En 2019, 17 femmes de chambre, deux gouvernantes et un équipier d’un hôtel parisien se mettaient en grève pour améliorer leurs conditions de travail. Un combat de 22 mois avant d’obtenir gain de cause que la réalisatrice Marion Vernoux transpose dans la mini-série "Frotter frotter" diffusée les 19 et 26 février à 21h10 sur France 2.
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00:00C'est l'heure de l'Invité Média et votre invitée Céline Baydarcourt est la réalisatrice
00:08et co-scénariste d'une série tirée d'une actualité dont on avait beaucoup parlé en
00:132021, la grève des femmes de chambre d'un hôtel parisien.
00:16Elle avait duré presque deux ans et s'était soldée par une amélioration des conditions
00:20de travail des salariés.
00:21Bonjour Marion Vernot, merci d'être avec nous, c'est une série en quatre épisodes
00:25intitulée « Frottez, frottez » qu'on peut voir à partir de ce soir sur France 2.
00:29Voilà comment le mouvement de grève démarre.
00:32Alors monsieur Roulet m'a fait remonter des, je vais pas dire des problèmes, des fautes,
00:37des chambres pas nettoyées, pas préparées, des filles qui partent avant la fin de leur
00:40service et ça, ça va pas du tout d'accord.
00:42Qui est parti avant d'avoir fini son shift la dernière fois ? C'est vous ?
00:46Non mais c'est moi qui lui ai dit de partir, elle devait emmener son fils à l'hôpital.
00:50D'accord, très bien.
00:51Donc à partir de lundi, vous passez sur le shift du nowhere de Lens, d'accord ?
00:56Mais c'est à deux heures du chemin, comment je fais moi ?
00:59Écoutez madame, on a tous nos problèmes, moi mon problème par exemple c'est de garder
01:02mon travail et le vôtre par la même occasion.
01:04Non mais son fils il est malade putain.
01:05Et alors ?
01:06Si vous n'êtes pas contente, il y a le pôle emploi juste en face.
01:08Allez bonne journée.
01:09Mais dis-moi, je trouve qu'il est malade.
01:11On va faire grève.
01:12Voilà, c'est ce combat de 22 mois que vous racontez Marion Vernot, comment ces femmes
01:17invisibles, inaudibles, précarisées ont réussi à tenir tête à leur direction,
01:21à d'énormes sacrifices et notamment financiers.
01:23Mais c'est une lutte qui a payé.
01:25Quels souvenirs gardez-vous de cette histoire ? C'est quelque chose qui vous avait marqué
01:28à l'époque ?
01:29Oui, comme m'avait marqué, parce que c'était plus mon trajet, boulevard de Strasbourg,
01:37la grève des coiffeuses africaines du boulevard de Strasbourg, mais oui c'était quand même
01:45très marquant parce que dès qu'elles apparaissaient sur le petit écran, ou même
01:50à la radio, il y avait quelque chose d'inédit en fait, des espèces d'images qu'on n'a
02:00pas l'habitude de voir ou d'entendre.
02:02Et cette idée de mettre en lumière ces travailleuses de l'ombre, elle vous est venue assez vite
02:06?
02:07Je ne suis pas à l'origine du projet, moi on est venu me chercher, Fabienne Servan-Schreiber
02:13est venue me chercher, une fois que le projet existait, que le travail de documentation
02:21et de fiction, même de fictionner cette histoire avait été fait déjà.
02:24Vous êtes l'une des scénaristes ?
02:25Je suis l'une des scénaristes, mais ce n'est pas moi qui ai trouvé les personnages au départ.
02:30Est-ce que vous avez rencontré les femmes de chambre qui ont fait ce mouvement de grève ?
02:33Alors, un peu exprès, non, parce que j'avais besoin de m'approprier et que mon imaginaire
02:40fasse le boulot, mais je me suis beaucoup documentée, j'ai regardé deux documentaires,
02:46un magnifique qui s'appelle « On va gréver », qui parle d'une autre grève qui s'était
02:53passée avant, celle de l'Ibise-Batignolles, et ensuite à partir du moment où on a décidé
02:58de délocaliser l'histoire à Lille, j'ai un peu changé mon axe de regard, parce que
03:07c'est les femmes qui jouent dans le film, j'ai dû les trouver à Lille, elles n'avaient
03:12plus rien à voir avec celles... pas plus rien à voir, ce n'étaient plus les mêmes que celles...
03:16Vous avez choisi dans la série de dépeindre trois personnages principaux, une femme de
03:20chambre malienne, mère de famille nombreuse, une autre française militante LGBT extolarde,
03:25et puis l'avocate qui va les défendre, elle-même avec une histoire très forte,
03:29un bourgeoise déclassée en plein divorce. Donc ces femmes-là, est-ce qu'elles existent
03:32vraiment ou alors c'est un mélange de toutes ces femmes qui ont vraiment existé ?
03:37Chose très importante, c'est que mon héroïne, enfin notre héroïne, Ayé Solange, elle n'est pas
03:44malienne, elle est française, elle le dit, c'est très important, puis c'est très important pour
03:48moi. Je raconte l'histoire de ces trois femmes, dont une de couleur noire, d'origine malienne,
03:55mais absolument française, et dont les enfants sont français, le mari est français, tout aussi
04:00noir soit-il, tous les cinq dans cette famille. Donc elles existent ou pas ces femmes ?
04:05Elles existent, elles sont tout à fait susceptibles d'exister, je pense.
04:11C'est assez fictionné. Ce qui ne l'est pas, ce sont ce que vous décrivez, les cadences infernales,
04:17les heures sup' non payées, les chefs tyranniques, ça c'est vraiment ce que vivaient les femmes de
04:22chambre. Ah oui, et encore, on n'a pas forcé le trait, c'est-à-dire qu'on passe sous silence,
04:31c'était un choix, mais bon, là je ne sais pas pourquoi j'en parle. Les abus, j'ai du mal à dire
04:39le mot, mais sexuels, dont elles peuvent être victimes quand même ces femmes-là. On sait que
04:43leur corps leur appartienne. Rentrer dans une chambre dans laquelle il y a un client, c'est un
04:48risque. On sait qu'il y a beaucoup d'histoires de ce type-là. Et ça, pourquoi vous ne l'avez pas
04:52raconté ? Pourquoi vous l'avez enlevé ? Parce qu'on trouvait que ça, on traitait déjà de
04:58certaines visibilisations, du fait qu'elles étaient inaudibles. On avait peur que ça braque
05:03le projecteur trop là-dessus. À un moment quand même, c'est tout juste évoqué, mais quand un de
05:11mes personnages vient témoigner au prud'homme de ce qu'elle vit, elle dit que son corps lui
05:16appartient plus et que le client peut faire tout ce qu'il veut. Ce que vous nous dites, en fait,
05:19c'est quand même que la réalité, elle est plus difficile que votre fiction. Ce que je dis, c'est
05:24qu'elles sont très peu protégées, très peu encadrées, très peu syndiquées. Elles ne sont
05:32pas internalisées dans les hôtels, donc elles n'ont pas les mêmes droits. Vous avez cité Ayé
05:37Haïdara, qui tient le rôle principal. Il y a aussi Émilie Caen, Carole Rocher, des comédiennes
05:41connues et reconnues. Et puis il y a aussi des amatrices que vous avez fait tourner. Pour quelle
05:45raison avez-vous fait ce choix ? Pour un choix très technique, c'est que comme j'ai tourné à
05:52Lille et que dans le fichier comédien lillois, j'étais obligée de prendre des comédiens du nord,
05:58il n'y avait pas tant de personnes racisées. De fait, il fallait que je trouve que j'élargisse
06:03le champ. Et vraiment, quel bonheur parce qu'en fait, on a passé une petite annonce dans un centre
06:09culturel et social. J'ai été très étonnée du nombre de volontaires. Et là, à partir de là,
06:17je pense que ça m'a beaucoup aidée à me plonger vraiment dans ce projet. J'ai vu beaucoup de
06:23femmes et il a fallu en sélectionner et en retenir quelques-unes. Mais ça m'a ouvert une porte sur
06:31leur quotidien. Elles sont assez formidables. Il y a d'ailleurs de véritables femmes de chambre.
06:34Oui, il y a Berthe. Berthe, souvent pendant que nous on mangeait, elle allait faire des
06:39chambres à Airbnb entre 14h et 16h. Très très belle question et très très belle série vraiment
06:48à regarder à partir de ce soir. Merci beaucoup d'être venu Marion Vernouf.
06:51C'est à 21h10 sur France 2. Frottez, frottez, c'est le nom de la série. Merci à toutes les deux.
06:56Merci.