Dans son édito du 20/01/2025, Paul Sugy revient sur la proposition de la ministre du Travail Catherine Vautrin qui appelle à travailler un jour de plus chaque année, gratuitement.
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00:00Et si chaque salarié français travaillait une journée de plus chaque année, mais gratuitement ?
00:05C'est une idée qui avait déjà fait polémique lors du débat sur le budget de la Sécurité sociale
00:09et que la ministre du Travail Catherine Vautrin a ressorti hier dans le JDD.
00:14Et ça vous met en colère ce matin, Paul Sujit ?
00:16Oui, je trouve que c'est une idée effectivement très inquiétante.
00:19Au fond, l'idée, c'est de ressusciter le jour de solidarité qui a été instauré en 2004.
00:24Le fait que, par exemple, lundi de Pentecôte ou un autre jour férié de l'année,
00:27eh bien, on va au travail quand même, mais on n'est pas payé.
00:29Ce serait une forme de deuxième jour de solidarité.
00:31Sept heures par an, travaillé, mais pas payé.
00:34Cette proposition, elle a été faite par la majorité de centres droits au Sénat
00:38pendant le débat à l'automne sur le financement de la Sécurité sociale.
00:41À l'époque, ça avait suscité un tollé.
00:43On s'était rendu compte en plus que les sénateurs qui proposaient gentiment cette réforme
00:46étaient eux-mêmes exemptés de ces sept heures de solidarité.
00:50L'idée était de rapporter deux milliards chaque année au budget de la Sécurité sociale.
00:54Et c'est vrai que les milliards, c'est un peu ce qui manque parfois dans le budget de la Sécurité sociale.
00:59Mais cet enterrement qui devait avoir été enterré avec le rejet du PLFSS
01:04est donc ressorti par Catherine Vautrin,
01:07sur le mode en plus un peu pénible et infantilisant de l'euphémisme.
01:10Dans le JDD hier, la ministre du Travail nous dit
01:12« ça n'est jamais que dix minutes par semaine ».
01:14C'est sûr qu'avec ce calcul, tout devient plus simple.
01:16Alors je ne demande pas dix minutes à Catherine Vautrin, deux suffiront.
01:19Mais écoutez donc un peu, le fait de pouvoir demander à nouveau aux actifs
01:24de financer l'intégralité des politiques sociales du pays
01:28avec un effort supplémentaire, c'est au fond continuer de les rendre un peu plus
01:32les mules d'un système dont tout le poids repose sur leurs épaules.
01:36Et je crois que ce n'est pas ça qui va permettre de sauver les finances de la Sécurité sociale.
01:40Alors l'idée est quand même assez logique, Paul.
01:42On a un système de santé qui repose sur la solidarité des actifs,
01:46donc on va dire des salariés, de ceux qui travaillent.
01:48Donc si on manque d'argent, il faut leur demander un effort supplémentaire.
01:51Oui mais Romain, justement ce principe de solidarité
01:53qui était le fondement moral de notre politique sociale
01:56est précisément en train de se lézarder sous nos yeux
01:59avec cette accumulation d'efforts supplémentaires.
02:02La solidarité d'abord n'est plus choisie, elle est contrainte.
02:05Et la contraction de la population active par rapport notamment
02:08au nombre de bénéficiaires qui profitent des politiques sociales
02:11rend ce système de plus en plus inique et ruineux.
02:15Les actifs supportent déjà l'intégralité de la dépense sociale.
02:17Dans les années 60, c'est-à-dire l'âge d'or du hugolisme social,
02:20on avait un actif pour quatre retraités.
02:23C'est encore soutenable.
02:24Au tournant des années 2000, on est passé à un actif pour un retraité et demi.
02:27Aujourd'hui, on se rapproche dangereusement du ratio 1 pour 1.
02:31Alors pardonnez-moi la comparaison,
02:33mais si chaque actif doit supporter un retraité intégralement,
02:37je préfère presque le prendre chez moi dans mon salon.
02:39Au moins, on pourra discuter entre nous.
02:40Vous voyez ce que je veux dire ?
02:41C'est ça qui est en train de se passer concrètement sous nos yeux.
02:44La démographie fait que les choses se passent de cette façon-là.
02:48Ajoutez à cela, et notamment au poids des retraites dans la dépense sociale,
02:52le nombre d'assurés sociaux qui ne contribueront jamais au système de solidarité
02:56parce que nous avons organisé de manière méthodique leur éviction du monde du travail
02:59grâce à des politiques d'assistanat social.
03:01On ne peut plus s'en sortir.
03:02Alors, dans ce cas, où est-ce qu'on va trouver l'argent pour nos politiques sociales ?
03:06Mais l'argent le plus facile à trouver pour les caisses de l'État,
03:08c'est d'abord celui que l'État ne dépense pas.
03:10Ça paraît trivial de le dire,
03:11mais si Catherine Vautrin arrive avec cette proposition sur la table,
03:14c'est aussi parce que nous avons échoué à faire des économies sur la dépense sociale.
03:19Il faut voir comment est-ce que l'on a empêché,
03:20justement à l'issue de ce débat avorté sur la politique sociale de l'État,
03:24comment est-ce que l'on a empêché, par exemple,
03:25de différer la revalorisation des pensions de retraite des retraités.
03:30Ce sont les retraités qui sont les faiseurs de roi en politique, c'est normal.
03:32Leur poids démographique est aussi un poids électoral
03:35et ce sont eux qui emportent à la fin les décisions politiques,
03:38ce qui fait que tous les partis de droite et de gauche confondus
03:41auraient eu bien du mal à essayer de prendre des décisions qui déplaisent aux retraités.
03:44Et puis, il faut bien le dire aussi,
03:45il y a une distorsion même dans le monde de la représentation syndicale.
03:48Les syndicats, parce qu'il n'y a pas eu de renouvellement de leurs adhérents
03:51depuis quelques années,
03:52sont de plus en plus des syndicats de retraités ou de presque retraités.
03:55Toute cette distorsion politique fait qu'à la fin,
03:57ce sont eux qui sont les plus représentés.
03:58Et donc, c'est aux actifs qu'on va naturellement demander un effort.
04:017 heures de plus gratuitement par an, c'est rien.
04:03Dans un an, ça sera 10 heures, 15 heures, 20 heures.
04:06Vous voyez, ça ne peut plus durer sur ce mode-là.
04:07Il faut faire des efforts d'économie globaux
04:10car nous n'avons plus les moyens de financer
04:11ce déficit abyssal de politique sociale.
04:18Sous-titrage Société Radio-Canada