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François Ruffin, député de la Somme (1ère circoncription) du groupe Ecologiste et Social, membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées, est l'invité du grand entretien de la matinale. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-vendredi-24-janvier-2025-7657970

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00:00Notre invité avec Marion Lourd ce matin est député Picardie-Debout, député de la Somme.
00:14Vous pouvez poser vos questions, chers auditeurs, au 0145 24 7000 ou sur l'application Radio
00:21France.
00:22Bonjour François Ruffin.
00:23Bonjour.
00:24Et bienvenue.
00:25Vous venez de publier une lettre à vos camarades socialistes et on va prendre le temps d'en
00:29parler parce qu'elle est longue et qu'elle est nourrie et qu'elle s'inscrit dans une
00:33démarche de combat politique mais on va partir d'une autre forme de conflit, d'une autre
00:39forme de guerre, la guerre commerciale lancée par Donald Trump, promise par le président
00:45américain.
00:46Il promet des barrières douanières.
00:48Est-ce qu'il faut y répondre avec les mêmes armes François Ruffin ? Vous avez par le
00:52passé assumé une position protectionniste, vous avez assumé une préférence nationale
00:58avec ce qu'on appelait le French Buy Act, acheter de préférence des produits français
01:04fabriqués en France.
01:06Est-ce que vous pensez que cette riposte, cette posture est tenable aujourd'hui face
01:11au rouleau compresseur Trump ?
01:12Alors, je vais y répondre mais d'abord dire ce que ce moment Trump, ce moment Musk signifie.
01:19Parce qu'au-delà de la guerre commerciale, c'est de la démocratie qu'il s'agit.
01:24Et qu'est-ce qu'on voit ?
01:26On voit une oligarchie qui se croit tout permis jusqu'au sali nazi.
01:31C'est-à-dire…
01:32Pas l'aidé d'Elon Musk.
01:34Bien sûr.
01:35Et devant les caméras du monde entier.
01:37Et ça signifie quoi ? Ça signifie une classe qui est frappée de démesures.
01:43Vous savez, c'est l'hubris de la tragédie grecque, qui s'est détachée du sol commun.
01:48Le symbole, c'est le jet privé ou le vol sur Mars et qui… voilà, on a des espèces
01:52de surhommes contre les gens qui ne sont rien.
01:55Mais Donald Trump a été élu.
01:57Il a été élu.
01:58Démocratiquement.
01:59D'accord.
02:00Mais ce n'est pas une raison pour accepter que finalement eux, qui hier détenaient
02:05l'argent et depuis longtemps, qui se sont mis à contrôler l'opinion par les médias
02:10et les réseaux sociaux, aujourd'hui prennent directement le pouvoir.
02:14Non plus le délèguent à un banquier d'affaires, mais le prennent directement.
02:17Vous savez, puisqu'on est aux Etats-Unis, le président Roosevelt disait « l'argent
02:22organisé est aussi dangereux que le crime organisé ». Et là, face à cette force-là,
02:29il faut y répondre par la force.
02:31Par la force du droit, par la force de la démocratie, mais il faut y répondre avec
02:35force.
02:36Et pour répondre à votre question, ce que je vois, c'est des USA de la puissance face
02:43à une Europe de l'impuissance.
02:44Et que Donald Trump dit « si vous voulez vendre ici, vous devez produire ici ». Mais
02:51je le comprends parfaitement.
02:52Mais pourquoi on ne répond pas d'eux-mêmes ? Pourquoi on ne répond pas par des taxes
02:56aux frontières, des barrières douanières, des quotas d'importation ? Vous savez ce
02:59discours-là, ça fait maintenant 20 ans que je le tiens.
03:03La nouveauté, c'est que le PDG d'Arcelor, désormais, tient le même discours.
03:07Le PDG de Valeo, désormais, tient le même discours.
03:10Les industriels de la chimie tiennent le même discours.
03:12Mais pas celui de Stellantis, par exemple, qui vient d'annoncer un gros investissement
03:15aux Etats-Unis.
03:16Mais s'ils veulent aller vendre aux Etats-Unis, qu'ils investissent aux Etats-Unis.
03:20Mais en revanche, ceux qui veulent vendre en France, ceux qui veulent vendre en Europe,
03:24qu'ils produisent en Europe.
03:25Et je le dis, il ne pourra pas y avoir de politique industrielle sans une politique
03:31commerciale.
03:32On le voit sur tout.
03:33Vous savez, on l'a vu sur le masque pendant la crise du Covid, qui était le symbole de
03:36la crise Covid.
03:37Emmanuel Macron a donné des dizaines de millions d'euros pour qu'il y ait des usines de masques
03:40qui se créent en France.
03:41Sauf qu'elles ont fermé dans les six mois.
03:43Pourquoi ? Parce que 99% des masques continuent à venir de Chine.
03:46Et là, ça va se renforcer d'un autre problème, qui est que, comme les Etats-Unis
03:50ferment leurs frontières aux produits chinois, ils vont venir se déverser sur le marché
03:54européen.
03:55Donc, si on veut sauver notre industrie, il y a une urgence, c'est une politique commerciale.
04:00Une politique commerciale européenne autant que possible, et sinon une politique commerciale
04:04au moins sur le terrain du « Buy French Act » que les administrations, la police, les
04:09pompiers achètent des produits ici.
04:12Mais vous entendez, par exemple, les entreprises qui exportent, je pense aux constructeurs
04:16automobiles allemands, parce qu'eux, ils sont inquiets de voir un rétablissement des
04:19barrières douanières, ils n'y ont pas intérêt ?
04:21J'entends qu'on a affaire à un double partage, à un double conflit.
04:27Il y a un conflit entre puissance, enfin, pour l'Europe, c'est l'impuissance.
04:32Nous sommes les idiots de la mondialisation depuis plus de 20 ans maintenant, et je suis
04:36en première ligne là-dessus parce que ce sont les ouvriers, les ouvriers qui ont été
04:39les plus durement frappés ces derniers temps.
04:42Mais on a un conflit entre puissance, et ça se double d'un conflit entre le capital
04:46et le travail.
04:47Parce que vous savez, quand vous avez des papiers des échos qui vous disent « Dividendes,
04:51les groupes du CAC 40 n'ont jamais été aussi généreux », c'est qu'il y a un
04:55ordre du monde qui est organisé pour que les multinationales, en effet, puissent aller
05:00chercher les coûts du travail les plus bas, les normes fiscales les plus basses, les normes
05:06environnementales les plus basses dans un espèce de grand supermarché du monde.
05:10Et donc, elles, elles ont pour partie intérêt à ça.
05:13Mais maintenant, si jamais on veut préserver une industrie, voire la développer, il nous
05:19faut absolument protéger nos marchés aujourd'hui.
05:22Vous savez, maintenant…
05:23Mais nos produits vont coûter plus cher quand on exportera.
05:25Tout à fait, à la marge.
05:26D'accord ? Et si, à la limite, vous savez, les Chinois pratiquent le protectionnisme,
05:30et sans complexe, si on veut vendre en Chine, il faut non seulement produire en Chine, mais
05:36en plus, il faut faire du transfert d'innovation, du transfert de compétences.
05:40Mais à quoi ressemblerait cette politique commerciale, François Ruffin, puisque nos
05:44téléphones, là, pour le coup, nos ordinateurs, c'est fabriqué en Chine, vous parlez des
05:48Etats-Unis, c'est vrai qu'on exporte beaucoup de biens, mais nous importons énormément
05:54de services, le software, les logiciels, on parlait de l'intelligence artificielle tout
05:59à l'heure, tout ça, ça vient des Etats-Unis, et on ne peut pas, pour le moment, le fabriquer
06:03ou le produire en France, ou en Europe.
06:05D'une part, vous savez, il y a 10 000 lignes tarifaires à l'OMC, et donc je ne dis pas
06:10qu'il faut relever nos taxes aux frontières de manière uniforme, en mettant tout à 25%
06:18ou tout à 40%, tout ça n'aurait pas de sens.
06:20Il faut qu'on identifie les 50, les 100, les 150 produits qui nous apparaissent comme
06:26étant clés pour la souveraineté de la nation.
06:28Vous savez, c'est Emmanuel Macron, dans le cœur de la crise Covid, qui disait « déléguer
06:32à notre, notre protection, notre alimentation, notre sécurité est une folie », il faut
06:36cesser de le déléguer à d'autres.
06:38Donc il faut identifier un certain nombre de produits sur lesquels on mène cette protection
06:42commerciale.
06:43Et d'autre part, parce que c'est par l'Est qu'on s'est fait piller de cette manière-là,
06:49par l'Asie, mais on a un autre souci, qui est que c'est par l'Ouest qu'on se fait
06:56piller sur le capital, par les fonds d'investissement, les fonds de pension, anglo-saxons, on a des
07:02fonds de pension, anglo-saxons, qui se sont mis à prendre les plus beaux fleurons.
07:08On peut penser à Alstom, qu'Emmanuel Macron a donné à General Electric, mais par exemple,
07:13chez moi, dans mon coin, c'est l'entreprise Watts, qui a été reprise par un Américain
07:16et qui a fermé du jour au lendemain, sans salarié, dans un petit coin rural.
07:20C'est une tragédie.
07:21Et c'était un premier ministre allemand qui disait que c'était comme une nuée de
07:26sauterelles qui venait dévaster les industries.
07:30Ça, il faut protéger le capital.
07:32Vous savez, ça veut dire quoi ? Ce que je vous dis là, il y a un rapport d'Olivier
07:36Luvensi, qui est paru, qui avait été commandé par Emmanuel Macron, mais qui finalement n'a
07:39pas été rendu public.
07:41Ça veut dire que pour sauver notre industrie, il faut, un, une politique commerciale, deux,
07:46il faut mobiliser le capital national, plutôt qu'aller faire la danse du ventre à Choose
07:50France, devant Elon Musk et Mark Zuckerberg, comme on l'a fait ces dernières années.
07:53C'est un sommet des investisseurs.
07:54Il y a 2000 milliards en France d'assurance-vie, ça n'est pas ciblé sur l'industrie.
08:00Il faut flécher cette épargne nationale vers des investissements ici.
08:06Enfin, le troisième point, c'est que, alors que François Béroud, dans son discours de
08:10politique générale, rendait hommage aux multinationales, qui, même quand elles sont
08:15françaises, les poules en se dorent, en vérité, on sait qu'une renaissance de l'industrie
08:19dans notre pays, ça passe par les établissements de taille intermédiaire, ça passe par les
08:23TPE, ça passe par les PME, c'est par ce tissu profond-là qu'on fera renaître l'industrie
08:27dans notre pays.
08:28Enfin, tout autre sujet qui est dans l'actualité également, c'est Bruno Retailleau, le ministre
08:32de l'Intérieur, qui doit présenter aujourd'hui une nouvelle circulaire aux préfets qui leur
08:35demandent de n'accepter que de manière exceptionnelle la régularisation des sans-papiers par le
08:40travail ou pour motif familial, et d'exiger 7 ans de présence en France, alors que la
08:46circulaire Valls fixait un quota de 30 000 personnes régularisées par an.
08:50Qu'est-ce que ça vous inspire ?
08:51Écoutez, il faut mesurer déjà l'immense difficulté pour les personnes qui vivent
08:59depuis des années sur le territoire français, qui travaillent, qui payent des impôts, pour
09:04accéder simplement à avoir un rendez-vous à la préfecture et des galères en série
09:10pour obtenir à la fin des papiers.
09:13Moi, je suis pour que les gens qui sont sur le territoire français puissent s'intégrer,
09:18puissent s'intégrer par la langue, puissent s'intégrer par le travail.
09:21Et quand on voit, par exemple, on a fini par y arriver, et c'est une fierté, qu'à
09:27Boussangaré, le héros de l'histoire de Souleymane, c'est une intégration française.
09:34Mais vous ne croyez pas à l'appel d'air, vous, la théorie de l'appel d'air ?
09:36Je vous le dis, je suis pour que toutes les personnes qui sont sur le territoire français,
09:41quand elles travaillent, puissent accéder à des papiers, être intégrées normalement,
09:47et se vivre sans avoir au cœur la peur.
09:49Ça ne signifie pas, en revanche, je suis hostile à une politique qui viendrait dire
09:53qu'on a besoin d'auxiliaires de vie, donc on va aller chercher en Afrique subsaharienne
09:57des auxiliaires de vie pour le marché français.
10:00Je suis hostile à ce type de politique-là.
10:02Il y a des auditeurs nombreux au Standard Inter, François Ruffin.
10:06Bonjour Angelo.
10:07Bonjour François Ruffin, bonjour François Ruffin.
10:11Bienvenue, vous avez une question pour notre invité.
10:13Alors, je trouve personnellement, et je ne crois pas que ce n'est qu'une impression,
10:18que la gauche a beaucoup de pudeur, et notamment le camp des Insoumis, à aborder le thème
10:24de la délinquance et de la répression, avec à son crédit qu'ils sont les seuls à
10:29avoir parlé des retours des polices de proximité dans les quartiers, et je trouve qu'en
10:34se coupant de ce sujet essentiel de la délinquance, donc la préservation de la tranquillité
10:40pour des travailleurs ou autres, elle laisse un boulevard à la droite et au Rassemblement
10:45National, et je pense que c'est une des raisons pour lesquelles vous avez des électeurs
10:50qui passent de l'un à l'autre.
10:51Il y a une pudeur qui n'est pas justifiée.
10:54Je suis un sympathisant et un militant de gauche, mais cette façon de ne pas parler
11:00de ce sujet ou de l'aborder du bout des lèvres me sidère totalement.
11:04Alors on va laisser Angelo, François Ruffin, vous répondre.
11:08Je comprends qu'Angelo nous dise ça, maintenant, pour ma part en tout cas, il n'y a jamais
11:12eu de pudeur, pour qui me connaît, je n'ai jamais hésité à aborder les questions de
11:16sécurité et je suis heureux que le thème du narcotrafic, aujourd'hui, ait sa place
11:22publique.
11:23Pourquoi ? Parce que je l'entends depuis deux années et je l'ai dit, le trafic de drogue,
11:27ça pourrit la vie de qui ? Ça pourrit d'abord la vie des habitants des quartiers.
11:31Je veux dire, c'est des tas de témoignages que je recueille de parents hyper inquiets
11:35pour leur enfant.
11:36Ça veut dire que quand l'enfant va au collège, on lui dit de passer par tel ou tel chemin
11:41mais d'éviter ce point-dit-là, ça veut dire qu'on l'appelle dès qu'il rentre
11:45du collège pour être sûr qu'il est bien entré, avec pas seulement la crainte d'être
11:50tué, mais la crainte, à l'adolescence, notamment pour les garçons, d'un basculement
11:55dans l'argent facile.
11:57Mais vous soutenez du coup le ministre de l'Intérieur qui propose d'en faire une
12:00cause nationale la lutte contre le trafic de stupéfiants, est-ce que vous soutenez
12:04également le ministre de la Justice qui veut un parquet national anti-criminalité
12:11organisé ?
12:12Vous savez, je rencontrais la semaine dernière le sénateur Jérôme Durin qui avait mené
12:16la commission d'enquête sur le narcotrafic et donc la recommandation principale qu'il
12:21donne, c'est « follow the money », suivre l'argent, de manière à ce que, alors
12:25à l'inverse de ce qu'a fait Gérald Darmanin avec ses opérations PlaceNet, avec
12:29une police qui apparaît un jour et qui disparaît le lendemain et qui permet seulement d'avoir
12:34des petits dealers, là c'est d'aller chercher les gros bonnets, notamment en ayant
12:38des inspecteurs d'uffices, des inspecteurs des douanes, des inspecteurs de police spécialisés
12:42dans les questions de patrimoine et qui viennent comparer le train de vie des gens avec leur
12:48revenu déclaré.
12:50Donc je suis tout à fait favorable à ça.
12:53Maintenant, la seule nuance, et je l'ai dit à Jérôme Durin que je vois, c'est
12:57qu'il manque pour moi un deuxième volet.
12:59Le deuxième volet, c'est ce que j'ai dit, c'est qu'enfin la principale résistance
13:03à la drogue, elle se trouve à l'intérieur des quartiers eux-mêmes.
13:05C'est des associations de mamans qui font de la zumba sur la place du quartier pour
13:11ne pas qu'elle soit livrée aux dealers, vous voyez ? Et donc je pense qu'une politique
13:16publique contre le narcotrafic, ça ne doit pas seulement venir de l'extérieur, par
13:19la police qui est nécessaire, mais ça doit aussi venir de l'intérieur, en soutenant
13:24les associations, en soutenant les parents, en faisant qu'il y ait cette résistance-là
13:28de l'intérieur.
13:29Et d'autre part, ça a été mentionné par Angelo, qu'on ait une police de proximité.
13:33Ça veut dire quoi ? Qu'est-ce que demandent les gens ? Ils demandent une police qui reste
13:36et non pas une police qui passe.
13:38Il y a donc cette lettre que vous avez publiée hier soir, une lettre qui commence par ces
13:45mots « chers et chers camarades socialistes », ça commence plutôt bien, mais vous
13:50leur demandez où ils vont, quelle est leur cap ? Et vous vous interrogez parce que vous
13:55avez l'impression que les socialistes sont en train de trahir les promesses de la gauche.
14:01Quand on vous lit, c'est assez sévère.
14:03Ce sont les choix qui sont faits depuis maintenant des décennies, depuis François Mitterrand,
14:10depuis Jacques Delors en Europe, depuis Pascal Lamy, et confirmé par François Hollande
14:15que vous refusez complètement.
14:17Pourquoi avoir pris la plume, François Ruffin, pour vous en prendre à ce qui est aujourd'hui
14:23une composante essentielle du Nouveau Front Populaire ?
14:26Je ne pense pas que je m'en prends, et je ne pense pas que c'est lu comme ça par mes
14:30camarades socialistes.
14:31En revanche, je dis une crainte.
14:32Un vrai sentiment de lecteur, en tout cas.
14:34Je dis une crainte, je dis une crainte.
14:36Oui, le Parti Socialiste qui, depuis 1983, a ouvert une parenthèse libérale, c'est
14:45un souci.
14:46Et j'étais un adversaire du Parti Socialiste jusqu'en 2022.
14:51Vous dites même que c'est ça qui vous a lancé en politique.
14:54Ça a été un moteur.
14:55Moi, je suis de gauche.
14:56Et quand on a une gauche qui est au pouvoir et qui ne mène pas une politique de gauche,
14:58quand on a une gauche qui fait la loi travail, quand on a une gauche qui refuse le résultat
15:02du référendum sur le traité concilial européen de 2005, quand on a une gauche qui fait la
15:08déchéance de nationalité, quand on a cette gauche-là qui est au pouvoir, forcément,
15:12à ce moment-là, il y a deux gauches qui sont irréconciliables.
15:14Mais je pense que les temps ont changé.
15:16Les temps ont changé depuis 2022, où il y a eu le choix intelligent de Jean-Luc Mélenchon
15:22de tendre la main à Olivier Faure, et le choix intelligent d'Olivier Faure d'accepter
15:26cette main tendue et de se mettre ensemble pour ne plus avoir deux gauches irréconciliables.
15:31Mais on concerne une gauche qui soit forte, une gauche qui soit puissante, une gauche
15:35qui puisse mener à la victoire.
15:36Or, ce que je vois, ce que je crains, c'est le retour des deux gauches irréconciliables.
15:41Incarnées d'un côté par François Hollande et de l'autre par Jean-Luc Mélenchon ?
15:45En effet, au-delà des personnes, mais en effet qu'on ait là un parti socialiste
15:53qui décroche de la France insoumise, et je comprends bien pourquoi, mais qui, en même
15:59temps, ne soit plus arrimé à gauche.
16:01Je le dis, comme dirait l'un de leurs alliés, le cap est clair, le cap est clair.
16:06Il nous faut faire quoi ? Il nous faut fermer la parenthèse libérale, sans faire peur.
16:12Fermer la parenthèse libérale, c'est-à-dire ne plus dire marché, marché, marché, mais
16:15dire qu'il nous faut un État, qu'il nous faut un État chef d'orchestre, qu'il nous
16:18faut un État régulateur.
16:19Ne plus répéter concurrence, concurrence, mais dire qu'il nous faut de la coopération.
16:22Là, vous faites référence à Raphaël Glucksmann ?
16:24J'ai cité, je dis, voilà, le cap est clair, mais ce cap n'est pas le même que Raphaël Glucksmann.
16:30Et on a déjà eu des débats là-dessus, puisque, voilà, l'Europe telle qu'elle
16:36s'est faite ces 40 dernières années, j'ai dit, et je répète, en quoi elle ne me convient
16:40pas dans la concurrence libre et non faussée.
16:43Mais celui qu'on critiquait aussi, c'est Jean-Luc Mélenchon et sa stratégie, la radicalité,
16:47la radicalité, la radicalité.
16:48Ils se sont mis, et puisque vous êtes amateur de foot, au poteau de corner, ils ont ouvert
16:53un boulevard aux socialistes et aux socialistes libéraux.
16:57C'est une mauvaise stratégie qu'incarne aujourd'hui Jean-Luc Mélenchon ?
17:01Franchement, est-il nécessaire que je revienne là-dessus, alors que je l'ai déjà dit et redit ?
17:065 ou 6 pages sur le sujet.
17:08Pas là-dessus, là.
17:10Vous dire quoi ? Vous dire qu'est-ce qui s'est passé le 9 juin, au soir dernier ?
17:15Après l'élection législative ?
17:17On a dit front populaire.
17:19Et aussitôt, on a eu les gens de gauche, les sympathisants, les militants, qui ont
17:24fait pression, par des manifestations, par des pétitions, pour dire aux partis « ça
17:30suffit, arrêtez vos conneries ». Et qu'ils ont forcé les partis à se rassembler pour
17:36rassembler la gauche d'abord, pour rassembler le pays, et pour se donner une chance de victoire.
17:40Et je pense que cette envie-là, cette énergie-là, elle n'est pas partie, elle est toujours là.
17:45Et je pense que dans les profondeurs du peuple de gauche aujourd'hui, chez les sympathisants,
17:49chez les militants, il y a toujours la volonté de ne pas avoir deux gauches irréconciliables,
17:53mais d'avoir une gauche qui puisse gagner.
17:55Mais il y a quelque chose qui les divise, c'est de non-censure qui fait que le parti
17:58socialiste n'a pas censuré le gouvernement de François Bayrou après le discours de
18:02la politique générale, et en même temps, c'est ça qui fait qu'il est à la manœuvre.
18:06Alors il faut vous citer, vous dites aux socialistes que vous craignez de les retrouver
18:08« fort ramollis », ce sont vos mots, vous critiquez les bons points accordés, selon
18:13vous, par l'EPS à François Bayrou, et pourtant, est-ce que c'est pas cette non-censure du
18:19gouvernement par l'EPS qui leur permet de remporter des victoires ? Y compris cette
18:23nuit au Sénat, où ils ont obtenu un certain nombre de lois, une moisson de lois, contre
18:27la Vichère en Outre-mer, pour des rations de soignants…
18:29C'était pas au Sénat, c'était à l'Assemblée Nationale.
18:32C'était leur niche parlementaire.
18:33Justement, à mon avis, derrière, c'est le Sénat qui va bloquer tout ça.
18:35Mais ils ont obtenu des victoires, des rations de soignants à l'hôpital, des repas à
18:39un euro dans les restaurants universitaires, l'alluce contre les pannes d'ascenseur,
18:43des meilleures protections des enfants accueillis en crèche contre la financiarisation, ils
18:47sont à la manœuvre, ils ont obtenu des victoires avec ce pacte de non-censure.
18:50Ça, ça n'a rien à voir, vous savez, c'est une niche parlementaire, et je me félicite…
18:54Mais le gouvernement a facilité.
18:55Je me félicite que quand la gauche est unie, il y ait les repas du Crous à un euro, qu'il
18:59y ait la réparation d'ascenseur… Ils ont bénéficié de la bienveillance du gouvernement.
19:03Mais je vous assure que d'ici que ça se transforme en réalité, j'ai malheureusement
19:10beaucoup de scepticisme.
19:11Non, disons les choses.
19:13Quelle est l'orientation du budget de François Bayrou ? C'est ça qui va être le gros
19:19sujet.
19:20On a une… Alors moi j'appartenais à la commission d'enquête sur la dette publique
19:26qui disait que le souci aujourd'hui en France, ça n'était pas l'augmentation des dépenses
19:30publiques, on a même eu une réduction des dépenses publiques, par exemple les dépenses
19:34d'éducation ont baissé d'un point de PIB déjà, mais que c'était pour moitié
19:38la crise de surprimes, pour moitié la baisse des impôts sur le capital.
19:41Comment François Bayrou va répondre à cette dette géante que Bruno Le Maire et Emmanuel
19:47Macron ont creusé à la pelleteuse ? Est-ce qu'il va y répondre par une augmentation
19:51des recettes, et en particulier des recettes sur ceux qui, y compris dans les échos disent
19:55« taxez-nous sur les successions », parce qu'en effet il y a une concentration des
20:00richesses, du patrimoine, chez le pourcent ou chez le millième des plus fortunés de
20:05ce pays ? Est-ce que c'est comme ça que François Bayrou va y répondre ? Non, il
20:09y répond par des économies de bout de chandelle sur à peu près tout, sur le sport, sur l'éducation,
20:15sur les contrats aidés dans les quartiers, et je pense que ce budget-là, à l'arrivée,
20:19les socialistes verront bien qu'ils ne peuvent pas l'avouer.
20:21Rendez-vous en février, le texte de toute façon reviendra à l'Assemblée, on aura
20:25l'occasion d'assister et de comprendre les débats qui s'y joueront, mais dans l'actualité
20:29il y a aussi le Parlement européen qui a adopté hier une résolution qui demandait
20:33la libération de Boalem Sansal, qui est emprisonné arbitrairement en Algérie, 533 votes sur
20:41les 605 eurodéputés présents, l'eurodéputé insoumise Rima Hassan a voté contre, Manon
20:48Aubry s'est abstenue, qu'est-ce que ça vous inspire ?
20:50Écoutez, pour moi, il n'y a aucun doute que la place d'un écrivain n'est pas en prison,
20:55n'est pas en prison, c'est pas sa place dans les prisons françaises, ça n'est pas
20:59sa place dans les prisons algériennes, et qu'on soit d'accord ou pas d'accord avec
21:04ce qu'il écrit, ça s'appelle la liberté d'expression, et vous savez, si moi comme
21:08reporter… Mais qu'est-ce que vous dites à votre camarade
21:11Rima Hassan ? Je dis que même s'il y a de l'instrumentalisation
21:14par l'extrême-droite sur cette question, évidemment qu'il faut tout faire pour réclamer
21:20la libération d'un écrivain, que parce qu'il est français, évidemment, on doit
21:25aussi lui apporter notre soutien pour le libérer, et je veux dire, il n'y a aucun doute à
21:31avoir sur cette question, et je le répète, c'est la phrase de Voltaire, je ne suis pas
21:35d'accord avec vos idées, mais je ferai tout ce que je peux pour que vous puissiez les
21:38exprimer.
21:39Bon ben moi je ne suis pas d'accord avec plein de choses qu'écrit Boilem Sansal,
21:42mais il doit pouvoir s'exprimer, en tout cas, sa place n'est pas en prison.
21:46Mais sur la question de ces votes, vous vous indigne ?
21:47Je suis en désaccord complet avec ce vote-là, il n'y a pas de doute, voilà.
21:52Ben écoutez, merci François Ruffin d'avoir été l'invité de France Inter ce matin,
21:57j'indique donc que cette lettre est en ligne et qu'on peut la trouver, d'ailleurs,
22:01on la trouve sur X, vous allez quitter X ou pas ?
22:04Moi je suis…
22:05Vous êtes un très grand utilisateur des réseaux.
22:07Personnellement j'en suis un très faible utilisateur, mais heureusement j'ai une
22:11équipe qui le fait pour moi.
22:13Mais la sortie individuelle de X n'a malheureusement pas de sens.
22:17On a déjà bien des difficultés d'expression dans ce pays avec des médias qui, vous le
22:22savez, sont en main, hormis le service public, mais des plus grands milliardaires.
22:26Bon, on ne va pas en plus se couper soi-même un bras.
22:29En revanche, la question c'est une question politique.
22:31Est-ce que quand on a un Elon Musk qui fait le salut de l'Asie, qui s'ingère dans
22:35la politique en Grande-Bretagne, dans la politique en Allemagne, qui vient soutenir des partis
22:39fascistes en Europe, est-ce qu'on continue à lui dérouler le tapis rouge ou est-ce
22:44qu'on le prive de ses outils, on le prive de camp de Tesla et on le prive de Twitter ?
22:50Et je pense que Thierry Breton, dont je ne suis pas l'ami, il pose des bonnes questions.
22:55Et donc là, de la même manière qu'il nous faut une Europe de la puissance sur le
22:59terrain commercial, il nous faut une Europe de la puissance là, aujourd'hui, aussi
23:03sur la question des réseaux sociaux et non pas une Europe de l'impuissance.
23:06Nicolas Demorand – Merci François Ruffin d'avoir été l'invité de France Inter.

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