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00:00Bon voilà, après ce petit point, je suis très heureux de rencontrer ce matin un avocat,
00:06avocat notamment de Charlie Hebdo, infatigable défenseur de la liberté d'expression.
00:11Bonjour Richard Malka, merci beaucoup d'être avec nous ce matin et merci surtout pour ce
00:16livre Après Dieu, un livre intelligent, nuancé, sur un sujet ô combien délicat, puisque
00:23vous nous parlez des religions.
00:25Mais alors d'abord il faut expliquer que ce livre il fait partie d'une collection,
00:28Ma nuit au musée, dont le principe est de permettre à un auteur de passer une nuit
00:32dans un musée de son choix pour ensuite partager ses réflexions.
00:36Et alors vous, vous n'avez pas choisi un musée, vous êtes allé au Panthéon, là où reposent
00:41les grands héros français.
00:43Qu'est-ce qui vous est passé par la tête Richard Malka ?
00:46Pourquoi ce choix ?
00:48Parce que le problème d'être athée en fait, c'est qu'il faut trouver du sens ailleurs.
00:54Et pour le coup, aller au musée Picasso ou au Louvre, ça n'aurait pas eu beaucoup de sens pour moi
01:04d'aller parler de toile, d'art, même si j'adore ça.
01:07Je trouvais que, quitte à faire cette collection qui est vraiment un véhicule merveilleux,
01:14il fallait que j'y trouve, il fallait que ça résonne avec moi.
01:18Et donc le Panthéon, Voltaire, Hugo, Zola, Jaurès, me permettent de les interroger
01:25pour approfondir ce sujet de la religion.
01:29Ça me paraissait être le bon choix.
01:31Effectivement, vous vouliez notamment en parler à Voltaire, à qui vous vous adressez dans ce livre.
01:36Un homme qui, comme vous, défendait la liberté d'expression, combattait les fanatismes
01:41et qui pensait d'ailleurs vivre les dernières heures du fanatisme religieux.
01:47Oui, on était au siècle des Lumières, il y avait un mouvement incroyable vers les libertés
01:53et il pensait véritablement que c'était la fin du fanatisme, que ça allait disparaître,
02:00que l'infâme, comme il l'appelait, allait reculer à tout jamais, que la raison allait triompher.
02:07Il était très optimiste.
02:09Oui, il s'est un peu trompé. Et c'est là-dessus que j'interroge justement.
02:13Il n'aimait pas Voltaire, les religions, mais il était quand même croyant.
02:17Vous expliquez ?
02:18Il était déiste.
02:19Il croyait en un grand horloger du monde, c'est ça ?
02:21C'est ça.
02:22Il disait quelle religion à l'époque ?
02:25Alors, son obsession, c'est le christianisme.
02:28C'est ça.
02:29En fait, tout ce qu'il écrit...
02:30C'est la religion dominante de l'époque.
02:32Même quand il parle de l'islam avec sa pièce de théâtre, Mahomet et le prophète,
02:38c'est pour parler de christianisme.
02:41Quand il parle de judaïsme, il en parle aussi,
02:43mais c'est toujours pour passer par ce qu'il reproche au judaïsme d'avoir enfanté le christianisme.
02:49Donc il ramène tout au christianisme,
02:51religion qui oppresse à l'époque les écrivains, les artistes et toute la société,
02:58qui est son obsession.
03:00Il veut la combattre.
03:01Parce qu'on lui dit qu'il a fallu douze personnes pour fonder cette religion,
03:05et il répond qu'il n'en faudra qu'un pour l'anéantir.
03:08C'est son obsession.
03:10Il se bat contre le christianisme, qu'il considère être un conte pour enfants.
03:14Que Jésus soit le fils de Dieu, c'est une aberration pour lui.
03:20Il est absolument croyant.
03:22Il dit que si la religion n'existait pas, il faudrait l'inventer.
03:26Il pense que sans religion, l'humanité sombrerait dans la sauvagerie et la barbarie,
03:31sans éthique et sans morale.
03:33Il pense que c'est une nécessité, la croyance en Dieu,
03:36mais pas le corpus religieux qui va avec.
03:39Vous faites le parallèle avec aujourd'hui Richard Amalka,
03:42et vous expliquez que vous-même vous respectez tous les croyants,
03:46mais que le mot respect est devenu l'ennemi de nos libertés.
03:51On utilise le mot respect pour faire taire toute critique des religions, c'est ça ?
03:56Vous avez raison, je respecte tous les croyants,
03:59mais pas toutes les croyances.
04:01Même aucune croyance.
04:03C'est ça la ligne de démarcation,
04:05c'est qu'on respecte les êtres humains.
04:07On ne respecte pas ni les idées, ni les croyances, en aucun cas.
04:11On les critique, sinon ça devient des dogmes, des idolatries.
04:14Sinon, précisément, ces croyances et ces idéologies,
04:17c'est de s'imposer aux autres, d'imposer un modèle de société,
04:21de dire aux gens comment ils doivent s'habiller,
04:24qui peuvent aimer, ne pas aimer,
04:26à quelle heure ils doivent se réveiller,
04:28combien de fois par jour ils doivent prier.
04:30Que vous fassiez, que vous vous imposiez tout ça, libre à vous.
04:33Mais mon problème c'est à partir du moment où vous cherchez à l'imposer aux autres.
04:37Et donc, pour faire avancer ce dogmatisme,
04:44parfois on utilise le mot respect.
04:46En fait, respect, ça veut dire ne critique pas ma religion.
04:49C'est ça, c'est utilisé dans ce sens-là.
04:52C'est toxique, c'est dangereux.
04:54Ça, c'est un véhicule de l'oppression, en fait.
04:57Les gens pensent que c'est lutter contre la discrimination,
05:01d'imposer le respect,
05:03mais c'est un respect au sens mafieux du terme.
05:05Il y a un phénomène de clans, de tribus, de communautés,
05:13et je parle de toutes les communautés,
05:16de tous les clans et de toute réligion,
05:18qui utilisent ce terme pour imposer la censure,
05:23pour empêcher la critique,
05:25et donc pour faire avancer l'oppression religieuse,
05:27les chaînes de la religion.
05:29Et l'oppression dont vous parlez, en particulier dans ce livre, Richard Amalka,
05:32même si vous parlez bien sûr de toutes les religions,
05:34vous parlez surtout de l'islam,
05:36et vous nous expliquez qu'aujourd'hui,
05:38l'un des moyens de faire taire les récalcitrants,
05:41c'est de les traiter d'islamophobes.
05:43Pour vous, Richard Amalka,
05:45cette peur a conduit une partie de la classe politique
05:47à se soumettre à ce que vous appelez le fascisme religieux.
05:50Alors, j'invente rien.
05:52C'est Salman Rushdie et bien d'autres.
05:54En fait, le terme islamophobie,
05:56comme le terme respect, comme le terme offense,
05:59si on veut ne jamais être offensé,
06:04il faut rester entre gens qui pensent exactement la même chose.
06:08Le débat, l'altérité,
06:10c'est précisément de discuter avec l'autre,
06:12d'être parfois heurté, bousculé,
06:14et puis parfois, c'est comme ça qu'on s'enrichit,
06:16et puis qu'on complexifie son raisonnement.
06:18Et puis parfois, ça allume des petites lumières,
06:21et des années plus tard, vous vous dites,
06:23en fait, il avait raison.
06:24Si vous voulez ne jamais être heurté,
06:26c'est la définition.
06:27Il faut vivre dans une grotte.
06:28C'est la définition de la liberté d'expression.
06:30C'est ceux qui heurtent, qui choquent, qui blessent.
06:32C'est la définition orwellienne de la liberté d'expression.
06:35Si c'est que pour dire aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre,
06:37ça n'a aucun sens.
06:38Et puis, c'est pas très grave d'être heurté, blessé, choqué.
06:41Il y a des choses plus graves dans la vie.
06:43On n'est pas des petites choses fragiles.
06:46On débat.
06:48On argumente.
06:50Et puis, on réfléchit.
06:53Mais on ne peut pas vivre dans une société
06:55où l'autre vous empêche de penser,
06:58de vous exprimer,
07:00de dire ce que vous pensez.
07:01Le vrai respect, c'est ça.
07:02C'est de dire aux gens ce que vous pensez
07:04et éventuellement de les critiquer.
07:06Quand vous avez un ami qui fait quelque chose
07:09qui ne vous plaît pas, que vous jugez mal,
07:11vous lui dites.
07:12C'est ça le respect.
07:13C'est pas se coucher.
07:14C'est pas abandonner tous nos droits.
07:17Et donc, effectivement, je traite de ces nouveaux mots
07:22qui sont pour moi les mots du mal.
07:24Et votre livre, Richard Malka, Après Dieu,
07:27il nourrit vraiment ce débat.
07:28On va continuer à en parler dans un instant.
07:30On revient tout de suite sur Europe 1.
07:32Vous écoutez Culture Média sur Europe 1,
07:349h30, 11h avec Thomas Hill
07:36et avec Richard Malka ce matin
07:38pour votre nouveau livre,
07:40Richard Malka, Après Dieu,
07:42qui est disponible aux éditions Stock.
07:44Un livre dans lequel j'ai appris énormément de choses,
07:46notamment sur l'histoire du Panthéon lui-même.
07:49Je ne connaissais pas du tout l'histoire du Panthéon
07:51qui a été construit au départ
07:52pour être un édifice religieux.
07:54Vous nous expliquez que c'est Louis XV
07:56qui a lancé sa construction
07:58pour remercier Dieu de l'avoir sauvé
08:00d'une terrible maladie, c'est ça ?
08:02Oui, il était à l'article de la mort
08:04après une campagne militaire.
08:05Il était très jeune, il avait la trentaine.
08:08Et les médecins le soignaient à coups de saignée.
08:11Évidemment, ça ne marchait pas vraiment.
08:13Ça le rendait encore plus malade.
08:15Il reçoit l'extrême onction.
08:17Les églises sonnent les cloches
08:19parce qu'il n'y avait plus aucun espoir.
08:21Et là, il fait une promesse, il dit
08:23si j'en sors, si je m'en sors vivant,
08:25je ferai construire la plus grande basilique de Paris
08:28sur la montagne de Sainte-Geneviève
08:30en l'honneur de Sainte-Geneviève.
08:32Et en désespoir de cause,
08:34on fait appel à un médecin
08:36de la ville où il se trouve,
08:37mais c'est un médecin juif,
08:39qu'il le resoigne en trois jours.
08:41Et donc, il y a une véritable résurrection de Louis XV.
08:44En fait, ça ne devrait pas être une basilique,
08:46mais ça devrait être une synagogue.
08:48Sauf qu'on l'a planqué ce médecin.
08:50Alors, on l'a planqué,
08:52parce que ça ne pouvait pas être un juif
08:54qui ait sauvé le roi très chrétien.
08:56Ce n'était pas possible.
08:58Donc, on a dit que c'était un médecin de régiment.
09:00On a quand même
09:03permis à ce médecin
09:05de ne pas payer d'impôts.
09:07C'était sa récompense.
09:11On a fait des grandes fêtes à Paris
09:13pour célébrer le médecin de régiment
09:15qu'on a intronisé sauveur du roi de France.
09:19Et finalement, ça n'a été ni l'un ni l'autre,
09:21puisque ce bâtiment,
09:23après du retard dans sa construction,
09:25n'a jamais eu le temps d'être consacré.
09:27Ça n'a jamais vraiment été une église.
09:29Jamais.
09:30Avant que les révolutionnaires prennent le pouvoir.
09:32Et eux ont décidé d'en faire
09:34une église
09:36de la nouvelle religion civile.
09:38Un temple laïc.
09:40Et vous en parlez
09:42de ce temple laïc dans ce livre
09:44Richard Malka, Après Dieu,
09:46c'est encore quand même dix ans
09:48après les attentats de Charlie Hebdo.
09:50J'imagine que ce n'est pas totalement un hasard.
09:52Lors de la manifestation du 11 janvier 2015,
09:54vous étiez Richard Malka
09:56en tête de cortège.
09:58Vous étiez soutenu par des millions de Français.
10:00Et pourtant, vous dites dans ce livre
10:02que vous ne vous êtes jamais senti aussi peu
10:04à votre place. Pourquoi ça ?
10:06Il y a quelque chose de lunaire.
10:08Charlie Hebdo,
10:10c'est le journal
10:12iconoclase par excellence.
10:14Il n'est pas fait
10:16pour faire l'adhésion
10:18de tous.
10:20C'est un journal
10:22à la marge.
10:24C'est un journal non consensuel.
10:26Et là, on se retrouvait
10:28et évidemment on le comprenait,
10:30ça nous faisait du bien,
10:32soutenu par des millions
10:34de personnes.
10:36Une manifestation, il n'y en a jamais eu
10:38dans l'histoire de ce pays.
10:40Il n'y a jamais eu 4 millions de personnes
10:42manifestant pour une cause.
10:44Et donc on se retrouvait
10:46être un symbole de consensus.
10:48Et il y avait quelque chose
10:50de vertigineux. C'était un retournement
10:52de sens,
10:54de l'histoire de ce qu'était
10:56Charlie Hebdo qui était incroyable.
10:58Et donc on était là,
11:00il fallait être là.
11:02Et ce soutien populaire était important.
11:04Mais en même temps,
11:06rien de ce qu'on était
11:08ne nous amenait
11:10à ce point-là.
11:14Il y a quelque chose
11:16dans l'histoire de l'univers qui déconne.
11:20Donc effectivement, c'était très étrange.
11:22Votre histoire avec
11:24Charlie Hebdo, Richard Malkiel,
11:26commence en 1992 quand vous avez rencontré
11:28Philippe Val et la rédaction de Charlie Hebdo.
11:30Vous êtes un tout jeune avocat, vous aviez 23 ans.
11:32Ça faisait 6 mois
11:34que vous étiez avocat.
11:36Et vous avez eu un coup de cœur
11:38pour l'équipe, pour la cause
11:40de Charlie Hebdo, pour ce qu'il représente ?
11:42Alors oui, il y a eu
11:44une résonance. Ils venaient voir le cabinet
11:46dans lequel je travaillais, ils ne venaient pas me voir moi
11:48que personne ne connaissait.
11:50Et oui, je suis entré en
11:52résonance avec eux, mais parce que
11:54ils avaient mon âge aussi.
11:56Charbes, Luz, Ries.
11:58Exactement de la même génération.
12:00On a grandi ensemble.
12:02Et puis,
12:04leur cause,
12:06même si je n'y avais pas vraiment réfléchi avant,
12:08instinctivement, naturellement,
12:10j'étais assez en
12:12adéquation avec leur esprit
12:14frondeur, parfois potache.
12:16Et puis,
12:18leur amour de la liberté,
12:20parfois de la transgression.
12:22En tout cas, leur volonté
12:24de ne respecter aucun
12:26dogme, justement, aucun tabou,
12:28aucun totem. C'est ça Charlie Hebdo.
12:30On ne respecte pas les puissances, à commencer
12:32par la mort, elle-même.
12:34Ce qui est très étonnant, c'est qu'on se rend
12:36compte qu'en 30 ans, parce que vous, vous avez vu l'évolution
12:38des attaques contre Charlie Hebdo.
12:40Au début, c'était plutôt des intégristes
12:42catholiques, ou le Front National
12:44qui attaquait certains des saints de Charlie.
12:46Et aujourd'hui, il y a des gens qui accusent
12:48Charlie Hebdo d'être réac.
12:50C'est assez incroyable, ce renversement
12:52en quelques années.
12:54Alors, j'ai vécu la même chose pour la
12:56laïcité, ou pour l'universalisme.
12:58C'est-à-dire,
13:00et maintenant pour la liberté d'expression.
13:02C'est très inquiétant.
13:04Toutes ces valeurs, qui sont historiquement
13:06des valeurs de gauche.
13:08Et ce n'est pas pour disqualifier la droite que je dis ça.
13:10Et heureusement, la droite adhère à ces valeurs-là.
13:12Mais c'est historiquement,
13:14philosophiquement, la gauche qui a apporté
13:16le camp progressiste, qui a apporté
13:18ces valeurs.
13:20Qui a abandonné la laïcité, par exemple.
13:22Une partie de cette gauche
13:24a exprimé un malaise,
13:26une gêne, les a abandonnées.
13:28Ensuite, elles ont été récupérées par la droite,
13:30par l'extrême droite. Et là, plus personne n'en parle.
13:32Et le mouvement s'accélère et s'accentue.
13:34J'ai vécu ça.
13:36Et on voit où ça nous mène,
13:38cette catastrophe. Quand la gauche
13:40abandonne ces thèmes-là.
13:42En fait, la nature horreur du vide.
13:44Donc, elles sont récupérées.
13:46Et après, il ne faut pas se plaindre.
13:48De voir ceux qui les récupèrent
13:50avancer.
13:52Ce n'est pas ça, la solution.
13:54Donc, j'ai vu ça. Je le vois maintenant
13:56pour la liberté d'expression.
13:58Parfois qualifiée de valeur réactionnaire.
14:00Et ça, c'est très inquiétant.
14:02Parce que c'est le socle de toutes nos libertés.
14:04Et je le voyais compris
14:06dans mes procès. Avec une convergence
14:08d'associations
14:10d'extrême droite et d'extrême gauche
14:12qui soutiennent exactement
14:14la même chose. Quand il s'agit
14:16de restreindre la liberté d'expression
14:18avec des valeurs familiales,
14:20des valeurs de protection
14:22de l'enfance, ou féministes.
14:24Il y a toujours des grands mots derrière
14:26lesquels avance
14:28la régression de la liberté d'expression.
14:30Et c'est là où vous dites dans votre livre que tenir
14:32une ligne de raison est devenu un chemin
14:34de croix. Après Dieu, votre
14:36nouveau livre Richard Malcas est disponible
14:38aux éditions Stock. On vous le conseille
14:40vraiment si vous voulez aller plus loin sur
14:42ce sujet. Et puis nous, dans un instant, on va parler
14:44d'une série à une série absolument
14:46formidable avec Héloïse Gouin.
14:48A tout de suite.

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