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Florence est maman de deux filles. A 16 ans, son aînée décède d'un coup de sabot de cheval dans la tempe. A l'hôpital, son mari et elle donne leur accord pour le prélèvement des organes d'Alice. Un don qui sauvera six vies. L'autrice du livre Le don d'Alice, nous raconte.

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Transcription
00:00Je me demandais vraiment de quoi on me remerciait, parce que voilà, moi je venais de perdre mon enfant,
00:03j'étais assaillie de chagrin, et lui me dit « mais je crois que vous ne vous rendez pas compte,
00:06mais est-ce que vous voulez que je vous dise combien de vies vont être sauvées grâce au don des organes d'Alice ? »
00:13Et c'est là finalement qu'il m'a annoncé que 6 organes avaient été prélevés.
00:16Bonjour, je suis Florence, la maman d'Alice et de Camille.
00:19Je suis autrice du « Don d'Alice » paru chez City Editions.
00:22Ce livre, je l'ai écrit après le décès d'Alice, qui est la plus fabuleuse donneuse d'organes.
00:27Alice étant elle-même handicapée psychomoteur, je l'avais inscrite assez rapidement au Poney Club,
00:31elle avait tout juste 4 ans, et c'est une passion finalement que nous avons vécue en commun,
00:35puisque Alice s'y est énormément épanouie, a beaucoup progressé grâce à l'équitation,
00:39et puis elle avait un contact avec les chevaux absolument merveilleux.
00:43Elle avait d'ailleurs choisi finalement d'en faire son métier,
00:45et c'est ainsi qu'elle s'est retrouvée finalement en CAP pour devenir d'abord palfrenier,
00:49en vue de passer ensuite un bac professionnel.
00:51On avait trouvé un super hara, pas très loin de la maison du côté de Versailles,
00:55où elle était accueillie la moitié du temps,
00:57et c'est au hara qu'elle a été victime de cet accident un jeudi soir,
01:01en rentrant à un jeune cheval à l'écurie.
01:03On ne sait pas trop comment en fait, ce cheval manifestement a dû tomber,
01:06Alice a dû vouloir ramasser sa longe, et le cheval s'est relevé au même moment,
01:10et c'est ainsi qu'elle a reçu un coup de pied de cheval dans la tempe.
01:13Les pompiers ont évidemment été alertés immédiatement, le SAMU l'a prise en charge.
01:18On nous a avertis dans la demi-heure qui a suivi cet accident,
01:23qu'Alice était donc très grièvement blessée, qu'elle était dans le coma,
01:26que son pronostic vital était engagé.
01:28Et puis malgré tout, Alice a été opérée,
01:30donc on a gardé l'espoir qu'elle allait pouvoir se relever de cet accident,
01:35même si très rapidement finalement, le neurochirurgien nous a quand même dit
01:39que quoi qu'il arrive, même si Alice survivait, les choses seraient très différentes.
01:43Le soir où Alice a été opérée, on a assez vite tous les deux senti
01:47que puisque le pronostic vital était engagé,
01:50ça voulait dire que potentiellement Alice n'allait pas s'en sortir.
01:52Au moment où on se pose la question du don d'organe,
01:54il est beaucoup plus facile pour nous d'envisager que la vie des autres peut se poursuivre
01:59que d'envisager la mort de notre enfant.
02:01Moi, j'ai dans l'idée que le cœur d'Alice ne peut pas s'arrêter de battre.
02:04En fait, elle a 16 ans.
02:06Moi, j'ai le souvenir d'avoir entendu, finalement, le premier lien que j'ai avec elle,
02:11c'est d'entendre son cœur qui bat à l'échographie.
02:13Et je me dis que ce lien-là, il doit perdurer d'une manière ou d'une autre.
02:17Et si ce n'est pas pour Alice, ce sera pour un autre.
02:19Mais que ce cœur doit impérativement continuer à battre.
02:21Et on s'accroche vraiment à cette idée.
02:23Et quand, cinq jours plus tard, on nous annonce qu'Alice ne se réveillera pas,
02:26on s'accroche à la décision qu'on avait prise quelques jours auparavant avec mon mari.
02:30Et on se dit qu'on doit faire don des organes.
02:34Le lendemain, quand on revient à l'hôpital,
02:36les signes de mort encéphalique sont réellement démontrés.
02:39La coordination du don d'organe a été prévenue,
02:42puisqu'on en a parlé encore la veille avec le médecin réanimateur.
02:45On nous explique qu'on peut faire don d'un seul organe.
02:48On peut choisir l'organe qu'on souhaite donner.
02:51On peut donner tous les organes qu'ils trouveront au receveur.
02:54On nous explique également que sur les patients mineurs,
02:56on ne peut prélever que les organes.
02:57Mais qu'en réalité, sur les patients majeurs,
02:59on peut prélever les organes et les tissus,
03:01c'est-à-dire des muscles de la peau, les cornées, etc.
03:05Et nous, à ce moment-là, en fait, on n'émet aucune restriction.
03:08C'est tellement abstrait pour nous qu'on se dit,
03:11de toute façon, il faut préserver le maximum de chances
03:14pour ceux pour lesquels la vie va pouvoir se continuer.
03:16Mon mari et moi signons un accord de prélèvement,
03:19puisqu'il faut pour les mineurs que les deux parents donnent leur accord.
03:22Avant de signer cet accord de prélèvement,
03:24évidemment, on a parlé avec les trois enfants du don d'organes,
03:27y compris Camille, qui avait 10 ans.
03:29Et c'était important pour nous que même elle soit partie prenante.
03:33Que personne ne considère qu'elle était trop petite pour comprendre,
03:35parce que je pense que ce n'était pas le cas.
03:37Le prélèvement a eu lieu dans la journée qui a suivi.
03:40Et c'est le soir, une fois le prélèvement terminé,
03:42au moment où on allait récupérer le corps d'Alice,
03:44que l'infirmier coordinateur des dons d'organes m'a remercié.
03:48Moi, je ne comprenais pas bien, en fait.
03:50Je me demandais vraiment de quoi on me remerciait,
03:51parce que je venais de perdre mon enfant et j'étais assaillie de chagrin.
03:55Et lui me dit, je crois que vous ne vous rendez pas compte,
03:57mais est-ce que vous voulez que je vous dise
03:59combien de vies vont être sauvées grâce aux dons des organes d'Alice ?
04:03Et c'est là, finalement, qu'il m'a annoncé que six organes avaient été prélevés
04:06et qu'à l'heure où on se parlait,
04:07il y avait six personnes qui étaient en cours de transplantation.
04:10Et c'est quelques jours plus tard, au moment où on allait enterrer Alice,
04:14que l'on a appris que ces six personnes étaient sorties de réanimation
04:18et que donc, évidemment, six personnes allaient mieux,
04:21mais six familles complètes allaient mieux.
04:23Et que donc six mamans n'allaient pas connaître le drame que moi, je vivais,
04:26en fait, de la perte d'un enfant,
04:28alors pour le coup, à cause d'une maladie, pas à cause d'un accident.

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