• hier
"De faire mes sardines le matin, de boire mon café de chantier. C'est ça ma vie, et ça m'a beaucoup manqué."
Un an après le tourbillon Top Chef, le festival de Cannes, Los Angeles... Le chef Valentin Raffali est de retour chez lui au restaurant Livingston Marseille pour une résidence express. Notre journaliste Laura Beaudoin a passé une journée en cuisine avec lui.
Transcription
00:00Là, t'arrives en situation réelle, quoi.
00:02Heureusement que t'es pas venu au premier service,
00:03parce qu'on s'est fait éclater, hein.
00:05Ça a été bien géré, parce que ça a été géré dans le calme, tu vois.
00:07Ça, c'est un jus de bœuf à la moelle de bœuf, justement.
00:10Allez, vas-y, mon reuf.
00:12OK.
00:13Être légitime, je trouve, c'est de continuellement chercher, en fait.
00:16Et de taffer et de trop kiffer ça, tu vois.
00:18Donc là, moi, je me sens libre, je suis chez moi.
00:19Et je sais que quand quelqu'un s'assoit,
00:20alors j'aurais fait de mon mieux, tu vois.
00:22Salut, Bruce.
00:23C'est Val, de Livingston.
00:24Bienvenue chez moi, un an après.
00:26Vas-y.
00:27C'est un peu comme ma chambre, ici.
00:29Ça se voit, regarde.
00:29Je sais pas si tu regardes un petit peu les décos,
00:31il y a toutes les photos.
00:32Notre décoration, c'est nous, tu vois.
00:34Venez les kiffer.
00:37Bon, là, on est en pleine mise en place et tout,
00:38donc il y a des caisses de partout, c'est normal.
00:40Mais c'est... notre vie, elle ressemble à ça.
00:42Souvent, les gens me disent ça,
00:43ouais, t'es de retour au Marseille.
00:44Mais Marseille, j'ai jamais quitté,
00:45parce que j'habite toujours là.
00:46Je suis de retour, déjà, parce que j'avais envie de cuisiner.
00:47Ça me manque.
00:48Ça fait un an que j'étais un petit peu de partout,
00:50tu sais, on a fait beaucoup de collaborations.
00:52L'année dernière, ça a été vraiment l'année de la liberté pour moi.
00:55L'année de me dire, tu sais quoi,
00:57parce que la vérité, c'est que de faire Top Chef
00:58et de vivre aussi toute cette médiatisation,
01:01c'était pas évident non plus, tu vois.
01:02Je suis très content d'être parti à Los Angeles
01:04et d'avoir fait les Oscars, c'est un truc de ouf, tu vois.
01:05Je suis trop content d'avoir fait le Festival de Cannes.
01:07Le Festival de Cannes, j'y étais jamais allé avant d'y cuisiner.
01:09Par contre, le besoin d'être là
01:11et de faire mes sardines le matin,
01:12de boire mon café de chantier et tout,
01:14c'est ça ma vie, tu vois.
01:15Et ça, j'aime trop et ça, ça me manquait.
01:17Ça m'a beaucoup manqué, tu vois.
01:19Il y a eu un engouement de malade.
01:20Tout a été bouclé en une heure.
01:21J'ai annoncé que je revenais il y a trois semaines, je crois.
01:23Je me suis dit, putain, j'espère que les gens vont venir, tu vois.
01:26Et en fait, tu parles, il y a eu un post, un truc
01:28et là, on a été plein sur deux semaines.
01:30Et là, je sais que ça m'a soulagé.
01:31Un peu en mode,
01:32ah ok, j'existe encore, tu vois.
01:34Je suis reconnaissant de ouf
01:35parce qu'il a fallu 15 ans de travail
01:37de jamais accepter qu'on est assez bon
01:39pour en arriver là.
01:45Putain, c'est vrai.
01:46Miguel, il faut juste filtrer la soupe de fish soup.
01:49Ce restaurant, je l'ai ouvert il y a bientôt 4 ans.
01:52Et on l'a modifié l'année dernière
01:53où maintenant, on propose un programme de chef en résidence.
01:55La dernière résidence, c'était Anne Dao.
01:57Là, ça va être Miguel qui vient de Montréal.
01:59Et voilà, et là, on l'accompagne
02:00et c'est pour ça que je suis là pendant deux semaines, tu vois.
02:02On vient dans la cuisine.
02:04Ben alors, regarde.
02:05En vrai, je suis arrivé ce matin et je me suis dit,
02:09bon, il y a Brut qui arrive.
02:13Il va falloir que je leur fasse une assiette, machin et tout.
02:16Ça n'a pas de sens pour moi, tu vois.
02:17Je ne vais pas te faire une assiette là
02:19et te dire voilà ce que je vais servir ce soir
02:21parce que tu seras là avec moi ce soir, tu vois.
02:22Donc là, je vais te faire goûter des goûts d'assiette, tu vois.
02:24En fait, si tu veux, on va cuire notre fruit que de ce côté-là.
02:27Je cherche une cuisson assez douce finalement, tu vois.
02:29Je n'ai pas envie que la chair, elle soit en contact
02:31d'un truc aussi agressif que la grille, tu vois.
02:33Ici, j'ai des boites cerisées, quoi,
02:36qu'on a un tout petit peu humidifiées.
02:37En fait, on va venir parfumer un petit peu la fumée.
02:40La peau, on est bon là en coloration, tu vois.
02:42Par contre, on n'est pas assez ici.
02:44Donc, on ne se prend pas la tête, tu vois.
02:49On continue notre cuisson là.
02:50Là, je peux refermer.
02:52Je sais que je ne risque plus rien sur la peau.
02:54On va stopper une cuisson comme ça, tu vois.
02:56Donc ça, c'est super instinctif finalement
02:57et c'est pour ça que d'avoir de la tension, c'est important.
03:01Je suis dans un vœu de simplicité aussi.
03:03C'est un menu où il y a, tu vois,
03:04on a du thon avec une soupe de poisson.
03:06C'est des girelles, ça vient d'ici.
03:08Il y a un petit peu de technique,
03:09mais le plat principal, par exemple,
03:10c'est des brochettes de faux-filet.
03:11Et la garniture, c'est des pommes de terre
03:13qui sont trop belles, roulées dans du beurre d'herbe,
03:15avec de la salade et un super bon vinaigre de bagnoles, tu vois.
03:17Ce que je veux dire par là,
03:18c'est que je suis enfin à l'aise de servir ça, tu vois.
03:21Avant, je me cherchais beaucoup plus, tu vois.
03:22C'est que là, je vais avoir 30 ans.
03:24Quand j'ai ouvert Livingston, j'avais 24, 25.
03:26Et en fait, ta cuisine, elle change avec toi, en fait.
03:29Tu l'incarnes.
03:30Moi, je suis complètement taré de ce que je fais, tu vois.
03:33J'aime trop ça, quoi.
03:35Et là, j'arrive à un âge où je me sens plus calme
03:38et plus en paix, tu vois, avec les choses.
03:40Et j'ai moins le besoin de changer.
03:43Et aussi, je pense que la beauté,
03:45elle se trouve dans la justesse, tu vois.
03:46Mais la justesse, c'est...
03:49Je ne sais plus qui me disait ça,
03:50mais c'est le moins et l'ennemi du bien.
03:52Non, le moins.
03:53Bref, faire bien.
03:55Faire bien, c'est apprendre à faire simple aussi, tu vois.
03:59La truite, du coup, on la serre avec une sauce aux savaniens.
04:03Ça, c'est une entrée.
04:03Et je serre ça ce soir.
04:05Ça, c'est la troisième entrée.
04:06On a trois entrées,
04:08un plat
04:10et un gros dessert.
04:14Donc la sauce, je ne la mets pas sur la peau.
04:16Ce serait trop bête.
04:17Pourquoi ?
04:18Parce que j'ai fait sécher le poisson.
04:20Là, on a fait une belle coloration.
04:21On a mis la feuille de bled pour protéger, tu vois.
04:23Je n'ai pas envie d'apporter de l'humidité
04:25sur quelque chose de croustillant, quoi.
04:26C'est dommage, quoi.
04:28Ça, c'est des courgettes violentes, du coup,
04:30qui ont été mis en solution.
04:32Et dans le menu, là, du coup, on a cette truite
04:35avec la sauce aux savaniens.
04:36Et qu'est-ce que ça rajoute sur les courgettes ?
04:39Alors là, ça va condimenter.
04:41Ça va apporter pas du vinaigre,
04:43mais un peu de salinité, tu vois.
04:45Et un petit goût de saumure.
04:47C'est un peu le cornichon au pâté, tu vois.
04:48Putain, c'est une bonne question,
04:49comment est-ce que je décréerais ma cuisine aujourd'hui, tu vois.
04:52Où elle a évolué, en tout cas, c'est que,
04:54à travers la simplicité,
04:55je sais que dans les sauces et les condiments,
04:57ça fait vraiment partie de l'écriture de mon menu, tu vois.
04:59Après, je récupère un élément.
05:00Donc là, le thon, la truite ou les sardines ou le faux-filet.
05:03Et je vais essayer de le travailler
05:05pour que ce soit le plus lisible possible, quoi.
05:07Quand il arrive à table,
05:09tu le reconnais direct, quoi, tu vois.
05:10Tiens, tac, tac.
05:14Hop, et voilà.
05:16Bon, bah, je te laisse kiffer.
05:17Je suis nettoyé.
05:19À tout de suite.
05:20Et tous ces trucs de syndrome de l'imposteur ou machin,
05:22ça, ça va forcément arriver à un moment, tu vois.
05:24Je l'ai un petit peu vécu.
05:25Mais en vrai, il n'y a pas de secret.
05:26Tu taffes, en fait.
05:27En cuisine, il y a quelque chose de super.
05:29C'est très pragmatique.
05:30C'était le premier arrivé, le dernier parti.
05:33Donc ça, c'est notre petite chambre froide.
05:36Un calvaire à faire.
05:37Mais j'adore faire ça.
05:39C'est des sardines.
05:40Et ça, c'est un exercice qui est vraiment Livingston.
05:43Pourquoi ?
05:44Parce que...
05:45Alors, c'est un truc que je fais le matin, tu vois.
05:47Mais ce que j'aime bien, c'est que ça rend un,
05:49de faire des sardines ou des anchois.
05:50Et c'est pas parce qu'on est dans un restaurant bruyant
05:52ou Cool Kids et tout, machin,
05:53que...
05:54Ce que je veux dire, c'est que
05:55parfois, on peut attirer un petit peu des gens comme ça, tu vois.
05:57Et je trouve que le travail des sardines et des anchois,
05:59ça calme tout le monde, tu vois.
06:00Le produit que ça rend humble,
06:02c'est qu'il y a beaucoup de travail derrière.
06:05En fait, on a supprimé l'arête de notre sardine.
06:07Après, on l'a fait fumer dans notre four.
06:09On l'a mariné dans une huile d'olive qui vient de Catalogne, tu vois.
06:12On a mis un très bon vinaigre de vin rouge.
06:14Et après, si tu veux, on vient déposer ce lard-là,
06:16qui est trop, trop beau.
06:18Autour de cette sardine, tu vois,
06:19il y a beaucoup d'amour et c'est une belle eau au sud, quoi.
06:22Tu vois, en tout cas, la Méditerranée,
06:23la riz à fumer, le citron confit.
06:25Normalement, tu dois être habité.
06:27J'appelle vraiment à ça, à être habité par ce que tu fais.
06:29Mais par contre, ce qui a changé,
06:30c'est que sur cette résidence-là,
06:31c'est notre troisième soir et je ressens un amour de dingue.
06:35Mais par contre, c'est la première fois que je suis en capacité de vivre
06:37et de recevoir cet amour-là.
06:39Parce qu'avant, je m'en suis toujours protégé.
06:40J'espérais, en fait, terriblement que ma cuisine soit bonne, tu vois.
06:44Je suis toujours autant habité par la cuisine,
06:45mais avant, je l'étais encore plus.
06:47La différence maintenant,
06:48c'est que je veux prendre aussi un peu soin de moi, tu vois.
06:50Et ça, c'est important.
06:52On va pas rentrer dans le sujet de santé mentale,
06:54tout ce que tu veux et tout,
06:54dans la quête de perfectionnisme.
06:56Alors, on s'abîme de ouf, on s'abîme de ouf.
06:58Et ça, moi, je l'ai vécu.
07:00Je l'ai vécu et je le vis toujours en vrai, tu vois.
07:02Et quel a été le déclic ?
07:04Le déclic ? En vrai, il a été physique,
07:05c'est l'eczéma, je pense.
07:07Et les crises d'angoisse.
07:08Et en fait, je pense qu'il faut écouter son corps aussi, tu vois.
07:10Maintenant, j'essaie juste de me dire, tu sais quoi ?
07:12Tu fais plaisir aux gens,
07:13et maintenant, tu vas être un peu plus doux avec toi-même, tu vois.
07:15Et c'est la seule façon de durer.
07:16C'est la seule façon de créer avec plus de justesse.
07:18C'est pas parfait, mais ça le sera.
07:20Alors, on avance.
07:21Eh bien, en tout cas, je reviens dans le resto, là,
07:24avec ce message-là, tu vois.
07:30C'est la première fois qu'on ouvre une caméra à ce moment-là.
07:33C'est vrai ?
07:34Jamais on n'avait ça.
07:35On avait 60 découvertes.
07:36C'est quoi ?
07:37Ça, c'est notre donut, du coup, qui est roulé dans un caramel.
07:41Ça, c'est un dessert, c'est une tannée à dresser.
07:43Parce qu'à chaque fois, on en fout de partout.
07:45T'as les doigts qui collent.
07:46Et à côté, ça, c'est de la glace.
07:48De la glace à quoi ?
07:49Au tiramisu.
07:50Et voilà, un bel beurre de sel.
07:53Pourquoi la fleur de sel ?
07:55La fleur de sel sur le sucre, ça fait toujours du bien, tu vois.
07:58Ça active un truc dans la bouche.
08:00Je sais pas comment expliquer, mais c'est bien.
08:02Mettez du sel dans les desserts.
08:04Tu sens l'énergie, en fait, tu vois.
08:06Là, on sait que ça se passe bien, tu vois.

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