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Retraité depuis 2017, l’ancien présentateur des JT et de Tout le Sport sur France Télévisions est atteint d’une neuropathie et publie « Le jour où j’ai réappris à marcher » aux éditions du Rocher.

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Transcription
00:00Bonjour Henri Sagné, merci d'être avec nous. Le jour où j'ai réappris à marcher. C'était le titre de votre ouvrage
00:06publié aux éditions du Rocher. Vous souffrez d'une maladie orpheline
00:09diagnostiquée en 2020 et dont je n'arrive pas à prononcer le nom.
00:12Moi non plus, mais j'ai toujours un petit papier avec moi, c'est une polyradiculonevrite chronique.
00:17Alors le mot est barbare, mais ce qui me gêne c'est chronique, parce que chronique ça veut dire que
00:21ça ne se guérit pas. Je vais avoir du mal à m'en débarrasser.
00:23Tout est parti d'un accident de vélo, vous êtes hospitalisé, soigné, et là on vous annonce que vous êtes atteint d'une neuropathie
00:30qui vous a cloué dans un fauteuil roulant pendant des mois.
00:33Impossible de marcher, totalement paralysé, qu'est-ce qui s'est passé ?
00:36Totalement paralysé, allongé, médicalisé, et voilà.
00:39Et on se retrouve toujours au lendemain dans ce genre de situation.
00:41Et comment on vit ça dans sa tête ?
00:43On le vit mal, mais on ne le dit pas.
00:45Moi je ne me regardais pas dans la glace par exemple.
00:47Moi j'ai des vieux réflexes avant de passer en plateau.
00:49On se maquillait et tout.
00:51Et là, j'avais perdu 14 kilos d'un seul coup.
00:54J'étais verdâtre.
00:56Et alors là, je fermais les yeux, je me dis écoute Henri, ne pense pas à cette situation.
01:00Réfléchis et revois les grands moments que tu as vécus dans ta vie de journaliste et dans ta vie personnelle.
01:05Et là, ça allait beaucoup mieux.
01:06C'est ça qui vous a aidé ?
01:07Complètement. Moi je suis un grand rêveur.
01:09Et ça m'a aidé.
01:10Le moindre geste du quotidien était impossible.
01:13Et vous rendez hommage dans votre livre à votre épouse.
01:16Elle est devenue aidante du jour au lendemain, et aidante d'un malade pas toujours sympa.
01:21Vous le reconnaissez ?
01:22Pas simple, parce que moi je n'ai jamais été malade de ma vie.
01:25J'ai été allé une fois à l'hôpital à 7 ans pour l'appendicite.
01:28Et depuis, je n'étais pas malade.
01:30Et là, quand on est malade, on est très exigeant.
01:33Je m'en suis rendu compte.
01:34Mais je ne le savais pas.
01:36Et elle était là, très dispo tout le temps.
01:38Et je ne voulais pas d'une tierce personne à la maison.
01:40Vous vouliez que ce soit votre femme ?
01:42Ah oui, je voulais que ce soit ma femme.
01:43Et elle l'a fait jusqu'au bout.
01:44Elle a fait une déprime au milieu.
01:46Et puis à la fin, il a suffi qu'elle écrive un petit truc dans mon bouquin
01:49pour que je me rende compte de sa disponibilité et de ce qu'elle faisait.
01:53Moi je dis respect.
01:54Oui, on dit respect.
01:55Parlez-nous de ce jour où vous avez réappris à marcher.
01:58Comment ça s'est passé ?
01:59Bah bêtement.
02:00C'est-à-dire que j'allais à l'hôpital de la pitié salpêtrière à Paris.
02:04Et on m'enlève mon sang d'un côté, le plasma au milieu.
02:08On me réinjecte mon sang.
02:09Et j'ai un plasma tout neuf.
02:10Parce que dans le plasma, il y a des petites bébêtes qu'on appelle des anticorps.
02:15J'oublie toujours ça.
02:16Et les anticorps, au lieu de me protéger, ils m'attaquaient continuellement.
02:19Donc on est obligé de vider le plasma et de remettre un plasma tout neuf.
02:22Et ça, vous le faites régulièrement ?
02:23Je le fais.
02:24Je le fais encore cet après-midi d'ailleurs.
02:26Donc, à quel moment vous vous levez et vous faites quelques pas ?
02:29Au bout de 3 ou 4 traitements de plasmapherèse, comme ils appellent ça,
02:34j'ai senti que j'avais des fourmis dans les jambes.
02:37Alors que là, je n'avais pas beaucoup de fourmis avant.
02:39Je vais vous dire, ça ne marchait pas du tout.
02:41Et j'ai fait 3 pas.
02:42Une nuit, j'ai fait 3 pas pour aller chercher un médicament.
02:45Et je ne voulais pas réveiller ma femme qui était à l'étage.
02:47Je me suis dit, je vais y aller.
02:49Je me suis accroché au meuble.
02:50Et le lendemain, je me suis dit, je dois être capable de le refaire.
02:52J'ai fait 5 pas.
02:536 pas le surlendemain.
02:54Et mes petits-enfants étaient là.
02:55Ils m'ont applaudi.
02:56Là, j'ai fondu en larmes.
02:57Et c'était le début d'une belle aventure.
02:59Et aujourd'hui, vous marchez très bien.
03:01Oui, à peu près.
03:02Pas terrible.
03:03Le matin, je suis un peu hésitant encore.
03:04Comment allez-vous ?
03:05Ça va.
03:06Dans ma tête.
03:07Vous savez, l'essentiel, c'est la tête.
03:08C'est le moral.
03:09C'est ce que j'explique dans ce bouquin.
03:10Je n'ai pas fait un bouquin pour parler de moi et de mes exploits ou mes aventures.
03:14J'ai fait ça pour donner de l'espoir à tous les gens qui m'écrivent.
03:17Je reçois énormément de mails.
03:18Je reçois dans ma mairie énormément de courriers.
03:21Parce que vous êtes toujours maire.
03:22Je suis toujours maire.
03:23Vous n'allez jamais arrêter cette activité.
03:24Depuis 49 ans.
03:25Je suis un afro-cumulaire.
03:26J'étais maire à 23 ans.
03:28Et donc, je me suis dit qu'il fallait leur répondre à ces gens-là.
03:31Je ne suis pas tout bible.
03:32Je ne suis pas chirurgien.
03:33Mais je vais leur donner de l'espoir.
03:35Je suis quelqu'un qui est positif tout le temps.
03:37Et je continue de positiver en leur donnant des conseils.
03:40Qu'est-ce qu'ils vous disent, vos lecteurs, qui sont eux aussi malades ?
03:43Merci d'avoir écrit ça.
03:44Ça nous aide à tenir ?
03:45Oui, ça nous aide.
03:46C'est ce qu'ils disent.
03:47Là, j'ai fait beaucoup de dédicaces où j'étais il y a quelques jours.
03:49Et oui, ils viennent me voir comme si j'étais tout bible.
03:52Je ne dis surtout pas.
03:53Je dis, moi, je vous donne des conseils tout simples.
03:55Soyez bien dans votre tête.
03:56Positivez.
03:57Battez-vous.
03:58Voilà, moi, c'est ça.
03:59Mon slogan, c'est que ça.
04:00Et en plus, je ne suis pas écrivain.
04:01J'ai écrit ça d'une main légère.
04:03Mais si vous voulez, ils sont contents.
04:05Ils repartent heureux.
04:06Vous n'êtes pas écrivain.
04:07Mais est-ce que ça vous a donné envie d'écrire par la suite ?
04:09Oui.
04:10Alors, on m'avait demandé d'écrire ma vie, mon œuvre.
04:12J'ai dit, ça m'emmerde.
04:13Je le ferai pour mes enfants un jour.
04:14Mais je ne vais pas ennuyer les anciens téléspectateurs.
04:17Mais j'ai envie d'écrire un roman.
04:19Vous avez le thème ?
04:21J'ai commencé.
04:22L'autre fois, je rentrais de Guadeloupe en avion.
04:24Et pendant huit heures, c'est long.
04:25Et je me suis dit, je vais écrire.
04:26Et je suis parti.
04:27J'ai écrit une préface.
04:28J'ai écrit des trucs.
04:29Vous écrivez sur quoi ?
04:31Surtout.
04:32Surtout.
04:33Sur rien.
04:34Je ne vais pas vous le dire.
04:35Je ne sais pas encore.
04:36Mais là, je planais complètement.
04:37Et quand on plane, on écrit facilement.
04:39Vous dites, je ne vais pas écrire un livre sur ma carrière.
04:41Et pourtant, il y aurait des choses à dire.
04:43Vous avez été présentateur du 20h et du 13h d'antenne depuis France 2.
04:47Créateur du 19-20 sur FR3 à l'époque.
04:49Présentateur du soir 3 de l'émission Tout le sport.
04:51Commentateur du Tour de France.
04:53J'ai tout fait sauf que les matins.
04:54Je ne suis pas du matin.
04:55On m'en avait proposé.
04:56Mais j'ai dit non.
04:57Je ne peux pas.
04:58Qu'est-ce que vous avez préféré dans tout ça ?
04:59Le 20h de la 2.
05:01Le 20h dans la 2, c'était un vrai challenge.
05:04Et puis, j'ai fait mon premier 20h le jour de mes 40 ans.
05:07Le jour de mon anniversaire avec comme parrain Alain Delon.
05:11Et moi, c'est quelque chose que je n'oublierai jamais.
05:13Delon ne me connaissait pas.
05:14Il ne voulait pas le faire.
05:15Alors, certains de mes amis qui étaient déjà dans la place l'ont convaincu.
05:18Et j'ai fait un canard super punchy et tout.
05:22Il est en train de révolutionner la télé.
05:25J'arrivais en marchant.
05:26Je disais coucou.
05:27Le générique partait.
05:28Je revenais derrière.
05:29C'était très moderne pour l'époque.
05:30Oui, c'était très moderne.
05:31Et je n'avais pas de cravate et tout.
05:32J'ai dû en mettre une parce que ça n'allait pas du tout.
05:34On m'a dit qu'il fallait mettre une cravate.
05:36Bon, alors, j'y suis allé.
05:37Et puis, j'ai fait ça.
05:38J'ai fait le mur de Berlin avec Willy Brandt.
05:40J'ai fait les élections américaines.
05:42La chute de Ceausescu en direct alors que les balles sifflaient encore.
05:46Vraiment, j'ai vécu des moments, moi, grandioses.
05:49Et puis après, je les ai vécues en sport aussi.
05:51Qu'est-ce que vous avez ressenti, à l'inverse, en présentant votre toute dernière émission ?
05:57C'était le 7 septembre 2017.
05:59C'est toujours le 7 septembre.
06:01Moi, le 7 septembre, c'est le jour de mon anniversaire.
06:03Donc, j'ai fait mon premier 20 heures le 7 septembre.
06:06Je ne suis plus 87, je crois, ou 89.
06:09Et puis, j'ai fait ma dernière émission le 7 septembre 2017.
06:12C'était voulu, j'imagine.
06:13C'était voulu.
06:14La direction est très sympa et a cédé à mon caprice.
06:17Et c'était avec beaucoup de tristesse, de nostalgie ?
06:19Non, il y a de la nostalgie, de la tristesse.
06:21Mais non, il faut savoir s'arrêter.
06:23Il y avait un cap qu'on n'a pas le droit de franchir sur France Télévisions.
06:26C'est 70 ans.
06:28Moi, j'étais journaliste.
06:29Et on peut aller jusqu'à 70 ans.
06:31Je suis allé à 70 ans.
06:32Si on m'avait dit c'est 80, je serais allé à 80.
06:34Mais peu importe.
06:35Moi, je n'en veux à personne.
06:36Moi, j'ai respecté la loi qui est la nôtre.
06:38Est-ce que vous avez eu peur, Henri Sagné, d'être oublié du public ?
06:41Non, on est…
06:42Oui, j'ai eu peur.
06:43Je ne vivais pas que grâce à ça.
06:45Moi, je vais vous dire.
06:46Je faisais de la télévision.
06:48Et dans mon village, les gens m'appellent tous Riton.
06:50Ils me tapent dans le dos.
06:51Ça n'a rien à voir.
06:52Mais non, les gens sont restés très fidèles.
06:54C'est ça qui est marrant.
06:55Parce que moi, je me suis dit ça y est, c'est fini.
06:57Il n'y a plus de télé.
06:58Alors, je continue d'être intoxiqué en regardant la télé, en écoutant la radio et tout.
07:02Je suis resté journaliste dans l'âme.
07:04De temps en temps, je fais des cauchemars.
07:05Je pense que j'ai mon prompteur qui tombe en hade au milieu du journal.
07:08Ah, vous vous voyez toujours présentateur du JT ?
07:10Ah, toujours, toujours.
07:11Oui, j'ai toujours ça.
07:12Ou alors, j'ai perdu mes notes en commentant le Tour de France.
07:14Et je ne reconnais pas le coureur.
07:15Et là, c'est très dur.
07:18Non, mais les gens continuent d'être sympas.
07:21Les gens d'une certaine génération.
07:23Maintenant, les jeunes, ils me connaissent au sport.
07:25Alors, ils me tapent dans le dos.
07:26Mais pour le sport, j'ai fait autre chose avant aussi quand même.
07:29Mais ce n'est pas grave.
07:30On ne vous a pas oublié.
07:31Et je conseille vraiment ce livre qui est assez émouvant.
07:34Je vous remercie beaucoup, en tout cas, d'être venu nous en parler ce matin, Henri Sagné.
07:37C'était un plaisir pour moi.
07:38Partagez.
07:39Et la fidélité des spectateurs, donc il n'y a pas de problème.
07:41Et auditeurs, j'espère.
07:42Et auditeurs, et auditeurs.
07:43Et ce livre s'appelle Le jour où j'ai réappris à marcher, paru aux éditions du Rocher.
07:48Merci Céline Baydarcourt.

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