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00:00Bonjour Béatrice Brugère, et bienvenue à la grande interview sur CNews et Europe 1.
00:09Vous êtes magistrate, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrat FO,
00:13auteure du livre Justice, la colère qui monte, un livre doublement récompensé,
00:18notamment par le prix du barreau.
00:20Béatrice Brugère, à la une de l'actualité et face au narcotrafic
00:23et à la myriade d'organisations criminelles qui s'implantent en France,
00:26avec un système, rappelons-le, fondé sur la peur, la corruption et des règlements de comptes sanglants,
00:32il y a une proposition de loi intitulée Pour sortir la France du piège du narcotrafic.
00:36Elle a fait consensus hier au Sénat.
00:38Il est question de ce fameux parquet dédié au narcotrafic, du statut du repenti.
00:43De tels prérogatives sont bienvenues, mais pour la magistrate que vous êtes,
00:46est-ce que c'est suffisant quand on parle du menace existentielle aujourd'hui ?
00:50Oui, alors d'abord, c'est une très bonne nouvelle que le Sénat,
00:53il faut quand même dire que c'est le Sénat qui a fait ce rapport,
00:56cette enquête extrêmement intéressante et qui débouche en effet aujourd'hui
01:01sur une proposition de loi assez ambitieuse.
01:04C'est une très bonne nouvelle parce qu'on s'aperçoit qu'il y a un décalage
01:09extrêmement important entre la réalité criminelle, que certains dénoncent depuis longtemps,
01:13y compris les magistrats, et puis notre capacité de riposte, on va dire,
01:18à la fois sur le plan judiciaire, mais sur le plan aussi policier
01:22et sur le plan de la santé publique, qui est un peu la grande oubliée, je crois,
01:27aussi de cette réflexion qui est en effet en ce moment au Sénat.
01:31Pourquoi je parle aussi de santé publique ? Parce que les chiffres,
01:34et vous les avez sans doute déjà commentés, sur la consommation
01:38disent beaucoup aussi de l'état de la menace.
01:41C'est-à-dire qu'on a tendance à s'occuper beaucoup des organisations criminales,
01:45et on a raison, parce qu'on a pris du retard,
01:47mais ces organisations criminelles, elles ne prospèrent que parce qu'il y a une consommation...
01:53Un marché.
01:54Et là-dessus, je dis simplement, je ne vais pas vous donner trop de chiffres,
01:57mais ils sont intéressants. C'est-à-dire que ce que l'on voit, c'est la rapidité,
02:01c'est-à-dire la vitesse sur l'offre de consommation et les addictions.
02:07Par exemple, la cocaïne, qui était une drogue plutôt réservée à une certaine élite,
02:12c'est totalement démocratisé.
02:14Elle reste très pure, mais elle reste très accessible en termes de prix.
02:17Elle est déversée, ça veut dire que la France est devenue une cible.
02:21C'est une submersion, comme l'a dit le livre de l'intérieur.
02:24Et pourquoi c'est une submersion ? Parce qu'en fait, elle arrive par toutes les voies.
02:28Les voies maritimes, d'abord, qui sont, vous le savez, des tonnes, en fait.
02:32Parce que c'est des tonnages, les bateaux, donc c'est des tonnes qui peuvent traverser.
02:36Je rappelle à ce propos, d'ailleurs, qu'on ne contrôle que 2%.
02:402%. Pourquoi, d'ailleurs, on ne contrôle que 2% ?
02:43Ça, c'est une vraie question.
02:44Certains disent tout simplement parce que c'est le fameux libre-échange.
02:47Exactement, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas ralentir les échanges commerciaux,
02:51les flux commerciaux.
02:52Donc, si vous commencez à contrôler tous les bateaux qui arrivent,
02:55évidemment, vous stoppez.
02:57Et donc, vous avez tout de suite une conséquence économique sur les flux commerciaux.
03:02Mais il n'y a pas que la mer.
03:03Il y a aussi la poste, par exemple.
03:05On oublie ça.
03:06Mais la poste est aussi, puisqu'on est sur une ubérisation de la consommation...
03:12Donc, en fait, le monde...
03:13Pardonnez-moi, Béatrice, mais les axes routiers, évidemment.
03:16Et la question se pose du contrôle de nos frontières également.
03:19Exactement. Donc, en fait, aujourd'hui, pour les politiques,
03:21la question, c'est la question des priorités.
03:23Par où commencer ?
03:24L'enjeu du politique, il est double.
03:27C'est à la fois agir dans la complexité.
03:29Et la complexité, on le voit, elle est énorme,
03:32puisqu'en fait, vous êtes à la fois sur du commerce international,
03:34sur des relations géopolitiques, sur des relations diplomatiques,
03:38sur une économie souterraine, donc illégale, sur du blanchiment.
03:42Vous êtes sur un problème de santé publique, de consommation...
03:44Et de justice.
03:45Et de police.
03:46Et de police et, in fine, de justice et aussi de détention.
03:50Puisque maintenant, on sait que, même en prison,
03:53ce n'est plus un obstacle au continuum du trafic de drogue.
03:58Par contre, malheureusement, c'est l'inverse.
04:01Avec certains criminels qui poursuivent leur business, comme il est dit.
04:05La justice, évidemment, les prérogatives que nous avons citées sur le parquet dédié,
04:09ce sont des mesures bienvenues.
04:11Mais très sincèrement, pour la magistrate que vous êtes,
04:13quand on déclare une guerre, vous avez parlé de magistrats tout à l'heure,
04:16on pense à ces magistrats marseillais qui ont tiré la sonnette d'alarme
04:19de manière extrêmement claire.
04:21Est-ce qu'on peut mener, gagner cette guerre sans sortir d'un certain cadre ?
04:25L'état de droit, ça crée, certains le répètent,
04:28mais est-ce qu'il ne faut pas des lois d'exception ?
04:30D'abord, je reviens à votre question, elle est importante.
04:33Le parquet, évidemment, vu le panorama que je viens de vous décrire
04:36et ce que vous avez dit, n'est pas du tout suffisant.
04:39Ce n'est qu'un outil parmi d'autres.
04:41Il faut avoir une stratégie globale,
04:43et quand je dis stratégie globale, c'est-à-dire revisiter,
04:47depuis l'importation, donc les frontières,
04:51le contrôle, la police, les enquêtes,
04:54la police judiciaire, la complexité de la norme.
04:57Oui, mais c'est ça, si on veut être ambitieux.
05:00Je n'ai pas fini.
05:01La capacité à juger, vous savez qu'aujourd'hui,
05:03toutes les rentrées solennelles ont été assez moroses,
05:06puisqu'on disait qu'on n'arrive plus à juger aujourd'hui.
05:09Donc le parquet, c'est qu'une petite partie.
05:11Ça va être aussi les sanctions.
05:15Est-ce que les sanctions sont dissuasives ?
05:17Ça va être les saisies, ça va être également...
05:19C'est une révolution.
05:20Donc, en fait, il faut avoir une pensée stratégique
05:22du début jusqu'à la fin, et la fin, c'est les prisons.
05:25Donc le parquet ne suffira pas, ça c'est ma réponse.
05:27Sur l'État de droit, qui est un sujet, évidemment,
05:30qui occupe tout le monde, il ne faut pas se tromper de débat.
05:33La question... On a eu des polémiques, à mon avis,
05:36totalement inutiles.
05:37L'État de droit n'est pas quelque chose d'intangible.
05:40Ce qui est intangible, c'est de sortir de l'État de droit
05:44ou de ne pas l'appliquer.
05:45Il ne faut plus avoir peur de ne pas appliquer l'État de droit,
05:48et là, on peut peut-être se dire que la justice,
05:51qui est faible, peut-être met plus en danger
05:53l'État de droit si elle n'est pas assez forte
05:55pour appliquer de façon égale, pour tout le monde,
05:57l'État de droit.
05:58Mais l'État de droit, il a toujours été évolutif.
06:00En vrai, dès que vous avez une nouvelle loi,
06:02vous modifiez l'État de droit.
06:04Attendez, donc ceux qui poussent des cris d'orfraie
06:05en disant que si on adapte, on touche à l'État de droit
06:08par rapport à cette guerre contre les narcotrafics,
06:10on toucherait à un principe presque substantiel
06:14à notre démocratie, sont tords ?
06:17Ce n'est pas ça le sujet.
06:18Le sujet, c'est quoi l'État ?
06:20En fait, on va revenir sur deux choses,
06:21si vous me permettez quelques secondes.
06:22Parce que le sujet est important,
06:24et les polémiques sont inutiles parfois.
06:27L'État de droit, c'est d'avoir une constitution.
06:29On en a une.
06:30C'est d'avoir une séparation des pouvoirs.
06:32Il faut y veiller tout le temps.
06:33Et c'est d'avoir, si vous voulez,
06:35une législation qui à la fois est protectrice,
06:38avec un magistrat, qui est un tiers garant,
06:40qui puisse intervenir et éviter l'arbitraire.
06:44C'est ça l'État de droit.
06:45Mais après, à l'intérieur,
06:47je veux dire, le droit évolue.
06:49Donc ça n'empêche pas un réarmement
06:50Mais pas du tout.
06:51face à la guerre des narcotrafics.
06:52Il y a un grand juriste qui s'appelait Carbonier,
06:54qui disait que le droit doit épouser la vie.
06:57Ça veut dire que le droit est vivant.
06:59Et il sait, et bien sûr, qu'il est tout le temps en mutation.
07:03Mais il faut plus...
07:04La vraie menace pour l'État de droit,
07:06c'est de ne pas l'appliquer.
07:08C'est très important ce que vous dites.
07:09Je voudrais quand même rappeler que le début de semaine
07:11a été marqué par des très grandes violences
07:13sur fonds de trafic à Macon, à Marseille.
07:15Même si le nombre d'homicides, de narcomicides,
07:18a diminué l'année dernière,
07:19c'est une véritable submersion.
07:21Et selon les mots de Bruno Rotaillot,
07:23mais aussi de tous les responsables,
07:25préfets de police et procureurs,
07:27ça veut dire que si on n'applique pas certaines lois,
07:29on ne se réarme pas,
07:30il y a une forme de non-assistance à la population en danger.
07:33Oui, parce que, par exemple, dans l'État de droit,
07:34vous avez des libertés fondamentales.
07:36Une qui est très importante, c'est le droit à la sécurité.
07:38Et oui, ça fait partie de l'État de droit.
07:40Donc si vous avez une police et une justice
07:42qui n'assurent plus votre sécurité,
07:43d'une certaine façon, vous êtes en danger sur l'État de droit.
07:46Donc la question, c'est pas son évolution.
07:49La question, c'est est-ce que l'État de droit est appliqué ?
07:52Est-ce qu'on a des garanties pour l'appliquer ?
07:54Est-ce que les magistrats sont en capacité
07:56d'appliquer le droit égalitaire pour tout le monde ?
07:59Si vous avez des territoires entiers
08:00qui échappent à la justice, qui échappent à la police,
08:03là, vous êtes en danger sur l'État de droit.
08:05C'est le cas aujourd'hui.
08:06Oui, il me semblerait qu'il y a des endroits où c'est le cas.
08:08Si vous avez trop de normes
08:09qui empêchent la cohérence et l'application du droit,
08:12là, vous mettez en danger l'État de droit.
08:14Par exemple, la complexité
08:16ou parfois la bureaucratisation de certaines procédures
08:19font que le droit devient incohérent.
08:21La non-application des sanctions,
08:23c'est une atteinte à l'État de droit.
08:25On va en parler de la non-application.
08:27Je vous le disais, les règlements comptes se multiplient,
08:29y compris dans des villes où personne n'aurait imaginé
08:31il y a encore quelques années,
08:32Béatrice Brugère, de telles fusillades.
08:35Il y a aussi quand même la corruption des agents de l'État,
08:38des forces vives de notre administration.
08:41Et un mot, cette semaine, a marqué les esprits,
08:44celui de narco-terroriste.
08:46Il y a une surenchère.
08:47Est-ce que vous partagez un tel diagnostic aujourd'hui ?
08:49Le diagnostic est extrêmement important
08:51parce que là, on a deux problèmes.
08:54Un, on a un problème de déni
08:56qui est consubstantiel à notre société.
08:59Et on a un problème d'absence, je pense,
09:02ou de rigueur intellectuelle
09:03sur la connaissance des phénomènes criminels.
09:05Il faut réinvestir ce champ criminel.
09:07Je vous le dis, par exemple,
09:08on ne fait pas de criminologie comme d'autres pays.
09:10Donc, on a toujours l'impression de découvrir les choses.
09:13Or, ça pose plusieurs problèmes.
09:15D'abord, un, parce qu'on est en retard
09:16sur la connaissance des organisations criminelles.
09:19Et deux, parce que ces organisations criminelles
09:21sont en mutation permanente.
09:23C'est-à-dire que ce que vous savez hier
09:24n'est pas nécessairement valable pour demain.
09:26Donc, il faut réinvestir le champ criminel.
09:28Si le diagnostic n'est pas bon et il est évolutif,
09:31à ce moment-là, nous sommes à côté de la problématique.
09:34Et par exemple, ceux qui disent qu'aujourd'hui,
09:37on peut parler de narco-terrorisme,
09:39si vous avez des organisations criminelles
09:41qui ont pris le contrôle de certains quartiers,
09:44qui tuent, qui font des règlements de comptes,
09:46ils font une forme de terreur.
09:47Et je pense que la menace du narco-trafic
09:50est aussi importante que la menace du terrorisme.
09:53Alors, il y a quand même des résultats,
09:54puisque par exemple, Félix Bengui, surnommé Le Chat,
09:57c'est l'un des plus gros trafiquants,
09:59chef présumé du clan Yoda à Marseille.
10:01Il a été extradé du Maroc vers la France.
10:03Il devrait intégrer une prison de haute sécurité
10:06comme d'autres grands trafiquants.
10:07Béatrice Brugère, c'est la proposition
10:09du garde des Sceaux Gérald Darmanin
10:11de regrouper les plus gros criminels en prison.
10:13Est-ce que c'est pertinent et est-ce que c'est faisable ?
10:15Alors, on demande toujours,
10:18c'est un peu injuste d'ailleurs,
10:19aux nouveaux gardes des Sceaux qui arrivent,
10:21de régler tous les problèmes en quelques secondes.
10:23Problèmes qui sont souvent le résultat
10:25de dix ans d'abandon ou de déni
10:27ou de mauvais choix politiques.
10:28Donc, il est dans l'urgence.
10:30Aujourd'hui, on n'a pas de prison de haute sécurité.
10:33On va déjà commencer par ça.
10:35Donc, on n'en a pas, c'est Badinter d'ailleurs
10:37qui avait fait supprimer les quartiers de haute sécurité.
10:40Et même, et ça ne fait pas sourire,
10:42mais on est encore capable,
10:44il y a encore quelques temps,
10:45c'était sous Nicole Belloubet,
10:46de construire des prisons sans barreaux
10:48parce qu'on trouvait que ce n'était pas nécessaire.
10:50Donc, c'est n'importe quoi.
10:51Des prisons sans barreaux.
10:52Oui, donc on vient de loin.
10:53On vient de très loin.
10:54Donc, qu'on ait un garde des Sceaux aujourd'hui
10:56qui prenne conscience qu'enfin,
10:58on a une nécessité et un besoin
11:00comme l'ont fait depuis très longtemps
11:02l'Espagne ou l'Italie,
11:03d'avoir des établissements spécialisés.
11:05C'est votre proposition.
11:06C'est une proposition que l'on porte
11:08d'ailleurs avec les directeurs de prison
11:10qui portent aussi cette proposition.
11:12Il faut construire,
11:13et on est sur un plan de construction,
11:15des prisons de haute sécurité.
11:17C'est-à-dire qu'il faut arrêter
11:19de ne pas discriminer des gens
11:21qui sont très dangereux
11:22et des gens qui le sont moins.
11:23On n'a pas ça aujourd'hui encore en France.
11:25Il faut le faire.
11:26C'est une très bonne idée.
11:27On ne peut que la soutenir.
11:29Derrière ces profils dont on a parlé,
11:31comme ces gros trafiquants,
11:33il y a une partie de trafiquants en droit
11:34qui sont vraiment des mineurs,
11:36qui se comportent en hors-la-loi,
11:37maniant les kalachnikovs.
11:39Vous avez souvent parlé,
11:40dès le premier écart,
11:42des ultra-courtes peines.
11:44Le ministre de l'Intérieur
11:45en s'y est favorable.
11:46Est-ce que vous pensez
11:47qu'on peut avancer vers ça ?
11:48Est-ce qu'aujourd'hui,
11:50le mouvement anti-prison,
11:51ou prison sans barreau,
11:52recule par rapport à la lucidité
11:56qui est la vôtre ?
11:57On est dans un ministère
11:58où changer est compliqué.
12:00Même si les Français le demandent.
12:04Je le vois parce que je porte
12:06cette proposition avec d'autres.
12:08On a regardé ce qui se passait
12:11dans d'autres pays.
12:12C'est intéressant aussi
12:14d'avoir une forme d'humilité
12:16et de se remettre en question
12:17sur notre système.
12:18Comme pour la lutte
12:19contre le narcotrafic,
12:20on est en échec.
12:21C'est exactement la même chose
12:22sur la lutte contre la récidive.
12:25On voit très bien
12:26que la violence augmente.
12:27Il faut réinterroger
12:28notre politique pénale.
12:29On la réinterroge en regardant
12:30ce que font d'autres pays.
12:32Les ultra-courtes peines,
12:33tous les pays du Nord l'utilisent
12:35d'une manière ou d'une autre.
12:36L'Allemagne, le Luxembourg,
12:37les Pays-Bas.
12:38Et ils ont, pour faire simple,
12:41cette capacité de punir davantage
12:44et de vider leur prison.
12:45Ce n'est pas inintéressant
12:46puisque nous, c'est l'inverse.
12:47On punit de moins en moins
12:48et nos prisons débordent.
12:49Donc, il faut quand même
12:50peut-être réinterroger
12:51notre politique pénale,
12:52son idéologie et son logiciel.
12:55Les ultra-courtes peines,
12:56c'est quoi le principe ?
12:57C'est de dire que vous commettez
12:58un fait très grave,
12:59vous êtes sanctionnés tout de suite
13:01c'est pas long, c'est très court.
13:03C'est un effet pédagogique,
13:04c'est une sanction.
13:05Nous, on a un système
13:07complètement différent,
13:08c'est incarcérer le plus tard possible
13:11et quand ça tombe tard,
13:12ça tombe long.
13:13Mais est-ce que pour autant,
13:14Béatrice Brugère,
13:15je vous pose la question directement,
13:16est-ce qu'il y a un droit
13:17à l'inexécution de la peine en France ?
13:19Oui, en fait, on a tout un système
13:21aujourd'hui qui favorise
13:23le droit à l'aménagement.
13:25Alors, ce n'est pas tant l'inexécution
13:28que le changement de la peine prononcée
13:31Un chiffre.
13:3240% des peines de prison
13:33qui sont prononcées à l'audience,
13:36et il n'y en a pas tant que ça,
13:37sont immédiatement aménagées.
13:39Donc, en fait,
13:40comme on n'a pas de place de prison,
13:44en fait, on n'a pas construit
13:45de place de prison,
13:46là aussi, on a pris un retard fou,
13:48eh bien, on est maintenant dépendants
13:50de nos capacités.
13:52Et en fait, tout le système
13:53est dépendant de ses capacités.
13:54Aujourd'hui, vous avez
13:55des courageux chefs de cours
13:57qui, lors des audiences solennelles,
13:59on dit qu'on n'y arrive plus,
14:01on ne peut plus juger.
14:02Il faut savoir que dans certaines cours
14:03où il y a des faits extrêmement graves,
14:05on ne juge que les détenus.
14:07Donc, les détenus aujourd'hui,
14:09en tout cas les détenus,
14:10les narcotrafiquants,
14:11les gros criminels,
14:12leur seul objectif,
14:14c'est d'être remis en liberté.
14:16Donc, les chambres d'instruction
14:18sont totalement embolisées
14:19par des demandes de mise en liberté.
14:20Il y a eu un SOS,
14:21une alerte du procureur général d'Aix
14:22à ce sujet d'ailleurs.
14:23Exactement, c'est à lui
14:24auquel je pensais.
14:25Il est très courageux
14:26et il a raison parce que
14:27ses voix doivent s'élever
14:28pour dire enfin la vérité.
14:30Vous dénoncez souvent
14:31et votre syndicat aussi,
14:32plus largement.
14:33On a perdu de vue l'essentiel,
14:35en réalité, dans la justice.
14:36Vous dites qu'on arrive
14:37à un juridisme sans âme.
14:38Est-ce qu'aujourd'hui,
14:39il va y avoir une vision,
14:40une stratégie ?
14:41Enfin, on a parlé d'une population,
14:42d'une non-assistance
14:43à populations en danger.
14:44Est-ce que vous la voyez,
14:45cette vision ?
14:46Écoutez, moi je trouve
14:47qu'en tout cas,
14:48il y a un frémissement
14:49qui n'est pas inintéressant
14:50parce qu'on a un alignement
14:52qui est assez nouveau
14:53entre le ministère de l'Intérieur
14:56et le ministère de la Justice.
14:58Pour enfin regarder
14:59la criminalité telle qu'elle
15:00est la situation.
15:02C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
15:04on a quand même
15:05une prise de conscience
15:06que notre procédure
15:07est parfois trop complexe
15:09et parfois pas assez sévère
15:11pour sanctionner
15:12les abus de droit.
15:13Et donc, il faut avoir
15:14un choc de simplification,
15:15une réflexion de très haut niveau
15:17sur l'organisation
15:19de la justice
15:20et de la police
15:21pour avoir des résultats efficaces.
15:23C'est simplement
15:24cette information européen
15:25et ça rejoint
15:26ce que vous dites
15:27Béatrice Brugère.
15:28C'est la barre
15:29des 2 millions de dossiers
15:30atteints au sein
15:31de la police judiciaire.
15:32Impossible à traiter.
15:33Donc évidemment,
15:34pour la justice,
15:35c'est une embolie incroyable.
15:36Mais c'est ça,
15:37l'atteinte à l'état de droit.
15:38C'est que quand vous allez
15:39déposer plainte,
15:40il n'y a pas d'enquête
15:41et il n'y a pas de dossier
15:42qui sont jugés.
15:43Ça, c'est une vraie atteinte
15:44à l'état de droit.
15:45Donc l'urgence, elle est là.
15:46C'est de remettre en place
15:47une police et une justice
15:48qui d'abord travaillent
15:49dans le même sens
15:50et qui puissent répondre
15:51à la demande des citoyens.
15:52Si on ne répond pas
15:53à la demande des citoyens,
15:54les citoyens se feront justice.
15:56D'ailleurs, j'en profite
15:57pour dire qu'il y a...
15:58Ils se feront justice ?
15:59Bien sûr, il y a un livre
16:00qui vient de sortir
16:01qui n'est pas inintéressant
16:02d'un journaliste
16:03qui s'appelle Pierre Ancet
16:04qui s'appelle Autojustice
16:05où il démontre que
16:06si l'État est défaillant
16:07à un moment donné,
16:08c'est...
16:09C'est le citoyen ?
16:10C'est la fin du pacte social
16:12qui est en danger.
16:13C'est-à-dire que le pacte social
16:14et la Constitution,
16:15c'est ça,
16:16c'est que vous donnez
16:17à l'État,
16:21votre adhésion,
16:22ses prérogatives,
16:23de vous défendre
16:24et de juger.
16:25Si l'État est trop faible,
16:27évidemment que c'est un risque
16:28sur le pacte social.
16:29Donc il y a une urgence
16:30à renforcer,
16:31évidemment,
16:32les services de police,
16:33évidemment, la justice.
16:35Et ce n'est pas
16:36qu'une question de moyens,
16:37je le dis,
16:38même si les moyens
16:39sont très importants
16:40pour construire des prisons,
16:41pour recruter...
16:42Et en prise idéologique.
16:43Évidemment,
16:44il faut aussi réfléchir
16:45à notre procédure,
16:46à reprendre aussi
16:47le sens de la peine,
16:48de la sanction,
16:49de la dissuasion.
16:50Et être efficace
16:51par rapport à des organisations
16:52criminelles
16:53qui, elles,
16:54le sont énormément.
16:55Sinon,
16:56le risque,
16:57on l'a entendu,
16:58notamment,
16:59c'est l'auto-justice.
17:00Et votre livre,
17:01là,
17:02prend tout son sens.
17:03C'est ce titre,
17:04Justice, la colère,
17:05qui monte doublement,
17:06récompensée,
17:07notamment,
17:08par le prix
17:09du Barreau de Paris.
17:10Ce n'est pas rien
17:11avec, évidemment,
17:12les paroles claires
17:13que vous avez.
17:14Je vous en remercie,
17:15Béatrice Brugère.
17:16Bonne journée à vous.
17:17Merci.
17:18Merci, Béatrice Brugère.

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