On a passé 30 minutes d'exception avec Jamel Debbouze, pour une immersion totale dans son univers, un moment sincère et drôle, mais aussi rempli de réflexion sur son parcours personnel.
Il partage ses fiertés, sa vision de la nouvelle génération, mais aussi les influences qui l'ont façonné dans ALL IN ✨
Mercato, actuellement, en salles 🎬
Il partage ses fiertés, sa vision de la nouvelle génération, mais aussi les influences qui l'ont façonné dans ALL IN ✨
Mercato, actuellement, en salles 🎬
Catégorie
🎥
Court métrageTranscription
00:00Mercato m'a fait penser à un de mes films préférés de ces dernières années qu'Uncut James.
00:05Ok, je fais le tour de la chaise parce que je suis content, d'accord ?
00:08Quand je suis content, je fais un truc, ça comme.
00:17Salut Djamel, on a plein de questions à te poser, certaines sont plus légères et d'autres un peu plus sérieuses.
00:23Est-ce que t'es prêt ? On y va ?
00:25Non mais là, je suis content là.
00:27Merci beaucoup Djamel d'être là.
00:28Moi pour commencer, j'avais une question par rapport à ton nouveau film Mercato,
00:31qui est donc une espèce de thriller, de fuite en avant, un truc un peu tendu.
00:34Il y a un truc qui m'intéresse beaucoup sur toi et ta carrière par rapport à ce film-là,
00:38c'est que les gens ne savent peut-être pas mais t'as commencé assez tôt à produire tes films.
00:41En tout cas à produire des films, parfois tu jouais dedans, peut-être non,
00:45mais il y a un truc comme ça qui est intéressant.
00:47Mercato, tu ne le produis pas mais t'es venu avec l'histoire.
00:50Comment ça s'est fait ? Est-ce que ça t'arrive souvent de dire j'ai envie de raconter cette histoire
00:53mais je ne sais pas comment faire ? Je trouve ça fou de cette démarche-là.
00:56Oui, bien sûr. Mercato, c'est presque une idée de tiroir.
01:00Ce qu'on appelle une idée de tiroir, c'est un fantasme que tu mets dans un tiroir.
01:04Tu te dis, on a tous envie de faire un film sur le foot,
01:07on a tous des envies plus ou moins atteignables.
01:12Et là, le foot, c'est vrai que c'est très difficile à filmer, c'est très compliqué.
01:16Personne ne fera mieux que TF1 sur le foot.
01:18Il a fallu que je rencontre Alain Goldman, le producteur de Casino, de La Môme,
01:22qui m'a dit, viens, faisons-le, ça m'excite.
01:24Et puis, je pense que je peux présenter des gens compétents pour le faire.
01:27Il y a eu les scénaristes tout de suite, Olivier Demangel, Thomas Finkielkraut,
01:31et très vite, Tristan Seguéla.
01:33Ça s'est fait au gré des rencontres, quasiment, ce projet.
01:37Au départ, on n'a pas très envie d'y aller sur le foot.
01:41C'est assez repoussoir pour les auteurs et pour les réalisateurs.
01:45C'est vraiment une envie forte de la part de deux personnes
01:48qui vont aller chercher deux autres personnes,
01:50qui, eux, vont aller chercher dix autres personnes.
01:52Et le fait de produire, de venir avec des histoires comme ça,
01:55est-ce que c'est aussi une manière pour toi, pas d'être plus en contrôle,
01:59mais de s'assurer vraiment de ce qu'on peut raconter ?
02:02Oui, tout à fait.
02:03Pour moi, produire, c'est vraiment s'assurer que l'idée soit plus proche
02:07de ce que tu as dans la tronche.
02:09Et aller chercher des gens susceptibles de t'aider,
02:12C'est ça, produire.
02:13C'est être un super RH.
02:16Non, mais c'est vrai, hein.
02:18Aller voir les meilleures ressources humaines possibles, imaginables,
02:21pour que l'idée voie le jour, tu vois.
02:23Ouais, et en même temps, quand tu aides un peu financièrement Spike Lee
02:27pour She Hate Me, quand tu vas aider sur la production d'Hors-la-Loi,
02:31ou même, prochainement, il y a un film qui sort qui s'appelle Zion,
02:34si je ne me trompe pas.
02:35Ça, c'est une autre démarche.
02:35C'est une autre démarche, ouais.
02:36C'est une autre démarche, ouais.
02:37C'est une autre démarche, ouais.
02:38C'est une autre démarche, ouais.
02:39C'est une autre démarche, ouais.
02:40En fait, est-ce qu'il n'y a pas aussi une manière,
02:42et moi, je trouve ça assez louable,
02:43de permettre à certains artistes de pouvoir prendre la parole
02:46sur des sujets qu'on ne voit pas souvent ?
02:47Tout à fait.
02:48C'est ça, le moteur premier.
02:50Que ce soit, puisque nous sommes nés, le docu que j'ai pu faire au Brésil,
02:53que ce soit, alors, évidemment, Hors-la-Loi Indigène,
02:56c'est encore une autre démarche, c'est plutôt,
02:59c'était pour raconter à la France qu'on faisait partie de l'histoire commune,
03:03tu vois, c'était important dans le devoir de mémoire.
03:05Et puis, Zion, c'est une autre démarche.
03:08Et puis, Zion, c'est parce que j'étais extrêmement sensible
03:12à la jeunesse qui souffre dans les dom-toms,
03:14et que j'ai rencontré Nelson Foy,
03:17qui m'a terriblement touché avec son court-métrage.
03:20Je l'ai regardé sur un téléphone,
03:22ça m'a tellement percuté que je me suis dit,
03:25je te suis, ou que t'ailles.
03:26Et si t'as envie de raconter ça, ça sera compliqué,
03:29mais je te jure, on le fera ensemble.
03:30Quand je fais ça, c'est plus par conscience politique, parfois,
03:33ou par juste envie d'aider un autre artiste auquel je crois.
03:37Tu te sens un peu une forme de responsabilité aussi, quoi ?
03:40Quand t'as envie de mettre un sujet ou un propos ou un artiste en lumière,
03:44ouais, c'est une sorte de responsabilité.
03:45On l'a fait avec moi, et de la plus belle des manières.
03:47Quand Jean-François Bizeau s'intéresse à moi, à Radio Nova,
03:51d'un coup, ça met un peu de lumière,
03:53et puis c'est grâce à ça que Canal+, s'est intéressé à moi,
03:55et c'est grâce à ça, aujourd'hui, que je réponds à tes questions,
03:57et que moi, à mon tour, j'ai pu traîner dans mon sillon plein de gens, tu vois.
04:01On vient de la rue, on vient des associations,
04:03on vient de la solidarité, on vient de la famille nombreuse.
04:06On fait ce qu'on a toujours fait avec nous, c'est-à-dire
04:09essayer de mettre en lumière les choses les plus importantes pour notre espace commun, tu vois.
04:14Tu disais que le court-métrage de Nelson Foy, tu l'avais vu sur ton iPhone.
04:18Moi, j'avais une question sur ça, justement.
04:20Est-ce que, toi, tu pourrais regarder un grand film ?
04:23Disons, si je prends certains de tes films préférés que tu nous avais cités dans nos vidéoclubs,
04:26Avatar ou Scarface, sur un iPhone.
04:29Est-ce que tu pourrais les découvrir ?
04:30Est-ce qu'on peut découvrir des grands films sur des tout petits écrans ?
04:32Ah, c'est dommage.
04:33Tu trouves ?
04:34Vraiment dommage.
04:35On peut grignoter des petits trucs.
04:37Tu vois, moi, j'aime bien scroller, j'adore ça.
04:39Et puis, tu sais, au bout d'un moment, quand j'ai mal au doigt, je fais putain, ça suffit, tu vois.
04:44Mais je peux me laisser aller sans problème à regarder des petits formats sur un petit écran
04:48parce que ça se consomme comme ça.
04:50Mais quand on a eu affaire à des grands films,
04:52quand l'accessoiriste s'est pris la tête pour mettre la feuille au bon endroit
04:56pour que cette scène prenne corps, alors que cette feuille, elle n'a aucune importance.
05:03Pourtant, ce détail-là, ce souci du détail, il est important d'abord à respecter.
05:09Mais au-delà de ça, un grand écran, c'est fait pour ça.
05:13C'est fait pour les grands films à spectacle.
05:14C'est fait pour le cinéma et le cinéma doit être vu sur un grand écran.
05:20Pour moi, on y perd beaucoup à regarder ça sur un petit écran, c'est évident.
05:23Ouais, mais tu vois, Mercato m'a fait penser à un de mes films préférés de ces dernières années
05:27qu'Uncut James.
05:29Je fais le tour de la chaise parce que je suis content, d'accord ?
05:32Quand je suis content, je fais un truc comme ça.
05:35Uncut James a un film exceptionnel, Les Frères Sabdi,
05:38qui est sorti directement sur Netflix et qu'on n'a pas pu voir sur grand écran.
05:40Oui, c'est vrai.
05:41Tu vois, moi, j'ai pu le découvrir sur ma télé et en fait...
05:44Alors, la télévision, j'accepte.
05:46Ok.
05:47J'accepte la télé.
05:48Il y a quand même relativement de l'espace.
05:50Enfin, je suis un enfant de la télévision.
05:53J'ai vu la quasi-totalité des films sur la télévision, ça me va.
05:56Je te parlais sur le téléphone.
05:57Le téléphone, c'est carrément du gâchis.
05:59Il y a petit, il y a moyen et il y a grand écran.
06:00Oui, voilà.
06:01Uncut James, je l'ai regardé sur la télé.
06:03Évidemment, j'ai trouvé ça formidable,
06:05à tel point que j'avais envie de faire un truc qui ressemble à ça.
06:08Et Mercato, ça ressemble un peu à ça.
06:09Alors, ce qui a été formidable, c'est qu'Olivier, Tristan,
06:13toute l'équipe créatrice, on était tous raccords sur cette référence.
06:18On l'a trouvé super.
06:19Et puis Adam Sandler, tu vois, ça reste un comique qui fait un film romantique.
06:23Exactement.
06:24Tout était là, quoi, tu vois.
06:26Et on s'est dit, ouais, nous aussi, on peut faire un truc comme ça.
06:28Et c'est vrai que ça soit lui, Soderbergh, que ça soit Scorsese même.
06:31Alors, Goldman, c'est le producteur de Casino.
06:34C'est la classe incroyable.
06:35Ouais, c'est quand même incroyable, tu vois.
06:37Donc, on a été teinté, on était entouré de ça.
06:40On avait envie d'une couleur, d'un rythme et d'un propos différent.
06:45Juste pour clore sur ce chapitre-là.
06:46Excusez-moi, vous comprenez ce que je dis, il y a des stagiaires.
06:49Il y a des stagiaires.
06:50Ouais, ceux-là, ils me regardent avec les yeux aigris.
06:52Tu comprends quand je m'exprime ?
06:54Il faut qu'ils prennent des notes des films à regarder
06:55s'ils n'ont pas encore vu Casino ou Uncut James.
06:57Euh, Paulo.
07:00Pour conclure cet arc-là,
07:02tu disais que toi, t'as découvert beaucoup de grands films sur télé.
07:05Est-ce qu'il y a un film que tu regrettes de ne pas l'avoir découvert en salle ?
07:09King Kong.
07:10J'adore King Kong.
07:12Toi, tu parles de quel King Kong ?
07:12Celui des années 30 ou celui de Peter Jackson ?
07:14Celui de Peter Jackson.
07:15OK.
07:16Celui de Peter Jackson.
07:17Quand même, King Kong, ça se regarde sinon.
07:19J'ai regretté de l'avoir regardé.
07:21Le côté grand spectacle.
07:22Exactement.
07:23Non, mais je peux t'en citer beaucoup.
07:24Je peux t'en citer plein, évidemment.
07:26Tu sais, j'avais pas l'occasion d'aller au cinéma
07:28jusqu'à ce que je gagne bien ma vie, tu vois.
07:31Les films, on les regardait à la télévision
07:32et heureusement qu'il y avait la télévision.
07:34Après, je rate pas grand-chose aussi noche qu'il me plaît, en vrai.
07:38Ce qui est super aujourd'hui, c'est qu'on est averti longtemps avant.
07:41Il y a ça qui arrive, préparez-vous !
07:43Il y a ça qui arrive !
07:46Et on se dit putain, bon il y a ça aussi noche, on y va !
07:49T'as vu ça ? Ouais.
07:51On peut pas rater un film, que ce soit « Anatomie d'une chute »,
07:53« Parasite » ou, je sais pas moi, « Le dernier gladiateur ».
07:56Tu sais que c'est bien.
07:58Tu sais que tout le monde en a parlé.
08:00Tu sais qu'il y a quelque chose à aller voir.
08:01Tu sais que...
08:03Tu sais qu'il faut pas passer à côté.
08:05C'est intéressant parce qu'à côté de ça,
08:07moi, je sais que j'ai beaucoup de gens autour de moi qui ne comprennent pas
08:09le fait que moi, j'adore aller au cinéma.
08:12Ça me dérange pas du tout, même voire j'aime bien aller au cinéma solo.
08:15Tout seul.
08:16Et il y en a qui ne comprennent pas.
08:17Ah mais non, t'es fou toi.
08:19Mais c'est extraordinaire d'aller au cinéma tout seul.
08:21Ah !
08:21Oui, bien sûr.
08:22Bon, moi, j'ai pas la chance de pouvoir aller trop souvent au cinéma seul.
08:26Toujours entouré de gratteurs à qui je dois payer des places.
08:32Si je pouvais me débarrasser d'eux, ils courent plus vite que moi.
08:35Sinon, je dirais au cinéma très souvent seul.
08:39Ma femme, elle y va très souvent au cinéma seul.
08:41L'une des plus belles sensations, l'une des plus fortes que j'ai vécues,
08:44c'est un dimanche matin au cinéma,
08:49je rentre dans une salle et je ne sais pas ce que je vais voir.
08:52Ah ouais.
08:52Je ne sais pas ce que je vais voir.
08:54J'avais envie d'aller au cinoche et de me retrouver dans cette salle obscure.
08:57Et je rentre toujours par hasard.
08:58C'était à Odéon, je m'en rappellerai toujours.
09:00Je rentre, je m'installe et je ne sais pas ce que je vais voir.
09:03Et là, ça je le conseille à tout le monde,
09:07de ne pas se laisser prendre par une affiche, un résumé ou un pote qui te raconte.
09:14Il y a les vierges de tout, de tout, même pas du sujet ni du réel.
09:18Encore moins des acteurs.
09:19Tu rentres, tu t'installes et tu regardes un truc.
09:23Moi, j'ai eu beaucoup de chance.
09:24C'était la cité de Dieu.
09:26Mon frère, en plus, je l'ai pris de la meilleure des manières.
09:30Je ne m'attendais à rien.
09:31Et là, j'ai tout pris, quoi.
09:32Tu vois franchement, Fernando Mériès qui m'a mis une gifle internationale.
09:35D'ailleurs, j'ai tout fait pour tourner avec lui.
09:37Et t'as réussi.
09:39Et t'as réussi quelques années plus tard,
09:40grâce au fait d'avoir été au cinéma seul, tout seul.
09:43Est-ce que le fait justement que le temps passe,
09:46que tu as vu des nouvelles générations arriver,
09:48générations que t'as poussées, que t'as aidées,
09:49mais est-ce que justement au cinéma, ça t'a fait un peu parfois peur, justement ?
09:53C'est sérieux, là ?
09:56Je connais la réponse, je ne sais pas pourquoi j'aurais dû la poser.
09:58Je connais la réponse.
09:59Non, mais je...
10:00Non, mais en fait, Omar, on a vu Omar Sy la semaine dernière
10:03et il a eu la même réaction,
10:04mais je sais qu'il y a des acteurs et des actrices.
10:07Il a eu la même réaction que moi, Omar ?
10:08Non, un peu, oui.
10:09Normal.
10:10Non, mais tu sais pourquoi ?
10:11Je sais.
10:12Mais parce qu'on ne se sent pas du tout menacé par quoi que ce soit.
10:15Moi, je considère que tout le monde est unique.
10:16Je te jure, et ce n'est sans...
10:18Tu vois, ni je prends de la hauteur, ni de la distance, ni rien.
10:21Je le pense du fond du cœur.
10:23Tout le monde est unique et tout le monde a son truc à faire et à dire.
10:26Tout ça peut être extrêmement harmonieux.
10:28Après, s'il y a un mec d'un mètre soixante-sept,
10:31entre sept et soixante-quinze...
10:35Il y a un mec de ma taille qui arrive avec un bras dans la poche,
10:37aussi gosse beau qu'homme,
10:39aussi rapide et fluide, avec cette...
10:42Tu vois ?
10:43Cette vivacité dans le corps.
10:46Je m'en ferais un duo.
10:48Tu vois, j'essaierais de bosser avec lui.
10:50Mais en aucun cas, je me sentirais menacé
10:53parce que ça fait tellement longtemps qu'on est là, d'abord.
10:55Et puis, je te jure, je suis vraiment sincère.
10:57J'ai un sentiment que...
11:00Tu peux comparer l'art à l'océan,
11:03tu vois, sans faire de parallèles à deux balles.
11:06On a tous nos barques, nos bateaux, nos paquebots.
11:09Et pour autant, il y a toujours autant de place, bien sûr.
11:13En parlant de ta carrière,
11:16j'ai peut-être une idée préconçue.
11:18Bon, la vérité, si il y a un mec qui vient prendre ma place,
11:20je le mets dans un coffre.
11:21C'est ça que tu voulais que je fasse ?
11:22C'est bien ce que je me disais.
11:23Je le mets dans un coffre,
11:25sous cellophane,
11:26et puis je l'enverrai en Moldavie ou dans un pays très longtemps.
11:30J'appellerais Adam et Paolo pour qu'ils cachent le corps.
11:32T'es sûr qu'ils seraient capables de beaucoup t'aider ?
11:33Bien sûr, les stagiaires, là,
11:35je peux leur demander n'importe quoi, les pauvres, à cet âge-là.
11:38Quand tu vois des jeunes qui viennent te voir
11:40et qu'ils peuvent te parler,
11:42ce que je peux imaginer, et peut-être à tort,
11:43mais toujours des mêmes œuvres,
11:45de te parler de H, de Mission Cléopâtre et tout ça,
11:47est-ce qu'à un moment, c'est un peu blasant ?
11:49Ou toi, ça ne te touche pas, ça ?
11:50La chance que j'ai, c'est qu'ils ne me parlent pas toujours des mêmes œuvres.
11:53C'est vrai ?
11:53Ouais, j'ai la chance extraordinaire
11:57d'avoir touché plein de générations.
12:00Je m'en rends compte au fur et à mesure.
12:02Là, en présent, je le fais une Mercato aujourd'hui, par exemple.
12:04Et puis, il y a des gamins qui étaient dans la salle
12:05qui ont vu Pourquoi j'ai pas mangé mon père,
12:08le marsupilami, qui me sautent dessus.
12:09« C'est un marsupilami, tu le connais vraiment ? »
12:13Évidemment, il y a le père qui ne sait pas qui il est.
12:15« Ah, tu ne touches pas au mec de H. »
12:19Il y a le père et le fils qui viennent me voir pour des raisons différentes.
12:21Ça, c'est extrêmement touchant.
12:23Et puis, j'ai aussi évidemment des gens plus âgés,
12:27ou de mon âge, ou plus concernés par Indigène,
12:31parce qu'ils ont le sentiment qu'on a fait un film important.
12:34Et d'ailleurs, il a changé une loi, ce film.
12:36J'ai la scène. J'ai la scène et le Jamel Comedy Club.
12:39Et puis, il y a le public du Marrakech du Rire.
12:42Non, j'ai le sentiment, au contraire, d'avoir été tellement dans tous les sens
12:45que mon public est très éclectique et multigénérationnel.
12:50On ne parle pas...
12:51Évidemment, Astérix, ça revient régulièrement.
12:53Et H, ça revient régulièrement, c'est sûr.
12:55Ça passe sur Netflix en ce moment.
12:57Mais on ne me pose pas tout le temps les mêmes questions.
13:00Alors, par rapport à ça, est-ce qu'il y a quand même, malgré tout,
13:04un rôle, un film, une oeuvre dont tu es particulièrement fier
13:07et dont tu trouves qu'on ne t'en parle pas assez ?
13:09C'est bien ça comme question.
13:10Attends, je vais voir avec mon égo, je reviens dans une seconde.
13:14Qu'est-ce que j'ai fait dont on ne va pas suffisamment parler ?
13:16Un truc que je ne trouvais pas assez bien...
13:19Un des meilleurs trucs que j'ai fait,
13:21comme producteur, comme comédien, je trouve, c'est Inside.
13:25Inside Jamel Comedy Club.
13:26C'est une des choses les plus fortes socialement qu'on a pu créer ensemble.
13:31Et on m'en parle un petit peu, bien sûr,
13:32mais c'était relativement...
13:34Enfin, on ne l'a pas surexposé, ce truc, d'abord.
13:37Ah, c'est devenu culte ?
13:38Ouais, tu vois, on m'en parle comme ça de temps en temps.
13:41C'est vraiment la chose la plus intéressante,
13:45socialement, politiquement, humoristiquement, qu'on ait pu faire, je trouve.
13:50Et à une période où j'avais le sentiment
13:54qu'on pouvait absolument beaucoup plus s'exprimer.
13:58On était moins assujettis aux critiques, aux réseaux.
14:03Assujettis, les stagiaires, note.
14:06Assujettis.
14:08J'utilise des mots très compliqués, autant que tu...
14:12Comme ça, ça revient à quelque chose.
14:13Bah ouais, sinon ça...
14:15Moi, il y a un film dont on ne parle pas beaucoup,
14:16pour le coup, c'est le fait qu'on oublie,
14:18on oublie un peu trop souvent, moi, je trouve.
14:20T'as fait un film avec Agnès Gerouillet et Jean-Pierre Bacry.
14:24Parlez-moi de la pluie, c'était super.
14:25Et ça, c'est quand même un truc où pareil,
14:27ça, dans une carrière, avoir travaillé avec ces deux-là,
14:30c'est quand même pas rien.
14:31C'est les deux plus forts avec lesquels j'ai pu bosser, je pense.
14:37Les deux plus forts humainement, les deux plus forts politiquement,
14:42les plus sensés que je connaisse et qui avaient le souci
14:46de faire un cinéma chargé de bienveillance et de sollicitude pour le monde.
14:49Vraiment, ils se demandaient qu'est-ce qui pouvait toucher les gens,
14:52les faire marrer et nous faire avancer tous.
14:54Et ça, j'en ai pas beaucoup croisé, des gens comme ça.
14:57Et la grande chance, c'est que j'ai été élevé un peu par eux.
15:00Donc, j'espère avoir gardé aussi ça un peu.
15:02Faire tout ce qu'on fait, mais avec un peu de conscience
15:05et espérer que ça ait une résonance pour améliorer le monde,
15:11même si c'est un peu, tu vois.
15:12Non, mais c'est vrai, c'est ça qui faisait.
15:14Que ce soit Cuisine et Dépendance, Le Goût des Autres ou Parlez-moi de la pluie.
15:19Regarde, il y a un dénonateur commun là-dedans, c'est l'humanité.
15:21Et puis, c'est brosser un portrait de la société
15:23et mettre la lumière sur les traits qui nous dérangent.
15:26Tu vois, afin de nous améliorer.
15:28C'est ça que tu prends du plaisir à regarder tes défauts et tu kiffes.
15:32En parlant de ta carrière et le fait que tu as pu bosser avec des gens...
15:34Et tu changes, j'espère, pardon, excuse-moi.
15:35Non, t'inquiète pas, excuse-moi.
15:37Non, t'as quand même bossé avec des gens gigantesques, on vient d'en parler,
15:39tu vois, Merelles, Spike Lee, Chabab, Akri, Jaoui.
15:43Besson, Jeunet, vas-y, envoie, putain.
15:45C'est vrai, Jeunet, Besson, il y en a d'autres.
15:50Qui, selon toi, t'a peut-être le plus appris sur ton métier, sur ton art ?
15:55Franchement, si t'es pas con, si t'es dans une écoute active,
16:01quand tu travailles avec des gens aussi intéressants, aussi pleins que ça,
16:05tu prends, t'apprends tout le temps, de chacun.
16:07Il n'y a personne avec qui je ne suis pas parti.
16:09Il n'y a aucun réalisateur, aucune réalisatrice, aucun comédien ou comédienne,
16:12même auteur, scénariste à qui je n'ai pas pris quelque chose.
16:16Ouais, tous.
16:18Et avec plus ou moins de force.
16:20La chance que j'ai eue avec Agnès et Jean-Pierre,
16:21c'est que j'ai passé beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps avec eux.
16:24Tellement j'étais ami, on était quasiment de la même famille.
16:26Donc, il n'y a pas une semaine où je n'étais pas chez eux.
16:29J'ai beaucoup appris de l'art.
16:30Un mec comme Luc Besson, par exemple, il m'a fait travailler comme personne.
16:34Mais une seule scène.
16:36La seule scène qui, pour lui, était la plus importante du film.
16:40Celle où je me regarde dans un miroir et je me dis je t'aime.
16:42Il me l'a tellement fait bosser qu'il a fini par avoir ce qu'il voulait, cet enfoiré.
16:46Mais je me disais, pourquoi on ne bosse pas les autres ?
16:48Elles sont toutes aussi importantes ? Non.
16:50Celle-là était pour lui le climax du film, en tout cas dans sa tête.
16:54J'ai compris pourquoi il s'acharnait en voyant le film.
16:57Avant, j'avais l'impression d'être manipulé.
17:01Je peux te donner plein d'exemples comme ça.
17:04Rachid Bouchareb, il ne nous a pas du tout dirigés.
17:07Il a écrit un film tellement fort, les situations étaient tellement évidentes.
17:12Il y a des nazis en face de nous.
17:13Il faut les tuer ou se faire tuer.
17:17Tu es sur Monte Cassino.
17:19La montagne, elle est comme ça.
17:20Et si tu ne réussis pas à tuer les nazis, on perd l'Europe.
17:24Je sais ce que j'ai à faire.
17:28C'est clair et net.
17:30Je n'ai pas besoin de mettre en scène.
17:32Il nous met dans une situation telle qu'organiquement, on est obligé de vivre le truc.
17:36Franchement, j'ai appris avec chacun d'entre eux.
17:40Là où j'étais le plus bousculé, j'ai envie de te dire, c'est par Agnès Jaoui.
17:43Parce qu'elle a dû composer avec le macho qui était à l'intérieur.
17:50Il a fallu qu'elle me lisse un peu par endroits parce que j'étais un peu trop brut.
17:56Il a fallu que je force mon écoute pour comprendre pourquoi c'est plus sensible de le jouer comme ça que de le jouer comme ça.
18:04C'est avec une femme finalement que ça a été le plus enrichissant.
18:08Ce qui est intéressant, c'est que pour Mercato, on a interviewé Kalash qui joue pour la première fois dans un film.
18:13Et lui nous a dit que tu as eu un peu ce rôle-là avec lui, que tu as passé une soirée entière à le briefer, à lui donner son rôle, à en parler.
18:19Une nuit entière, il ne m'a pas lâché.
18:22Ce n'est pas moi qui l'ai... C'est lui, il est venu frapper à ma porte, tac, tac, tac, tac.
18:25Il est venu avec sa meuf, Clara.
18:26Ils sont assis et il m'a dit vas-y, on taffe.
18:30J'ai dit sérieux là, il est 20h, 20h30, on commence demain à 6h.
18:34Il a dit non, non, on taffe, on taffe là.
18:36J'ai dit mais on taffe, on taffe, on taffe là.
18:39Mais ça m'a touché parce qu'il voulait travailler, il voulait être juste, il ne voulait pas nous faire perdre une seconde, il voulait être bon.
18:47Et c'était important pour lui que cette première apparition, elle soit impactante.
18:52Et on a travaillé très longtemps.
18:56Franchement, pour cette petite scénette là, elle valait le coup parce qu'il a une présence incroyable.
19:02Parce que tu vois, il prend la lumière comme personne en plus, cet enfoiré, il est beau comme tout.
19:06Mais au-delà de ça, il était juste, vraiment juste.
19:09Ça m'a fait plaisir parce que j'ai eu le sentiment là de semer une graine.
19:15Oui, il l'a dit, que ça y est, il a des envies de cinéma encore plus qu'avant et que tu vois.
19:20Parce que ce qui est cool, c'est que moi, je l'imagine dans la vraie vie, pas du tout comme dans le film.
19:23Moi, quand même.
19:24Dans le film, il est violent, méchant, imposant, alors qu'il a l'air d'être extrêmement gentil.
19:29Et il est sillé d'une douceur extraordinaire.
19:31Il ne faut pas le chercher, je pense, parce que tu vois, il vient du bain d'eau.
19:35Les ghettos là-haut, ça ne rigole pas.
19:39Mais il est profondément humain, c'est un artiste.
19:41Tous les artistes ont une vraie douceur à l'intérieur.
19:44Ça peut être mélangé, mais le fond, il est bon tout le temps.
19:49On parlait tout à l'heure de comment tu regardais des films avec.
19:52Alors, je sais que dans ta famille, il y avait un vidéoclub, que ça t'a permis de regarder pas mal de films.
19:56Je me souviens de tout ça.
19:57Bah non, il y avait un vidéoclub à Trappes, ouais.
20:00Est-ce que tu avais quand même, malgré tout, quand tu as commencé ta carrière,
20:03des gens sur lesquels tu pouvais te projeter ?
20:05Des modèles, des gens qui représentaient quelque chose pour toi ?
20:10Bien sûr, il y en a eu plein, plein, plein.
20:12Je te les cite en vrac comme ça, mais ça va de NTM en passant par Khaled, Papa Wemba.
20:18Tu sais, c'est des gens qui venaient dans nos quartiers, qui chantaient, qui faisaient le tour du monde.
20:23Et on les a touchés organiquement, Lionel D, Dynasty.
20:27Et puis après, Nicolas Nelka, quand il est arrivé avec son survêtement de l'équipe de France,
20:30là, vraiment, ça a eu un impact considérable sur moi.
20:32Smaïn, ouais.
20:35Tu sais, c'est très con, l'exemplarité.
20:37C'est quelqu'un qui te ressemble ou qui parle de toi ou qui fait écho à ta vie.
20:41Et d'un coup, ça a une résonance extrêmement forte chez toi.
20:44Et tout dépend de ton énergie, mais soit t'as envie de faire comme lui ou elle,
20:48soit ça te booste pour quelque chose.
20:50C'est ça aussi la force d'un artiste, je trouve.
20:52C'est d'envoyer quelque chose, une lumière, un son, un message
20:56qui soit reçu et transformé.
20:58Moi, il y en a eu beaucoup, il y en a eu beaucoup.
21:00Il y a eu beaucoup d'artistes qui, beaucoup d'artistes,
21:02et même des gens qui ne sont pas des artistes, qui ont eu un fort impact sur moi.
21:07Ils ont servi d'exemplarité extrêmement forte.
21:09Je te dis, je peux ne pas m'arrêter, tu vois, il y en a eu beaucoup.
21:14Ayam, Ayam, souvent, ils sortent du gâteau.
21:18Souvent, ils sont habillés comme nous, tu vois.
21:21Eddy Mercury, Richard Prayor, Najat Atabou.
21:26Je ne connais pas Najat Atabou.
21:27Non, j'avoue, je ne connais pas.
21:27Alors, Najat Atabou, c'est une chanteuse marocaine.
21:30Elle a été pompée par les Chemical Brothers.
21:37Ça, c'est un Najat Atabou.
21:38Eh ouais, mon pote, ça, tu...
21:41Les stagiaires, trouvez-moi le son.
21:43Trouvez-moi le son sur le truc là.
21:45Tu n'as plus de batterie.
21:45Tu sers à quoi, frère ?
21:47Tu n'auras pas ton stage.
21:50Il n'a plus de batterie, laisse tomber.
21:51En tout cas, Najat Atabou, c'était une chanteuse marocaine.
21:55L'une des premières à chanter la liberté.
22:00Et pour une femme, c'était quand même...
22:02C'était dangereux, tout bonnement.
22:06Elle m'a beaucoup inspiré, cette meuf.
22:08Et j'ai eu la chance de tourner avec elle.
22:09L'une de mes premières tournées, c'était à Rotterdam, Amsterdam, Bruxelles.
22:14J'étais avec Najat Atabou, Naïmam Chakri, Abderraouf.
22:17Tu ne connais pas Abderraouf ?
22:20C'est le Dauphinès marocain, Abderraouf.
22:23Bref, j'ai été inspiré par plein de gens.
22:25Plein, plein de gens.
22:27Ce qui est intéressant avec ce truc de pouvoir donner l'exemple,
22:30de pouvoir être un modèle, ça va de pair avec un débat qu'on a en ce moment
22:33un peu dans le cinéma, que ce soit aux Etats-Unis ou en France,
22:35sur la représentation et le fait de laisser les rôles de certaines minorités
22:40à des gens qui viennent de ces minorités-là.
22:42Est-ce que toi, c'est quelque chose que tu comprends,
22:43qu'il puisse y avoir un débat autour de ça ?
22:45Que quand on donne un film sur une histoire,
22:49je ne sais pas, avec quelqu'un qui vient du Maghreb,
22:51mais qu'elle est jouée par quelqu'un qui ne vient pas du Maghreb,
22:53ça peut être gênant ?
22:56Je trouve ça débile.
22:58Pourquoi ?
22:59C'est débile, ce n'est pas à sa place.
23:02N'importe qui peut jouer n'importe quoi, si j'y crois.
23:04S'il a la magie dans le corps et dans les yeux et qu'il réussit à me faire croire
23:08qu'il est de Shanghai, le mec, alors qu'il vient d'Abidjan.
23:12Bon, là, c'est compliqué, j'avoue.
23:15Mais je veux dire, la force de persuasion,
23:17c'est ça qui fait qu'un comédien, il est comédien ou non.
23:20Ce n'est pas ce qu'il représente physiquement.
23:22Si seuls des Blancs peuvent jouer des Blancs,
23:26seuls des Noirs peuvent jouer des Noirs.
23:27Tu vois ce que je veux dire ?
23:29OK, ça dépend des sujets.
23:31Évidemment, il faut quand même que ce soit relativement crédible.
23:36Moi, je pense qu'on peut toujours...
23:36En évitant de faire des blackface et des trucs comme ça, quoi ?
23:38Pardon ?
23:38En évitant de mettre du maquillage ou d'altérer ?
23:40Non, mais bien sûr.
23:42Ce que je veux dire, c'est qu'heureusement,
23:43je ne me suis jamais cantonné à ce que je ne pouvais pas jouer.
23:48Et ce genre de choses, je trouve, brille de la machine à rêve.
23:53Si seuls les gens qui correspondent au personnage
23:56peuvent jouer le personnage, on est cuit.
23:57Franchement, il faut que tout le monde puisse s'y essayer, au moins.
24:02Et puis, c'est celui ou celle qui nous convaincra le plus,
24:05qui a le rôle.
24:06Relasse !
24:07Il ne faut que ça ne soit basé sur aucun caractère morphologique,
24:10ni philosophique, encore moins religieux, tu vois.
24:12Il faut que ça soit juste une émotion qu'on essaie de viser.
24:16Et peu importe comment on y arrive,
24:17l'important, c'est que tu sois touché, que tu aies envie de pleurer
24:19ou que tu aies envie de rire.
24:21Et si on rentre là-dedans, on est cuit.
24:24Autant nous mettre des numéros.
24:28Ça, c'est un truc qui vient, je pense, du fait que tu as commencé aussi par...
24:32Alors que ce soit le théâtre avec Steinbeck ou de l'impro, en fait.
24:35C'est un truc de pouvoir jouer...
24:36Toi, t'es vraiment...
24:37Comment tu sais que j'ai commencé avec Steinbeck ?
24:40T'es fort, hein ?
24:42En tout cas, le truc du théâtre, c'est quelque chose qui forge un peu ce côté-là, justement.
24:46Évidemment, l'improvisation théâtrale.
24:49Moi, j'ai joué une tomate.
24:52Comment on joue une tomate ?
24:53Tu te mets en boule, comme ça...
24:55Tomate, tomate, tomate...
24:57Déjà, je vais te dire un truc.
24:59Tu peux jouer une tomate n'importe comment.
25:00Tu peux la jouer en boule, mais tu peux aussi la jouer comme ça, tu vois.
25:03Écoutez, moi, je suis une tomate et je n'ai pas envie de discuter avec vous.
25:07Vous êtes un oignon et on n'est pas dans la même catégorie.
25:10Et pour autant, je suis une tomate.
25:13Je ne sais pas, tu peux décider d'être une tomate.
25:16La première fois que j'ai été pris au théâtre,
25:19la première fois qu'un prof de théâtre m'a porté de la considération,
25:23c'était en me faisant renvoyer de cours par hasard.
25:26Et je suis avec mon copain Alassane Kébé, il nous demande de descendre.
25:30On perturbe son cours, il nous demande de descendre.
25:32Alassane, il lui demande de jouer une tomate et à moi, il me demande de jouer une vache.
25:36Et nous, on est vraiment regueilleux, on a des petites carrières à l'époque.
25:39On ne veut pas se foutre la honte.
25:40En plus, il n'y avait que des belles meufs, que des gens stylés.
25:43C'était la sixième une.
25:44Lui, Alassane, il a fait tomate, tomate, tomate.
25:48Et ils ont rigolé, ils se sont foutus de sa gueule.
25:50Mais moi, je ne voulais pas qu'on se foute de ma gueule.
25:51Donc, je me suis mis sur une chaise.
25:53J'ai fait la vache en mâchant comme ça, tu sais.
26:03J'ai juste fait mâcher.
26:06J'ai dégagé les mouches qu'il y avait devant mon visage.
26:09Je continue à regarder le train qui passe.
26:13Il m'a pris.
26:14Il m'a dit, reviens demain.
26:15Dans sa tête, il a engagé une vache.
26:17Tu vois ce que je veux dire ou pas ?
26:19Tu comprends la force ?
26:20Oui, bien sûr, bien sûr.
26:21Donc, j'ai décidé d'être une vache à ce moment-là.
26:23Un, pour ne pas me foutre la honte.
26:25Et deux, pour attirer son attention.
26:26Ça a marché.
26:27On peut être ce qu'on veut.
26:27Et dès lors que tu es convaincu d'être ça,
26:30je te jure que ça se transmet et ça marche, ça fonctionne.
26:33Et en dehors de l'impro, le pur théâtre,
26:35quand tu avais fait justement Steinbeck ou quoi,
26:37est-ce que ce côté théâtral qui ne va pas du tout avec le cinéma,
26:41où c'est vraiment un autre type de jeu,
26:43est-ce que c'est quand même des choses
26:44dans lesquelles tu vas puiser encore aujourd'hui ou pas ?
26:46Bien sûr, bien sûr.
26:48Tu sais, tout ce que tu fais enfant,
26:51ou en tout cas, tout ce que tu fais pendant plus de dix ans,
26:53te marque à vie.
26:55Et tu vas puiser dans ça toute ta vie.
26:58L'improvisation théâtrale, ça m'a servi tout le temps.
27:00Ça m'a servi pour trouver du travail.
27:03Ça m'a servi pour prendre confiance face à n'importe qui.
27:06Ça m'a servi pour séduire ma femme.
27:10J'ai dû faire appel à plein d'artifices pour la séduire.
27:15J'ai fait le pan, j'ai fait le truc, j'ai fait le truc.
27:17Mais aujourd'hui, pour parler à mes enfants encore,
27:19ça me parle, ça me sert l'improvisation théâtrale.
27:22Après, j'ai toujours peur de la forme théâtrale,
27:25comme on l'entend, Molière-esque,
27:27tu vois, Corneille, Racine, Shakespeare.
27:32Ça m'a toujours un peu effrayé le fait d'être figé.
27:35C'est pour ça que l'impro m'intéressait.
27:36Et bizarrement, c'est marrant que tu dises ça,
27:38en ce moment, avec le Jamel Comedy Club,
27:39je suis en tournée à travers toute la France.
27:42Et on finit par une pièce à la fin qui s'intitule « La pièce ».
27:45On a été dans un magasin de farce à la trappe.
27:47On a déstructuré un classique.
27:50Serrano de Berber-Jurac.
27:51Et on fait ce qu'on veut.
27:54Et toi, tu es la princesse.
27:56Toi, tu es le prince teubé.
27:58Toi, tu es le père...
27:59Comment il m'a appelé dans l'argent ?
28:02Voilà, le roi Proxénète.
28:03Moi, j'ai vu le roi Proxénète dans la pièce.
28:06On fait ce qu'on veut.
28:07Il y a un espace de liberté extraordinaire.
28:09Si c'est drôle et que ça passe...
28:13On a le droit.
28:14On avait dans cette interview, il y a quelques jours, Jean-Paul Rouve.
28:16Et on lui parlait de...
28:17Il nous disait la chance qu'il avait d'avoir pu jouer Jeff Tuche cinq fois.
28:21Tu vois, de pouvoir revenir à son personnage,
28:22le faire évoluer, le développer, etc.
28:25Est-ce que toi, dans ta carrière, il y a des personnages
28:26que tu aurais aimé pouvoir faire revivre ?
28:28J'ai beaucoup aimé Numéro 10.
28:30Ouais.
28:30Ouais, j'ai kiffé Numéro 10 parce qu'il est...
28:33Parce que...
28:35Il est dans une urgence.
28:37C'est inextricable, ce qu'il a à régler.
28:39C'est trop grand pour lui.
28:40Ça, j'adore.
28:41Tu vois, la mission, elle est impossible.
28:43Il faut des Gaulois avec une potion magique, sinon je suis mort.
28:47Et je te jure, j'ai adoré mon personnage dans Mercato, la Drisbelle.
28:51J'ai adoré parce que, pareil, il y a une urgence,
28:53sauf que celle-là, elle est beaucoup plus dramatique,
28:55beaucoup plus forte, beaucoup plus dangereuse, on va dire.
28:58Quoique les Romains, c'est dangereux quand même.
29:00Mais ouais, ces deux personnages-là, je les ai trouvés incroyables.
29:03Et d'ailleurs, à bon entendeur,
29:06j'adorerais faire une série de ce Mercato.
29:08Ouais, je trouve que le sujet s'y prête vraiment.
29:12On ne peut pas imaginer que ce soit aussi âpre, violent, tu vois,
29:16aussi effréné, aussi dingue que ça, les coulisses de ce sport.
29:21Mais il y a des sommes faramineuses, on parle de milliards,
29:23donc tout est possible, tu vois.
29:25Et ce que j'ai entendu est bien plus ouf,
29:29dangereux et violent que ce qu'on a écrit, presque, nous, parfois.
29:31C'est-à-dire, quand tu vas voir des vrais agents,
29:33tout le temps qu'on dit des anecdotes, c'était souvent pire que...
29:36Notre film, il est là, et on a cherché des vraies histoires,
29:40avec des choses qui se sont vraiment passées.
29:41Après, on est au cinéma, on a fictionné, on a lié.
29:45Il y a la lumière, il y a le son, il y a ce truc qui est très...
29:49L'urgence.
29:49Ouais, qui donne ce sentiment de thriller.
29:54Mais oui, il s'est passé des trucs fous dans l'univers du football, dingue.
29:59Aussi loin que je me souvienne, j'ai entendu des histoires formidables sur le terrain,
30:04mais en dehors, si tu creuses l'histoire de Maradona à Naples,
30:08je te dis, mais c'est pas vrai.
30:09T'entends parler de mafia, t'entends parler de cocaïne,
30:12t'entends parler de toutes sortes de choses glauques, cheloues.
30:17Et pourtant, le mec qui faisait rêver la terre entière le dimanche sur le terrain.
30:21On ne pouvait pas faire le lien entre ça et ce qui se passe dans les coulisses.
30:25Et tu ne peux pas faire le lien entre ce mec-là qui a un soleil sur le terrain
30:31et qui fait vibrer la terre entière et de voir à quel point il pouvait être triste
30:35en coulisses et profondément meurtri par les choix qu'il devait faire dans la vraie vie.
30:40Fascinant.
30:42D'autant que c'était De Laurentiis, le patron, ça l'est encore aujourd'hui, de Naples.
30:46La famille De Laurentiis qu'on fait tous les films qu'on connaît.
30:51C'est le fils de Laurentiis qui a repris, encore aujourd'hui.
30:54Et tu vois, il y a le cinéma et le foot qui sont liés depuis toujours.
30:58C'est ouf.
30:59En vrai, quand je t'avais reçu il y a quelques mois dans le Vidéoclub,
31:04tu m'avais raconté une anecdote, tu me disais qu'après Amélie Poulain,
31:06tu avais reçu plein de propositions de films, des trucs que tu as refusés.
31:09De manière générale, si tu réfléchis un peu à ta carrière,
31:11est-ce qu'il y a un rôle que tu regrettes d'avoir refusé ?
31:15Non, mais je regrette certains chèques.
31:20Je t'avoue.
31:21Normal, parce que c'était ça le plus chelou.
31:25En vérité, c'est qu'à un moment donné, il y a des gens qui sont venus.
31:27Ils n'avaient pas de scénario, ils avaient un chèque.
31:28Tu m'as dit, on n'a pas de scénario, mais est-ce que tu veux bien lire ce chèque ?
31:32Et j'ai dit, putain, t'es long à lire ce chèque, je t'avoue.
31:36Vu la chance incroyable que j'ai de faire ce métier et de pouvoir choisir,
31:39et vu la confiance que me font plein de gens,
31:43j'ai envie de faire comme les acteurs et les actrices que j'admire le plus,
31:47c'est-à-dire tracer ma carrière en fonction des choix que je fais.
31:51Et c'est Robert De Niro que j'ai entendu dire ça un jour.
31:53Il disait, le talent passe par les choix.
31:55Le choix de ne pas faire une merde, tu sais que ce n'est pas bien.
31:58Tu sais que c'est très commercial et que ça va faire des millions d'entrées
32:01ou des millions de vues ou de trucs, c'est sûr et certain.
32:05C'est mathématique maintenant, aujourd'hui, tu vois, je ne peux pas te tromper.
32:08Si tu le fais, t'auras ce genre de public devant toi qui va relativement aimer.
32:13Ça m'est impossible parce que j'aurais l'impression de me mentir et de mentir.
32:18Je ne pourrais jamais faire ça pour de l'oseille ou pour les mauvaises raisons.
32:22Il faut absolument que je sois entraîné par un sujet, un propos,
32:26une sensation au moins, au moins une sensation.
32:29Il y en a qui te dirait que l'important, c'est d'être riche,
32:33d'être kiffé, d'être vu, d'être présent, l'amour du public.
32:36C'est un métier qui est tellement beau acteur qu'au final, on peut,
32:39on peut tout faire et que c'est ça, justement,
32:42même des films qu'on trouve un peu rentable, on ne peut pas faire.
32:44Est ce que tu penses qu'on peut faire une carrière où on est fier de 100% de tout ce qu'on a fait?
32:48Non, évidemment, parce que de toute façon, ça ne t'appartient plus un moment.
32:52Tu joues devant un metteur en scène ou une réalisatrice.
32:55Après, elle part avec cette matière et elle en fait ce qu'elle veut.
32:57Elle va la monter, elle va la truquer, elle va la traquer et puis après,
33:01elle va le présenter et toi, tu seras forcément frustré, déçu.
33:05Parce que ce n'est pas seulement ça qui t'a fait.
33:08Et je ne l'aurais pas fait comme ça, moi, toujours.
33:11C'est pour ça que les acteurs et les actrices détestent se voir,
33:13parce qu'ils voient bien les défauts.
33:15D'abord, se regarder en grand comme ça à la lumière, c'est chelou.
33:19C'est vrai, chelou, qui supporte? C'est dur. Moi, je ne peux pas.
33:24Tu ne regardes jamais des films?
33:25C'est dur, c'est dur. Je vois que mon nez est gros, ce nez.
33:29Après, je vois que mes yeux ne sont pas bien placés.
33:33Je vois que ce n'est pas cette attention.
33:35Ce n'est pas la bonne intonation.
33:36Il n'a pas pris la bonne prise.
33:39La bonne prise la plus juste, c'est celle d'après.
33:41Pourquoi il n'a pas pris celle d'après?
33:42Mais il ne pouvait pas prendre celle d'après.
33:44Pour des raisons techniques, il y avait le mec derrière toi qui faisait ça
33:47ou la lumière n'était pas bonne ou bon, et bien, ça ne t'appartient plus du tout.
33:52Ça ne t'appartient plus.
33:54Donc, franchement, je sais qu'on ne peut pas faire une carrière
33:58qu'autre chose dont on est extrêmement fier.
34:00Mais on peut faire une carrière, on peut faire une carrière
34:03avec des choses avec lesquelles on est complètement en phase.
34:07Je peux me dresser devant des gens et puis je ne vais pas dérouler.
34:12Je ne vais pas faire semblant.
34:14Tu sais, les interviews comme celle-là,
34:16elles ne trompent pas quand on a fait un truc dont on n'est pas fier
34:19et dont on connaît le niveau, tu vois?
34:22On ne sait pas, on cherche, on dévie, ça va, toi?
34:26Viens avec ton pull.
34:27Tout le monde cherche toutes sortes de prétextes.
34:30On n'est pas à l'aise et vous êtes les premiers à le voir en plus, tu vois?
34:32Bien sûr.
34:33Moi, je fais en sorte de faire des choses dont je suis fier,
34:37avec plus ou moins de force.
34:38Je ne dis pas que tout rentre en lucarne,
34:40mais je suis obligé d'être en phase avec ce que je fais.
34:42Je suis obligé de trouver ça suffisamment fort, costaud
34:46ou en tout cas intéressant pour le présenter et le défendre.
34:50Juste, tu disais que tu détestais te voir et voir les oeuvres dans lesquelles tu joues.
34:54Ce serait quoi, au final, l'oeuvre dans laquelle t'as joué que t'as le plus vu?
34:57J'ai envie de te dire Astérix.
34:58J'ai envie de te dire Astérix, parce que ça repasse tous les ans.
35:01Et tu le regardes?
35:02Non, un peu, mais ils sont tous devant.
35:05Ils sont devant, c'est pas comme si...
35:07Tu vois, je m'arrête parce qu'ils sont devant
35:08et puis je suis obligé de t'aimer avec eux.
35:10Et ils sont là à se foutre de ma gueule ou à rire de ce qu'ils...
35:14Ouais, Astérix.
35:16Et d'ailleurs, ça me touche beaucoup, je t'avoue,
35:18parce que ça veut dire qu'il y a plein de familles qui se retrouvent
35:20devant la télévision à ce moment là et qu'il y a un dimanche dans l'année
35:23où on va revenir pour présenter ce film.
35:29Ouais, Astérix, j'ai envie de te dire.
35:32Ouais, parce que tout le monde s'en est apparé.
35:36Mais sinon, la vérité, dès que j'ai moyen de m'esquiver, je m'esquive.
35:40Je comprends.
35:41Djamil, j'aurais une dernière question.
35:43Alors, elle n'est pas rattachée au cinéma, mais tu en fais ce que tu veux.
35:46C'est Omar Sy qui, la semaine dernière, nous l'a demandé
35:48et il nous a demandé qu'on la pose à chaque fois maintenant.
35:50Ce serait quoi, ta pizza ?
35:52Celle qui te représente, celle qui est toi ?
35:54En fait, il est persuadé, Omar Sy, que ce que tu choisis comme pizza
35:57définit un peu qui tu es.
35:59Alors, excusez-moi, c'est Omar Sy qui impose cette question ?
36:03Je te jure.
36:04Et pour lui, ce que tu mets dans la pizza définit la personne que tu es ?
36:07Lui, il me dit...
36:08Moi, je prends une pizza, quand j'étais petit,
36:10elle s'appelait... En bas de chez moi, il y avait une pizzeria
36:12et elle s'appelait La Campione.
36:13Ça veut dire que je suis un champion, tu vois.
36:16Moi, j'ai pris la Reggina,
36:20parce que je suis une reine.
36:22Tu sais, je te jure, je me sens reine en fond de moi-même.
36:24Ça a été de merde, je ne sais pas.
36:26J'ai toujours pris la Reggina.
36:27Il y a quoi dans la Reggina ?
36:28J'en vois...
36:29Quoi ?
36:32Merde, non, non, pas la Reggina.
36:34La Reggina sans porc.
36:37Une Reggina halal.
36:39Moi, j'ai toujours pris la Reggina halal.
36:43Cette réponse, parce que franchement, je ne mange pas de pizza.
36:46Je ne mange pas de pizza.
36:47Regarde.
36:49Hop, Svelte, mon pote.
36:51C'est vrai.
36:52Il n'y a pas de gluten dans ce corps.
36:53Il n'y a pas d'amidon.
36:54Tu as compris ou pas ?
36:56Non, en plus, j'adore les pizzas.
36:57Tu sais quoi ?
36:58Alors, je ne sais pas ce que...
36:59C'est pas mal, je vais y répondre.
37:00Tu sais ce que je prends comme pizza ?
37:01Oui.
37:02Margarita merguez.
37:04OK.
37:04C'est fou, ça.
37:06Genre basique, mais avec un petit truc en plus.
37:07Oui, je crois qu'il a raison, Omar.
37:08Margarita merguez.
37:10OK.
37:10Un peu d'origan.
37:12Omar, il aurait pu être prof de philo.
37:14C'est vrai.
37:15Il aurait pu être prof de philo.
37:18Ou climatiseur.
37:20Merci beaucoup, Dianel.