• la semaine dernière
Jeudi 6 mars 2025, SMART BOURSE reçoit Frederik Ducrozet (Responsable de la recherche macro, Pictet Wealth Management)

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Le dernier quart d'heure de Smartboard, chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui de l'Europe qui change de visage et nous en parlons avec
00:18Frédéric Ducrozet, responsable de la recherche macro de Pictet Wealth Management avec nous
00:21par téléphone.
00:22Bonsoir et bienvenue Frédéric, merci beaucoup d'être avec nous, regarde ce qui s'est passé
00:28hier notamment du côté de l'Allemagne, c'est ce que je disais à vos confrères en début
00:33d'émission.
00:34J'ose inscrire la date du 5 mars 2025 dans la lignée de quelques dates historiques européennes
00:39comme le 26 juillet 2012 ou encore mai 2020 avec l'annonce du plan du plan Covid par
00:45Emmanuel Macron et Angela Merkel à l'époque et la voie qui s'ouvrait pour le programme
00:50Next Gen EU.
00:51Est-ce qu'on est dans ce genre de moment-là Frédéric où une version plus optimale de
00:56l'Europe est peut-être en train de naître ?
00:58Oui, je pense, je l'espère, pour tous ceux qui ont observé l'Europe et l'Allemagne
01:05en particulier depuis une quinzaine d'années maintenant et en particulier pendant les tensions
01:10les plus élevées de la crise financière, c'est quelque chose d'absolument inimaginable.
01:14Il faut évidemment attendre qu'un certain nombre d'étapes juridiques, légales, juridiques,
01:19politiques soient validées parce que pour l'instant on parle d'un paquet de mesures
01:23qui sont proposées et n'ont pas encore mis en oeuvre et encore moins qui ont produit
01:28leurs effets, probablement à long terme, mais la grosse différence avec 2012 que vous
01:32citiez comme le whatever it takes de Draghi c'est qu'on est sur l'aspect budgétaire
01:37du policy mix, là où l'aspect monétaire d'une banque centrale peut avoir un effet
01:40immédiat sur les marchés, calmer tout de suite la situation, là on arrête maintenant
01:44le temps plus long et donc beaucoup de choses peuvent se passer.
01:48La séquence va être intéressante, pour ne pas dire très compliquée avec peut-être
01:52des tarifs douaniers dans un premier temps, donc d'abord des mauvaises nouvelles avant
01:55d'avoir les bonnes nouvelles, lorsqu'on parle ensuite en termes, pour terminer, d'effets
02:00économiques au sens large d'un paquet budgétaire et notamment des dépenses militaires, on
02:05parle d'un multiplicateur de défense, d'un effet économique qui peut être moindre,
02:09mais quand on parle d'infrastructures, là on peut vraiment imaginer et espérer un vrai
02:15soutien à la croissance potentielle structurelle sur plusieurs années, donc on parle de temps
02:19différents, mais peut-être une finée d'un effet effectivement qui pourrait être d'une
02:23ampleur comparable.
02:24Un mot de la question politique en Allemagne, Frédéric, je ne veux pas vous emmener trop
02:27dans l'analyse politique, mais c'est quand même un facteur important.
02:30Frédéric Schmers aimerait faire passer ses accords avec l'ancien Parlement qui court
02:37encore jusqu'au 24 ou au 25 mars prochain, je crois Frédéric, enfin j'ai du mal à
02:44imaginer qu'il ait pu envoyer un signal aussi fort sans avoir quand même un terrain de
02:51compromis politique possible sur des sujets aussi importants que le plafond de la dette.
02:56Absolument, et c'est même là la plus grande surprise, c'est la raison pour laquelle le
02:59marché a réagi aussi fortement et les observateurs qui connaissent bien l'Allemagne ne se sont
03:05pas trompés, je crois que ce serait une erreur de se perdre dans des détails politiques
03:09et juridiques.
03:10Il peut y avoir des exceptions, il peut y avoir des problèmes, il peut y avoir une
03:13constitutionnelle en Allemagne qui est particulièrement attentive à certaines règles d'orthodoxie
03:19budgétaire, mais quand il y a une volonté politique exprimée aussi fortement avec le
03:24soutien effectivement qui a dû être gagné pendant les négociations du parti des Verts
03:29en particulier, qui va être dans l'ancien Parlement du coup critique pour obtenir une
03:33majorité, même si on avait quelques défections par exemple au sein des conservateurs pour qui
03:37ce programme serait peut-être trop ambitieux, ce serait je pense plus que compensé par les
03:41soutiens d'autres partis, donc ce serait très étonnant maintenant de voir l'Allemagne
03:45revenir en arrière.
03:46Je crois qu'un vrai tabou a été cassé et une vraie ligne rouge a été franchie.
03:51Comment est-ce qu'il faut comprendre le message envoyé par les marchés obligataires ? Correction
03:55très très forte avec une envolée de 30 points de base des taux allemands sur la séance
03:59d'hier en quelques heures, on l'a beaucoup raconté, historique, en une journée du jamais
04:03vu depuis la réunification, sauf que derrière le 10 ans allemand, c'est toute la courbe
04:09de l'euro qui s'est envolée, ce sont tous les taux longs des pays de la zone euro qui
04:13ont suivi le même mouvement, Frédéric, est-ce que ça peut être un problème à un moment
04:19pour d'autres états qui n'ont pas le même espace budgétaire, qui n'ont pas les mêmes
04:24ratios de finances publiques que l'Allemagne aujourd'hui ?
04:27Si toutes les choses sont égales par ailleurs, oui, une montée des taux français et italiens
04:33vers 4% ou au-delà, c'est toujours un problème pour des pays qui ont, c'est un secret pour
04:37personne, un stock de dette élevé à refinancer, mais les choses ne sont pas égales par ailleurs,
04:43c'est bien la question, c'est la raison pour laquelle l'euro, la devise, elle monte, elle
04:46baisse pas, c'est pour ça, la raison pour laquelle les actions européennes montent,
04:49et pas seulement dans la défense, c'est parce qu'on est en train de réévaluer des perspectives
04:54de croissance nominale à long terme et que quand vous faites des exercices qui sont déjà
04:59franchement délicats, périlleux et discutables pour la soutenabilité de la dette à long
05:03terme, le dénominateur du PIB nominal, croissance plus inflation, va compter, je pense même
05:10encore plus, que le niveau des taux d'intérêt, et c'est là la grande différence avec 2012
05:14ou même la pandémie, c'est que toute remontée des taux d'intérêt se fait par la partie
05:20allemande, comme vous l'avez dit, pour des bonnes raisons, pour le moment en tout cas,
05:24à voir s'il y aura des déceptions, et donc ça a des conséquences complètement différentes
05:30pour notamment la Banque Centrale Européenne.
05:31Oui, alors justement, évidemment, ça complique un petit peu le jeu peut-être pour la Banque
05:35Centrale Européenne, en tout cas c'est ce qui ressort semble-t-il de la conférence
05:38de presse de Christine Lagarde, on est envahi d'incertitudes, de risques, des risques d'ailleurs
05:43dans les deux sens, des risques peut-être négatifs avec Donald Trump d'un côté,
05:47des risques ou des incertitudes ou des risques positifs avec l'idée d'une Allemagne qui
05:53dépenserait sur le plan budgétaire, est-ce que ça veut dire que le sens du voyage pour
05:58l'ABC aujourd'hui est beaucoup moins clair, Frédéric ?
06:01Oui, en tout cas, il n'a pas répondu à la question pour dire si le sens de ce voyage
06:06de baisse des taux d'intérêt était toujours aussi évident qu'au mois de janvier et donc
06:11par défaut, non, cette direction n'est plus aussi claire, elle n'est plus en mode de pilote
06:16automatique, pour une fois, je le disais en rigolant, elle pense sérieusement, c'est
06:22vrai que la Banque Centrale ne s'engage pas et qu'elle va regarder les données parce
06:26que de temps en temps c'est faux, on sait bien que...
06:28Là, elle est sincère.
06:29Là, elle est sincère et elle a raison, il n'y a pas d'autre option que ça, je le disais,
06:35la séquence va être très délicate parce qu'on peut tout à fait imaginer le président
06:38américain qui est en train d'ailleurs, apparemment, ça changera peut-être d'ici quelques heures
06:42ou quelques jours, de relâcher la pression sur le Mexique, va se tourner vers l'Europe
06:47et on le connaît, sa stratégie en général de commencer avec la menace la plus importante
06:53possible pour ensuite éventuellement négocier, donc imaginez que demain, dans une semaine,
06:57il tweet qu'il met en place des tarifs douaniers de 25% sur l'ensemble des biens européens,
07:05on sera dans une situation complètement différente pour la Banque Centrale européenne qui,
07:09dans ce cas-là, devrait baisser les taux, je pense, encore en avril et puis, quand bien
07:13même, l'autre message du jour, même s'il y a des modifications, des incertitudes et
07:17un espoir, parce que ça, c'est quand même majeur, il y a aussi cette idée que la politique
07:22monétaire est toujours restrictive, même si elle l'est moins, donc l'inflation baissant
07:27je pense toujours dans les mois qui viennent et ce risque sur la croissance est toujours
07:32à la baisse qui domine, la BCE est toujours finalement en mode d'assouplissement, donc
07:38de ce point de vue-là, la direction du voyage est encore relativement claire, selon moi.
07:43– Vous dites à court terme, avant de factoriser les effets de l'Allemagne 2.0 et du programme
07:51budgétaire annoncé, le facteur qui va jouer à plein, c'est Trump, sur les prochaines décisions ?
07:57– Absolument, et honnêtement, de toute façon, dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui,
08:01avec des mouvements aussi importants dans un sens ou dans l'autre, et d'un certitude
08:05aussi extrême, ce n'est pas une baisse de taux en plus ou en moins de la Banque Centrale
08:09Européenne qui fait la différence, donc on avait déjà tous dans le marché, observateurs
08:15de la BCE, l'idée qu'elle allait plutôt s'arrêter au niveau de ce qu'elle estimait
08:19être un taux neutre autour de 2%, peut-être un peu en dessous, qu'on finisse à 2,25,
08:242,75, on est sur les mêmes ordres de grandeur, on est en train d'atterrir en douceur vers
08:30ce qu'elle estime être un réglage monétaire plus neutre, la grande question, c'est en
08:34réalité, est-ce que ce niveau de neutralité qu'on n'observe pas, et dont personne
08:39n'a aucune idée en pratique, y compris la BCE, est-ce que dans les années à venir,
08:43on va pas plutôt se dire, finalement, on peut peut-être avoir un niveau d'équilibre
08:47un peu plus élevé, pour des bonnes raisons, pas parce que l'inflation va à 4 ou 5%
08:51pour toujours, mais parce que l'Allemagne se sort enfin de ses problèmes séculaires,
08:55structurels, de faiblesse économique, change de modèle économique, l'Europe crée des
09:01industries et une économie un peu plus forte, tout est relatif, et dans ce cas-là, pour
09:08des bonnes raisons, la BCE pourrait revoir aussi ses prévisions à plus long terme.
09:12– Bon, un temps un peu plus long de ce point de vue-là, un dernier mot sur la situation
09:17conjoncturelle aux Etats-Unis, Frédéric, un mois et demi après l'installation de
09:22Donald Trump, on a l'impression que la vibe retombe un peu, est-ce que c'est juste la
09:26vibe ou est-ce que c'est plus que la vibe ? Est-ce que le ralentissement conjoncturel
09:31pourrait être plus rapide et plus prononcé que ce qu'on imagine aux Etats-Unis ?
09:35– Alors, en deux ans, on est passé par 4 ou 5 phases d'inquiétude sur la croissance,
09:41y compris de récessions qui allaient arriver de manière éminente, et nous, comme d'autres,
09:47avons surestimé parfois ce risque sur la croissance d'une économie américaine,
09:50d'abord, il faut le répéter, qui structurellement, en termes de bilan, de richesse, de patrimoine
09:54des ménages comme des entreprises, est en bonne santé, équilibrée, donc même si
09:59on avait un ralentissement, pour nous c'est un ralentissement, et certainement pas un
10:02effondrement de l'économie américaine, sauf évidemment une politique économique
10:07catastrophique, qui pour le coup n'est pas complètement impossible, mais non, on a l'idée
10:12d'un ralentissement, la grande question c'est qu'on a du mal à vraiment mesurer
10:15en temps réel les effets des coupes budgétaires, des licenciements, des autres mesures de
10:20baisse de dépenses qui sont mises en œuvre, il y a un peu de mystère autour de ça, et
10:24que là aujourd'hui on a à nouveau des inscriptions hebdomadaires au chômage qui sont plutôt
10:30rassurantes, mais d'autres chiffres qui sont beaucoup plus mitigés, demain on aura un
10:33rapport sur l'emploi très important, là aussi ça va prendre du temps, pour un peu
10:37faire retomber la fumée, et je pense qu'on arrive notamment sur le marché de l'emploi
10:42à une situation qui est plus équilibrée, où les créations d'emplois à chaque mois
10:46sont effectivement plus faibles, mais on n'est certainement pas à des niveaux récessifs.
10:49Donc tout dépend là aussi de la politique économique, on parle par exemple moins de
10:55l'immigration des flux d'entrée dans le marché du travail qui ont beaucoup pédé
11:00pendant trois ans, et à mon avis c'est une des inquiétudes qui aussi pourrait croître
11:04à moyen terme, dans l'immédiat c'est un ralentissement, et toute la question est de
11:09savoir jusqu'où, jusqu'à quand ce ralentissement, et aussi quelle pourrait être la réaction
11:14du Président si effectivement dans les chiffres on commence à avoir davantage de mauvaise
11:18nouvelle.
11:19Bon, les incertitudes sont partout, Christine Lagarde nous l'a bien rappelé tout à l'heure.
11:23Merci beaucoup Frédéric, merci pour votre éclairage sur ces situations, Frédéric
11:27Ducrozet, responsable de la recherche macro de Pictet Wealth Management avec nous par
11:31téléphone.

Recommandations