Mathieu Meffre, Directeur Général de LEADERS LEAGUE revient sur le rapport entre Private Equity & développement durable avec les intervenants du panel Private Equity & impact climatique : investir pour un avenir durable, qui s'est déroulé le 14 novembre au Pavillon d'Armenonville à Paris lors du Private Equity Exchange.
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00:00Et nous débutons cette deuxième journée pour la 23e édition du Private Equity Exchange.
00:10Vous êtes toujours sur Bsmart4Change, on a délocalisé les plateaux pour venir à la
00:13rencontre des acteurs du Private Equity, des fonds et des Corporate Ventures.
00:17On va y revenir dans un instant.
00:18J'ai le plaisir d'accueillir à ma droite Yann Coïc, vous êtes Head de EDF Pulse Ventures.
00:23Bonjour Yann.
00:24Bonjour.
00:25Vous allez bien ?
00:26Très bien.
00:27On va revenir avec Morgane Carval, vous êtes Directeur Impact Investing au sein d'Arkea
00:31Capital.
00:32C'est bien ça.
00:33Bonjour.
00:34Merci d'être avec nous.
00:35Je le dis à l'instant, vous étiez ensemble sur scène pour cette plénière d'ouverture
00:37du jour 2 sur un thème ô combien important, PI et climat, investir durablement.
00:42Alors c'est intéressant d'avoir sur un plateau en même temps un fonds d'investissement
00:46et en même temps un Corporate Venture, ce qui nous permet d'avoir deux prismes différents.
00:51Comment l'économie, comment l'industrie du POU, en tout cas de l'investissement se
00:54saisit du thème climat ? Et vous venez d'en parler pendant près d'une heure.
00:57Si on devait récapituler un petit peu vos propos, autour de quoi ça tourne ? D'abord,
01:03est-ce que, peut-être je me retourne vers vous Yann parce que vous me parlez chiffres
01:06un petit peu à l'instant.
01:07Est-ce qu'en France, en Europe, on s'en sort bien ?
01:09Oui.
01:10Voilà.
01:11Est-ce qu'il y a des freins ? Quels sont les leviers à actionner pour faire en sorte
01:15que l'impact soit toujours plus intégré dans la démarche de nos fonds d'investissement ?
01:19Oui.
01:20Alors en Europe et en France particulièrement, on s'en sort plutôt bien et même malgré
01:25la crise.
01:26Il y a eu une crise de financement avec la hausse des taux, mais aujourd'hui, quand
01:28on regarde sur une durée de 15 ans, l'investissement qui a été réalisé par des financeurs français
01:36dans l'innovation et notamment l'innovation climatique, il a été multiplié par 4.
01:40On a un peu plus de 20 milliards par an aujourd'hui et sur ces 20 milliards, la moitié ont été
01:45investis dans des start-up françaises.
01:47Donc, on a quand même de quoi se réjouir.
01:50Maintenant, le paysage non plus n'est pas totalement rose.
01:52Dans la chaîne de l'innovation, ce qu'on contacte, c'est qu'il y a une espèce de
01:57vallée de la mort de l'investissement, notamment dans tout ce qui est deep tech et dans la
02:03phase finale où le produit n'est pas encore totalement prêt à être commercialisé.
02:07Si BPI n'était pas là ?
02:08Si BPI n'était pas là, la vallée de la mort, il n'y aurait plus que des morts dedans.
02:14Oui, c'est ça.
02:15Et donc, merci à la BPI d'être là.
02:17Le message, c'est quand même qu'on a besoin, nous, investisseurs aussi, d'aller investir
02:21ce champ d'investissement, de créer des nouveaux véhicules d'investissement pour
02:25combler cette marche entre ce qu'on appelle le TRL, le Technology Readiness Level, entre
02:327, le TRL 7 avant la commercialisation et le TRL 9 pour pouvoir faire émerger beaucoup
02:39plus de technologies hardware parce qu'on aura besoin de hardware pour aller enlever
02:44les molécules de CO2 de l'atmosphère.
02:46Le SAS est important, le logiciel est important, mais le hardware aussi.
02:50Et on a un vrai atout en Europe et en France sur ces sujets-là parce qu'on a une recherche
02:55fondamentale qui est extrêmement bonne.
02:57On a des instituts de recherche en Europe qui savent travailler avec des entreprises
03:02aussi.
03:03Ce dont on manque cruellement, c'est d'investissements et d'acteurs qui sont prêts à prendre des
03:08risques sur des durées qui sont longues.
03:10Avec le thème de la réindustrialisation qui est quand même un des piliers du mandat
03:15actuel et qu'on retrouve d'ailleurs chez BPI qui va mettre un tiers de ses investissements
03:19sur l'industrie et un tiers de ses investissements sur l'impact pour les cinq prochaines années.
03:23En tout cas, ça se met en place, mais force est de constater qu'il faut toujours aller
03:27un peu plus loin pour pouvoir jouer contre les US ou en tout cas être un interlocuteur
03:32de qualité pour des marchés importants.
03:34Tout à fait.
03:35Est-ce que c'est vrai, et évidemment on va développer avec vous Morgane dans un instant,
03:39est-ce que c'est vrai que les LPs US sont, enfin, bonne partie des LPs US sont beaucoup
03:44moins attentifs au sujet ESG que peut l'être le marché européen ?
03:49Oui, je peux prendre la réponse.
03:54En fait, il y a eu des gros débats ces deux dernières années sur ce qu'on appelle la
03:58responsabilité fiduciaire, c'est-à-dire l'obligation pour les LPs de délivrer un
04:04rendement.
04:06Il faut se rappeler qu'il y a un système de retraite qui est privé.
04:09Les fameux pension funds.
04:10Les pension funds ont une obligation de servir la pension de leurs adhérents.
04:17Il y avait ce débat au sein des pension funds entre leur responsabilité fiduciaire, c'est-à-dire
04:22financière, et le risque éventuel de limiter l'univers d'investissement en intégrant
04:28des sujets ESG.
04:29Mais je pense qu'il y a un contexte qui est un peu particulier aux Etats-Unis qu'on retrouve
04:33beaucoup moins en Europe.
04:35Donc qui s'applique beaucoup moins en Europe où on a des LPs qui, à contrario, sont plutôt
04:43demandeurs parce qu'on a aussi une réglementation qui est très forte, parce qu'on a une pression
04:48politique et sociétale qui n'est pas la même.
04:50Et du coup, on a, comme le disait Yann, une industrie financière et de priorité équitique
04:55qui est très en avance sur ces sujets extra-financiers, notamment climatiques, par rapport à ce qu'on
05:00voit aux Etats-Unis.
05:01Et on rappelle que, historiquement, Arkea, c'était un captif et que vous avez ouvert
05:05aux instits et où vous avez ouvert le fundraising aux acteurs institutionnels et peut-être
05:10aux retails.
05:11J'imagine que ce serait logique vu d'où vous venez.
05:12Oui, exactement.
05:13Donc Arkea Capital, qui est la filiale d'investissement en haut de bilan du crédit mutuel Arkea,
05:18effectivement a fait un virage vers du compte de tiers depuis trois ans maintenant et une
05:23ouverture vers des institutionnels au travers de fonds d'impact notamment, les fonds que
05:27je gère, et aussi auprès d'une clientèle retail qui est demandeuse de pouvoir investir
05:32dans ce type de support.
05:33Parfait.
05:34Vous me parliez de tous les deux, mais à un niveau différent, du mot risque associé
05:39à votre thématique d'investissement.
05:40Est-ce que vous pouvez le développer ?
05:41Alors…
05:42C'est risqué l'impact ? Ou alors, qu'est-ce que vous voulez dire par risque ?
05:47Alors oui, c'est risqué l'investissement dans l'innovation impact parce que c'est
05:54un champ encore inconnu avec des incertitudes, mais c'est aussi fait pour dérisquer, nous,
06:01notre industrie.
06:02Donc quand je parle pour EDF, investir dans l'impact, c'est chercher à dérisquer
06:09la manière dont on va travailler demain.
06:10Donc c'est par exemple investir dans l'impact quand on va regarder le sujet biodiversité.
06:16Pourquoi ? Parce que quand on développe un projet d'infrastructure qui est quand même
06:20significatif, on doit être en mesure de mesurer la biodiversité sur l'écosystème
06:28sur lequel on va installer notre installation et on doit le mesurer dans la durée.
06:31Donc c'est important pour nous d'aller investir dans des entreprises qui vont nous
06:35aider à dérisquer cet impact biodiversité.
06:39Et pour le faire, on est obligé et on souhaite, nous, investir dans des entreprises innovantes.
06:44Donc c'est assez marrant parce qu'on fait un investissement risqué pour dérisquer
06:50la manière dont on exploite des actifs.
06:52Mais aujourd'hui…
06:53C'est pas le risque la base de la finance ?
06:54Si, c'est la base de la finance.
06:57Et je reviens à mes propos tout à l'heure.
06:59Ce dont on a besoin aujourd'hui, le principal risque, je le disais lors de la conférence,
07:03le principal risque, c'est l'absence de prise de risque.
07:06C'est qu'aujourd'hui, le principal risque, c'est de ne pas avoir d'investisseurs
07:11qui sont prêts à prendre un risque sur la durée pour permettre à des technologies
07:17hardware d'émerger et de décarboner notre industrie.
07:20Le hardware, on a souvent été à la traîne en France.
07:24Et en plus, là, on est dans une période où l'investissement en venture subit une
07:28correction énorme.
07:29Tout à fait.
07:30Donc c'est sûr que là, on est dans une période…
07:31On est un peu au milieu du guet.
07:32Oui, on est au milieu du guet.
07:34La chance, entre guillemets, c'est qu'on attire aussi en Europe maintenant, nous on
07:41le voit sur les tours de financement auxquels on peut participer, on attire des fonds américains,
07:48des fonds souverains en Europe sur des technologies européennes parce que sur la deep tech, on
07:54a été à la traîne sur son financement, mais la recherche a tout le temps continué.
07:58Et donc aujourd'hui, on a des technologies qui sont vraiment, qui font la différence
08:02sur le marché.
08:03Et c'est peut-être là que c'est dommage d'ailleurs, c'est que les personnes et
08:09les institutions qui sont les plus à même de les financer aujourd'hui et qui participent
08:13au tournotable, c'est parfois sur des gros tours, pas des fonds français, pas des corporate
08:19français, c'est des fonds américains, des fonds aussi du Moyen-Orient.
08:25Ce qui est rageant parce que quand on pense au coverage que vous devez organiser vous
08:29dans vos structures pour pouvoir trouver les bonnes boîtes, de se dire qu'un fonds
08:32de pension ou d'un hedge ou n'importe quel acteur qui en plus n'investit pas toujours
08:39en direct, qui n'a peut-être pas un métier aussi naturellement orienté marché, arrive
08:43à trouver de telles idées et à venir investir à notre place, c'est un peu rageant.
08:46Moi je trouve que c'est bien, au contraire, nous on est des entreprises qui ont le potentiel
08:53de s'exporter aux Etats-Unis, on va toujours chercher à accueillir dans le tournotable
08:58un fonds américain qui pourra les accompagner.
09:00Donc le fait d'avoir une ouverture capitalistique à des fonds étrangers, c'est plutôt un
09:05vecteur de bon développement et on sait que l'internationalisation des start-up français
09:10c'est toujours un sujet, donc quand on rajoute des compétences en tournotable, moi je trouve
09:14que c'est plutôt très très positif.
09:16On est d'accord, mais si on parle d'une phase de développement qui permet d'imaginer
09:21une internationalisation et un besoin d'accès à un marché US, si on est encore dans la
09:25phase d'atteinte de maturité, d'atteinte de vitesse de croisière, d'atteinte de maturité
09:30produit, début de clientèle, là j'imagine qu'il y a moins d'américains qui se pointent
09:35pour s'investir.
09:36Vous parliez de risque également Morgane, du coup, qu'est-ce que pour vous le risque
09:41associé au climat ?
09:42Sans paraphraser ce qu'a dit Yann, on a un changement de paradigme en fait, là depuis
09:50cinq ans, il y a un changement de paradigme, effectivement je reprends, c'est risqué de
09:54pas prendre en compte le climat aujourd'hui.
09:57Le modèle des fonds private equity, c'est une détention de 5 à 7 ans, on va céder
10:02à quelqu'un qui va réinvestir à 5 à 7 ans, donc ça veut dire que quand on investit
10:08aujourd'hui, j'ai une vision à 15 ans, aujourd'hui considérer que l'externalité climat va pas
10:15se réinternaliser dans les 15 ans, je pense que si on n'intègre pas ça au modèle de
10:21prévision et au business plan, on prend un risque qui est très très important.
10:25Donc là on parle pas de financement de l'innovation, on parle de financement d'activité très
10:29très classique et plus on est dépendant ou électro-intensif ou carbone-intensif, plus
10:35le risque il est important.
10:36Mais il y a deux corollaires au risque carbone, on parle beaucoup de climat et de carbone,
10:42c'est l'eau et c'est la biodiversité et après quand on parle d'internalisation
10:49du risque, on pense tous à la taxe carbone, il faut aussi intégrer les coûts d'adaptation
10:55éventuels sur les infrastructures et ça veut dire pas mal de variables finalement
10:59nouvelles à intégrer au business model des entreprises.
11:03Mais dans une optique à 5, 10 voire 15 ans, c'est absolument essentiel d'intégrer ça
11:08dans les modèles économiques.
11:10Merci beaucoup Morgane.
11:12Et après le mot risque, j'ai beaucoup entendu le mot opportunité, ce qui est normal parce
11:16que c'est votre job de faire du risque une opportunité.
11:19Alors si on devait revenir en 2024, à l'heure où on parle, les opportunités sont là,
11:29elles sont nombreuses, vous avez un marché profond, comment vous organisez l'origination
11:33et comment vous en tirez profit dans le but évidemment d'améliorer la partie climat ?
11:38C'est une bonne question effectivement.
11:42Sur la partie impact, les fonds We Positive Invest, on investit dans des entreprises innovantes
11:47donc qui apportent des solutions souvent pour permettre d'accélérer la transition des
11:52groupes historiques sur des secteurs qui sont très impactés, je pense au transport, à
11:57l'énergie, il y en a parlé, aux bâtiments, à l'agriculture notamment.
12:02Donc l'origination, elle est assez simple, c'est assez classique pour un fonds mais on
12:08est très présent dans des conférences sectorielles, on va sourcer des projets, on regarde des
12:13technologies.
12:14Par contre, ce qu'on va beaucoup regarder c'est la scalabilité et le ROI climat sur
12:19un investissement.
12:20C'est-à-dire qu'on va chercher des solutions qui peuvent avoir un retour sur investissement
12:24climat, ce qu'on appelle le payback climatique très important pour leurs clients, à un prix
12:30on va dire raisonnable, on est quand même dans un marché qui est compliqué en termes
12:34de demandes et des solutions qui sont très scalables.
12:38C'est vraiment ça le focus, on est moins exposé en stratégie d'investissement sur
12:46des investissements plus deep tech, industriels, qui là demandent du temps long et des moyens
12:51très importants et un soutien dans la durée.
12:54On n'est pas un fonds infras effectivement.
12:58Oui, de notre côté nous, pour revenir à mon propos introductif, on n'a pas du tout
13:04de mal à sourcer notre deep flow, on rencontre 500 startups par an pour réaliser à la fin.
13:12Alors il y a une grande sélectivité, 4-5 investissements par an et on arrive à avoir
13:18un panel, c'est assez extraordinaire, de startups en Europe qui va de la plateforme
13:26SAS pour la canting sur le carbone, à des startups beaucoup plus industrielles sur
13:35le développement de nouveaux moyens de production d'électricité décarbonée, d'eau pour
13:39poche à l'heure haute température, à les SMR AMR sur la fission nucléaire et également
13:48à des sujets qui sont très importants aussi quand on parle d'impact, c'est le recrutement,
13:53arriver à recruter et à fournir des formations sur la transition énergétique à des populations
14:02qui sont soit en transition, parce qu'un des gros enjeux pour pouvoir réaliser cette
14:07transition, ça va être de réussir à sourcer les compétences adéquates pour permettre
14:14la transition énergétique.
14:15Et là-dessus aussi, l'innovation et les startups, notamment françaises, apportent
14:22des solutions qui peuvent être des game changers selon nous.
14:26Ça veut dire qu'une boîte qui fait un Indeed du directeur, directrice RSE ou du
14:31talent RSE, ça rentre dans votre stratégie d'investissement ?
14:33Ce qui rentre dans notre stratégie d'investissement, je pense à des boîtes dont on entend parler
14:43parfois sur le marché, la Solive, l'Étincelle, des boîtes qui ont développé des processus
14:49à la fois digitalisés et physiques de formation spécifique de cohortes sur des métiers
14:54spécifiques de la transition énergétique, plutôt pour les colvaires, ça, ça rentre.
14:58Et ensuite, des boîtes aussi qui font de l'upscaling de ressources internes à des
15:05grands groupes pour pouvoir les rediriger vers les métiers de transition énergétique,
15:10ça, ça rentre.
15:11Merci à tous les deux.
15:12Merci infiniment de nous avoir suivis pour parler climate et private equity.
15:16Vous aviez à ma droite EDF, Pulse Venture, à ma gauche Arkea Capital pour la partie
15:20Impact Investing.
15:21Merci à tous les deux d'être venus.
15:23Vous nous retrouverez dans un instant pour la suite des programmes sur BeSmart4Change.
15:26Merci à tous.