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Auteur d’un rapport sur l’économie de guerre, le député Horizons Christophe Plassard estime qu'une augmentation des budgets militaires entraînerait "un retour immédiat dans l'économie."

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00:00Vous avez occupé des postes de commandement. Dans l'OTAN, les Etats-Unis ont un poids plus important que les Européens ?
00:05Alors d'abord, je voudrais bien clarifier les choses parce qu'on utilise très souvent indépendamment ou indifféremment, plus exactement, les mots Alliance Atlantique, OTAN, Etats-Unis.
00:15L'Alliance Atlantique a été créée en vertu d'un traité en 1949 pour rassembler 12 pays au départ, 32 aujourd'hui,
00:22qui considèrent que si l'un d'entre eux est attaqué, tous sont attaqués et donc ils se doivent mutuer l'assistance.
00:27L'OTAN est une organisation qui a été créée au moment de la guerre de Corée, lorsque les pays se sont rendus compte que pour des opérations militaires multinationales,
00:35il était très difficile de construire un commandement quand la guerre avait déjà commencé. Donc les Alliés ont décidé de créer ce commandement dès le temps de paix.
00:43Et cette organisation du traité de l'Atlantique, ce sont des bâtiments, du personnel, des infrastructures, des systèmes de communication et des processus qui sont déjà en place.
00:53Mais les armées, en fait, appartiennent à chacun des Etats.
00:55L'OTAN n'a pas de forces militaires. Les forces militaires sont fournies par les Etats. Et très souvent, on considère que l'OTAN, ce sont les Etats-Unis.
01:03Et je peux vous dire, les Etats-Unis ne connaissent pas l'OTAN, pas les spécialistes, mais la population américaine et n'en ont pas besoin parce que l'organisation de défense des Etats-Unis est bien plus grande que l'OTAN.
01:15Mais l'OTAN, l'organisation que vous nous décrivez, elle peut fonctionner sans l'armée américaine ?
01:21Eh bien, l'Alliant, alors, si on doit faire une guerre majeure, c'est vrai que l'allié américain a un poids essentiel parce qu'il a des forces militaires en grand nombre.
01:29Maintenant, la plus-value de cette organisation permanente, c'est de donner, c'est de fournir ce qu'on appelle l'interopérabilité.
01:35Donc des standards, des processus qui font que les forces militaires des différents pays peuvent travailler ensemble.
01:41Les équipements fonctionnent ensemble. Les hommes et les femmes se connaissent, savent comment opérer ensemble.
01:45Et en fait, cet OTAN rassemble, certes des Américains, mais surtout une trentaine d'alliés européens, plus les Turcs et les Canadiens.
01:54Donc, en fait, est-ce qu'on peut s'en sortir seul ? C'est la question, parce qu'on voit bien, effectivement, c'est ce que disait Sylvain Kahn.
01:59Les Etats-Unis sont en train de s'éloigner. Donc, est-ce qu'on peut s'en sortir seul ?
02:03Moi, je pense que oui. C'est-à-dire qu'instantanément, on ne sera peut-être pas capable de gagner une guerre mondiale tout seul.
02:08Mais en tout cas, cette organisation doit être le fondement de la construction de systèmes de commandement européens beaucoup plus autonomes.
02:17D'un point de vue historique, Sylvain Kahn, Centre d'histoire de Sciences Po, ce serait quelque chose d'absolument cataclysmique de voir les Etats-Unis se retirer de l'OTAN.
02:28C'est envisageable, ça ?
02:29De toute façon, j'ai envie de dire, on n'a pas le choix.
02:32Si les Américains, comme ils semblent l'indiquer depuis le 20 janvier 2025, décident de dire, c'est ce qu'a dit le secrétaire d'État à la Défense,
02:39c'est-à-dire le ministre américain de la Défense a dit le 12 février, tout en disant « l'OTAN, c'est important, il faut continuer »,
02:45mais quand même, il ne faudrait pas que les Européens imaginent qu'on va garantir leur défense éternellement.
02:50Alors là, toutes les lumières se sont allumées, j'imagine, dans tous les États-majors et dans tous les centres de recherche.
02:55On s'est dit « Oups, les Américains sont en train de lâcher les Européens ».
02:58On s'est même demandé si Donald Trump n'allait pas l'annoncer au cours de son discours au Congrès d'hier matin.
03:02En même temps, évidemment, Donald Trump, vu la politique qu'il est en train de mener, il n'a aucun intérêt à sortir de l'ambiguïté.
03:09D'ailleurs, on voit bien, ça met les Européens en insécurité, ils se demandent.
03:12Alors moi, je crois que c'est important, mais le général le confirmera ou pas.
03:17Ce qui me paraît important, c'est de ne pas se lever tous les matins en se demandant « Ouh là là, qu'est-ce que Donald Trump a dit hier ?
03:23Qu'est-ce qu'il a dit cette nuit ? » et de prendre une décision et un cap.
03:26Et ce cap, effectivement, c'est d'être autonome pour la défense européenne, sachant que pendant 80 ans, cette défense européenne, c'était l'OTAN.
03:32Général ?
03:33Alors, je ne peux que confirmer, il faut arrêter de réagir à ce que dit Trump.
03:37En fait, il ne faut pas écouter ce qu'il dit, il faut regarder ce qu'il fait.
03:40Et surtout, il ne faut pas attendre de voir ce qu'il fait pour nous, nous positionner et faire des choses.
03:44En fait, sur l'OTAN, effectivement, il avait déjà annoncé à son premier mandat,
03:50il avait été tenté d'annoncer qu'il allait s'en sortir, enfin de nous menacer en quelque sorte.
03:54Il avait été retenu par...
03:55Il avait appelé les pays européens à contribuer plus, effectivement.
03:57Oui, mais cet appel qu'il nous donne, Robert Gates, sous l'administration Obama en 2011, avait fait exactement le même appel, de façon plus polie,
04:04mais en disant « l'Amérique arrêtera d'accepter que des passagers clandestins profitent des subsides américains pour leur sécurité ».
04:12Donc, il n'y a rien de nouveau.
04:13Ensuite, en termes d'alliance atlantique, les Américains ne vont pas se retirer de l'organisation.
04:17Pourquoi ? Parce que ce fameux article 5 qui est érigé comme un totem par les Européens, en fait, n'est pas très engageant.
04:24Il faut d'abord qu'il y ait l'unanimité des pays de l'Alliance pour qu'on déclare la mise en œuvre de cet article.
04:29Et que dit l'article ? L'article dit que si un pays est attaqué, tous sont attaqués et que chacun...
04:35Enfin, nous devons mutuer l'assistance, mais chaque pays décidera de la forme de cette assistance.
04:40Ah oui, d'accord.
04:40Il n'y a pas une obligation d'engager une action armée.
04:43Et ça, alors que c'est le cas dans l'article 42.7 du traité de l'Union européenne.
04:48Dans la clause de défense et de solidarité de l'Union européenne, il est écrit que si un pays est attaqué dans l'Union européenne,
04:53les autres doivent mettre tous les moyens en œuvre, y compris la force militaire, pour lui porter assistance.
04:58Alors tout cela, ça coûte beaucoup, beaucoup d'argent.
05:00Et d'ailleurs, à ce propos, à l'instant, Sébastien Lecornu, le ministre des armées chez nos confrères de France Inter,
05:05disait que pour atteindre les objectifs qui ont été définis hier soir par le président,
05:11notre armée, je le cite, pourrait atteindre un poids de forme convenable.
05:15C'est son expression, un poids de forme convenable autour de 90 milliards d'euros par an.
05:2190 milliards contre 50 milliards actuellement, on parle d'un quasi-doublement.
05:26C'est possible, ça ?
05:28En tout cas, ce que je pense, c'est que le budget de la défense, ce sera toujours moins cher que d'avoir un pays qui est détruit.
05:36C'est radical comme réponse, effectivement, dans la politique générale.
05:39Non, mais et ensuite, effectivement, la défense, elle n'est pas que militaire, elle est nationale.
05:44Et pour qu'un pays puisse résister, et les Ukrainiens nous le montrent bien, cela dépend de la force morale de ses citoyens.
05:49Ça, on va en parler aussi, mais d'un point de vue économique.
05:51D'un point de vue économique, ça veut dire que nous, citoyens français, quel que soit notre métier,
05:56quelle que soit notre fonction, nous devons être convaincus que nous devons travailler davantage,
06:01contribuer à la croissance économique du pays pour générer la richesse qui permettra de nous doter de la défense dont nous avons besoin.
06:07Mais un doublement, un quasi-doublement du budget de la défense de 50 milliards actuellement à 90 milliards dans les prochaines années,
06:14dans l'histoire récente, c'est évidemment totalement inédit, Sylvain Canne.
06:17Dans l'histoire très récente, oui, puisqu'il n'y avait pas besoin de faire un tel effort.
06:21Par contre, en temps de guerre, ce sont des choses qui se sont déjà vues dans les années 30, par exemple.
06:25Bon, après, ce qu'il faut bien voir, c'est que c'est très intéressant le débat qu'il y a actuellement sur l'augmentation des crédits militaires dans tous les pays.
06:32Parce que là, on voit bien la stratégie, enfin la stratégie, ce n'est pas le bon mot, la tactique plutôt, du gouvernement et du président de la République.
06:39C'est effectivement de dire, de masquer, si j'ose dire, à l'échelle européenne, le déficit budgétaire de la France,
06:45qui est quand même un problème et une singularité en Europe, en disant de toute façon, il faut qu'on augmente les dépenses militaires.
06:51Maintenant, il y a des experts. Là aussi, je parle sous le contrôle du général Vigilant.
06:55Il y a des experts qui disent bon, mais la question, ce n'est pas tant de dépenser plus en Europe que de dépenser mieux.
07:03Parce que ce qu'a montré mon collègue Samuel Faure, par exemple, c'est que depuis 2014 et encore plus depuis 2022,
07:08il y a une augmentation sensible des dépenses militaires à l'échelle de l'Union européenne.
07:13Simplement, ce qui se passe, c'est qu'on le voit très bien en Pologne, par exemple, qui est le pays qui a fait l'effort le plus important, ou Danemark.
07:19Eh bien, ce qui se passe, c'est que ces dépenses, elles sont, si j'ose dire, faites nationalement de manière non coordonnée.
07:25C'est ça.
07:26Or, il n'est pas impossible du tout que, ça a été dit d'ailleurs tout à l'heure, les Européens sont déjà très forts.
07:34C'est schématiquement, si on agrège tout, la deuxième, entre guillemets, armée du monde.
07:38Donc, ce qui manque, c'est des problèmes de coordination.
07:41C'est qu'il y a des trous dans la raquette.
07:43Il y a du matériel qui n'est fabriqué qu'aux Etats-Unis, qu'en Corée, qu'on doit acheter, vous voyez.
07:46Donc, ce n'est pas seulement une question d'augmentation des budgets nationaux.
07:50C'est peut-être aussi une manière de dépenser plus intelligemment à l'échelle européenne.
07:54Mais ça, ça suppose de tordre le bras des industriels nationaux type Dassault, ce qui n'est pas réellement Dassault.
08:00Justement, l'état de notre armée nationale et puis effectivement, le rôle de chacun des Etats européens pour construire cette Europe de la défense.
08:07On en parlera juste après le fil info.

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