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  • 4/24/2023
"Vous avez tué le messager, mais vous ne tuerez jamais le message." Laurent Richard est le fondateur de Forbidden Stories, une organisation mondiale de journalistes d'investigation. Pour neo, il raconte l'histoire du reporter Rafael Moreno, assassiné en Colombie et dont l'enquête a été poursuivie par Forbidden Stories.

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Transcript
00:00 Les menaces allaient de manière croissante.
00:03 Il était de plus en plus inquiet jusqu'au dimanche 16 octobre.
00:06 Un homme est rentré dans ce petit restaurant qui venait d'ouvrir
00:09 et l'a abattu de trois balles.
00:10 Bonjour, je m'appelle Laurent Richard, je dirige Forbidden Stories,
00:13 une organisation mondiale de journalistes d'investigation.
00:15 Et aujourd'hui, pour Néo, je vais vous raconter ce que Raphaël nous a dit
00:18 avant son assassinat et ce qu'on a fait après en poursuivant son travail.
00:21 Raphaël enquêtait à ce moment-là sur des sujets hyper dangereux
00:25 qui avaient à voir avec la corruption, le blanchiment d'argent,
00:29 dans un endroit très dangereux de la Colombie, au nord de Medellín.
00:32 Et dans quelques jours avant sa mort,
00:35 il est en contact avec l'équipe de Forbidden Stories.
00:37 Il donne des éléments à nos journalistes, ce sur quoi il enquête,
00:42 mais aussi les menaces qu'il reçoit.
00:44 Et il nous demande une chose, que soit poursuivi ses enquêtes
00:47 si jamais il est assassiné.
00:48 Ce pamphlet, ils m'ont envoyé il y a peu.
00:50 Ils m'ont envoyé ce papier.
00:52 Et si vous voulez me tuer, tuez-moi.
00:54 Mais je vous le dis en face, vous ne me silenciez pas.
00:59 C'est un journaliste qui n'avait peur de rien.
01:03 Raphaël Moreno, il tenait une page Facebook.
01:05 C'est le point commun de beaucoup de journalistes qui sont assassinés dans le monde.
01:08 Ce sont des journalistes très isolés, qui n'ont plus aucune rédaction derrière eux
01:12 et qui se retrouvent à publier des informations très importantes
01:14 sur des murs de réseaux sociaux.
01:16 En dehors de son activité de journaliste,
01:18 il venait de monter un petit restaurant, un petit fast-food
01:22 pour payer son loyer et pour avoir quelques moyens de vie.
01:25 Et un homme est rentré le dimanche 16 octobre dans ce petit restaurant qui venait d'ouvrir
01:29 et l'a abattu de trois balles.
01:30 Raphaël Moreno.
01:33 Raphaël Moreno Garavito.
01:34 Hommes armés lui ont tiré la gueule quand il se trouvait dans un restaurant de vente de nourriture.
01:38 Ils lui ont calé la bouche pour ne pas dénoncer
01:42 toute la corruption qui se produit en Colombie.
01:44 Une fois passé le choc de la nouvelle, on a été surtout dans l'action
01:48 et on a décidé tout de suite de partir à Bogota.
01:50 On a rencontré Chiara, sa veuve, ses enfants, la soeur de Raphaël,
01:55 les proches de Raphaël, les collègues de Raphaël.
01:57 C'est évidemment une catastrophe absolue dans une vie
02:01 que de perdre son mari, que de perdre son papa.
02:04 Et le travail de Raphaël était un travail ultra dangereux.
02:07 Et sa femme, Chiara, lui disait tout le temps "ne fais pas ça,
02:13 pourquoi tu fais tout ça, tu prends trop de risques, on a des enfants".
02:16 Donc elle l'alertait là-dessus.
02:18 Mais c'était un journaliste et c'est un journaliste courageux
02:21 et qui faisait ça pour les générations futures.
02:24 Il lui avait clairement répondu "moi je fais ça aussi pour mes enfants,
02:27 pour qu'ils aient accès à l'information".
02:28 Raphaël a partagé ces informations avec l'équipe de Forbidden Stories
02:33 en expliquant sur qui il travaillait.
02:36 Il a évoqué trois, quatre sujets.
02:38 Des faits de pollution liés à une entreprise locale,
02:43 les noms Duquet et Calier de deux clans qui tiennent toute la région
02:49 avec des soupçons de blanchiment d'argent à grande échelle.
02:54 Donc il a évoqué toutes ces pistes-là.
02:57 Et en partant de ces pistes, tout le consortium,
03:00 tous les journalistes mobilisés sur le projet Raphaël
03:02 ont pu poursuivre son travail.
03:03 Cette histoire-là, elle va voir le jour non seulement à Montélibano,
03:06 à Bogotá, mais aussi à New York, à Paris et dans le reste du monde.
03:10 En poursuivant le travail d'un reporter qui est assassiné,
03:12 on envoie aussi un signal très fort aux amis de la liberté de la presse
03:14 pour leur dire "vous avez tué le messager, mais vous ne tuerez jamais le message".
03:17 Ça fait 25 ans que je fais ce métier,
03:20 et 25 ans que je voyage dans le monde entier,
03:22 25 ans que je fais des documentaires,
03:25 et dans pas mal de pays où la liberté de la presse n'existe pas.
03:28 Et au fil des années, j'ai commencé à réaliser
03:31 à quel point quand on est un journaliste français qui vient d'une démocratie,
03:35 ça peut être très utile pour ceux qui vivent dans des dictatures,
03:38 pour ceux qui ne disposent pas de la liberté de la presse,
03:40 pour ceux qui peuvent être assassinés un jour
03:42 parce qu'ils font ce même métier que moi,
03:44 qu'un autre journaliste pose les questions qu'ils ne peuvent plus poser.
03:48 Et donc ça, ça m'a donné envie de créer Forbidden Story.
03:51 J'avais enquêté en Azerbaijan où j'avais été arrêté quelques heures,
03:55 mais comme j'étais journaliste français, je n'avais été arrêté que quelques heures.
03:59 Mais pour le même type d'enquête, une journaliste amie à moi,
04:01 Khadija Ismailova, a été emprisonnée pendant un an et demi.
04:04 Et puis après, il y a un événement plus particulier qui s'est passé en 2015,
04:08 qui était l'attaque contre Charlie Hebdo,
04:11 où je travaillais à Première Ligne, qui était la porte d'enface de Charlie Hebdo.
04:15 Et ce jour-là, pendant l'attaque, je n'y étais pas,
04:18 mais je suis arrivé juste après,
04:19 quelques minutes après que les théories soient parties de l'immeuble de Charlie.
04:23 Et avec d'autres collègues de Première Ligne,
04:26 on a aidé ceux qui avaient survécu à l'attaque.
04:29 Et donc ça, ça m'a aussi questionné beaucoup sur
04:34 qu'est-ce que je pouvais faire en tant que journaliste après ça.
04:36 Tout ça m'a convaincu de créer un grand réseau mondial de journalistes
04:40 où notre mission sera simple,
04:41 quand un journaliste tombe, on poursuivra son travail.
04:45 Voilà.
04:46 [Générique]

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