« Si je n’avais pas connu les camps, je ne connaîtrais pas vraiment toutes les joies et le bonheur que la vie peut procurer. » Judith Elkán-Hervé est une rescapée de la Shoah, déportée d’Auschwitz lors de la grande déportation des Juifs hongrois au printemps 1944. Elle est arrêtée à l’âge de 18 ans avec sa famille, quelques jours après avoir obtenu son baccalauréat. Elle revient aujourd’hui sur cette période traumatique qu’elle aborde avec beaucoup de tragi-comique.
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NewsTranscription
00:00La libération, peut-être que je n'aurais pas vécu comme ça
00:03si je n'avais pas eu ces souffrances auparavant, je ne sais pas.
00:07Si je n'avais pas connu les camps,
00:10je ne connaîtrais pas vraiment toutes les joies et les bonheurs
00:14que la vie peut procurer.
00:16Judith Elkan Hervé est une rescapée de la Shoah.
00:19Elle a 18 ans lorsqu'elle est arrêtée dans sa ville natale,
00:21au Radea, aujourd'hui en Roumanie,
00:23quelques jours après avoir obtenu son baccalauréat.
00:26J'ai fait mon baccalauréat le 1er mai 1944,
00:30dans un lycée protestant, j'étais la seule juive
00:33parce que mon père avait bénéficié des décorations
00:36qu'il a eues pendant la Première Guerre mondiale,
00:38donc il a pu avoir quelques exceptions des lois discriminatoires.
00:43Il voulait que j'aille dans un lycée non juif
00:46et quand on lui a demandé pourquoi,
00:48tu veux qu'elle aille, peut-être qu'elle subira de l'antisémitisme,
00:52alors il a répondu qu'il faut qu'elle sache vivre avec tout le monde,
00:57qu'elle sache se faire respecter par tout le monde.
01:00Début mai, Judith Elkan Hervé est transférée dans le ghetto de sa ville
01:04avec ses parents et sa tante.
01:05On est restés dans le ghetto deux semaines, deux semaines et demie
01:08et après la déportation, fin mai.
01:10Il faut le dire, il y avait du tragicomique à Auschwitz,
01:14indubitablement, rien qu'à nous regarder.
01:16Quand on nous a tendus en arrivant, on nous a tout de suite tendus.
01:20Ma mère, tout d'un coup, elle se tourne de tous les côtés,
01:22mais où est Judith, où est Judith ?
01:24J'étais à côté d'elle, mais tendue, sans cheveux.
01:27Donc ça, c'est quand même, c'est du charlot.
01:30D'Auschwitz, Judith Elkan Hervé est déplacée à Zittau avec sa mère
01:35pour un commando de travail dans une usine d'aviation.
01:38J'ai rêvé à Zittau, une nuit, j'avais un froid de canard
01:45et j'ai rêvé que je dansais chez Rezade.
01:48J'ai entendu à la radio la musique, parce qu'on n'avait pas de télé à l'époque.
01:51Bon, on avait la radio, je connaissais la musique de Rimsky-Korsakov.
01:55Mais mille et une nuits, bon ça connaît, tous les enfants connaissent.
01:59Et qu'est-ce que c'est mille et une nuits et qu'est-ce que c'est chez Rezade ?
02:03Tant que tu racontes, tu vivras.
02:05Tant que tu danses dans le ballet, tu vivras.
02:08J'ai dansé chez Rezade, à Zittau
02:12et à tel point j'ai dansé que j'ai enlevé ce que j'avais sur moi,
02:17j'avais chaud et je suis tombée avec mon matelas sur ma mère.
02:21Heureusement, je ne l'ai pas écrasée.
02:23On avait la lumière là-bas, on pouvait allumer,
02:25on était dans une chambrée à nous seuls, il n'y avait pas d'Allemands.
02:29Donc on a allumé, ma mère a poussé un grand cri évidemment.
02:32Mais on a allumé la lumière, je me trouvais sur ma mère.
02:35Et ce rêve, pour moi, ça m'a donné du courage.
02:40Je ne sais pas, je ne m'explique pas,
02:43mais moi je trouve que ces rêvées de vouloir vivre, ça m'a aidée sûrement.
02:51On a démonté l'usine au mois de mars,
02:53quand déjà la guerre, quand même ça tournait mal pour les Allemands.
02:59Ils ont déménagé l'usine d'aviation, je ne sais où,
03:02et nous on est restés à Zittau, mais sans travail.
03:06De mars à mai, on n'a pas travaillé parce que l'usine est partie.
03:11Il n'y avait pas que des SS qui nous gardaient là, il y avait du Wehrmacht, des soldats.
03:15Et un soldat est venu nommément, m'a demandé que mon chef de bureau,
03:22ce monsieur avec qui j'ai travaillé au bureau, m'appelle.
03:25Alors moi j'ai eu très peur, je me suis dit mon Dieu,
03:28qu'est-ce que j'ai fait ? Peut-être une bêtise ?
03:31Bon, il m'a accompagné le soldat à l'usine qui était tout à côté.
03:36Et ce monsieur m'attendait, il m'a dit marchons un peu.
03:40Je t'ai fait venir parce que je voulais te dire que les Russes sont à Berlin.
03:44Et je voudrais que tu le dises à tes camarades,
03:48et que maintenant ça va être bientôt la fin de la guerre.
03:51Mais là, nous on croyait que c'était aussi assez cocasse,
03:56parce qu'on s'imaginait que les Allemands partaient, le lendemain quelqu'un va arriver,
04:00et les Américains, les Russes, personne n'est venu, absolument personne,
04:05pendant à peu près 5-6 jours.
04:07Et nous on est restés sans nourriture, parce que les Allemands nous ont pas laissé des sandwichs.
04:13Bon, elles ont réussi avec d'autres personnes plus âgées que nous les jeunes,
04:20à ouvrir les réserves où il y avait les aliments.
04:25Mais on n'a rien trouvé, sauf de la moutarde.
04:29Il y avait dans des tonneaux de la moutarde.
04:31Tout le reste probablement les Allemands l'ont emporté avec eux.
04:35Et alors, comme on n'avait ni pain ni rien,
04:39on mettait la moutarde dans la main,
04:42parce que le goût de la moutarde nous paraissait quelque chose de divin.
04:47Pendant une année, on n'a mangé que des choses qui n'avaient ni goût ni rien.
04:52Donc la moutarde, c'était la première chose qu'on a dégustée, c'est la moutarde.
04:56Après, quand on est partis finalement, personne n'est venu nous libérer,
05:00enfin les Alliés ou les Soviétiques, rien.
05:03Alors on a décidé de repartir en groupe.
05:05On est partis vers l'Est, il n'y avait pas de train, il n'y avait pas rien.
05:09Et on est partis, on est arrivés en marchant comme ça.
05:13On était alors là, 25 ou 30 personnes qui nous sont regroupées.
05:17Et donc, on est arrivés dans un champ, il a fait magnifique, un temps superbe.
05:21Il y avait des vaches dans les prairies,
05:24et il y avait des filles qui savaient traire les vaches.
05:26Moi, je n'ai jamais trahi une vache, mais on n'avait pas de récipient.
05:30On ne savait pas dans quoi traire les vaches.
05:33Alors, comme on avait quand même un petit peu, comment dirais-je,
05:37visité les armoires des Allemands quand on était à Cittàu,
05:41parce qu'on a changé nos robes rayées,
05:43on s'est rhabillés dans des robes qu'on a trouvées.
05:46Moi, j'avais un béret. On a trahi la vache dans le béret.
05:49J'ai bu du lait de vache tiède pour la première fois de ma vie,
05:53parce que je n'ai jamais bu du lait frais comme ça dans un champ au mois de mai.
05:57C'est peut-être le plus beau jour de ma vie,
05:59parce que là, je ne savais pas encore toutes les pertes qu'on a découvert après,
06:04la mort de tous les nôtres,
06:05mais c'était la promesse d'une vie extraordinaire, le soleil,
06:10se coucher dans l'herbe, boire du lait tiède.
06:13Alors, finalement, on a trouvé un train au bout de je ne sais pas combien, deux, trois jours.
06:18On a dormi dans une gare par terre.
06:20Il n'y avait pas de train, mais finalement, on nous a dit qu'il y avait un train qui allait arriver.
06:25Alors, effectivement, mais ce train était bondé, bondé.
06:28Il y avait des réfugiés de, je ne sais pas, du monde entier qui étaient...
06:33Il fallait tirer les gens par la fenêtre qui était à l'intérieur
06:38pour les faire entrer sur les marches du train.
06:40Mais nous, les jeunes, on est montés sur le toit du train.
06:43Et ça, c'était déjà en Tchécoslovaquie.
06:46Et les paysans tchèques travaillaient sur les champs pendant que le train passait.
06:51Et ces paysans nous faisaient signer et crier « Nasdar ».
06:55« Nasdar », je ne sais toujours pas, mais ça veut dire « bienvenue » ou « bonjour ».
06:59Et ça aussi, c'est le plus beau voyage de ma vie.
07:02Sur le train, alors que ces paysans qui ne nous connaissaient pas,
07:05qui ne savaient peut-être même pas qu'on était juifs,
07:07mais ils devaient savoir que c'est des prisonniers.
07:10Ça, c'est sûr, quand même.
07:12Et qui étaient contents de nous voir, qui nous saluaient avec des cris.
07:16Et donc, quand on est revenus avec ma mère, on a retrouvé l'appartement.
07:20Ça, c'était donc en juin jusqu'en automne.
07:23On attendait mon père, on n'avait pas de nouvelles.
07:25À peu près fin août, il y a un ami qui est revenu.
07:29Mon père travaillait dans des carrières.
07:32Ça, c'était le travail, le pire travail, surtout pour quelqu'un qui avait déjà 56 ans.
07:37À l'époque, ce n'est pas comme aujourd'hui, 56 ans.
07:39Donc, mon père est mort à Gouzen.
07:42Et cet ami qui est revenu l'a vu mourir.
07:45Il a été battu à mort.
07:47Et donc, ces gens-là, d'une brutalité toute.
07:50Mon père était battu et il a eu probablement un saignement intérieur.
07:54Il est mort dans la nuit.
07:55On est rentrés, on n'avait rien, pas d'argent.
07:58Bon, on avait l'appartement, mais pas d'argent.
08:00Et ma mère, elle a toujours cherché à faire uniquement pour me rendre heureuse.
08:05Auschwitz, je ne veux pas y aller parce que c'est un musée.
08:09Ça, ça ne m'intéresse pas.
08:10Mais Gouzen, je suis allée il y a deux ans, seulement il y a deux ans,
08:15parce qu'il me semblait, bon voilà, ma mère, je l'ai enterrée à Paris.
08:20Mais mon père, je voulais y aller.
08:23À mon avis, d'après mes expériences,
08:25il n'y a pas que la cruauté et la criminalité et la vengeance et la haine.
08:30Mais il y a aussi une chose qui est très grave aussi, c'est l'indifférence.
08:35Alors, vous regardez les pires tragédies sans bouger le petit doigt.
08:39Et aujourd'hui, ça continue d'ailleurs.