Donald Trump et Emmanuel Macron n'ont pas été avares de démonstrations d'affections viriles pour leurs grandes retrouvailles à Washington. Le numéro de charme du Président français a-t-il convaincu son homologue de se détourner de Vladimir Poutine ? Écoutez "On refait le monde" avec Marjorie Paillon, spécialiste de la vie politique américaine, Philippe Corbé, ancien correspondant de RTL à Washington, Régis Genté, journaliste et auteur du podcast "Zeitgeist", correspondant en Géorgie, auteur de "Notre homme à Washington : Trump dans la main des Russes", et Michel Duclos, diplomate, ancien ambassadeur, auteur de "La longue nuit syrienne".
Regardez On refait le monde avec Yves Calvi du 25 février 2025.
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00:00ce qui garantira la sécurité et donc garantira la paix.
00:02Donald Trump n'en parlait jamais. Donc d'une certaine manière, il y avait deux discours,
00:06non pas une contradiction, mais il y avait un double discours d'Emmanuel Macron
00:10dans le bureau Oval avec Donald Trump.
00:11Alors, on s'est quand même posé parfois la question de savoir si on n'était pas un peu au théâtre
00:16et si on parlerait peut-être, enfin je ne sais pas, de cabotinage,
00:19voire un peu de surjeu. Qu'en pensez-vous Michel Duclos ?
00:23C'est évident qu'il y ait du cabotinage, du surjeu, c'est très clair.
00:27Mais si, au-delà de ça, ce qui est frappant, c'est que l'Europe est en train de devenir gaulliste.
00:36Vous avez rappelé très justement les déclarations du futur chancelier allemand, M. Merz.
00:42Et Macron, lui, adopte une politique à la britannique, c'est-à-dire d'essayer de convaincre Washington.
00:50Je ne dis pas du tout qu'il a tort, je pense que les deux sont parfaitement complémentaires
00:53et qu'il sera d'autant plus crédible par la suite pour, sinon être le leader,
00:59au moins contribuer à l'autonomie stratégique européenne,
01:05qu'il aura bien montré à ses partenaires qu'il a fait tout ce qu'il a pu pour essayer d'amadouer Washington.
01:11Mais, ceci étant dit, je crois que le président a vraiment très bien fait à Washington.
01:17C'était clair aussi que Trump ne s'est pas beaucoup engagé.
01:22Et donc, tout le travail est encore devant nous, devant les Européens.
01:30Sur le plan de la communication politique, la meneuvre, est-ce qu'elle est réussie ?
01:34Le journal USA Today rend hommage ce matin à l'art de la négociation d'Emmanuel Macron.
01:39Le président français, je cite le papier, a réussi à faire ce qu'aucun autre dirigeant européen
01:44n'a pu faire jusqu'à présent, charmer le président Donald Trump.
01:47Moi, je ne sais pas si Donald Trump était charmé hier soir, enfin, comment vous vivez les choses Marjorie Payan ?
01:52Est-ce qu'il était charmé ou est-ce que je pense au cabotinage ?
01:55Mais, en fait, évidemment que c'est un théâtre permanent.
01:59D'abord, Donald Trump est en campagne permanente.
02:01Il ne vous a pas échappé que dans quelques mois seulement, il est à nouveau en campagne
02:04pour ses propres élections de 8 mandats et qu'il a gros à perdre
02:07puisqu'un tiers des sièges au Sénat qui seront renouvelés sont républicains.
02:11Et donc, il faut qu'il garde la main avec la courte majorité qu'il a actuellement dans cette chambre notamment.
02:18Et puis, oui, c'est une campagne permanente Donald Trump.
02:21Donc, il s'est très bien joué à la fois sur ce côté médiatique
02:24et sur le côté discussion qu'il peut avoir avec celles et ceux qui...
02:27C'est intéressant parce que, pardonnez-moi, je vous interroge sur le comportement d'Emmanuel Macron
02:30et vous me répondez par Donald Trump, ce qui est...
02:34Parce qu'en creux, non mais Philippe aussi l'a vécu de très très près,
02:39en creux, c'est ce qui va aussi donner le tempo à ses interlocuteurs.
02:42Quand Donald Trump hit et justement joue ce coup d'éclat permanent,
02:46il faut que, de l'autre côté, il y ait aussi du répondant.
02:50Et en l'occurrence, c'est le cas pour Emmanuel Macron.
02:52Philippe le disait tout à l'heure, il a très bien su jouer sur les deux tableaux.
02:55Et pour Emmanuel Macron, la séquence médiatique allait de reprendre la main
02:59et de montrer que, justement, il peut s'imposer comme l'un des meilleurs interlocuteurs
03:03de l'administration américaine en Europe.
03:05Donald Trump est un personnage incroyable.
03:07C'est un personnage politique comme on a peu fait dans le dernier siècle.
03:11Oui, comme ça, il n'y en a pas beaucoup.
03:13Et d'une certaine manière, il est presque l'inverse de ce que sont souvent les dirigeants
03:17qui sont très courtois, qui ont des paroles très douces
03:22et qui ont des positions parfois chancelantes.
03:26Donald Trump, c'est l'inverse.
03:28Il a des positions très tranchées.
03:29Parfois, il a tout à fait raison.
03:31Parfois, il a tout à fait tort.
03:32Mais il a des positions tranchées auxquelles il tient.
03:35C'est difficile de le faire changer d'avis.
03:36Et en même temps, il le dit parfois de façon brutale.
03:40Et je rajoute un autre problème concernant Donald Trump.
03:43Et c'est un vrai sujet qu'Emmanuel Macron connaît pour l'avoir expérimenté.
03:47Il a une capacité d'attention assez limitée.
03:50On dit que c'est huit minutes et après c'est fini.
03:53Ce n'est pas une histoire d'âge.
03:54Ce n'est pas une histoire d'intelligence.
03:55Ce n'est pas du tout ça.
03:56C'est que Donald Trump sait capter l'attention.
03:59Mais il a besoin qu'on sutite son attention.
04:02On va se rendre compte de ce que ça signifie quand même.
04:05On parle de l'homme le plus puissant du monde.
04:06S'il n'a que huit minutes à consacrer à chaque thème qu'il peut aborder.
04:09Moi, je vous le dis franchement, ça m'inquiète.
04:11Et en même temps, je n'ai pas du tout envie de faire de ce président une caricature comme on en fait souvent.
04:14Comprenez-moi bien.
04:15Je ne fais pas une caricature en disant qu'il est sénile ou idiot.
04:18Pas du tout.
04:19Mais pas du tout.
04:20C'est que c'est la manière dont il fonctionne.
04:21Et que si on arrive à capter son attention et à, là, dans un moment de vérité,
04:25le faire changer d'avis ou en tout cas le convaincre de quelque chose,
04:28quelque chose peut se passer.
04:29On parlait du nucléaire iranien tout à l'heure.
04:31C'est l'erreur qu'avait faite Emmanuel Macron à l'époque.
04:33Il pensait l'avoir convaincu dans l'entretien dans le bureau Oval.
04:36Finalement, Donald Trump n'écoutait qu'un peu attentivement.
04:40Et c'est Emmanuel Macron qui s'est rendu compte, a posteriori,
04:42qu'il n'avait pas du tout fait changer d'avis, Donald Trump.
04:45Et c'est important aussi, au moment où on est arrivé, finalement,
04:48à une cassure des relations dans le multilatéralisme,
04:50on est à l'ère du « me first », « moi d'abord »,
04:53qu'on soit une puissance régionale, locale ou supranationale.
04:57Et là, Emmanuel Macron a su le capter.
04:59C'est-à-dire que comme on fait du judo diplomatique en permanence,
05:02du coup, il faut pouvoir aller chercher la fausse de l'adversaire
05:05pour pouvoir l'inverser.
05:06Donc c'est exactement ce qu'il a fait,
05:07se caler sur la séquence médiatique de Donald Trump
05:10pour pouvoir essayer, pas forcément de reprendre le dessus,
05:13mais en tout cas de s'imposer à nouveau la table.
05:15Michel Duclos ?
05:17Oui, la question, c'est de savoir si Macron a fait passer son message ou pas.
05:22Et s'agissant de Macron, une de ses faiblesses,
05:26c'est que comme il est lui-même très intelligent et sophistiqué,
05:30il en rajoute et il multiplie les messages,
05:33ce qui est toujours un peu dangereux.
05:35Vous avez vu au début, quand ils étaient dans la Maison Blanche,
05:39avant que l'entretien commence,
05:43parfois il a fait des longueurs.
05:45Je crois qu'avec Trump, ce n'est pas comme ça qu'il faut procéder.
05:49En revanche, Emmanuel Macron adore ça.
05:52Oui, mais inversement, il a l'expérience du personnage,
05:58il est sans doute un des hommes politiques sur Terre qui le connaît le mieux.
06:03On peut espérer qu'il lui aura inculqué une ou deux idées simples.
06:08Tu ne peux pas faire n'importe quoi parce que tu auras l'air d'un nul
06:12vis-à-vis des Chinois et des autres.
06:14Et nous, on peut t'aider avec notre histoire de garantie de sécurité.
06:18Réfléchis-y bien.
06:20Les Ukrainiens ont besoin de ça pour que ce soit un accord équilibré.
06:24Si ce n'est pas un accord équilibré, tu n'es pas un bon négociateur.
06:27Je crois que ce sont des choses comme ça qui, en tête à tête, ont une chance de percer.
06:33Régis Janté, est-ce que vous pensez que le président français
06:36s'y prend bien avec le président américain ?
06:39Oui, je crois qu'il s'y est très bien pris,
06:41comme fait d'ailleurs à peu près toute la Terre en ce moment.
06:43Je vois ça avec les dirigeants de la région que je couvre dans l'ancien espace soviétique.
06:48On le voit avec Zelensky, très habile.
06:50En fait, chacun comprend que Trump a une forme d'intelligence,
06:54on ne va pas dire très simple, mais effectivement,
06:56qui est quand même assez binaire, souvent au goût de les bons, les mauvais, etc.
06:59Et chacun essaie de s'adapter à ça.
07:01Je vois par exemple dans la région, si vous voulez vous mettre les Américains dans la poche,
07:05vous expliquez que vos adversaires sont les amis des Chinois et des Iraniens.
07:08On a vraiment des choses comme ça.
07:10Et au fond, Macron, avec grande élégance, comme Zelensky d'ailleurs,
07:14avec aussi beaucoup d'élégance, mais essaie de toucher à chaque fois,
07:17de manière très simple, ces cordes sensibles, si on peut dire.
07:20Je vous propose d'écouter un extrait étonnant entre les deux hommes,
07:23qui, je suis sûr, ne manquera pas de vous faire réagir.
07:25Et je vais avoir besoin, si vous le voulez bien, cher Philippe Corbet,
07:29que vous traduisiez ça, pour qu'on dira que vous êtes parfaits.
07:32Allez, on écoute.
07:34Je veux juste dire une chose pour que vous compreniez bien.
07:37L'Europe prête à l'Ukraine, elle va récupérer son argent.
07:40Non, en réalité, pour être franc, nous avons payé 60% de l'effort financier total.
07:44C'était un mélange, comme les Etats-Unis, de prêts de garantie, de subventions,
07:47mais nous avons fourni de l'argent bien réel, pour être clair.
07:51Alors, physiquement, il se passe des choses.
07:53Oui, c'est vraiment une scène étonnante.
07:55La télévision américaine tourne sur cette séquence depuis 24h.
07:58Donald Trump est en train d'expliquer que, en fait,
08:01les Américains ont donné beaucoup trop d'argent en général,
08:03et beaucoup plus que les Européens, à l'Ukraine.
08:05Et notamment que les Européens le récupéreront, l'argent,
08:07parce que ce ne sont que des prêts, alors que nous, on a dépensé beaucoup d'argent.
08:09Et là, Emmanuel Macron, l'interrompt, lui met la main sur la cuisse,
08:14mais vraiment, lui coupe la parole,
08:16et lui dit, en fait, non, nous avons donné 60% de l'argent de l'aide à l'Ukraine et d'Europe.
08:28Et là, il y a une double réaction de Donald Trump à côté.
08:31D'abord, il est stupéfait, on l'interrompt, ça ne lui arrive jamais, évidemment.
08:34Même l'aspect, on le touche, les Américains détestent qu'on les touche.
08:37Voilà, c'est très particulier.
08:39Et aussi, il fait un geste de la main, genre, il raconte un peu n'importe quoi,
08:43ou alors, il vous embobine.
08:46Il était presque, je ne dirais pas sonné, mais vraiment étonné de la situation.
08:50Et le fait qu'entre guillemets, ça ne lui ait pas répondu,
08:53qu'il n'ait pas rétorqué, du genre, écoutez, vous ne dites pas la même chose que moi,
08:58mais moi, j'ai raison, montre qu'il y a, d'une certaine manière,
09:02Emmanuel Macron peut se permettre cela avec Donald Trump.
09:05Il y a quand même peu d'hommes politiques ou de femmes politiques aux Etats-Unis ou ailleurs
09:08qui pourraient se permettre cela avec Donald Trump.
09:10Drôle de couple politique, en tout cas.
09:12On va continuer de les faire vivre et de comprendre ce qu'ils nous ont dit
09:15et ce qui se passe en ce moment, dans un instant.
09:17Yves Calvi, on refait le monde sur RTL.
09:21RTL, s'informer ensemble.
09:25Il est 19h30.
09:27RTL soir, on refait le monde avec Yves Calvi.
09:31Le rappel de l'actualité avec vous, Rachel Salodin.
09:33Après 9 mois de cavale, Mohamed Amra est de retour en France.
09:36Le narcotrafiquant a atterri il y a une heure en région parisienne.
09:39Il doit maintenant être acheminé jusqu'au tribunal judiciaire de Paris
09:42où il sera présenté à un juge.
09:44Mohamed Amra qui a été arrêté en Roumanie samedi.
09:47En mai dernier, son évasion ultra-violente avait causé la mort de deux agents pénitentiaires.
09:52L'état de santé du pape reste critique mais stationnaire selon le Vatican.
09:56François a pu travailler depuis l'hôpital où il est soigné pour une pneumonie aux deux poumons.
10:02Le souverain pontife de 88 ans a signé un décret de canonisation.
10:06Voilà qui, selon le Vatican, prouve que sa forme s'améliore.
10:10Et puis du football ce soir avec le retour de la Coupe de France.
10:13Place aux quarts de finale de match ce soir.
10:16Angers Reims et Cannes Guingamp à 21h.
10:18On suivra cette deuxième rencontre dans les Flash Infos avec Michael Lefebvre sur RTL.
10:23Merci Rachel. Dans moins de 30 minutes, on retrouve Faustine Bollard pour son émission Héros.
10:26Et ce soir, l'histoire de Jeff.
10:28Un fleuriste parisien qui a reçu un beau jour la visite de la Reine d'Angleterre.
10:33Elisabeth II en personne qui, de passage à Paris, souhaitait tout simplement visiter sa boutique.
10:38C'est une rencontre hors du commun qui a donné un sacré coup de projecteur à son travail.
10:42Rendez-vous dès 20h avec Faustine Bollard.
10:44Et bien on vous retrouve également à 20h pour les derniers titres de l'actualité.
10:54Avec Marjorie Payon qui est journaliste spécialiste de la politique américaine.
10:57Philippe Corbet, ancien correspondant d'RTL aux Etats-Unis.
11:00Michel Duclos, ambassadeur. Vous avez été, pardonnez-moi, le conseiller spécial.
11:05Vous êtes conseiller toujours. Pourquoi je n'y arrive pas ?
11:07À l'Institut Montaigne, c'est pourtant pas très compliqué.
11:11Et du coup, je rappelle votre livre, Diplomatie française, publié aux éditions Alpha.
11:15Et Régis Janté, journaliste basé à Tbilisi, spécialiste de l'ancien espace soviétique.
11:20Est-ce qu'on a vu deux visions du monde différentes hier soir dans ce débat entre ces deux hommes ?
11:25Je pense qu'il faut être aussi, reprendre le contexte des dernières semaines.
11:29Ce n'est pas seulement le rapprochement avec la Russie qui se joue et le lâchage de l'Ukraine.
11:33C'est déjà en soi un choix majeur et une bascule.
11:37On vit un moment aussi important que le début des années 90 avec la chute du mur de Berlin,
11:43la chute du bloc soviétique, la chute de l'URSS et la reconfiguration de l'équilibre de sécurité en Europe.
11:49Il y a cet aspect-là.
11:50Un autre monde en train de naître ?
11:51Oui, mais je pense qu'il y a une autre dimension qui était sous-jacente hier soir
11:56et qui est sous-jacente dans ce que disent les Américains depuis quelques semaines.
11:59Le vice-président Jay Devance a prononcé il y a un peu moins de 15 jours maintenant un discours à Munich
12:04où il était question de liberté d'expression.
12:07Il a reproché aux Européens aussi de se laisser submerger, je mets ça entre guillemets, par l'immigration.
12:12Mais il y avait une dimension très idéologique dans son discours
12:15qui était au fond une remise en cause du modèle des démocraties libérales
12:18telles qu'elles existent en Europe, en Amérique du Nord depuis maintenant 80 ans.
12:23En tout cas, cette idée au fond que les Occidentaux sont réunis non pas seulement pour des raisons géographiques
12:28mais aussi par un partage de valeurs, de démocratie libérale, la démocratie, la liberté, l'état de droit.
12:33Et dans le discours de Jay Devance, il y avait une remise en cause de ce modèle-là.
12:36Et donc, il faut aussi comprendre que c'est ce qui se joue derrière.
12:40C'est-à-dire que ce qu'Emmanuel Macron dit à Donald Trump, ce n'est pas seulement
12:44il faut négocier sur ce point ou sur ce point-là.
12:47C'est d'une certaine manière, il essaie de faire en sorte que les Etats-Unis ne rompent pas avec l'Europe
12:50sur ce partage de valeurs communes qui est l'une des raisons pour laquelle nous vivons en paix depuis maintenant 80 ans sur notre continent.
12:58Michel Duclos, Emmanuel Macron pense avoir obtenu de Donald Trump un soutien pour des garanties de sécurité en Ukraine.
13:03Est-ce que vous le percevez comme tel ?
13:06Non, je crois que Trump n'a pas été aussi clair.
13:09Je crois que c'est important que d'autres, après Macron, viennent répéter, insister sur ce que nous proposons, ce que nous voulons.
13:18La visite de Starmer sera importante.
13:21Mais ce qui vient d'être dit est absolument fondamental.
13:24C'est-à-dire qu'outre les drames géopolitiques que l'on connaît, il y a une crise de la démocratie libérale.
13:33Et que le fossé qui est en train de se créer entre les deux rives de l'Atlantique n'est pas seulement un fossé sur des questions de paix et de guerre en Ukraine.
13:43C'est un fossé beaucoup plus profond qu'effectivement le discours de Vance à Munich a mis en exergue.
13:51Alors là, à la Maison Blanche, c'était naturel que le président, cherchant à obtenir ce qu'il voulait, n'a pas trop mis l'accent dessus.
13:59Mais c'est ça qu'il faut bien garder à l'esprit, parce que c'est l'arrière-plan de tout ce qui est en train de se passer.
14:09Marjorie Payon, Emmanuel Macron espère qu'il a convaincu Donald Trump.
14:13Il a raison d'être optimiste ou c'est une forme de naïveté chez lui, voire de sûreté de soi ?
14:17Alors déjà, on voit quand même qu'on a eu quelques progrès en l'espace de quelques jours.
14:21Encore une fois, Philippe, rappelez le discours de Jay Vance à la Security Conference de Munich.
14:26On était dans une tout autre tonalité.
14:29Pendant la semaine dernière, on a vu aussi, encore une fois, différents degrés de cette administration rencontrer leurs contreparties.
14:39Marco Rubio avec Sergei Lavrov à Riyad, par exemple.
14:42Keith Kellogg était sur le front en Ukraine, à Kiev, pour pouvoir là aussi parler et faire avancer la discussion sur d'autres points.
14:51Donc on voit qu'on met quand même un petit peu d'huile dans les rouages, au fur et à mesure.
14:56Emmanuel Macron, il a quand même raison de se dire qu'il peut se réjouir de sortir de cette séquence à Washington avec quelques points engrangés.
15:05Encore une fois, les Européens continuent à se succéder pour aller porter cette parole auprès de l'administration et de Donald Trump.
15:11D'ailleurs, il y a quelque chose de très intéressant qui se jouait juste avant notre émission.
15:14Keir Sarma, le Premier ministre britannique, s'est adressé à ses propres médias britanniques pour leur expliquer pourquoi il augmentait les dépenses de défense.
15:22Pourquoi il prenait vraiment cette décision et l'accélérait en la matière pour les augmenter à 2,5% de son propre PIB d'ici 2027.
15:30Et c'est fondamental parce que le moment est grave encore une fois.
15:33Et on voit qu'il y a des chefs de gouvernement et d'État qui ont des méthodologies différentes pour faire comprendre leurs propres opinions respectives.
15:42Et si Emmanuel Macron a d'ailleurs donné cette interview à Fox News, c'est aussi parce qu'il sait très bien que la bataille de l'opinion,
15:49elle se joue, là aussi comme au judo, en prenant la force de l'adversaire et donc les supporters et supportrices de Donald Trump à témoin.
15:56Alors vous avez bien entendu aussi suivi l'intervention du Président de la République sur Fox News.
16:01Je vous cite, il s'adressait à un téléspectateur privilégié derrière son écran, Trump, entre flatterie et vérité plus amère.
16:09Qu'avez-vous retenu du coup ?
16:13Les collaborateurs de Trump, ceux qui le connaissent, ceux qui ont travaillé avec lui lors du premier mandat,
16:18savent qu'une des manières de capter l'attention de Trump, ou en tout cas de souligner l'importance de certains messages,
16:24c'est de les faire passer par le filtre de Fox News.
16:28Oui.
16:29Parce que, d'une certaine manière, c'est une manière d'appuyer l'importance du message.
16:33Et donc il est allé dans une émission importante, qui n'est pas l'émission la plus regardée mais qui est la plus respectable de Fox News,
16:39un très bon journaliste, une bonne émission, en direct.
16:44C'est très rare les interviews en direct à la télévision américaine, souvent elles sont montées.
16:48Et il a fait passer des messages de façon appuyée sur les garanties de sécurité.
16:52Il y a eu une discussion assez intéressante, pendant plusieurs minutes, sur les garanties de sécurité.
16:57Il en rajoutait sur le côté flatterie, parce qu'il disait, il a fini l'interview, c'était assez particulier.
17:04Il a dit au présentateur, au journaliste de Fox News, que vraiment, merci pour le leadership de votre président.
17:11On était proche de...
17:14C'était gênant. J'entends ça un tout petit peu dans votre...
17:19Non, mais il est venu faire exactement ce qu'il cherchait.
17:22Il va sur Fox News en adoptant le ton qu'a Fox News, c'est-à-dire dire d'abord que le suprême leader est formidable.
17:28Et après vous dites les choses.
17:30Mais il y a de ça, et d'une certaine manière, c'est aussi aller au bout de sa logique qui était de dire,
17:34je viens faire passer des messages importants, même s'il faut faire des resets et des papouilles.
17:39Alors, puisqu'on est dans les leaders, pratiquement au même moment hier soir, Vladimir Poutine était interrogé à la télévision russe.
17:44Et pour la première fois...
17:51Les Européens, en fait, avaient le droit de participer au processus de paix.
17:55C'est une nouveauté. Enfin, il se passe quelque chose.
17:59Qu'en pensez-vous, Michel Duclos ?
18:03Je ne sais pas. Je crois que ça, c'est vraiment tactique.
18:07La vérité de Poutine, c'est qu'il méprise les Européens.
18:12Et que lui, tant qu'il sera au Kremlin, il les traitera comme les principautés allemandes ou les principautés italiennes étaient traitées aux congrédiennes.
18:25C'est-à-dire que les seules qui comptaient à l'époque, c'était le Royaume-Uni, la France, l'Autriche et la Russie.
18:34Et dans l'esprit de Poutine, les seules qui comptent, c'est les États-Unis, la Chine et peut-être l'Inde au maximum.
18:41Et ce qui est à craindre pour nous, c'est un des éléments encore de la toile de fond, c'est que Trump penche vers ce côté-là.
18:51Il est à peu près d'accord là-dessus.
18:54Effectivement, il est aimable avec Macron quand il vient à Paris pour Notre-Dame.
19:00Il rend visite au prince héritier du Royaume-Uni.
19:04Mais c'est comme un grand seigneur à la campagne va serrer la main à son garde-chasse pour prendre le thé avec sa vieille nanny.
19:12Il ne faut pas se faire d'illusions.
19:14Et si vous permettez encore une autre remarque, ce qui m'inquiète le plus dans tout ça,
19:18c'est qu'on voit la terre entière venir courtiser Trump parce qu'on a besoin de lui.
19:24Les Russes aussi ont besoin de lui.
19:27Et donc, on a l'impression que c'est le nouvel empereur de Rome.
19:32Mais ce n'est pas ça la vérité.
19:34La réalité, c'est que les États-Unis restent un pays extrêmement puissant, plus puissant que les autres.
19:40Mais malgré tout, le rapport des forces dans le monde s'est rééquilibré.
19:44Et ce n'est plus le pays complètement dominateur autour de qui tout s'organise.
19:52On reparle des Russes et de Vladimir Poutine dans un instant dans notre émission.
19:55Jusqu'à 20h, Yves Calvi refait le monde sur RTL.
20:06Et on va se poser une étrange question maintenant.
20:08Trump et Poutine sont-ils devenus de nouveaux alliés ou les meilleurs alliés ?
20:12Je ne sais pas où les meilleurs ennemis.
20:13C'est une des questions qu'on va se poser.
20:14Alors Régis Janté, vous avez une théorie très intéressante.
20:17C'est que Donald Trump est un agent des Russes.
20:19Je veux bien que vous…
20:20En tout cas, vous soulevez la question.
20:22Je veux bien vous entendre là-dessus.
20:23Je pense que c'est passionnant.
20:25Alors, j'ai précisément écrit qu'il n'est pas un agent des Russes.
20:29Mais vous êtes un provocateur.
20:31Mais qu'il est ce qu'on appelle dans le jargon des services russes, un contact confidentiel.
20:36Et c'est une grosse nuance.
20:37Parce qu'un agent, c'est quelqu'un que vous payez pour apporter une information,
20:40du renseignement ou faire un travail d'influence.
20:42Un contact confidentiel, c'est beaucoup plus important.
20:44Ça peut rapporter beaucoup plus d'argent d'ailleurs.
20:46Parce que ça consiste à cultiver quelqu'un pour qu'il devienne une sorte de compagnon de route de votre pays
20:51et puisse servir leurs intérêts.
20:53Et ça, c'est vraiment le cœur.
20:55On voit bien que depuis 40 ans, Trump est cultivé.
20:58Le premier voyage qu'il a fait à Moscou en 1987, en juillet 1987,
21:02est une vraie opération du KGB de l'époque.
21:06Pour le séduire, le faire venir, l'inscrire dans des réseaux.
21:10Certains mafieux, certains liés directement aux services de sécurité.
21:14Le KGB de l'époque.
21:15Donc c'est plutôt là qu'est la nature de la relation.
21:18Parce que Trump, de toute façon, ne peut pas être un agent.
21:20Parce qu'il est incontrôlable.
21:22Et puis il est surtout beaucoup trop gros, si vous voulez.
21:24C'est vraiment quelqu'un qui a été milliardaire.
21:26Votre livre s'appelle « Notre homme à Washington ».
21:28Donc ça a un sens ?
21:30Oui, le titre, ce n'est pas moi qui l'ai inventé.
21:32Ça vient d'un email qui a été obtenu par les enquêteurs du ministère de la Justice américain en 2016.
21:39Lorsqu'il y a eu les accusations d'ingérence de la Russie dans l'élection présidentielle américaine.
21:45Et ça vient de quelqu'un, justement, qui fait partie de ces milieux un peu interlopes
21:49entre les services de sécurité et la mafia, qui s'appelle Félix Sater.
21:53Et qui est quelqu'un qui avait travaillé pour Trump directement, comme son conseiller.
21:56Et qui, au moment de la campagne, revient autour de lui en disant
22:00« Tu ne veux pas construire une tour à Moscou ? »
22:04Trump se dit d'accord.
22:05Et il écrit ce Félix Sater à ses amis au Kremlin en leur disant
22:09« On est sur le point de pouvoir installer notre homme à la Maison-Blanche, à Washington.
22:14Je vais convaincre Poutine de nous aider. »
22:16Donc ça donne un niveau.
22:18Il y a toute une galerie de portraits comme ça que j'ai fait dans mon livre
22:21de gens très influents, souvent très proches de la mafia,
22:25souvent en même temps très proches des plus hauts services de sécurité.
22:28Et qui ont passé leur vie à courtiser Trump, à blanchir de l'argent dans ses casinos.
22:34Surtout lorsqu'il était sur le point de faire faillite.
22:36Et tout ça, ce n'est pas de l'argent privé.
22:38C'est de l'argent très politique, très proche du Kremlin en fait.
22:41Alors Vladimir Poutine a aussi déclaré qu'il était favorable à des investissements américains
22:45dans, je cite, « nos nouveaux territoires historiques »
22:47qui ont été restitués à la Russie.
22:49En clair, dans les territoires ukrainiens conquis par la Russie.
22:51Michel Duclos, ces propos vous stupéfient ou ils ne vous surprennent pas ?
22:56Je ne suis pas sûr que Trump ait dit ça.
22:59Et que là, peut-être que Poutine en rajoute un petit peu.
23:03Le livre de Régis Jinté est remarquable.
23:09J'en conseille la lecture.
23:11Et il montre bien toute ambiguïté de cette relation
23:15qui est effectivement plus compliquée que d'être simplement un agent des Russes.
23:22Pour moi, ce qui est fondamental pour les Européens,
23:28c'est cette parenté, ce partage des mêmes valeurs.
23:34Là, Trump est passé dans un autre monde,
23:38sur un plan beaucoup plus essentiel que les intérêts.
23:42C'est un homme qui résonne avant tout en business, etc.
23:46Mais en réalité, il y a aussi ce côté-là chez lui qui est très préoccupant
23:50et qui correspond, comme je l'ai dit tout à l'heure, à la crise de la démocratie libérale
23:57et dont Vance risque d'être un exemple encore plus achevé que Trump.
24:04Et c'est là-dessus, je crois, qu'il y a...
24:07C'est une des raisons de la convergence entre les autoritaires,
24:12entre les nouveaux autoritaires, entre Xi, Trump, peut-être Modi.
24:16Mais c'est un monde dans lequel les vieilles démocraties libérales européennes
24:22apparaissent désuètes, dépassées, voire méritent d'être châtiées et en tous les cas exploitées.
24:30Nos Européens, on a des soucis à se faire, Margerie Payon ?
24:33On n'existe pas pour eux, au moins, on peut...
24:36Sur la question du business, en l'occurrence, pour pouvoir faire du business,
24:39il faut être plusieurs.
24:42Alors, pour que ça intéresse Vladimir Poutine et Donald Trump directement, c'est une chose.
24:47Maintenant, est-ce que les grandes entreprises américaines, sous le fait des sanctions économiques,
24:51ont réellement envie de revenir en Russie ?
24:53L'université de Yale a fait une étude assez intéressante.
24:56Ils ont pris un panel de 1500 entreprises internationales,
24:59donc entreprises européennes, américaines, asiatiques,
25:02et ils se sont aperçus qu'il y a 50 nuances de comportement vis-à-vis de ces sanctions économiques.
25:09En l'occurrence, pour les entreprises américaines,
25:12une des entreprises préférées de Donald Trump, McDonald's, pour ne pas la citer,
25:15a, elle, choisi de se retirer complètement de la Russie,
25:18à partir du moment où les sanctions ont été prononcées,
25:21et de vendre ses actifs de restaurant à des entreprises russes sur place.
25:25Il n'est pas dit du tout aujourd'hui, encore une fois, que ces grandes entreprises
25:27aient envie de réinvestir le territoire russe, d'abord parce que les taux d'intérêt sont à plus de 21%,
25:32parce que la classe moyenne, qui est leur base de consommateurs, s'est effondrée littéralement,
25:37et parce que, encore une fois, en matière de business, il n'y a pas que de l'amour, il faut des preuves d'amour.
25:42La Russie, ça pèse moins économiquement que l'Italie pour les américains,
25:45donc la raison économique n'est pas la principale raison,
25:48même s'il y a les ressources naturelles qui intéressent éventuellement certaines entreprises,
25:52mais ce n'est pas l'économie qui est l'essentiel.
25:54Il y a une fascination, en tout cas un intérêt, comme vous le disiez, de Trump pour la Russie depuis longtemps,
26:00depuis, au fond, les années 80,
26:02mais il y a quelque chose de particulier aussi autour...
26:04Il y a eu une longue enquête d'un procureur indépendant pendant deux ans aux Etats-Unis,
26:08après l'élection de 2016, pour enquêter, pour vérifier s'il n'était pas un agent russe,
26:12s'il n'était pas un pantin de la Russie,
26:14et la conclusion, c'est que non, il n'était pas un agent russe,
26:17donc tout a été fouillé.
26:19Mais il y a en plus quelque chose d'une fascination de Trump pour le personnage de Poutine,
26:24qui est très particulier, parce que c'est un homme de force,
26:27parce que c'est un homme qui en impose,
26:29et ça, pour Donald Trump, c'est une qualité suprême.
26:33Je me souviens d'un moment important qui était un sommet qu'ils ont fait à Helsinki à l'été 2018,
26:40donc Trump-Poutine,
26:42et ils étaient interrogés par un journaliste américain,
26:45ils sont interrogés par un journaliste américain,
26:47qui, justement, disent, répètent,
26:49les agences de renseignement américaines ont établi
26:52qu'il y a eu des interférences russes dans l'élection américaine.
26:54Ça ne veut pas dire que c'est pour ça que Trump a été élu, mais il y a eu des interférences.
26:57Et là, Trump désavoue ses agences de renseignement américaines
27:01pour donner raison à Poutine à côté de lui.
27:03C'était une humiliation totale pour les agences de renseignement américaines,
27:06une humiliation totale pour l'Amérique,
27:08et il a préféré, d'une certaine manière, faire plaisir à Poutine à côté de lui,
27:11que de reconnaître ce que disaient ses agences de renseignement.
27:15Que peut faire l'Europe face à ces deux personnages que l'on vient de décrire ?
27:18On va en débattre dans un instant.
27:20RTL
27:21On refait le monde
27:23Avec Yves Calvi
27:25Yves Calvi
27:26On refait le monde jusqu'à 20h sur RTL
27:29Avec nos invités Marjorie Payon, Philippe Corbet, Michel Duclos et Régis Janté,
27:33une des questions qu'on doit se poser ce soir, Michel Duclos,
27:37c'est face à ce rapprochement, que peut faire l'Europe ?
27:40L'Europe, si vous voulez, peut raisonner en termes de plan A, plan B, plan C.
27:46Le plan A, c'est ce que Macron, Starmer et d'autres vont essayer de faire,
27:50c'est-à-dire de limiter les dégâts.
27:53Si il y a un armistice qui intervient,
27:57que ce soit le moins mauvais possible pour l'Ukraine et donc pour la sécurité européenne.
28:02Mais là, il faut bien dire quand même que ce n'est pas gagné,
28:05parce qu'il n'est pas sûr du tout que Poutine n'en demande pas encore plus,
28:10et que même Trump finisse par dire que c'est trop.
28:15Le plan B, ce serait, en cas de défaillance américaine,
28:19soit qu'ils aient lâché l'Ukraine,
28:22soit que, ce qui est très possible,
28:24Trump, devant la résistance de Poutine, passe à autre chose et oublie ce dossier,
28:29ce serait de soutenir l'Ukraine.
28:32Mais est-ce que l'Europe peut se substituer aux États-Unis dans le soutien à l'Ukraine ?
28:37Certainement pas très longtemps,
28:39et ce n'est pas sûr que ce plan B soit très très réaliste.
28:43Reste le plan C, qui est de s'organiser,
28:47enfin, en matière de défense en tous les cas,
28:50comme si les États-Unis n'étaient plus là,
28:53parce qu'on voit bien que, d'une manière ou d'une autre,
28:55ils sont en train de se désengager, à vitesse grand V, de l'Europe.
29:01Et là, c'est d'où l'importance des propos tenus par Merz,
29:06c'est-à-dire la prise de conscience en Europe
29:10de ce qu'on pourrait appeler la solitude stratégique des Européens.
29:14Et Merz a dit carrément qu'il y avait maintenant deux fronts,
29:18il y avait deux fronts, le front russe et le front américain.
29:21Là, il a été extrêmement fort.
29:24Et si on fait tous ce constat,
29:28et je crois que les dirigeants européens sont obligés de le faire,
29:32il n'y a pas d'autre voie possible que de s'organiser entre Européens en matière de défense.
29:37Ça va prendre des années, ça va demander des efforts considérables,
29:41mais c'est un peu la seule façon de se faire respecter,
29:46de se faire respecter de Poutine, de Moscou et de Washington.
29:50Et j'ajouterais peut-être aussi du reste du monde,
29:53parce que le Sud global, qui compte de plus en plus,
29:56je l'ai dit tout à l'heure, il ne faut pas se faire d'illusions sur la toute-puissance américaine,
30:00le Sud global assiste à tout cela en spectateur,
30:05et ne nous respectera que dans la mesure où on est capable de prendre notre destin en main.
30:10Régis Janté, vu de Russie, ça existe l'Europe ?
30:15Oui, ça existe beaucoup, et avec une vieille intention de la contrôler.
30:21C'était Staline qui voulait contrôler l'Europe.
30:24C'est aussi ces documents qui avaient été déclassifiés, souvenez-vous, à l'époque d'Eltsine.
30:29Eltsine demandant à Clinton, donne-moi l'Europe.
30:32Et donc c'est quand même quelque chose qui est inscrit dans le temps,
30:35donc ce n'est pas une lubie de Poutine,
30:37et c'est quelque chose qui a sans doute à voir avec la perception stratégique de la Russie.
30:41La majorité payante, les Etats-Unis votent avec la Russie, refusant de soutenir l'Ukraine à l'ONU.
30:45Bon, ça nous dit le climat du moment, et cette étrange période qu'on traverse.
30:50Alors, on a mis les plans qui déroulent sans accrocs, sauf que c'est 2025,
30:53et qu'il faut s'attendre à ce qu'il y en ait des accrocs.
30:55Par contre, il y a une question de timing qui est très importante.
30:58D'abord, parce que dans la tête de Vladimir Poutine et des Russes,
31:00et de ce point de vue-là, ils sont assez similaires à ce que peuvent penser les Chinois,
31:05la deadline est à très long terme.
31:08Ce que veut Vladimir Poutine, c'est revenir à la table des grands leaders internationaux,
31:12c'est que les sanctions économiques s'arrêtent en Russie,
31:15et c'est pouvoir être réinvesti au sein du G7.
31:18Ce que veut Donald Trump, c'est d'abord passer le cap de ces 100 jours,
31:22ça nous amène à fin avril en l'occurrence,
31:24ça va être au même moment où Friedrich Merz va pouvoir annoncer un gouvernement de coalition en Allemagne,
31:31donc on voit ces semaines qui vont se dérouler.
31:34Et ce que veut Donald Trump, c'est montrer qu'il a, sur sa tout douce,
31:37coché le maximum de cases possibles pour que ses supporters et supportrices
31:41veuillent bien lui redonner une majorité en 2026.
31:45Donc on est sur des timings qui ne sont pas tout à fait les mêmes,
31:47et quand justement on se dit qu'il va falloir peut-être plusieurs années à l'Europe
31:51pour pouvoir mobiliser les fonds nécessaires à construire leur défense,
31:54on se demande si on a encore le temps de le faire.
31:57Le Premier ministre britannique demande la plus forte augmentation prolongée
32:00des dépenses de défense depuis la fin de la guerre froide. Il a raison ?
32:03Il a raison, mais on y est prêts, nous ? On est prêts à passer à deux et demi ?
32:06Vous vous rendez compte ce que ça veut dire ?
32:08C'est faramineux.
32:09C'est faramineux, ça veut dire faire des choix, ça veut dire on renonce à quoi ?
32:12On fait une nouvelle réforme des retraites qui serait extrêmement brutale
32:16pour pouvoir financer des efforts de défense ?
32:18Est-ce qu'on diminue le service public ?
32:21Voilà, c'est un choix.
32:22Il y a un autre choix vertigineux qui a été évoqué à l'instant par Michel Duclos.
32:25Si on suit la logique de ce que dit Friedrich Merz, le futur chancelier allemand,
32:29qui parle d'indépendance vis-à-vis des Etats-Unis,
32:32les Britanniques ont l'arme nucléaire, les Français ont l'arme nucléaire,
32:35nous sommes les seuls en Europe.
32:36Est-ce qu'il faut garantir, d'une certaine manière,
32:39la protection d'autres pays en Europe, de l'Allemagne, de l'Est de l'Europe,
32:43avec nos armes nucléaires à nous ?
32:44C'est une question très compliquée, très complexe,
32:47qui ne va pas se régler en un quart d'heure.
32:48Ça ne va pas de soi ? Est-ce qu'il n'y a pas un sous-entendu européen autour de ça ?
32:51Je pense qu'il y a une bonne partie des Français qui nous écoutent,
32:54qui considèrent qu'il n'est pas acceptable que notre puissance,
32:59qui est liée notamment à notre maîtrise de la puissance nucléaire,
33:03soit partagée avec certains autres pays, notamment l'Allemagne.
33:07Ce n'est pas une question évidente.
33:08Et si les Européens allaient vers là, ce sont des choix qui doivent être faits,
33:12et peut-être même des choix de nature politique intérieure très importants,
33:16à trancher dans une élection présidentielle, par exemple.
33:18Et on a justement un exemple avec Keir Starmer, encore une fois,
33:21tout à l'heure dans sa conférence de presse,
33:22qui, pour augmenter les dépenses de défense à 2,5% du PIB d'ici 2027,
33:27c'est accéléré, dit qu'il va falloir couper, en l'occurrence, dans l'aide internationale britannique.
33:31Donc ça veut dire que des associations, des ONG,
33:35ne seront peut-être plus financées de la même façon par le Royaume-Uni.
33:38Ça nous donne peut-être un canevas pour savoir où faire des coupes
33:41si on devait faire la même chose.
33:42Quel regard Poutine a-t-il sur notre situation en ce moment, Régis Janté ?
33:48Je crois qu'il a l'impression, on ne le sait pas bien,
33:51mais on voit quand même en creux de ce qu'il dit,
33:53qu'il a l'impression que l'Europe est plus faible que jamais.
33:56Mais ça, ce n'est pas d'hier qu'il a cette idée et qu'il avait raison
34:01et qu'il est peut-être en train de l'emporter.
34:04Mais en même temps, il a dû être surpris, je crois, comme tout le monde.
34:07On le sait d'ailleurs par le fait que, tout de même,
34:09l'invasion à grande échelle de l'Ukraine à partir de février 2022
34:13a fait que l'Europe a fait des choses que personne n'imaginait qu'elle fasse.
34:16On l'a vu dans d'autres domaines.
34:18Souvenez-vous de la réaction au Covid, par exemple.
34:20Et donc, c'est aussi ça qui reste quand même une inconnue pour les temps à venir.
34:24C'est peut-être que l'Europe sera capable de se réveiller.
34:26Ça va être extrêmement douloureux à tous les niveaux, budgétaire, politique.
34:31On a plein de divisions.
34:32Mais c'est peut-être à ce prix-là que la souveraineté, justement,
34:35de nos États, en dynamique avec les autres États européens,
34:39pourra être sauvegardée.
34:41Merci infiniment à vous quatre,
34:43Marjorie Payon, Philippe Cormet, Michel Duclos et Régis Janté
34:46d'avoir participé à cette émission.
34:48Les petits matins et la matinale d'RTL se feront en direct du Salon de l'Agriculture demain.
34:53Il est invité à 7h40.
34:54Ce sera notre ancien Premier ministre Michel Barnier.
34:56Ce sera sa première prise de parole depuis son départ.