Avec Michela Wrong, journaliste anglaise (Reuters, BBC, Financial Times), spécialiste de l'Afrique, auteur de "Rwanda, assassins sans frontières" et "La chute du léopard" éd. Max Milo
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00:00Entre le Congo, le Congo et l'Urbanda, je parle de la République démocratique du Congo, c'est bien ça, le Congo-Kinshasa.
00:07Il se passe des choses terribles depuis déjà longtemps, mais là en ce moment il y a une recrudescence terrible, et pourquoi ?
00:13On en parle et on est toujours heureux de la recevoir avec Michael Arong.
00:17Michael Arong, vous êtes journaliste anglaise, vous avez travaillé pour Reuters, BBC et Financial Times.
00:22Vous êtes maintenant freelance, comme on dit, indépendante, d'ailleurs vous l'avez toujours été indépendante, il faut le dire.
00:28Spécialiste de l'Afrique, et vous avez écrit au moins deux livres qui ont été publiés aux éditions MaxMilot.
00:33Le premier c'est Rwanda, assassin sans frontières et la chute de l'éhopard.
00:38Et donc vraiment vous connaissez parfaitement ce continent et ce qui s'y passe.
00:43Alors là on a des chiffres, dites-moi, c'est des chiffres d'amnistie internationale, qui dit ceci.
00:49Depuis les années 90 selon les Nations Unies, au moins 6 millions de Congolais sont morts,
00:55pas forcément en raison de tueries, mais également de maladies, de blessures, des suites des viols et des conditions précaires d'existence liées au combat.
01:02Et 4 millions au moins depuis les années 90 ont été déplacés dans l'indifférence quasi-générale ou presque de la communauté internationale.
01:09Ce sont des bons chiffres ?
01:11Il y a toujours un débat, surtout sur les déplacés actuellement,
01:16parce qu'effectivement depuis janvier, on a vu toute une invasion de ce mouvement rebelle, le mouvement 23.
01:25Le mouvement 23, alors expliquez-nous c'est quoi ce mouvement 23 justement ?
01:28C'est un mouvement de Tutsis congolais, des soldats qui font partie de cette minorité ethnique Tutsis,
01:38ils ont mutiné contre l'armée congolaise et ils ont été présents dans cette région, le nord Kivu et le sud Kivu, depuis des années et des années.
01:52Mais depuis janvier, on a vu vraiment une campagne et c'est soutenu par le Rwanda, le pays voisin, le pays tout petit.
02:06Oui parce que le Rwanda c'est tout petit par rapport au Congo.
02:09Oui, il n'y a rien à voir.
02:11Mais quand même, c'est le Rwanda qui a vraiment l'armée impressionnante et on sait très bien que derrière le mouvement 23, il y a les soldats et l'armée rwandaise.
02:23Effectivement, on dit qu'il y a entre 8000 et 12000 soldats rwandais actuellement sous le territoire congolais en train de soutenir le mouvement 23.
02:33Et avec des massacres et des exactions terribles, non ?
02:37Malheureusement, comme on voit souvent dans cette région, on voit des massacres, on voit du pillage, des lâchages, des viols.
02:51On disait même qu'il y avait 60 viols en moyen chaque jour dans les dernières deux semaines de février.
02:59Et effectivement, actuellement, on essaie de faire croire au public qu'il y a le calme à Goma.
03:07Goma, la ville au nord qui vous, qui est contrôlée maintenant par le mouvement 23.
03:12Et on en voit des journalistes de la part du Rwanda pour raconter que tout va bien, que tout est tranquille.
03:22Mais effectivement, on voit qu'au sud, à Bukavu, il y a eu des grands pillages, il y a des prisonniers qui échappent des prisons,
03:30il y a des meurtres au plein-vue et des corps un peu partout.
03:40Et c'est parce qu'effectivement, la police congolaise n'est plus en place et on avait formé une nouvelle police et il n'y a plus personne.
03:51On voudrait comprendre ce qu'a fait cette recrudescence depuis janvier, depuis quelques mois, même avant.
03:58Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi il y a cette présence du mouvement 23, appuyé par l'armée rwandaise, sur le territoire du Congo ?
04:08Est-ce que c'est véritablement pour la bagarre pour les terres rares ? Le fameux lithium, le coltan, etc.
04:14Je pense que c'est sûr que c'est un élément. Parce que le Congo, ils ont tous ces minéraux et c'est des minéraux, on sait très bien qu'il y a très peu du côté de la frontière rwandaise.
04:27C'est le territoire du Congo qui a ces minéraux ? Le lithium, le coltan, l'or. L'or est très important, on oublie un peu.
04:35Mais il y a eu des exports énormes d'or récemment à partir de Rwanda et aussi d'Ouganda.
04:42Et on sait très bien qu'il n'y a pas de mine d'or miraculeuse au Rwanda.
04:47Mais effectivement, je pense que ce n'est pas la seule raison et que c'est vraiment une question de contrôle.
04:54C'est le pouvoir. C'est M. Paul Kagame, le président actuel de Rwanda, qui veut faire voir aux dirigeants africains des Grands Lacs
05:05que c'est lui le plus important, que c'est lui qui contrôle, c'est lui qui décide.
05:10Et depuis trois ans, il est en train vraiment de pousser et on a l'impression maintenant qu'il a donné plusieurs discours
05:18où il parle du fait que les anciennes frontières du Royaume du Tutsi étaient beaucoup plus larges.
05:29Donc il voudrait un peu s'étendre, enfin en tout cas essayer de dire qu'on peut changer les frontières.
05:35Il ne l'a pas dit directement, mais ses références, on a bien noté et on voit que parmi les cercles intellectuels rwandais,
05:44on parle de plus en plus de cette question de l'Ancien Empire.
05:48Mais alors c'est à la fois, vous voulez dire à la fois, il y a des raisons évidemment économiques très importantes,
05:53que ce soit les terres rares ou l'or, évidemment ce sont des milliards et des milliards de dollars derrière,
05:59et puis les questions du pouvoir et de l'influence.
06:01Oui, et je pense que c'est un monsieur qui est très ambitieux,
06:05et il a toujours cru qu'il était plus malin, plus intelligent que les autres.
06:12Il a derrière lui une armée vraiment impressionnante, grâce un peu à notre aide, notre soutien financier du côté des Occidentaux.
06:23Et je pense qu'à un certain moment, il avait l'impression que l'Ouganda, son voisin,
06:28et le Burundi et aussi le Congo étaient en train de fabriquer, de signer des accords,
06:34surtout pour des transports, la construction routière, ferroviaire, et il n'était pas impliqué dans ces projets.
06:48Vous dites que l'armée rwandaise est très forte, mais le Congo ne rétorque pas ?
06:57Est-ce que l'armée congolaise, qui est quand même, enfin le Congo revoit la puissance du pays,
07:01mais l'armée congolaise n'est pas à cette hauteur-là ?
07:04On a toujours eu un problème avec l'armée congolaise,
07:07et depuis les années Mobutu, sur laquelle je parle dans mon livre,
07:14parce que le FAS, les forces armées syrioises à l'époque, dès qu'il y avait un combat réel,
07:22ils enlevaient les uniformes, ils devenaient des citoyens ordinaires et ils ne se battaient pas.
07:29Et on a vu un peu la même chose cette fois-ci, il y a eu des combats syriens,
07:34mais quand même il y a eu aussi beaucoup de soldats qui font la même chose,
07:37mais ils sont mal payés, souvent ils ne sont même pas nourris,
07:42ils ont peur, et en plus, ce qu'on me dit, c'est qu'il y a eu une complicité
07:48entre les officiers congolais souvent, et les Rwandais, qui se connaissent très bien,
07:54ils voyagent un peu à travers la frontière très souvent, et il y a eu des pouvoirs payés.
08:03Donc on peut dire que le Congo, enfin le Zaire, est une espèce de passoire aujourd'hui,
08:09pour qu'un certain nombre de Rwandais, de l'armée militaire rwandaise,
08:13évidemment dirigée, mais alors dites-moi, en attendant, c'est le peuple,
08:17les hommes, les femmes, les enfants qui payent le prix ?
08:20C'est toujours le cas, c'est toujours le cas.
08:23On sait très bien que Denis Mukwege, le monsieur qui a gagné le prix Nobel de la paix,
08:29c'est un chirurgien spécialisé dans les femmes qui ont été violées
08:34d'une façon tellement violente, elles ont besoin de chirurgie.
08:38Et c'est à Bukavu que son hôpital pensier est basé,
08:41c'est parce qu'il y a des années, des années, c'est toujours les femmes qui payent.
08:46Oui, c'est terrifiant cela.
08:49Et en fait, donc, tout est fait pour que ça continue,
08:55c'est-à-dire que ça peut continuer dans un silence de 10 ans,
08:57ou peut-il y avoir une sortie de cela ?
08:59Il n'y a pas eu un silence complet, il faut dire que des côtés des occidentaux,
09:05il y a eu des sanctions annoncées par mon propre pays,
09:09le Royaume-Uni, les Américains aussi, l'Allemagne.
09:13Mais ça a commencé à avoir exécution, ces sanctions ?
09:18Certaines sanctions, on dit, ça va avoir lieu.
09:22La Belgique aussi a été très directe, elle a coupé le soutien,
09:26mais on voit un silence frappant de la part des Français,
09:30et aussi de la part de l'Union Européenne.
09:33Le Parlement a beaucoup critiqué, ils ont demandé qu'on annonce des mesures.
09:39Il n'y a rien eu du côté Union Européenne ?
09:40Pas encore.
09:41Et ni France ?
09:41Non, pas encore.
09:43On sait très bien que la Quai d'Orsay est en contact avec Kagame,
09:46mais ils n'ont rien annoncé jusqu'à maintenant.
09:48Et donc, vous savez, il faut rappeler,
09:52vous le savez, ce qui est quelque chose qu'on a vu dans les informations qu'on a cherchées,
09:57malgré la présence de ressources précieuses telles que le cobalt, le cuivre,
10:01le coltan et l'or sur son territoire.
10:03Et c'est ça qu'on se dit, on est pantois.
10:07La RDC, la République Démocratique du Congo,
10:10fait partie des 5 pays les plus pauvres du monde.
10:12Selon des estimations, 74,6% de la population
10:18vivait avec moins de 2,15 dollars par jour en 2023.
10:22C'est quand même terrifiant, ça.
10:24Oui, c'est effrayant.
10:25C'est effrayant.
10:26Moi, je pense que c'est surtout...
10:28J'étais à Kinshasa en 2023,
10:32et j'ai vu comment Kinshasa,
10:34c'est maintenant dix fois plus grand que quand moi j'habitais là-bas.
10:40Mais il y a une pauvreté, il y a une énergie qui est une richesse,
10:45c'est une chaleur,
10:47mais en même temps, on voit une pauvreté frappante.
10:51Michael Aron, merci beaucoup.
10:52Merci de vos éclaircissements.
10:54Je rappelle et vraiment je recommande vos livres
10:56sur le Rwanda, Assassin sans frontières,
10:59sur la chute des Léopards.
11:00Je sais que vous êtes maintenant dans d'autres domaines,
11:02mais c'est toujours intéressant de rappeler ce que vous avez à nous dire.
11:06Merci.
11:06Merci beaucoup.