A quoi ressemble la Syrie aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, la cheffe du pôle International, Pauline Hofmann, s’est rendue à Damas pour «Le Soir». Elle nous raconte le quotidien des Syriennes et des Syriens qui apprennent à vivre entre les ruines et dans la pauvreté.
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00:00J'ai été à Damas et dans sa banlieue proche, ce qu'on appelle la Routa Orientale.
00:04En fait, la Routa Orientale, c'est un des grands bastions de la Révolution autour de Damas.
00:08Et aujourd'hui, c'est une banlieue qui est totalement dévastée.
00:12Quand on traverse en voiture la Routa Orientale, c'est sur des kilomètres et des kilomètres
00:16de bâtiments totalement éventrés, de quartiers entiers qui ont été totalement rasés de la carte.
00:22Pour vous dire, moi, les images, ça m'a fait penser à Gaza ou bien encore à la ville de Barmout en Ukraine.
00:28Sur place, c'est vraiment la totalité des bâtiments qui ont été détruits.
00:31Je me rappelle notamment d'une scène où on voit une grande mosquée dont il ne reste absolument que l'ossature.
00:37Aujourd'hui, c'est des espèces de petits tas de gravats et de poussières qui restent posés le long de la route.
00:43Il ne reste vraiment plus rien d'autre.
00:44Alors, il y a une partie de la population qui est un petit peu retournée.
00:48Donc, c'est assez particulier.
00:49Il y a des immeubles qui sont totalement détruits, mais il reste, par exemple, un appartement
00:53dans lequel on voit du linge qui est en train de sécher.
00:56Donc, il y a quelques habitants qui vivent là, mais dans des conditions de vie absolument précaires.
01:00En fait, la Syrie, c'est un des pays qui a vécu sous, et qui vit d'ailleurs encore aujourd'hui,
01:04sous un des plus gros régimes et un des plus durs régimes de sanctions au monde.
01:07Donc, en fait, Bachar al-Assad a laissé le pays dans un état de pauvreté absolue.
01:12Moi, ce qui m'a frappée en marchant dans les rues de Damas, c'est le nombre de personnes maigres,
01:18vraiment émaciées, pâles, visiblement malades.
01:21La pauvreté se voit sur les corps.
01:23Dans la rue, on voit beaucoup d'enfants qui mendient, souvent en pieds nus,
01:28qui essayent de vendre quelques paquets de mouchoirs pour avoir quelques livres syriennes.
01:33La monnaie, en fait, elle a perdu la quasi-totalité de sa valeur depuis 2011.
01:37Et donc, les gens ont sur eux des liasses de billets qui ne valent quasiment plus rien.
01:43Ce qui est, en plus, assez paradoxal parce que la nourriture coûte extrêmement cher à Damas.
01:48Il y a des prix qui sont des équivalents du prix de Bruxelles,
01:51sauf que les gens gagnent, en gros, quand ils ont de la chance, 150 dollars par mois.
01:55Les enfants, souvent, sont envoyés travailler après à l'école.
01:59Donc, il y a beaucoup de gamins qui bossent dans la rue.
02:01C'est un niveau de vie qui est extrêmement, extrêmement bas et avec une pauvreté flagrante.
02:06Il y a des magasins. Les magasins restent ouverts.
02:08Ils ont arrêté d'afficher leurs prix il y a très longtemps.
02:11Pour vous donner une petite idée, l'inflation en Syrie, c'est 57 % cette année.
02:14C'était 117 % l'année qui précédait.
02:17Avec le nouveau régime, il y a davantage de produits qui arrivent sur les étals,
02:21mais ils restent extrêmement chers.
02:23Et donc, il y a un niveau de précarité alimentaire extrêmement important.
02:27On estime que c'est un des cinq pires pays dans le monde.
02:28J'ai parlé aussi bien à des personnes qui ont participé activement à la Révolution
02:33qu'à d'autres qui se disent tristes de la chute du régime Assad.
02:37J'ai aussi discuté avec des femmes, principalement,
02:40qui ont perdu un mari, un frère ou un fils dans la répression de la Révolution.
02:45Mais tous ces gens-là, ou en tout cas la quasi-totalité des gens,
02:50ont en commun d'être extrêmement soulagés par la chute du régime Assad.
02:54Encore aujourd'hui, ils ont une envie de parler, de raconter ce qu'ils ont vécu
02:59après 54 ans de dictature extrêmement rude.
03:02Par ailleurs, ils ne sont quand même pas dupes du pédigré des personnes
03:06qui ont pris le pouvoir aujourd'hui à Damas.
03:08Je rappelle que c'est Hayat al-Sham, un groupe islamiste.
03:11Les Syriennes et les Syriens savent ça, s'en inquiètent,
03:14sont extrêmement critiques à l'égard de ce nouveau pouvoir.
03:17Et surtout, ce qui m'a marquée, c'est une liberté de parole quasi-totale dans le pays,
03:22dans un pays dans lequel la moindre discussion politique
03:25pouvait vous amener en prison et vous faire torturer.
03:27Aujourd'hui, ce n'est plus du tout le cas.
03:29Et surtout, cette envie extrêmement forte chez tout le monde
03:32de jouer un rôle de transition dans cette nouvelle Syrie.