"Je suis content pour les générations futures, pour les enfants qui peuvent se reconnaître en moi et qui ont ce que je n'ai pas eu."
À 23 ans, il est étoile à l'Opéra de Paris. Une première pour un danseur noir. Pour Brut, notre journaliste Cécile Guthleben a passé une journée avec Guillaume Diop.
À 23 ans, il est étoile à l'Opéra de Paris. Une première pour un danseur noir. Pour Brut, notre journaliste Cécile Guthleben a passé une journée avec Guillaume Diop.
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00:00Salut, je m'appelle Guillaume Diop, je suis danseur et tourneur à l'Opéra de Paris.
00:11Il y a beaucoup de marché aujourd'hui, je pense.
00:17Ça, c'est l'entrée des artistes.
00:21Magie, magie.
00:24C'est un peu ta deuxième maison, ici.
00:26Oui, franchement, je passe plus de temps ici que souvent.
00:32C'est ma première maison car j'ai pris l'ascenseur pour aller dans les loges.
00:36Moi, je suis encore dans les loges avec tout le monde.
00:42Tu n'as pas encore pris possession de ta loge particulière ?
00:44Non, pas encore.
00:46Alors là, c'est vraiment le bordel, mais comme tu n'as pas idée.
00:53Ah, c'est grand.
00:55J'ai un peu honte de dire laquelle c'est la mienne, mais oui.
00:59C'est celle-là, voilà.
01:03Chez moi, ce n'est pas comme ça, mais ici, comme je cours un peu partout,
01:07j'essaie de me justifier, mais il y a la petite photo avec ma sœur.
01:12Quand tu as tes bébés, tu me donnes la force, tu me donnes l'inspiration.
01:18Ça, c'est ce qu'on appelle le couloir de 100 mètres.
01:20Je pense que c'est ce qu'on entre un peu plus.
01:23Ça, c'est mon studio préféré.
01:26Je ne sais pas, je me sens protégé ici.
01:30Tu as ton rituel, tu t'échauffes tous les jours de la même manière
01:32ou ça dépend de ton état ?
01:36Ça dépend un peu de mon état.
01:37Aujourd'hui, je vais un peu plus m'échauffer parce que j'ai une grosse journée
01:43et parce que je suis fatigué.
01:45Le plus sérieusement que tu t'échauffes, le moins tu as de risque de te blesser.
01:50J'ai eu une grosse blessure l'année dernière.
01:54Je me suis fait une fraction de fatigue au tibia.
01:56J'ai trop poussé dessus.
02:01Ma situation était anxiogène dans le sens où je faisais des rôles,
02:05on me donnait des opportunités.
02:07J'avais l'impression que je ne pouvais pas laisser passer ma chance.
02:11J'avais super mal et j'ai continué de danser dessus
02:14jusqu'au point où je n'arrivais presque plus à marcher.
02:17La carrière d'un danseur est courte
02:20et on a toujours cette pression de l'âge au-dessus de nous
02:23de se dire qu'à 25 ans, je ne serai pas le premier danseur au CG
02:30ou qu'il faut absolument que je danse à la toile avant de 30 ans.
02:34On a toujours ce truc de stress
02:37où on a toujours peur de rater le bon moment ou de rater sa chance.
02:43J'ai commencé la danse à 4 ans parce que ma sœur en faisait.
02:49Je voulais tout simplement la copier.
02:51J'ai vraiment commencé le classique à 8 ans.
02:54Ça m'a mis du temps à vraiment conscientiser le fait
02:57qu'être danseur, ça pouvait être un métier
02:59et que j'avais vraiment envie de le faire.
03:02J'étais quelqu'un de quand même très scolaire,
03:04j'ai mis les études, j'avais envie d'être médecin.
03:06Tu te dis vraiment, maintenant Guillaume,
03:08tu te donnes les moyens pour être danseur.
03:10Ça m'a fait du bien de ne pas être dans cette optique-là trop jeune
03:14parce que ça m'a préservé aussi un peu.
03:16C'est grâce à mes parents.
03:18Ils m'ont dit tout le temps qu'il faut que je finisse l'école,
03:20que c'est important, qu'il y ait des bonnes notes
03:22parce que tu ne sais pas ce qui t'arrivera.
03:24Du coup, ça m'a permis, même si j'étais à l'école de l'Opéra,
03:29de garder la vraie raison pour laquelle je danse.
03:32C'est-à-dire que ça me faisait plaisir d'être danseur.
03:35Ça m'a permis de garder la vraie raison pour laquelle je danse.
03:39C'est-à-dire parce que ça me faisait plaisir
03:40et parce que ça me permettait de m'exprimer.
03:44Tu t'es perdu, toi, au début ?
03:46Non, je me suis mis tout le temps.
03:52On m'a fait un catégoriement spécial sur le bouclier.
03:56Tu ne veux pas que je te montre mon bouclier ?
03:59Non, tout à l'heure, tu vas répéter.
04:00On va tout refaire.
04:01On va faire un filage, comme on appelle ça en métier.
04:04Salut, ça va ?
04:05Ça va et toi ?
04:06Oui, ça va.
04:09Tu as été nommé étoile en mars dernier.
04:12C'est fou parce que c'est arrivé il y a trois mois maintenant
04:15et je n'ai pas l'impression d'avoir digéré encore
04:18toutes les informations qui viennent avec cette nomination.
04:22Tu es le premier danseur racisé à décrocher le titre d'étoile.
04:25Oui.
04:26C'est un honneur, c'est une pression ?
04:29Les deux.
04:30Que je sois le premier, en soi,
04:32ce n'est pas quelque chose dont je suis fier.
04:34Je suis content que ça arrive.
04:35Je suis content que ça arrive.
04:37Je suis content pour les générations futures,
04:39pour les enfants qui peuvent se reconnaître en moi
04:42et qui ont ce que, finalement, je n'ai pas eu.
04:45C'est en ça que je trouve ça génial.
04:47Du jour au lendemain, j'ai reçu énormément d'amour
04:50et malheureusement aussi beaucoup de choses négatives
04:54et ça m'a affecté.
04:57Mais j'essaie de m'accrocher à l'amour
04:59et de me dire que la meilleure façon d'être le symbole de ça,
05:03d'être le premier danseur étoile,
05:05le danseur étoile noir de l'opéra,
05:07c'est en dansant, en continuant d'être qui je suis
05:11et de ne pas chercher à changer
05:13parce que je suis ça maintenant.