'écrase dans le sang épouvantablement en 1871. Les témoignages sont multiples de la sauvagerie de l'armée française.
04:30Mais je voudrais juste rebondir sur un propos que vous teniez, à la colonisation.
04:35On relativise beaucoup la violence de l'armée française lors de la colonisation de l'Algérie, parce que, et c'est très différent du reste,
04:44on veut faire une colonie de peuplement. On chasse les gens qui vivent sur la terre pour que d'autres gens s'y installent.
04:52C'est très rare les colonies de peuplement, mais nous n'en avons pas conscience parce que c'est un passé que nous ne voulons pas regarder.
04:58Il est beaucoup trop criminel pour que nous le regardions sereinement.
05:02– Bon, alors, moi honnêtement, je n'ai pas eu besoin d'aller à Horadour, même si j'y suis allé aussi, et même si ça m'a ému aussi.
05:09Pour connaître bien l'histoire de la France et de l'Algérie, parce que c'est des sujets que j'avais étudiés il y a très très longtemps,
05:17et je les avais bien en tête, ça a été une colonisation terrible.
05:23Ça n'a pas du tout été une colonisation unique, ni foncièrement différente d'autres.
05:28Pour prendre un exemple, Madagascar, ça a été épouvantable.
05:35– Non, vous parlez des massacres de 47-48. – Oui, oui.
05:37– Non mais c'est autre chose, ça n'a rien à voir.
05:39– Ça a à voir… – Rien du tout.
05:40– Si, ça a à voir, en ce sens que l'Algérie a subi ce sur quoi nous sommes d'accord, militairement,
05:51mais l'Algérie n'est pas unique, c'est nos colonies en dehors du Congo,
05:56comme vous le savez, parce que c'était Savorgnan de Brazza,
05:58et qui lui est arrivé à coloniser par des moyens pacifiques, c'est le seul cas.
06:02– Donc on l'a fait partout pareil, c'est ça ?
06:04– Non mais pas du tout, pas du tout.
06:06– Là où il y a eu, on n'est pas les seuls à avoir fait une colonie de peuplement.
06:09– Pas du tout, mais il y en a très peu des colonies de peuplement.
06:11– Il y en a quand même eu, et ça toujours, ne me dis pas le contraire,
06:15parce que vous savez que c'est vrai, toutes les colonisations de tous les pays,
06:19et j'insiste, à toutes les époques, ont toujours été terriblement violentes, injustes,
06:25et vous disiez quelque chose qui était vrai,
06:28à savoir qu'il y avait l'idée d'installer des Européens, pour simplifier, latins,
06:34d'installer des latins en Afrique du Nord, et donc de chasser les Algériens de là où ils étaient.
06:45– Mais si vous regardez ce que vous avez peut-être regardé par souci de comparaison,
06:50ce qui s'est passé en Afrique du Sud, et ce qui s'est passé dans l'Est de l'Afrique,
06:56vous avez aussi eu une volonté des bourgs de s'installer,
07:02– Mais vous avez raison, sur le continent américain aussi.
07:04– Et les bourgs ont massacré, et les bourgs ont pris les terrains.
07:10– Il faut du temps pour lever, il faut du temps pour…
07:12– La colonisation, mais attendez, je finis d'une phrase,
07:16c'est la colonisation qui est mauvaise en elle-même.
07:19– Non mais Alain, il faut du temps pour lever les malentendus.
07:22Ce que nous avons fait en Algérie ressemble à ce qui a été fait en Afrique du Sud.
07:25– Et bien c'est ce que je vous dis.
07:27– Mais ce que nous avons fait en Algérie, nous Français, nous n'avons fait qu'en Algérie.
07:31La colonisation dans l'histoire coloniale française de l'Algérie est un cas unique.
07:36– Alors, vous n'êtes pas d'accord ?
07:37– Attends, je finis, c'est une colonie de peuplement,
07:40on ne peut pas le comparer à Madagascar, parce que là on dit des trucs.
07:43Madagascar, nous tuons entre 80 et 100 000 personnes
07:48en réprimant un mouvement de révolte entre 1947 et 1948.
07:53Les Malgaches fêtent spécifiquement cette tuerie tous les 29 mars.
08:01Il y a un jour de deuil qui stigmatise la conduite des Français.
08:05Savez-vous comment les historiens appellent cette période ?
08:08L'oradour malgache.
08:10– Oui, ben oui.
08:10– Ah oui, eh bien oui.
08:11Le mot d'oradour, il n'y a pas que moi qui l'appelle.
08:14Et la colonisation algérienne, pour revenir là-dessus,
08:17c'est une colonisation unique dans l'histoire coloniale française.
08:22Nous avons tué en Algérie comme nous n'avons pas tué en Algérie.
08:24– Oui mais Jean-Michel, ça s'est passé comme ça, c'est ce que dit Alain,
08:27dans l'histoire de la colonisation, d'autres peuples ont massacré, ont voulu chasser.
08:31Mais si, quand les Arabes ont conquis la Méditerranée, il y a eu aussi…
08:34– Non mais on parle de la France des années 1840.
08:38– Oui mais ce qu'on vous reproche, c'est de focaliser sur la France
08:40et pas dire que ça s'inscrit malheureusement dans une histoire mondiale.
08:43– Mais non, mais c'est faux, il faut beaucoup plus de temps
08:45que notre émission qui est trop courte.
08:47– Donc la France est coupable.
08:49– 1840, 1840, la décision de faire une colonie de peuplement.
08:54Parce que la France conquiert Alger en 1830
08:58et ne sait pas quoi faire de cette conquête.
09:00Et en 1840, on décide, on envoie 100 000 soldats
09:04que nous allons remplacer les Algériens qui sont sur la terre
09:07par des gens qui viennent d'Europe.
09:09Ça c'est, pour l'histoire coloniale française, unique.
09:13Espagnols, Italiens et Français.
09:16Et c'est la France de 1840, les droits de l'homme c'est 1789.
09:22Vous comprenez, ça n'est pas les exemples coloniaux d'avant.
09:26Nous avons, nous professons des valeurs que nous ne respectons pas.
09:30Et je voudrais juste ajouter une chose.
09:32Nous donnons aux Algériens la nationalité française.
09:36Et nous les inscrivons à partir de 1881 dans un statut de l'indigénat
09:42qui est de fait, de fait un apartheid.
09:44Tout cela, nous ne voulons pas le reconnaître.
09:46– C'est un apartheid social aussi.
09:47– Il y a un reportage d'Albert Camus dans l'Alger républicain
09:51du 5 au 15 juin 1939.
09:55Il a fait un reportage en cabine qui est un choc terrible
09:58quand les Français lisent le reportage d'Albert Camus, 1939.
10:02Il parle d'esclavage.
10:04– Pourquoi on ne veut pas le voir ?
10:05– Albert Camus parle d'esclavage.
10:07– Pour reprendre ce que dit Jean-Michel, pourquoi on ne le voit pas ?
10:09Pourquoi les Français ne veulent pas voir en 2025
10:12des choses qui se sont passées au 19ème siècle ?
10:14– Ce qui s'est passé en Algérie s'est passé comme on le dit,
10:18c'est-à-dire de façon extraordinairement violente.
10:20– Mais pourquoi ça crée la polémique aujourd'hui ?
10:22– Attendez, je peux répondre quand même.
10:24Ce qui est effectivement spécifique,
10:28c'est qu'on a voulu en faire une colonie de peuplement
10:30et comme tous ceux qui ont essayé à un moment
10:32de faire des colonies de peuplement,
10:34ça s'est passé épouvantablement mal.
10:37Bon, il y a d'autres de nos colonies en Afrique
10:43où ça s'est horriblement mal passé et où il y a eu,
10:46non mais pas simplement des exactions,
10:49bien que les exactions soient toujours en trop évidemment,
10:52mais où il y a eu des vrais massacres de masse.
10:55– Pourquoi aujourd'hui, en 2025,
10:57on ne peut pas parler sereinement de tout ça ?
10:59– Eh bien parce qu'il y a en France,
11:01ce qui est à la fois bien et mal,
11:02bien parce que ça prouve qu'on sait plus de choses
11:04et qu'on l'affronte plus,
11:06mal parce que ça entretient un conflit
11:08et notamment ça entretient un conflit mémoriel
11:11dont l'Algérie d'aujourd'hui se sert comme d'une arme de combat,
11:15elle s'en est toujours servi comme d'une arme de combat,
11:17mais qui fait que, et j'insiste quand même là-dessus,
11:22il ne faut pas que ça soit au détriment de ceux
11:25qui n'y sont pour rien, ne serait-ce que parce qu'ils sont nés après
11:28et donc qui ne sont pour rien dans cette situation,
11:30mais qui vivent aujourd'hui en France,
11:33qui sont des Harkis et des descendants de Harkis,
11:35maintenant c'est plutôt les descendants de Harkis,
11:38qui sont des Pieds-Noirs et des descendants de Pieds-Noirs
11:41et maintenant ce sont plutôt des descendants,
11:43et puis qui sont des Franco-Algériens
11:45dont je veux vous rappeler qu'ils sont estimés à entre 2 et 3 millions,
11:49il ne faut pas qu'ils soient les victimes.
11:50– Est-ce que c'était le bon moment à l'instant ?
11:52– Et si on essaie d'un côté, avec beaucoup de difficulté,
11:58de mettre sur pied, de réussir une intégration équitable,
12:02et que de l'autre côté on mène une guerre des mémoires,
12:06on n'y arrivera pas.
12:07– Oui mais est-ce que c'est le bon moment, alors que la France…
12:09– C'est ce que je dis !
12:10– Oui mais mène politiquement un bras de fer avec l'Algérie
12:13sur la question des EQTF, avec la mise intérieure
12:16qui joue finalement son avenir politique d'assaut ?
12:18– La France et l'Algérie restent impropres.
12:21– Moi je ne suis pas un homme politique, je suis un journaliste,
12:24je suis dans un studio de radio, l'animateur de l'émission,
12:28Thomas Soto, dit mais pourquoi on a de si mauvais rapports avec l'Algérie ?
12:31Donc j'ai répondu deux choses simples,
12:34il y a quelque chose d'immédiat, le Sahara occidental, le Maroc tout ça,
12:37mais on a un passif avec l'Algérie,
12:39et en fait votre question de ce n'est pas le moment,
12:42mais en fait il ne faudrait jamais parler du passé,
12:44le passé c'est ce que nous faisons depuis 1962,
12:48nous l'enfouissons, et d'autres que moi l'ont dit de manière scientifique,
12:53le refoulé remonte, dès que l'on parle de l'Algérie,
12:56il y a un passif, et ce passif-là,
12:59nous ne pouvons le régler qu'en regardant la réalité.
13:02– Et l'ex-président Macron a parlé de crime contre l'humanité,
13:04ce qui a déclenché… – Avant d'être élu président.
13:06– Ce qui a déclenché une sacrée polémique.
13:08– Alors Emmanuel Macron avec la légèreté de son âge,
13:1039 ans quand il le fait, il est sur un coin de table,
13:14sur une radio à Alger, et il dit crime contre l'humanité,
13:17il rentre en France et il n'assume pas ce qu'il dit,
13:19voilà, c'est stupide d'avoir fait comme ça, si vous voulez mon avis.
13:23Est-ce que je peux vous raconter une petite anecdote ?
13:25En 1955, parce que la colonisation de l'Algérie c'était ça,
13:30à la suite de représailles, je vais faire très court,
13:34l'armée française et les colons français,
13:36raflent fin août 1955 Philippe Ville dans le Constantinois,
13:42mais qui connaît cette histoire ?
13:44Raflent tous les hommes qu'ils trouvent,
13:462 ou 3 000 qui sont amenés au stade municipal de Philippe Ville,
13:51on ne sait pas combien exactement,
13:52on ne les compte pas parce que ces gens-là ne comptent pas,
13:54ce sont des musulmans, adolescents, adultes, vieux,
13:58interrogés à la va-vite par on ne sait pas qui,
14:00ce sont des représailles et l'FLN a tué des Européens avant,
14:04il y en a 2, 1 500, 2 000 qui restent dans le stade,
14:07on les aligne sur le côté du stade,
14:09et pendant 10 minutes on les mitraille.
14:121955, un engin de chantier ramasse les corps,
14:17on les met dans des baines de camions,
14:19on les enterre dans une fosse commune,
14:21on fait passer un bulldozer dessus.
14:23Septembre 1955, France Observateur,
14:26Claude Bourdet, un journaliste, il cite Horadour,
14:32et il dit nous ne pourrons jamais plus parler d'Horadour
14:35comme nous en parlions, c'est ça l'histoire de l'Algérie,
14:38qui la connaît ? Je me fais taper sur la gueule
14:40parce que j'ai cité Horadour, et on me dit,
14:42non mais le grand public ne la connaît pas,
14:46parce que ma référence à Horadour n'aurait jamais dû susciter.
14:49– Jean-Michel, vous avez une façon de parler,
14:51parce que vous êtes de nature passionnée.
14:54– Non, mais on m'a tapé sur la gueule
14:56parce que j'ai cité Horadour,
14:58je suis loin d'être le premier à l'avoir fait,
15:00c'est une histoire que nous ne voulons pas regarder.
15:03– Alors, on ne la regarde pas cette histoire,
15:05il a raison Jean-Michel ?
15:06– Ça remonte parce qu'on n'a jamais voulu la même chose.
15:09– Et ça explique d'ailleurs le bras de fer aujourd'hui ?
15:10– Alors, ça vous posez plusieurs questions en même temps,
15:13qui n'ont rien à voir, enfin rien à voir.
15:14– Bah si parce qu'on est dans un contexte particulier quand même.
15:16– Chacune est très intéressante,
15:17comme chacune de vos questions c'est bien connu,
15:19mais il y en a plusieurs dans une.
15:21Bon, est-ce que jusqu'à une période récente,
15:25on faisait correctement l'histoire de la France en Algérie ?
15:30Non.
15:31Est-ce qu'on l'a convenablement enseignée dans les écoles ?
15:37Evidemment non.
15:39Mais même dans les collèges, dans les lycées et à l'université.
15:42Pendant longtemps ? Non.
15:44Est-ce que donc d'une certaine manière,
15:45c'est une histoire dont la connaissance est récente ?
15:48Oui.
15:49Est-ce qu'on n'en parle pas ?
15:51Si, on n'en a jamais autant parlé.
15:53Et d'ailleurs, il n'y a jamais eu autant...
15:55– Depuis 15 jours, oui.
15:56– Non, non, non, non.
15:57Vous avez une énorme influence que j'ai toujours reconnue.
16:01– Je suis désolé pour mon immodestie.
16:03– Oui, vous avez raison.
16:04– Mais j'ai déjà entendu des débats assez animés,
16:08politiques sur la France et l'Algérie.
16:10Et j'insiste sur le fait,
16:12aujourd'hui c'est le contraire de l'ignorance
16:15qui était une ignorance en partie voulue dans le système d'enseignement.
16:20C'était une ignorance en partie voulue.
16:22Est-ce qu'aujourd'hui on en est là ?
16:23Non, aujourd'hui c'est le contraire
16:25puisqu'on est dans une guerre de mémoire.
16:27Donc c'est le contraire de l'ignorance.
16:30En revanche, que ce soit à la fois des offensives réciproques
16:38entre la France et l'Algérie...
16:39– On est dans une guerre de mémoire.
16:40Marine Le Pen, fin janvier, sur LCI, qui dit
16:45« On ne peut pas dire que la colonisation en Algérie était un drame. »
16:48– Oui, je sais qu'elle a dit ça.
16:49– C'est du révisionnisme historique.
16:51– Est-ce que je vous dis le contraire ?
16:52– Éric Zemmour sur BFM.
16:53– « La colonisation en Algérie est une bénédiction. »
16:56– Oui.
16:57– Qui lui a sauté sur le poil ? Personne.
17:00Dire que c'est une bénédiction, c'est nier tous les crimes.
17:03Vous comprenez ?
17:03On ne peut pas dire que ce soit une histoire
17:05qui est évoquée comme elle doit l'être.
17:07– Aujourd'hui, encore, permettez-moi de parler
17:10de ce qui se passe actuellement.
17:12Il y a donc un bras de fer entre l'Algérie et la France
17:15avec un ministre de l'Intérieur qui tente d'obtenir
17:18l'expulsion de ressortissants algériens
17:19qu'on ne veut plus sur le territoire.
17:21– Parce qu'ils ont été condamnés.
17:22– Parce qu'ils ont été condamnés.
17:23L'Algérie ne veut pas les récupérer.
17:25Le ministre de l'Intérieur a même mis sa démission dans la balance.
17:29Les propos de Jean-Michel Lapati arrivent peut-être au mauvais moment.
17:31C'est ça la question que je voulais me poser.
17:33Parce que lui-même se retrouve d'ailleurs récupéré
17:36par le régime algérien.
17:37– Ils n'arrivent pas au mauvais moment.
17:38On parle de l'Algérie parce qu'il y a un problème.
17:40Donc, moi, je parle de toute la séquence.
17:42– La question n'est pas le rôle de Jean-Michel Lapati
17:46dans cette affaire-là.
17:47– Mais c'est pas un rôle international.
17:49– Oui, mais ça explique toutes les réactions politiques derrière.
17:51Une surenchère.
17:52– Non, on est dans une phase qui était antérieure à Jean-Michel Lapati.
17:57On est dans une phase aujourd'hui de controverses,
18:00de tensions et d'oppositions entre la France et l'Algérie.
18:05Du côté algérien, l'utilisation de la mémoire
18:09a été systématique depuis que leur régime existe.
18:12– Évidemment.
18:13– Ceux qui se comprennent.
18:14– C'est leur seule légitimité qu'ils ont,
18:15pas celle du suffrage universel.
18:17C'est leur seule légitimité qu'ils ont.
18:18– Ceux qui se comprennent.
18:20Mais est-ce que Bruno Retailleau a raison de faire un forcing ostensible
18:28et des coups de pression quasi quotidiens pour obtenir,
18:34pour arracher et pour donner le sentiment
18:37que c'est le gouvernement algérien qui cède ?
18:39Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure des méthodes.
18:42– Mais est-ce qu'il faudrait, comme Jacques Chirac l'avait fait en son temps
18:45au moment de la déclaration sur le Veldiv,
18:48qu'aujourd'hui, pour tourner la page,
18:50parce que ça fait quand même depuis 1962 qu'on a signé les accords de paix,
18:53qui étaient des accords déviants,
18:54que le président français, celui-là ou un autre,
18:56un jour dise solennellement, à Paris ou à Alger…
19:00– Mais on l'a fait 50 fois !
19:01– Ah, pas d'une façon symbolique.
19:04– Attendez, attendez, attendez.
19:05– Je parle bien de la symbolique comme l'a fait Jacques Chirac.
19:08– Jean-Michel dit jamais.
19:09– Vous dites 50, Jean-Michel dit jamais correctement peut-être.
19:12– Mais attendez quand même, si on parle tous, on n'entendra rien.
19:17– L'idée d'arriver à un traité de paix avec l'Algérie,
19:22depuis Jacques Chirac, chaque président en rêve, et aucun n'y arrive.
19:27Et Emmanuel Macron…
19:27– Non, ce n'est pas un traité de paix, non, ce n'est pas un traité de paix.
19:30– Non, moi je pense…
19:31– Attendez, attendez, calme-toi, juste, finis, finis.
19:33– De trouver une conciliation organisée
19:37et une volonté de coopération équitable entre la France et l'Algérie,
19:42chaque président depuis Jacques Chirac a essayé, ils l'ont essayé.
19:46– Moi je pense…
19:47– Avec, ils l'ont essayé, sans succès.
19:49– Je pense, moi je ne le réclame pas, je ne sais pas pour qui je serai pour le réclamer,
19:53je pense qu'un jour la France reconnaîtra qu'elle a commis des crimes de guerre,
19:59de masse, contre l'humanité,
20:01je n'ai pas la compétence juridique pour le qualifier, en Algérie.
20:05Je pense qu'elle devra le reconnaître pour pacifier son rapport avec l'Algérie.
20:11Et je pense aussi que la France doit faire le ménage.
20:14Je suis stupéfait de voir encore aujourd'hui, 2025,
20:19que le général Lamorissière et que les historiens définissent,
20:23le plus grand historien de cette histoire s'appelle Charles-André Gélien,
20:26il dit que le général Lamorissière était le plus inhumain de tous les officiers français.
20:31Il y a à Paris une école élémentaire Lamorissière,
20:34s'il y avait une école Rudolf S. à Berlin, je pense qu'on en parlerait.
20:39Nous n'avons pas la conscience…
20:41A Marseille, on a débaptisé une école Bugeau d'ailleurs.
20:43A Marseille, à Brest, absolument.
20:46Et à Paris, on a débaptisé l'avenue Bugeau.
20:49Vous avez fait dans la demi-journée, parce que vous avez dit,
20:51Bugeau est un salopard, il a inventé les chambres à gaz et il a une avenue à Paris.
20:54C'était l'enfumade, c'était la pratique de Bugeau.
20:58Ça consistait, quand la population civile se réfugiait dans des grottes,
21:02d'obstruer les grottes et d'envoyer la fumée et les feux.
21:06Et je voudrais signaler que France Télévisions a déprogrammé
21:08un documentaire remarquable de Claire Billet qui rapporte,
21:13qui révèle qu'entre 1958, 1959 et 1960, la France a gazé,
21:20gazé des Algériennes dans des grottes avec des gaz chimiques.
21:25Ce sont des appelés qui ont fait ça.
21:27L'armée française a été humaine jusqu'au bout en Algérie, jusqu'en 1962.
21:33Ce sont des appelés qui ont fait ça, même pas des militaires de carrière.
21:37– Pourquoi ce documentaire a été décommandé ?
21:41– À votre avis ?
21:42– Il devait être diffusé il y a 15 jours, il a été décommandé.
21:45C'est un documentaire remarquable, il y a une lumière sur terre,
21:48il s'appelle Christophe Lafayette, qui enseigne à Aix-Marseille,
21:52qui a tout un tas de documentations, qui a contourné le secret défense
21:56avec des efforts considérables depuis 20 ans.
21:58C'est une vérité que nous ne voulons pas regarder
22:01et le documentaire est déprogrammé.
22:02Nous en sommes là par rapport à l'Algérie.
22:04– Oui, le documentaire est déprogrammé aujourd'hui,
22:08je ne suis pas dans le secret des dieux,
22:09mais j'imagine que ça doit avoir un rapport entre la crise,
22:13entre la France et l'Algérie.
22:14– C'est bien dommage parce que du coup, ça pourrait apporter un déclarage historique.
22:16– Non, mais ça peut le…
22:18– Et comment en plus la présidence de France…
22:19– On décommande des documentaires pour ne pas fâcher…
22:22– L'objectif n'est quand même pas aujourd'hui,
22:24alors je répète, parce qu'il faut quand même le dire aussi,
22:27Jean-Michel a raison de dire qu'il faut que les mémoires existent
22:29et que l'enseignement existe, et je suis complètement d'accord,
22:33mais j'insiste sur le fait que ceux qui vivent aujourd'hui
22:37ne sont pas ceux qui sont responsables.
22:39– Bien sûr.
22:39– Donc il ne faut pas se regarder non plus comme la lie de l'humanité,
22:43ça n'est pas nous.
22:44– La dernière question et le mot de la fin,
22:46est-ce que vous comprenez, vous ayez pu blesser ?
22:49– Oui, je comprends, bien sûr que je comprends,
22:52quand je suis rentré en studio, même cinq secondes avant de dire ce que j'ai dit,
22:55je ne savais pas ce que j'allais dire,
22:57dire de but en blanc, les nazis ont fait comme nous,
22:59c'est beaucoup trop violent, bien sûr, c'est le débat,
23:01mais vous savez quoi, moi à l'Algérie, j'en parle depuis dix ans,
23:05personne n'a jamais rien entendu,
23:06au moins là on a entendu, je comprends que j'ai blessé,
23:10je regrette d'avoir blessé des gens, je n'ai aucune envie de blesser,
23:14j'ai envie que nous prenions conscience
23:16qu'il y a dans l'histoire de France de très belles pages
23:19et des vraies saloperies, voilà.
23:21– Alain, est-ce que vous comprenez aussi que ça a pu blesser ?
23:25– Evidemment, ce n'est pas la première fois d'ailleurs
23:29qu'un journaliste de talent en prenant une position
23:32qui change des stéréotypes habituels le blesse
23:35parce qu'il dit des choses qu'il sait.
23:36– C'est pour ça que j'aime Alain.
23:38– Mais non, mais c'est vrai, je veux dire,
23:42il a dit une vérité qui est sa vérité et il a blessé,
23:48moi ce que je souhaite c'est que ça ne complique pas,
23:52mais je suis bien d'accord qu'il avait totalement le droit
23:54de dire ce qu'il pensait et ce qu'il savait,
23:56donc ce n'est pas ça que je mets en cause, du tout,
23:58mais j'insiste sur le fait qu'il y a aujourd'hui encore
24:03beaucoup de gens qui seront les victimes d'une guerre des mémoires,
24:10ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas l'enseigner,
24:13ça veut dire qu'il faut arriver à sortir de la guerre des mémoires.
24:16– Dans tous les cas.

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