Comment le langage des trois blocs de ces Législatives se radicalise au cours de la campagne, avec un réel tournant au soir du premier tour : décryptage et analyse avec Véronique Reille-Soult, experte en stratégie de réputation, en communication de crise et spécialiste de l'opinion, présidente de Backbone Consulting.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 02 juillet 2024.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 02 juillet 2024.
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00:00Amandine Bégaud et Yves Calvi, RTL Matin, jusqu'à 10h.
00:04Il est 8h20, bonjour Véronique Reissult.
00:06Bonjour.
00:07Merci de nous rejoindre dans la matinale d'RTL, vous êtes spécialiste en communication, gestion de crise, analyse de l'opinion
00:11et vous présidez l'agence Backbone Consulting.
00:14En tant que communicante, comment jugez-vous cette campagne des législatives
00:18et plus globalement le bouleversement politique que nous sommes en train de vivre ?
00:21Ce qui est très étonnant, moi j'aime bien, comme vous savez, regarder ce que les gens expriment sur les réseaux sociaux
00:26et sur l'ensemble des réseaux sociaux.
00:29Déjà, on a une espèce d'intérêt montant constant.
00:33Pour vous donner une idée, il y a à peu près 500 000 messages sur l'ensemble des réseaux tous les jours,
00:38ce qui est colossal.
00:39Deux-mille millions.
00:41Oui.
00:42En fait, les gens ont envie de commenter, ont envie de participer, ont envie de donner leur avis.
00:46De débattre.
00:47De débattre et donc d'être écoutés aussi et là, c'est un autre sujet.
00:52Ils ne sont pas forcément toujours écoutés.
00:53Alors, l'extrême droite au pouvoir, c'était impensable il y a à peine une vingtaine d'années.
00:57Le parti de Marine Le Pen a gagné la bataille de la communication.
01:00Alors, ce qui est évident, c'est qu'avec le temps, ils se sont dédiabolisés.
01:05Mais surtout, là où il y a eu un mouvement qui a commencé à être observable il y a quelques années,
01:11qui est en fait dans ce qu'on appelle les bio.
01:13Vous savez, quand vous êtes sur les réseaux, vous décrivez qui vous êtes.
01:17Et il y avait des gens, c'était constitutif de leur positionnement, ils disaient anti-FN, tout sauf le FN, tout sauf le RN, voilà.
01:25Les gens qui mettaient ça dans leur bio, ça a diminué de plus en plus.
01:28Et on a vu commencer à sortir des gens qui disaient, avec le FN, j'en suis, il faut voter, soutien inconditionnel A.
01:36Et donc, ça donnait quelque chose d'intéressant dans l'opinion qui était,
01:39ah, en fait, non seulement ils sont dédiabolisés, mais on commence à le revendiquer.
01:43Et ce qui est intéressant, c'est qu'à l'inverse, le LFI en particulier,
01:49il n'y a eu pendant très longtemps quasiment aucun compte qui était contre.
01:55— Aucun bruit, on dirait. — Voilà.
01:56Beaucoup de gens qui étaient pour, évidemment, et qui l'inscrivaient dans leur bio.
01:59Et là, aujourd'hui, on commence à avoir des gens qui disent tout sauf.
02:02Donc c'est intéressant de voir qu'il y a une espèce de... — Tout sauf la France Insoumise ? — Oui.
02:06— Quelle analyse faites-vous de la sanction politique de Jordan Mardela ?
02:09— On va dire qu'il y a... — 28 ans. — 28 ans, déjà, qu'il parle bien, que c'est un communicant,
02:15qu'il a tous les codes, mais il a tous les codes de l'ensemble de la société.
02:18Il s'est parlé aux personnes un peu plus âgées, on va dire,
02:22en étant rassurant et en étant un peu le gendre idéal, et puis il s'est parlé aux jeunes.
02:26— Alors, vous qui êtes une spécialiste des réseaux sociaux,
02:29M. Mardela est-il devenu le premier influenceur politique en France ?
02:32Non, mais on peut se poser la question. Voilà, la stratégie du selfie, ça marche ?
02:36— Alors, la stratégie du selfie, il n'est pas le seul.
02:38Je vous rappelle que M. Obama lui-même faisait beaucoup de selfies.
02:42— Absolument.
02:42En revanche, la stratégie de « je communique là où sont les gens avec les codes de là où sont les gens »,
02:47ça, ça fonctionne. Donc évidemment, ça semble assez superficiel quand on regarde
02:51une vidéo TikTok aux gens qui n'y sont pas en faisant ces ridicules.
02:54En même temps, ça parle aux jeunes qui sont là.
02:56Et pour les faire voter, on peut dire en tout cas qu'il y a eu un mouvement global
03:00où les uns et les autres se sont sentis concernés et ont été votés.
03:03— J'avais envie de parler de son âge, parce que ça devrait...
03:06Est-ce que, selon vous, aujourd'hui, ça devrait inspirer les autres formations politiques
03:09confrontées à ce succès indéniable, en fait, d'un jeune responsable politique inconnu
03:13il y a encore très peu de temps ?
03:14— J'ai envie de dire qu'il y a de plus en plus de jeunes, quand même,
03:18sur l'ensemble des formations politiques.
03:20Mme Aubry est relativement jeune.
03:24Vous avez la même chose. Et il n'y a peut-être que chez les LR où il n'y a pas tant de jeunes que ça,
03:29même si M. Bellamy n'est pas très vieux, mais il n'y a pas autant de jeunes que ça.
03:33— On appelle un train de sénateurs. — Voilà !
03:35— Encore des gens de terre.
03:36— Qu'avez-vous pensé des nombreux débats organisés ces dernières semaines ?
03:40Ont-ils encore un effet sur l'opinion ?
03:41Autant, par exemple, je ne sais pas, qu'une vidéo TikTok ?
03:44— Non, pas tout à fait le même. Oui, oui, je comprends.
03:47— Je vous interromps en caricature.
03:48— Les débats, ils ont deux vertus.
03:51La première, c'est que ça permet aux militants et aux sympathisants d'être un peu galvanisés.
03:57Et puis, la deuxième, c'est que pour les indécis, ça peut leur permettre de se donner une idée.
04:02Mais globalement, quand on regardait les commentaires, en tout cas pendant les débats et post-débats,
04:06ça a surtout concerné ceux qui étaient déjà à peu près convaincus de leur vote.
04:11Et les indécis n'y ont pas trouvé forcément des réponses.
04:13— Des débats, parfois, sans présence féminine, c'est choquant.
04:16— Alors ça, par contre, ça a été extrêmement remarqué.
04:18Où sont les femmes ? Identifiées, pointées, où sont les femmes ?
04:21Alors, où sont les femmes ? C'était vrai pendant les débats du premier tour.
04:26Ça, c'était vrai encore hier.
04:28Où sont les femmes ? Sachant qu'en plus, à gauche, il y a des femmes.
04:31Parce qu'à chaque fois, la réponse était les têtes de liste,
04:33ou en tout cas les personnes emblématiques sont Bardella et Attal, donc des hommes.
04:38Mais à gauche, il y a énormément de femmes qui auraient pu parler.
04:41Je parle de nouveau de Mme Aubry.
04:43Non, pas là.
04:45Ça a énormément choqué.
04:46Et même dans les programmes aussi, non pas que les uns et les autres voulaient une page femme,
04:50parce que ça, ça ne marche plus,
04:52mais des sujets spécifiques du type la monoparentalité,
04:55qui est un sujet plutôt féminin.
04:5780% des femmes sont les familles monoparentales,
05:01et il y a des problématiques spécifiques.
05:03Par exemple, la reconnaissance dans l'entreprise.
05:05Quand vous êtes une famille monoparentale,
05:07homme ou femme, mais on va dire plutôt femme,
05:09vous ne le dites pas, parce que ça va compliquer votre promotion dans l'entreprise,
05:14le regard des uns et des autres va être compliqué,
05:16et donc il y a beaucoup de gens qui réclament un statut de la monoparentalité.
05:20Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise idée,
05:22mais la réalité, c'est que ce débat-là n'a pas du tout été abordé pendant les législatives.
05:26Est-ce que les discours se radicalisent, d'un côté comme de l'autre d'ailleurs,
05:29et de quelle façon ? Prenons un exemple,
05:31lié immigration et insécurité fut pendant très longtemps le crédeau de l'extrême droite.
05:35Aujourd'hui, les digues, visiblement, ont sauté.
05:37Alors, elles ont sauté pour plein de raisons.
05:39La première, c'est que c'est le sujet commun à l'ensemble des citoyens.
05:44En fait, il y a une inquiétude très forte sur le pouvoir d'achat et la sécurité.
05:48Ce sont les deux thématiques dont, quand vous êtes inquiet,
05:51vos propos sont parfois, on va dire, moins policés.
05:54L'autre chose, c'est que comme il n'y a pas forcément eu de débat en 2022,
05:58il y a cette impression qu'il faut débattre et il faut parler fort.
06:02Et enfin, nous vivons dans un monde où si tout le monde parle en même temps,
06:05si vous voulez être entendu, il faut être excessif.
06:07Alors, vous pouvez être excessif en beau, en drôle,
06:10mais aussi en peu élégant dans la forme du langage.
06:13On peut dire pour autant que le RN a imposé ces éléments de langage, ces thèmes ?
06:16Je ne sais pas si c'est le RN ou le RN a su coller à la réalité de ce qui inquiète les Français.
06:21Parce que ce sujet-là, il convient aussi de regarder qu'à gauche, les électeurs sont inquiets.
06:28Le pouvoir d'achat et l'insécurité sont quand même au cœur de tous ces débats et des dialogues entre les Français ?
06:35Tout le temps. Tout le temps. C'est un sujet latent, constant.
06:38Pendant longtemps, ça a été l'emploi. Pendant longtemps, ça a été la santé.
06:42Ça ne veut pas dire qu'on n'en parle plus, mais ce sont moins des préoccupations quotidiennes,
06:45hormis des cas spécifiques de déserts médicaux ou de problématiques pour être soigné.
06:50Mais le pouvoir d'achat et le logement en particulier, c'est un sujet mais vraiment latent.
06:56D'ailleurs, dans les mesures, quand je regardais ce qu'ils prenaient pendant les débats, dès qu'on parlait logement, ça prenait.
07:01Mais le logement, pour dire quoi ? Pour exprimer quelle embrasse ou quelle préoccupation ?
07:04Pour dire que c'est compliqué. Quand Bardella a dit qu'il n'y aura plus de mesures contre les passoires thermiques,
07:10ça, ça a été énormément repris et salué. En fait, le logement, les gens sont inquiets.
07:15Parce qu'ils ne peuvent pas trouver de logement, parce qu'ils ne peuvent plus acheter,
07:19parce que ça représente la plus grosse partie de vos dépenses.
07:23Donc votre pouvoir d'achat, il est extrêmement amputé par le logement.
07:26Au point où, je ne sais pas si vous vous souvenez, mais quand M. Macron, ça nous semble fort lointain,
07:31mais avait remanié la dernière fois, il y a eu très longtemps, donc près d'un mois, pour la deuxième salve.
07:37Et dedans, il y avait le logement. C'était le seul ministère que les Français réclamaient.
07:41Sur les réseaux, il disait, mais donc ça n'est pas si important que ça, pour qu'on n'ait pas de ministre ?
07:45Merci beaucoup de toutes ces précisions, Véronique Reissoult, experte en communication.